Renault 14 : Une bonne poire surdouée (vidéos)

En 1976, Concorde effectue son premier vol en direction de Rio (maintenant vous pouvez trouver de nombreux vols vers cette destination), Peugeot prend le contrôle de Citroën, à Besançon on liquide Lip, Chirac démissionne et cède sa place à Barre, le RPR est créé, le pétrolier Bohlen fait naufrage au large d’Ouessant et la Bretagne découvre les affres d’une marée noire, Steve Jobs crée Apple, Carter est élu président des Etats Unis, Mao décède et la RNUR (Régie Nationale des Usines Renault) lance la 7 CV du bonheur, la R14 (Projet 120).

Elle est présentée courant janvier 1976 avant d’entrer en production à Douai à coté de la R5 à la fin du printemps et d’intégrer le catalogue Renault le 1er juillet 76 avec le millésime 1977. La R14 a la charge de succéder à la R6 (qui va encore perdurer 3 ans au catalogue) mais aussi de compléter la gamme du constructeur de Billancourt aux cotés des R12 et R16. La R14 a aussi pour mission de concurrencer une petite allemande traction (Kadett et Escort sont encore des propulsions) qui monte et d’être sa concurrente française, je veux parler de la VW Golf. Premier choc pétrolier, crise économique font que la R14 est, selon Renault, la voiture qui doit faire le bonheur des automobilistes acheteurs des voitures du segment fiscal 5-7 CV.

Lorsqu’elle apparait, la R14 semble née sous de bons auspices car sa conception tient compte des nouvelles réalités des clients des seventies et sa base est saine. Pour une voiture moyenne (on ne parle pas encore de compacte), la R14 propose un très bon niveau de confort, un vrai silence de fonctionnement qui tranche avec ce que l’on connait à l’époque sur les R6 ou R12. La tenue de route s’annonce comme facile, assez précise notamment au niveau de la direction et la consommation moyenne est des plus raisonnable pour l’époque. C’est une voiture née à l’époque de Bernard Vernier-Palliez (un homme qui connait l’entreprise les années 40 et qui sera l’homme de la première Renault mondiale, la R9) mais surtout à l’époque des violentes luttes syndicales, gauchistes qui secouent les sites de Flins et Billancourt qui iront jusqu’à faire des morts. La période est violente mais la R14 se veut une auto sage, conviviale avec ses formes arrondies mais finalement assez anodines. Cela n’aidera pas la R14 à sortir du lot malgré ses gros boucliers en plastique inspirés de ceux de la R5, une face joufflue, sympathique et un dessin général finalement harmonieux et cohérent.

Développée sur sur un plateforme spécifique à l’empattement différencié (2.53 m à gauche et 2.498 m à droite) , la R14 est une compacte 5 places dans la norme du moment qui avance les caractéristiques suivantes :

L : 4.025 m / l : 1.624 m / h : 1.405 m

poids : 865 kg

coffre : 375 dm3

4 roues indépendantes avec McPherson à l’avant et bras tirés à l’arrière avec barre de torsion, freinage mixte Disques/Tambours

Monte pneumatique d’origine : 145/80 SR 13

La R14 est bien conçue avec un large arrière qui donne accès à un coffre disposant d’un bon volume et surtout la voiture propose une habitacle clair, presque douillet et spacieux pour les passagers qui voyage à son bord. C’est la première voiture à vivre de Renault ! Pour le reste rien de très novateur, que du classique, du fiable et du facile à entretenir mais la R14 innove du coté moteur puisqu’elle dispose du nouveau moteur 1.2 L né de l’accord Peugeot/Renault via la Française de Mécanique qui produit ce bloc moteur. Le moteur est un L4 monté transversalement au dessus de l’essieu avant et il est incliné à 72° vers l’arrière. Cette implantation permettait l’installation de la roue de secours au dessus du moteur sans pénaliser le volume du coffre. C’est un bloc entièrement en alliage léger. Il servira chez Peugeot pour la 104 et chez Citroën sur la Visa. Renault lui donne une cylindrée exacte de 1.218 cm3 (alésage/course : 75 x 69 mm), il développe 57 ch DIN à 6.000 trs/min, 92 Nm à 3000 trs. L’ensemble est servi par une BVM4. Ce moteur dont la distribution se fait par arbre à cames en tête entraîné par chaîne restera en service de 1976 au millésime 1978 ou une version plus puissante sera proposée (TS). Elle reprendra le même moteur aux caractéristiques différentes qui permettent à la R14 TS ph1 de développer 70 ch grâce à la présence d’un nouveau carburateur double corps. Au millésime 1977, les 14 L et TL revendiquent une Vmax de 141 km/h et le 0 à 100 km/h en 15.7 secondes. La TS ph1 fera mieux avec une Vmax de 150 km/h et un 0 à 100 plié en moins de 14 secondes.

Les éléments sont en place, les bases d’un possible succès aussi mais d’entrée de jeu Renault commet deux erreurs marketing, une concerne la constitution de la gamme et l’autre la communication. A sa commercialisation, la R14 ne présente que deux niveaux de finition très proche L et TL qui ne diffèrent que par de petits détails et accessoires. Cela ne séduit pas la clientèle Renault qui est habitué à des gammes plus larges et plus variées en matière d’équipement. Après un lancement fait avec le slogan “la 7 CV du bonheur”, les services marketing et publicitaires du constructeurs changent du tout au tout pour “Renault 14, la poire”. Et là c’est le bide… la com ne prend du tout, on rie de cette poire Renault et cette campagne collera à la R14 jusqu’en juin 1983, date de sa disparation du catalogue Renault. Renault tentera bien de se rattraper avec les slogans ” La poire, c’est confortable”, “Une poire qui a la pêche” ou “Coupons la poire en deux” mais rien n’y fera, c’était mort d’entrée… Et si aujourd’hui, cette appellation est affectueuse, il n’en fut pas de même dans les années 70 ! Un loupé marketing qui nous vaudra quelques belles campagnes de publicités affreusement banales chez Renault durant quelques années.

En 1978, il faut se resaisir et tenter de changer l’image de la voiture, ce sera l’affaire de la nouvelle R14 TS qui se veut une version moderne, “luxueuse” et séduisante de la R14 Pour la première fois, une voiture populaire de milieu de gamme offre de série :  un stripping décoratif d’ailes avant, des jantes de style (on retrouvera ces jantes sur la R18 GTL), un antibrouillard arrière, des H4, un rétroviseur droit, des ceintures de sécurité à enrouleur à toutes les places, la fermeture électromagnétique centralisée des portières, des bas de caisse anti gravillons, un dégivrage arrière de série, une console centrale avec montre à quartz, une boite à gant fermée, des vitres avant électriques, un pré-équipement radio avec hauts parleurs avant, un compte tour, une température d’eau et des appuies têtes posés sur les fameux sièges pétales qui feront le bonheur des version HDG des R5, R9, R11, R18 et Fuego. Le luxe quoi ! Par ailleurs, le moteur comme dit précédemment voit sa puissance atteindre 70 ch. La gamme est elle aussi refondue et les versions Base, L et TL laissent la place aux TL, GTL et TS plus cossues (notamment en GTL et TS). Dès 1979, les R14 peuvent profiter d’une BVM5 en option (peu répandue sauf sur quelques TS).

L’année 1979 voit arriver le restyling de R14 avec notamment une face avant retouchée, des clignotants devenus orange et plus grands qui quittent le pare choc pour se placer à coté des nouveaux phares et la GTL (avec appuies têtes en option sauf en 83) devient le coeur de gamme en proposant le L4 1.2 L 57 ch associé à un équipement plus cossu. On n’oubliera pas que du millésime 1977 au millésime 1983, les R14 TL, GTL et TS proposeront toujours la même gamme d’options qui comprenait : sellerie simili cuir, peinture métallisée vernie, toit ouvrant en toile, vitres teintées et pare-brise feuilleté, essuie vitre arrière (sauf TL).

1980 voit aussi une évolution mécanique importante dans la gamme R14 avec l’arrivée sur la 14 TS du moteur L4 1.4 L (1360 cm3) lui aussi issu de l’association Peugeot-Renault. On retrouvera longtemps ce moteurs chez Peugeot et Citroën sur les 104, 205, 305, Visa, BX, AX dans différentes itérations. Ainsi la R14 TS propose 70 ch à 6000 trs/min, 103 Nm pour une Vmax de 157 km/het 13.0 secondes pour atteindre les 100 km/h. 2 ans plus tard, la GTL profite pour sa dernière année de vie du même 1360 mais dans une version moins puissante  développant 60 ch puisqu’alimentée par un carbu simple corps. Les années 80 voient aussi l’arrivée d’une monte pneumatique adaptée (et attendue en série par les clients) à la voiture, à savoir le 155 SR 13 qui remplace le 145 SR 13.

Au final, la R14 quitte la gamme Renault avec la fin du millésime 83 (juin 1983) mais on sait que 807 ou 808 R14 seront encore immatriculées après le 1er juillet 1983 ce qui en fait des modèles 1984 de fait. Au total et en 7 ans de vie, Renault aura produit quelques 999.193 exemplaires de la R14 répartis comme suit :

1976 : 58.048 ex

1977 :  190.561 ex

1978 : 144.357 ex

1979 : 197.707 ex

1980 : 201.894 ex

1981 : 133.703 ex

1982 : 68.717 ex

1983 : 4.206 ex

Quelques spécifications :

Une bonne compacte confortable, fiable mécaniquement mais une vraie plaie en matière de carrosserie puisque la voiture rouillait ni peu ni trop pour se transformer rapidement en dentelle au niveau des ailes Av et Ar, des bas de caisse. Renault se justifiant à l’époque par le fait que les pièces de carrosserie et les rouleaux de métal passaient trop de temps à l’extérieur sous la pluie en Italie à cause des sidérurgistes en grève à l’époque. Pour retrouver la R14 en vidéo c’est par là :

La pub fatidique :

Jean Michel Jarre + Caravelle + Bagages Delsey + effets spéciaux qui tuent ! oui nous sommes bien dans les années 70…

La R14 fut une auto que Renault envisagea en version 3 portes, Shooting Brake, 4 portes, break et même coupé à la fin des années 70 afin de relancer le modèle :

Ci dessous un sketch Renault de 1973.

Une compacte aujourd’hui oubliée  mais encore présente ici et là soit en superbe état (il y a de nombreux clubs d’amateurs en France et merci à eux pour leurs photos !) soit dans un triste état de délabrement mais encore roulante notamment en zone rurale où il n’est pas rare de voir un apprenti se faire la main sur la 14 TS de pépé Charles ou aux abords des champs pour transporter les agriculteurs et leur matériel. La fiabilité et la facilité d’entretien des mécaniques n’y sont surement pas pour rien.

Il fut même un temps où les essayeurs comparait la R14 à… l’Audi 100 et la française sortait vainqueur des tests… certains doivent sourire mais c’est vrai !

Certains d’entre vous ont peut être eu la chance d’en conduire une, de voyager à bord et personnellement je garde un assez agréable souvenir de cette compacte facile, pratique, confortable mais pas violente, d’ailleurs le sous virage du train avant et la souplesse des amortisseurs n’étaient pas fait pour cela… Une Renault qui est l’ancêtre des R11, R19, Megane et qui, rien que pour ça, mérite qu’on lui porte attention.

Merci à Forum Renault 14 ( http://renault14.dynamicforum.net/ ), FA et à tous les possesseurs de R14 qui ont pris de le temps de photograhier leurs “poires” avec amour !

Via Renault, Youtube.

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