Essai : Subaru Forester 2.0D 147 ch. Suck it and see

Subaru fête cette année ses 55 ans de production automobile, débutée, abstraction faite de l’éphémère 1500 à moteur Peugeot, avec la cheap and ugly 360 (si vous avez loupé cette mémorable campagne de pub, c’est par ici) et poursuivie avec de nombreux modèles souvent caractérisés par des moteurs boxer et une transmission intégrale. Outre les succès passés en rallye, la marque japonaise jouit surtout d’une clientèle fort loyale. C’est ainsi que depuis plus de 25 ans, mon oncle remplace inlassablement sa Subaru par une Subaru. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la marque est en croissance sur quasiment tous ses marchés… La vieille Europe (et la France en particulier) fait, vous l’avez deviné, figure d’exception. Le lancement du nouveau Forester inversera-t-il la tendance dans l’Hexagone ? Une semaine à son volant nous permettra de voir ce que vaut le nouveau SUV japonais. Suck it and see, c’est le moment de l’essayer…

Subaru ? Ah, oui, j’ai vu cette marque dans Sega Rally 2.

J’en conviens, Subaru est loin d’être la marque automobile la plus visible en France, le constructeur ayant surtout ses aficionados dans les régions alpines. En dépit de 21 ans de présence sur notre marché, les ventes n’ont jamais vraiment décollé, la faute incombant notamment à un réseau de distribution clairsemé et à un maigre budget dévolu à la communication. Peu de volumes, peu de notoriété, Subaru reste ici avant tout une marque de connaisseurs. Et une marque d’ingénieurs. Propriété du groupe Fuji Heavy Industries, dont Toyota est actionnaire à 16,5%, Subaru se distingue par certains arbitrages techniques : depuis la fin des années 70, la transmission intégrale a été l’apanage de nombreux modèles, tandis que le constructeur japonais est, avec Porsche, le seul à doter ses voitures de moteurs à cylindres à plat opposés deux à deux. A l’image de Cerdan, cette architecture s’appelle boxer. La priorité est donnée aux qualités dynamiques quitte à opter pour une base mécanique dispendieuse. Outre ces extravagances techniques, on se souviendra aussi des quelques délires ergonomiques des années 80, notamment marqués par l’excentrique planche de bord du singulier coupé XT Turbo. Une marque d’ingénieurs, donc… qui ont semble-t-il décidé de faire des économies en se séparant de tous les stylistes. A l’exception de la Legacy de 2003, les Subaru de ces quinze dernières années sont régulièrement décevantes d’un point de vue esthétique. Cette nouvelle génération du Forester n’échappe pas à la règle et oublie certaines bases de séduction. On peut aisément supposer que le design a été commis par un des ingénieurs ayant perdu un pari tandis que les tests cliniques ont été validés par des clients potentiels aux rangs desquels figurait Stevie Wonder : à première vue, ce n’est pas le coup de foudre… L’allure suggère la robustesse, la signature lumineuse des feux de position est intéressante mais globalement, l’ensemble manque un peu de grâce et de sophistication.

Rival des Ford Kuga, Land Rover Freelander, Kia Sportage, Hyundai iX35, Honda CRV, Mazda CX5, Toyota Rav4 et du trio Mitsubishi ASX, Peugeot 4008, Citroën C4 Aircross, le SUV Subaru Forester repose sur la plateforme de la compacte Impreza dont il reprend également la planche de bord, agrémentée d’une rehausse, gabarit oblige. En parlant de taille, le Forester est long de 4,60 m, large de 1,80 m et haute de 1,74 m ce qui le place dans la moyenne du segment. Produite à Ōta au Japon, cette quatrième génération est disponible en France avec les blocs boxer essence 2.0 atmo (150ch) et turbo (240ch) et avec le 2.0 boxer diesel 147ch de notre essai. Sur notre marché, la gamme essence débute à 29 900 € avec le 2.0 atmo en finition Premium tandis que les versions diesel profitent d’une version d’accès au même prix. La boite automatique CVT baptisée Lineartronic est disponible en option sur le 2.0 essence moyennant 1500€ tandis qu’elle est de série sur la XT à moteur turbo, pendant SUV de la Subaru Impreza WRX. La transmission intégrale « symetrical AWD » équipe toutes les versions. A noter qu’en France, le système Eyesight (régulateur de vitesse adaptatif et alerte de franchissement de ligne, notamment), le moteur 2.5 boxer ainsi que les harmonies intérieures claires ne sont pas disponibles. Notre modèle d’essai, en finition Premium Luxury Pack profite du cuir, du toit ouvrant panoramique, de l’accès mains libres et du GPS pour 35 900 € (soit quasiment le prix du Kuga essayé il y a trois mois). Ce laïus d’introduction étant posé, vous êtes en droit de monter à bord de ce (beau ?) SUV.

Un style décevant : que vaut la substance ?

Ouvrons les portes et faisons face à la première déception : Subaru a encore abandonné une spécificité stylistique qui caractérisait la plupart de ses modèles depuis les années 70 jusqu’au début des années 2000. En effet, les vitres, autrefois sans cadres à l’image de ce qu’on trouve sur les cabriolets, versent désormais dans une affligeante normalité : elles sont pourvues d’un entourage tôlé (et peu élégamment rapporté à la doublure de porte). Ce n’est certes qu’un détail, mais cela contribue à banaliser un produit qui n’en avait pas besoin. On se rassure, en revanche, en prenant place à bord : la position de conduite est très naturelle, et les sièges, très confortables. Celui du conducteur est doté de réglages électriques sur quatre axes, les deux sièges avant sont chauffants (deux positions) sur cette version Premium. On est ensuite frappé par l’excellente ergonomie : l’implantation des différentes commandes ne prête le flanc à aucune critique. Tout est à sa place et se règle intuitivement. Les rangements sont également bien conçus : vastes bacs de portes, vide poches pourvu d’un tapis antidérapant en bas de la console centrale et un vaste accoudoir muni de prises auxiliaires (USB et jack). Seule la boîte à gants présente un volume un peu réduit et n’est pas éclairée. A ce niveau de gamme, c’est mesquin. Et ce n’est pas un cas isolé : les vitres électriques passagers sont dépourvues d’impulsion, il est également impossible d’ouvrir ou fermer les vitres et le toit à l’aide de la télécommande (les vieilles Impreza le permettaient), les projecteurs sont au xénon pour les seuls feux de croisement et sont dépourvus d’AFS (c’est bien, mais ça aurait pu être mieux). Enfin, le Forester est pourvu de l’accès et du démarrage mains libres : c’est très pratique… A ceci près que Subaru a oublié une prestation : celle de pouvoir verrouiller le véhicule sans utiliser le plip, les poignées de portes n’étant pas munies de bouton de fermeture. Mieux vaut ne pas laisser le badge au fond de son sac à main (pas facile d’être une femme)… Enfin, si la voiture possède une caméra de recul, elle fait l’impasse sur les radars de stationnement. Au sommet de la planche de bord, trône l’écran de l’ordinateur de bord qui recèle la fonction la plus incongrue qui m’ait été donné de voir : il est possible de mesurer la durée d’action des aides à la conduite (ABS, ESP…). Je me demande encore quel genre de client peut être intéressé par ce type d’information. Une jauge de température moteur eût été plus utile.

Pour le reste, la voiture est très habitable ; le conducteur et les passagers jouissent d’une bonne visibilité périphérique, la ceinture de caisse étant basse et les montants, relativement fins. Le clou du spectacle est assuré par l’immense toit ouvrant panoramique électrique dont la dimension d’ouverture est d’environ 80×70 cm. Par rapport au Ford Kuga, le toit de la Subaru s’ouvre bien plus largement mais la surface vitrée de ce premier est supérieure. L’implantation du toit mérite aussi des éloges dans la mesure où celui-ci profite aussi bien aux passagers du rang 1 qu’à ceux du rang 2 ; l’acoustique est bonne et le flux d’air, bien maîtrisé. Inutile de dire que je suis conquis… Côté coffre, le volet est pourvu d’une ouverture électrique et le volume se montre régulier et conséquent. La banquette peut se rabattre depuis le rang 2 ou le coffre ce qui est pratique. Subaru a également eu la bonne idée de recourir à des garnitures plastiques et non à une moquette pour l’habillage latéral du coffre : autrement dit, vous pourrez salir le compartiment arrière sans crainte d’un nettoyage délicat. C’est d’ailleurs une des forces de la voiture : elle semble robuste, parée à toute épreuve, immunisée contre les méfaits des années, de vos loisirs ou de vos enfants. Lifestyle, comme disent les mangeurs de fish&chips. Un mot sur l’infotainment pour finir : la qualité d’écoute du poste (6 hauts parleurs) est tout juste correcte, le son manquant un peu de profondeur. Seules les versions 2.0D Sport et 2.0 XT peuvent bénéficier de la surmonte Harman Kardon qui devrait améliorer l’ordinaire. Enfin, si l’ergonomie du GPS est assez intuitive (et la connexion Bluetooth, facile), l’écran tactile est vraiment dépassé : les boutons sont trop petits, l’écran est long à la détente et nécessite une pression importante du doigt pour actionner un menu. C’est dommage, d’autant plus que l’esthétique laisse à désirer… Décidément, ils ont du mal avec le design !

Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ait l’ivresse…

Ivresse, ivresse… N’y voyez aucune subversion, j’étais sobre. Mais le Forester est surprenant à bien des égards pour un SUV diesel : d’une part, la sonorité du moteur est agréable. En effet, en raison de son architecture mécanique (pistons à plat opposés deux à deux), le quatre cylindres distille une mélodie autrement moins banale que celle d’un moteur en ligne. Avouez qu’en général, ce n’est pas le genre de compliment que l’on peut lire au sujet d’un 2.0 diesel. D’autre part, et toujours de par le choix d’avoir installé un moteur boxer, le centre de gravité de la voiture est sensiblement abaissé par rapport à celui des concurrents, optant systématiquement pour des moteurs en ligne transversaux. Dans les faits, ça se solde par des prises de roulis très maîtrisées en dépit de la hauteur du Forester. A titre de comparaison, le Ford Kuga, pourtant assez abouti, se montre moins à l’aise dans les changements d’appuis, notamment en ronds-points. En ce sens, le SUV Subaru se rapproche nettement d’une berline en termes de qualités dynamiques. Ajoutons à cela une direction agréable et le Forester semble bel et bien se poser en référence de son segment. La perfection serait-elle de ce monde ? Vous vous en doutez, la réponse est non : la commande de boîte requerra une poigne sensiblement virile pour être manipulée. Le moteur 2.0D Boxer du Forester n’est par ailleurs disponible qu’en boîte manuelle 6 vitesses (à l’étagement certes réussi). Les Legacy et Outback étant désormais livrables avec la transmission CVT Lineartronic, il y a fort à parier que cette dernière fasse son apparition sous le capot du Forester dans les mois à venir mais Subaru n’avance aucune date. Wet and sea, comme on dit, mais en attendant, c’est un peu dommage.

Côté performances, le moteur développe l’honorable puissance de 147 destriers, largement suffisants pour animer les 1540 kg du Forester (couple de 350 Nm à 1600 tr/m). Tout diesel qu’il est, le moteur monte vaillamment dans les tours (mais pas trop haut, donc) et la voiture se meut sans inertie aucune. La voiture se prête volontiers à une conduite dynamique, l’excellent châssis aidant. L’amortissement n’est d’ailleurs pas en reste et le confort est soigné. L’autre bonne surprise vient du niveau sonore, très maîtrisé qu’il s’agisse des bruits aérodynamiques ou mécaniques. L’impression de vitesse est d’autant plus estompée que la position de conduite est surélevée. On regrettera d’autant plus que le régulateur de vitesse ne soit pas adaptatif sur notre marché, le système Eyesight n’étant visiblement pas disponible en Europe. En dehors des sentiers battus, le Forester peut compter sur une garde au sol de 22 centimètres et sur une répartition 50/50 de la transmission et un hill assist. Les versions diesel ne peuvent cependant pas disposer du X-Mode (équivalent Subaru du HDC de Land Rover), gérant automatiquement le freinage lors des descentes en hors piste. Ayant crapahuté sur des terrains somme toute peu exigeants, je ne saurais pas vous dire quel est le potentiel exact du Forester, sachez simplement qu’il grimpe parfaitement les trottoirs. Côté consommation, l’ordinateur de bord et moi avons relevé 7,5 litres de moyenne, partagée entre ville et autoroute, en oubliant de conduire économiquement. Soit ce que fait une Mondeo 7CV diesel en pareille situation… Globalement, le Forester est un SUV destiné à ceux qui aiment conduire et qui souhaitent éviter les sempiternelles prises de roulis inhérentes aux véhicules hauts. Même Porsche n’avait pas poussé le vice jusqu’à créer un SUV à moteur boxer, le Cayenne étant mécaniquement très (trop) conventionnel. Subaru est resté fidèle à ses valeurs techniques au grand bénéfice du comportement dynamique. Oui, on peut prendre du plaisir au volant d’un SUV diesel… Et on se dit que la version XT doit être sacrément sympa.

Tu ne vas tout de même pas en conclure que c’est mieux qu’une Porsche ?

En tous cas, c’est moins cher… Et moins soigné : à plus de 35 k€, il faudra fermer les yeux sur certains détails d’aspect et surtout, passer l’éponge sur un infotainment vraiment largué (taille de l’écran, réactivité, dimension des boutons). Subaru semble pourtant avoir réussi le plus difficile en réalisant un excellent châssis allié à une architecture moteur certes dispendieuse mais profitant sensiblement à la tenue de route de la voiture. Le confort est réussi, l’insonorisation aussi, l’ambiance à bord souffle le chaud et le froid avec des assemblages rigoureux, un excellent toit ouvrant et des sièges confortables mais une qualité perçue pas assez valorisante et une ambiance austère tandis que la dotation en équipements est certes fournie mais ceux-ci sont presque systématiquement moins aboutis que sur un Ford Kuga. A l’image de l’album Suck It And See des Arctic Monkeys, dont la triste et anonyme jaquette dissimule de belles compositions, le Forester dissimule un sacré potentiel derrière une ligne qui ne plaide pas en sa faveur. Il gagne clairement à être essayé : il faut le conduire pour le comprendre. Comme le dit si bien notre éminent rédacteur en chef (qui a vu défiler quelques Subaru dans son garage), c’est un peu comme une charentaise : « c’est moche mais on est bien dedans ». Avec des équipements plus modernes et une boite automatique optionnelle, on ne serait plus très loin du sans faute. Quant à mon oncle, il a une nouvelle fois remplacé sa précédente Subaru par ce nouveau Forester (2.0 Lineartronic). La clientèle est décidément loyale.

Photos : Ugo Missana, Eric E.

 

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