À la découverte de… la Simca Fulgur

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Pour ce second volet de notre saga “à la découverte de”, abordons l’histoire d’un prototype français totalement surréaliste : la Simca Fulgur.

La période juste après la Seconde Guerre Mondiale, d’abord difficile pour l’industrie par manque de moyens, se révèle rapidement symbole d’un renouveau et l’automobile n’y échappe pas. Si de nombreux constructeurs et artisans rationalisent en lançant de petites voitures appelées microcars très économiques, d’autres préfèrent créer de toute pièce des véhicules fantasques aux idées novatrices.

Aux États-Unis, la mode est à la société de consommation. Chacun doit avoir une automobile mais aussi un frigo et un tas d’autres équipements pour être dans le confort. Les constructeurs de voitures l’ont bien compris et à chaque millésime, les modèles ont droit à leur lot de retouches aussi bien esthétiques que mécaniques afin d’augmenter les ventes. Dans les années 1950, les plus grands stylistes tels que Virgil Exner ou Harley Earl se défient et s’inspirent notamment de l’aéronautique comme des fusées, alors à leurs débuts. Rapidement, les ailes arrière s’allongent comme les ailes d’un avion et bien souvent le Lockheed P-38 Lightning, célèbre chasseur américain, fait figure de référence pour le style. Cette lutte constante atteint son apogée avec les Cadillac 1959 signées Chuck Jordan dont les ailes arrière démesurées sont terminées par des feux que l’on pourrait confondre avec des réacteurs !

Mais l’inspiration aéronautique va encore plus loin avec les concepts cars comme la Ford Nucleon, une maquette réalisée en 1958 préfigurant ce que pouvait être une voiture mue par l’énergie nucléaire (!). En était-il de même en Europe, et plus particulièrement en France ? La réponse est oui.

En 1958, un jeune styliste dénommé Robert Opron fait son entrée chez Simca. Très rapidement, il impose ses idées et sa vision des choses et c’est ainsi qu’il se retrouve à la tête du projet “Fulgur”. Pourquoi Fulgur ? Il s’agit, ni plus ni moins, du terme latin pour “foudre”. Tout un programme ! Après des premières esquisses, Robert Opron réfléchit lui aussi au monde qui l’entoure et s’inspire de l’avion Fouga Magister de la Patrouille de France pour l’empennage qu’il souhaite donner à son prototype. Au Salon de Genève 1959, c’est le choc sur le stand Simca : aux côtés de modèles de série plus classiques, le public découvre un ORNI (Objet Roulant Non Identifié) dans un style jamais vu auparavant.

Parlons-en du style. Déroutant est sûrement l’adjectif qui a dû être dans toutes les bouches à l’époque. Outre l’empennage déjà évoqué, la Fulgur dispose également d’une bulle ouvrable à mi-chemin entre le scaphandre et le cockpit d’avion. Les roues sont dissimulées pour une question aérodynamique derrière des panneaux lisses tandis que la partie avant est dépourvue de tout artifice. L’ensemble forme un prototype totalement délirant, typique de cette fin des années 1950 en pleine Guerre Froide.

À l’intérieur, Opron a imaginé un habitacle aussi futuriste que l’extérieur avec des sièges en plusieurs parties et appuie-têtes intégrés, un volant (difficile de l’appeler comme cela !) encore une fois d’inspiration aéronautique et un tableau de bord qui mélange pureté et ergonomie. La Fulgur dispose également de la climatisation, un équipement uniquement utile lorsque la bulle est en place. Le conducteur, ou devrais-je dire pilote, fait face à un écran radar ultra-moderne.

Quid de la mécanique ? Là aussi, Simca a frappé fort. Ou du moins, c’est ce que l’on croit. Pour pousser le concept de “voiture de demain” au maximum, la marque a souhaité installer une technologie novatrice. Comme vous l’avez peut-être constaté sur la photo montrant l’avant du véhicule, des entrées d’air latérales ont été aménagées. Elles sont supposées permettre le refroidissement du matériel embarqué à l’arrière, à savoir des piles atomiques alimentant les roues via des moteurs électriques ! Ces six piles devaient assurer une autonomie de 5.000 km, et permettaient d’atteindre les 300 km/h. On comprend mieux le choix du nom “Fulgur” !

A l’avant, un système de gyroscopes associé à des suspensions rétractables servaient à escamoter les roues au-delà de 150 km/h, la direction seule étant alors assurée par les ailerons arrière. Une suspension de plus gérée électroniquement qui s’adaptait en fonction de la vitesse et du type de route.

Mais la Fulgur embarquait-elle vraiment tout cet équipement ? Il est peu probable que ce soit le cas. En effet, de nombreuses prises de vue ont été réalisées à l’arrêt à l’époque. Peut-être roulait-elle parfois, toutefois équipée d’une motorisation plus orthodoxe.

Deux ans plus tard, la Fulgur est tout de même exposée au Salon de Chicago 1961 avec une apparence légèrement revue à l’avant. Deux petits phares ont été greffés assez bas, tandis qu’un bandeau fait son apparition.

Elle tomba peu à peu dans l’oubli, vraisemblablement détruite comme de nombreux véhicules contemporains. Quant à Robert Opron, ce n’était que le début de sa carrière. Pour Citroën, il réalisa notamment la SM, autre vaisseau spatial. Il eut aussi la lourde tâche de redessiner la DS, et c’est en grande partie grâce à lui qu’elle eut ses phares pivotants.

Alors la Fulgur, simple délire de créateur ? Pas vraiment. Non seulement elle permit à Simca de résonner à l’international, mais elle fait en plus partie de ces dream-cars qui ont laissé des traces sur l’histoire automobile. D’ailleurs, la technologie qu’elle embarquait a fait date depuis : moteurs électriques, pilotage automatique, multiples radars intégrés, suspension adaptative…

Aujourd’hui, la voiture autonome est une réalité. Certes, sans piles atomiques. Mais c’est probablement mieux !

Source des photos : Thomas Bersy / Carstyling.ru

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