Une Alfa Romeo Giulietta QV à essayer quelques minutes, c’est tentant. Une Alfa Romeo Giulietta QV Launch Edition à tester 4 jours, ça l’est encore plus. C’est ainsi que la marque au Biscione nous a confié en ce long week-end malheureusement pluvieux la version ultime de sa compacte.
QV pour Quadrifoglio Verde, mais qu’est-ce donc ? C’est le RS de Renault, le ST de Ford, le S d’Audi, le M de BMW ou encore l’AMG de Mercedes. Bref, vous l’aurez compris, le trèfle à quatre feuilles est signe d’une certaine sportivité chez Alfa. Pour la petite histoire, le symbole du Quadrifoglio est né en 1923 avec Ugo Sivocci, pilote Alfa apparemment malchanceux car terminant toujours à la seconde place. Lors d’une course en Sicile, il eut la superstitieuse idée de peindre un trèfle à quatre feuilles vert sur fond blanc sur le capot de sa voiture. Suite à cela, Sivocci remporta cette course. La légende raconte que le pilote mourra lors d’un grand prix, la seule fois où sa voiture ne portait pas le trèfle. À partir de cette date, toutes les Alfa de course portèrent ce logo.
Le trèfle s’habille en Prada
Pour en revenir à notre Giulietta, j’ai eu droit à l’exclusive « Launch Edition ». Limitée à 60 exemplaires dans notre chère France et 999 dans le monde, on ne peut nier que dans cette déclinaison, Juliette a une sacrée gueule ; la sublime peinture mate « Grigrio Magnesio », les magnifiques jantes Edizione de 18 pouces noires laquées derrière lesquelles se cachent des étriers Brembo rouge, ainsi que les appendices en carbone (rétroviseurs et becquet) donnent un tempérament sportif voir agressif à la Giulietta. Déjà superbe en version standard et passant les années sans se démoder, plus d’un œil s’est tourné sur la belle italienne au cours de mes balades.
Je ne vais pas vous refaire le topo sur la partie extérieure car tout le monde la connait, mais sa ligne dynamique et racée, sa calandre verticale ainsi que le dessin de ses optiques avant et arrière à LED permettent de l’identifier facilement de jour comme de nuit.
L’intérieur est lui plus classique, même si notre série spéciale apporte quelques changements par rapport à une version standard. On ne peut ainsi passer à côté des énormes sièges baquets à surpiqures vertes et blanches orné du logo Alfa rappelant que nous sommes dans une QV, dont la forme rappelle ceux de la Classe A45 AMG. Le superbe et très agréable en mains volant en cuir à méplat ainsi que le soufflet du pommeau et le levier sont eux aussi ornés de ces mêmes surpiqures.
Concernant la présentation et la qualité des finitions, c’est bon sans être exceptionnel. Les matériaux choisis et les assemblages sont de bonne qualité mais pas au niveau d’une Golf par exemple. Certains plastiques sur la partie basse ainsi que sur les portes ne sont pas aussi flatteurs que le cuir et l’alcantara présents ailleurs, mais l’ensemble reste de bonne facture. La planche de bord est ergonomique : tout tombe sous la main. Quelques boutons la composent mais le gros des réglages se commande depuis le très bon système multimédia Uconnect qui équipe l’intégralité de la gamme Fiat/Alfa.
Ce dernier intègre un GPS intuitif mais dont les propositions d’itinéraires sont parfois farfelues. L’interface est un brun dépassée mais le tout reste simple et agréable à utiliser. La partie audio est correct, mais j’avoue avoir préféré rouler sans musique la plupart du temps car une autre source sonore flattait mes oreilles ; mais ça, on en parlera plus tard…
Niveau équipements, rien ne manque vraiment, et les options sont rares. La Launch Edition embarque tout ce dont on attend d’une voiture de ce segment à l’exception près des raffinements technologiques d’aides à la conduite présents sur un grand nombre de modèles aujourd’hui (régulateur adaptatif ou alerte de franchissement de ligne par exemple). Lancée en 2010, le poids des années se fait ainsi sentir mais notre italienne reste une compacte agréable à vivre.
Une Alfa étant avant tout une voiture dédiée au conducteur et à son co-pilote, ces derniers sont bien évidements les mieux lotis. Les énormes baquets enveloppent et maintiennent parfaitement sans vous détruire le dos, mais leur taille fait que les deux passagers arrières (trois s’ils sont petits) ne voient pas grand chose. La Juliette sur-vitaminée est vivable au quotidien : le coffre de 350 litres est facile d’accès et dans la moyenne de la catégorie, alors que les rangements sont eux assez nombreux. Bref, on peut partir en week-end avec sans avoir peur d’embarquer ses amis et leurs valises.
Agressive et exclusive, je ne suis personnellement pas resté insensible à ses charmes et l’admirer fut aussi agréable que la dompter.
Concerto de trèfle
Depuis l’été 2014, la Giulietta QV partage le même moteur que la radicale 4C. Pour rappel, ce dernier est un 4 cylindres de 1750 cc embarquant 240 ch et atteignant 340 Nm de couple en mode D. En plus d’embarquer un nouveau moteur, Juliette est passée par la case Weight Watchers et se libéra de 22 kg en ayant recours à plus d’aluminium.
À l’arrêt comme sur la route, le moteur est un régal pour les oreilles. Mis au point par les ingénieurs de chez Alfa Romeo, il émet un son rauque dont les vocalises vous forcent à arrêter la radio. Difficile de passer inaperçu dans la rue à son volant puisque même à bas régime, le 4 cylindres chante et enchante les oreilles des passagers et passants. Lorsqu’on réveille le fauve et le fait monter dans les tours, il se met à rugir tout en restant agréable à entendre dans l’habitacle. Un délice.
La Giulietta QV embarque par ailleurs la même boîte TCT à double embrayage que la 4C. Sans être la plus réactive et ayant parfois tendance à un peu trop anticiper le passage des vitesses à mon goût, elle est néanmoins agréable à utiliser en ville comme sur route. Elle ne procure quasiment jamais d’a-coups et permet une plage d’utilisation assez large de la pédale droite. Bien évidemment, des palettes sont présentes derrière le volant pour prendre le contrôle et utiliser à votre guise et sans aucune inertie le contrôle des changements de rapport. J’ai d’ailleurs pris un plaisir inconsidéré à les utiliser et à voir à quel point le moteur peut chanter une fois que l’on a passé les 4500 trs / min.
Chaque Alfa embarque le système DNA. L’ayant dans ma MiTo et l’appréciant particulièrement, je dois dire qu’il prend tout son sens sur cette Giulietta QV. Pour rappel, par le biais d’un petit sélecteur, vous pouvez changer considérablement le comportement de la voiture : le mode All Weather optimise la motricité et l’adhérence en limitant le couple et en augmentant la présence des diverses aides à la conduite, le mode Normal est lui tourné vers le confort et la conduite quotidienne, le mode Dynamic permet quant à lui à la voiture de montrer son vrai visage en augmentant le couple et en passant freins, direction et amortissement en mode « sport » ; dîtes ici adieu au confort et bonjour à la performance. Ce dernier mode est celui qui correspond le mieux à la Giulietta QV en dévoilant le potentiel dynamique de la voiture. Il permet au moteur de se révéler ainsi véritablement en proposant le couple maximum possible (340 Nm), la boîte TCT se met à pousser les rapports jusqu’à 5000/6000 trs / min, alors que la direction et les suspensions se raffermissent afin d’avoir un excellent ressenti de ce qui se passe sous les roues. Ce mode transforme littéralement la Giulietta, et sans pour autant vouloir amener la voiture sur circuit, il permet de ressentir un vrai plaisir de conduite à son volant.
Au quotidien, l’Alfa est toutefois une voiture polyvalente, et ça c’est cool. Vous pourrez conduire belle-maman sans vous faire incendier par sa rigueur (celle de la voiture, hein) tout en vous amusant une fois la passagère débarquée. L’Alfa Romeo Giulietta QV est une schizophrène auquel on s’attache : on aime « cruiser » en sa compagnie en ville et admirer son reflet dans les vitrines comme on adore la brusquer sur routes sinueuses et l’entendre chanter.
Elle embarque un Launch Control qui permet, en appuyant sur le bouton dédié et les deux pédales en même temps, de laisser loin derrière la majorité des voitures existantes, quelques bouts de pneus (des Pirelli P Zero Rosso s’il vous plaît) ainsi que plusieurs litres d’essence en atteignant les 100 km/h en 6 secondes et, si l’endroit vous le permet, les 240 km/h. La poussée, bien aidée par l’excellente boîte TCT, est phénoménale et semble ne jamais pouvoir s’arrêter. Un régal.
D’un point de vue comportemental, la diva est bestiale mais saine. Correctement suspendue même si elle ne possède pas d’amortissement piloté, elle préfère très logiquement l’asphalte des lacets de la Vallée de Chevreuse aux pavés des Champs-Élysées, sans être aussi radicale que je ne le craignais pour mes vertèbres.
La voiture est bien équilibrée, la direction est précise et les excellents P Zero Rosso et leur très bon grip lui permettent de rester clouée au sol. Alors oui, la Giulietta n’est pas aussi vive et joueuse qu’une MiTo QV sur routes sinueuses mais elle a le mérite d’être plus rassurante et de mieux tenir la route que sa petite sœur. L’arrière a quelques fois eu tendance à se déhancher au rythme du moteur sur routes mouillées, mais les systèmes électroniques (non déconnectables, désolé les puristes) reprennent rapidement la main. Même si Alfa a choisi de rester sur un système à deux roues motrices, là où les cadors allemands optent pour des transmissions intégrales, la motricité reste bonne, et ce grâce au différentiel électronique Q2 et à un ESP efficace.
Le freinage est lui un brun décevant : il manque de mordant et la pédale mériterait à mon goût d’être un peu plus ferme. Bien qu’il ne rende pas la voiture piégeuse, il n’est malheureusement pas au niveau de ce que le moteur est capable de fournir aux roues avant et on se retrouve vite avec un déficit de freinage en rentrant dans une courbe à vive allure. Rien de méchant au quotidien mais décevant lorsqu’on veut hausser le rythme car il ne suit pas.
Parlons maintenant des gros besoins alimentaires de la belle. Alfa annonce humblement (et pour rentrer dans la Norme Euro 6) une consommation mixte de 7,0 L / 100 km. J’ai personnellement terminé mon aventure à ses côtés avec une consommation moyenne mesurée par l’ordinateur de bord de… 13 L / 100 km. Il est vrai que je n’ai pas du tout cherché à optimiser la consommation, mais il me semble difficilement envisageable de passer en-dessous des 10 L / 100 km. La belle vous coûtera ainsi cher en carburant et en pneumatiques, mais… quand on aime on ne compte pas.
Finalement, la Giulietta QV offre selon moi l’un des meilleurs rapports polyvalence/efficacité du segment. Bien moins extrême qu’une Mégane RS et plus polyvalente qu’une Golf GTI, c’est une voiture passion à plusieurs personnalités qui saura vous charmer et vous envouter pour enchaîner les kilomètres à ses côtés. La Giulietta QV est une voiture de grand-tourisme, pas une super-sportive. On part en week-end avec sur des routes sinueuses à allure soutenue mais on ne l’emmène pas sur circuit.
Très correctement équipée, il fallait débourser 37 100 euros pour avoir le privilège de dompter cette Giulietta QV Launch Edition (34 000 en QV « traditionnelle »). Je n’irai pas la comparer aux tarifs des Mégane RS et Golf GTI car elle est pour moi bien plus atypique et originale que ses concurrentes directes, mais il faut avouer que le trèfle à quatre feuilles se paie au prix fort. C’est aussi ça l’exclusivité et la passion.
Merci à Alfa Romeo pour le prêt de la belle, à Jean-Baptiste pour avoir posé comme modèle à son volant et à Ugo pour ses magnifiques photos parisiennes de nuit.