La technologie hybride rechargeable représente un peu le meilleur des deux mondes dès que l’on aborde la mobilité green. Démonstration avec l’Audi A3 e-tron.
« Broaap, broaap », les Subaru équipées de pots racing passent à côté de nous en soulevant des gerbes de poussière dans la sonorité typique de leur flat four turbo, évoquant plutôt des bancs de machine à coudre sous ecstasy. Si le mouvement, c’est la vie, celui-ci se double d’un ballet assez gracieux fait d’appels volontaires suivis de contre-appels déterminés et parfois capricieux. Au volant, Benoît M., artiste Nikonisé, est en train d’apprendre comment entrer en virage en regardant par les fenêtres. C’est gracieux. C’est pur. C’est beau.
« Mais quel est donc le rapport avec l’Audi A3 e-tron ? », vous demandez-vous. Il est très simple. Nous ne sommes pas là dans l’espoir de faire entrer l’Audi A3 e-tron sur le circuit de rallye pour voir si l’on peut drifter en mode « full EV » (dommage, d’ailleurs). Non. Nous sommes là pour une cause noble : sauver la planète. Rien que ça, et il faut admettre que sans une détermination sans faille, le poids de notre mission aurait failli peser sur nos épaules.
(c’est beau, non ?)
Les distractions de mon Robert Capa à moi ont un coût : une conso qui peut frôler les 50 l/100. On n’a rien sans rien et l’amusement y gagne ce que la diversité écologique y perd. Au même titre que le christianisme moyen-âgeux permettait d’acheter des grâces pour compenser des actes répréhensibles, emmener le Colin McRae en devenir sur le lieu de ses forfaits dans une voiture « écologique », avec des guillemets, permettait de soulager ma conscience et les bébés phoques. J’avais donc le choix entre faire de la mobilité responsable en prenant une petite auto électrique façon Renault Zoé et consorts (et passer la nuit à Dreux le temps de la recharger et assez bizarrement, ça m’a fait hésiter), nous prendre pour des gosses de riche en choisissant de faire l’aller-retour dans une Tesla de 700 ch (au risque de froisser ma modestie naturelle) ou d’être plus raisonnable avec une voiture plus polyvalente capable de s’adapter au mieux à chaque condition de roulage. L’Audi A3 e-tron s’imposa donc comme un choix assez logique.
Le jeu des 7 erreurs
J’aurai pu vous demander à quoi l’on distingue une Audi A3 e-tron d’une autre Audi A3 Sportback, mais en fait, c’est trop facile. C’est écrit dessus. Au passage, ne loupons pas cette nouvelle occasion de saluer la Deutsche Qualität dans ce qu’elle a de plus beau, clairvoyance de la pensée et rigueur de l’application : la typographie choisie incarne à la perfection la sobriété dans le futurisme (ou le contraire), l’arrondi des lettres est une ode au mouvement tandis que le trait d’union entre « e » et « tron » s’ajuste à la portière arrière dans une perpendicularité absolument parfaite. Du beau travail, vraiment. Sont forts, ces Allemands.
Néanmoins, j’ai une bonne nouvelle pour les timides, les introvertis et tous ceux qui auraient de la réticence à revendiquer haut et fort leur e-tronitude : le lettrage latéral n’est pas obligatoire. Pour eux, précisons alors que l’Audi A3 e-tron se reconnaît par, outre les petits badges aux quatre coins de la voiture : un petit loquet en plastique d’ouverture des quatre anneaux (qui fait assez cheap, d’ailleurs), pour donner accès à la prise de recharge dans la calandre qui comporte d’ailleurs quatorze barrettes chromées ; des jantes alu à 15 branches au design spécifique ; un double échappement chromé s’intégrant de manière assez discrète dans le bouclier ; un becquet de toit. C’est donc assez subtil, vous en conviendrez, et il faut un œil averti pour la distinguer dans le trafic. Ou alors, il faut ouvrir le capot : sous celui-ci, le 1.4 TFSI est décalé de 6 cm vers la droite pour laisser de la place au moteur électrique, les deux produisant une puissance cumulée (ne me demandez pas les modes de calcul) de 204 ch.
Parmi toutes les combinaisons possibles de carrosserie offertes par la gamme A3, on comprend qu’Audi ait choisi la Sportback pour concevoir son e-tron : l’espace à l’arrière y est le plus généreux et la batterie vient prendre place sous la banquette, dont l’assise est fixe. Il s’agit d’une batterie au Lithium de 8,8 kWh. Du coup le coffre perd 100 litres de capacité et sa roue de secours (logique, donc, qu’un TPMS soit monté de série).
Voici quelques éléments de comparaison pour ceux à qui ces chiffres et les kWh ne signifient pas grand chose au-delà de l’intensité de l’éclairage de leur salon : passer d’une hybride à une hybride rechargeable implique d’avoir des accumulateurs et batteries plus généreusement dimensionnés pour stocker une plus grande quantité d’électricité. Ainsi, honneur à la doyenne du genre, une Prius a dû passer de 1,3 kWh (technologie NiMH) à 4,4 kWh pour devenir rechargeable (techno Li-ion). À l’extrémité du spectre, le Mitsubishi Outlander PHEV (essayé pour vous ici : https://blogautomobile.fr/mitsubishi-outlander-phev-fromage-dessert-260009#axzz3gPZabYaI) embarque dans son généreux plancher des batteries de 12 kWh (mais en ayant la possibilité d’être un 4×4, il doit alimenter deux moteurs électriques) tandis que le seul Diesel du genre, la Volvo V60 D6 Plug-In dispose d’une batterie de 11,2 kWh. Avec 8,8 kWh, Audi a donc fait un choix intermédiaire, tout comme la VW Golf GTE qui dispose des mêmes équipements, mais pas tout à fait des mêmes modes de gestion. J’avoue être assez curieux de l’essayer, du coup. Ou la prochaine Passat GTE qui compense ses dimensions plus généreuses avec une batterie de 9,9 kWh. Suis curieux de l’essayer aussi, celle-là.
Weight Watchers
C’est bien beau, mais vous devez vous dire que tout ça doit peser un âne mort. En fait, non ! Car ouvrons à nouveau la rubrique « augmente ta culture générale et épate tes amis lors d’un prochain barbecue grâce au blogautomobile.fr » : sache, jeune amateur de blogs, qu’un âne adulte pèse facilement de 350 à 450 kilos. Or, pour s’e-troniser (verbe du premier groupe), l’Audi A3 ne prend que 300 kilos répartis de la manière suivante : 125 kg pour les batteries, 34 kg de moteur électrique, le reste étant réparti dans les chargeurs, le câblage et les renforts de châssis. L’e-tronisation pèse donc moins qu’un âne mort. CQFD.
Ça a plusieurs conséquences. Même modeste, ce surpoids aurait quand même eu des conséquences sur les suspensions pilotées proposées en option sur d’autres modèles de la gamme. Dans l’e-tron, l’Audi Drive Selector ne propose pas d’agir sur les suspensions, tout juste sur le feeling de la direction, outre tout ce qui relève de l’éco-conduite. Néanmoins, comme le disait jadis l’un des pontes de la presse auto traditionnelle, « il vaut mieux du réglé que du réglable », et il faut donc louer la qualité des bons vieux ressorts en acier qui équipent l’A3 e-tron, car même sur parcours sinueux, on n’a jamais le sentiment d’être au volant d’une grosse dinde qui se dandine. L’e-tron reste saine en toutes circonstances, même si son toucher de route assez neutre et relativement avare de feedback n’incite pas spontanément à une conduite enjouée. L’A3 e-tron n’a rien d’une GTI, elle est juste (aussi) une bonne routière rapide et efficace. Combien d’hybrides rechargeables peuvent prétendre à ces compliments ?
L’autre conséquence, c’est que même modeste, le surpoids des batteries n’impacte pas les performances, au contraire. Officiellement, l’A3 e-tron pointe à 222 km/h et claque le 0 à 100 en 7,6 sec. Ainsi, elle déloge, de peu, certes, une A3 1.4 TFSI de 150 ch (220 km/h et le 0 à 100 en 8,2 sec) et se cale en dessous d’une A3 1.8 TFSI de 180 ch (235 km/h et le 0 à 100 en 7,3 sec). Dans la vraie vie, on apprécie aussi que l’e-tron soit capable d’un 0 à 60 km/h en mode « full EV » en 4,9 sec.
Vive la S-Tronic !
L’autre atout de l’Audi A3 e-tron, c’est bien évidemment sa boîte de vitesses. Là où les hybrides rechargeables japonaises composent avec des boites à variation continue qui vous placent dans un état de zénitude absolue duquel vous n’avez pas intérêt à vous départir sous peine de patiner dans la semoule, la technologie allemande a réussi à faire coïncider hybridation et boîte de vitesse à triple embrayage. Minute, c’est pas une double embrayage, la S-Tronic / DSG ? Si, mais pour composer avec les particularismes techniques, Audi à ajouté un troisième embrayage qui découple le tout dans une fonction roue libre et laisse le système électrique mouvoir l’auto jusque 130 km/h.
Disons le direct : ça change tout. Carrément tout, même. En termes de sensations, avec une connexion entre l’accélérateur et la route inconnue sur jusque là sur une hybride, et en performances avec des accélérations soutenues, solides et carrément efficientes.
Ainsi, l’alliance entre le 1.4 TFSI, ses 150 ch dispos de 5 à 6000 tr/mn et le moteur électrique développant 102 ch donnent à l’A3 des aptitudes routières inédites. Mieux, les 330 Nm de couple du moteur électrique alliés aux 250 Nm dispos dès 1600 tr/mn du moteur thermique (et ce avec une courbe parfaitement plate jusque 3500 tr/mn) donnent un groupe motopropulseur raffiné, discret, efficace, silencieux. Et punchy.
C’est la première fois que je ressens au volant ce sentiment que les deux moteurs sont mis à égalité et travaillent en parfaite intelligence. La preuve en mode « boost », où la poussée est réelle, l’aiguille du compteur grimpant facilement à des vitesses répréhensibles. C’est la première hybride rechargeable (on ne parle pas des haut de gamme façon Porsche) à offrir ainsi des sensations presque sportives et surtout un feeling au volant aussi bien calibré. Du coup, l’A3 e-tron s’autorise l’affichage éventuel d’un compte-tours au tableau de bord, ce qui n’a rien d’inepte au vu des sensations de conduite. Vous imaginez un compte-tours sur une Prius ? L’aiguille dans le rouge et la caisse qui fait du surplace. Au secours !
À la carte…
Je me rends compte que je viens de passer beaucoup de temps à vous expliquer comment l’Audi A3 e-tron était en fait une voiture tout à fait normale. Et ça, c’est un sérieux changement de paradigme. Parce que, dans une hybride rechargeable normale, j’aurais consacré toute mon énergie à vous expliquer comment on est zen, que le silence c’est beau, que les petits oiseaux chantent dans les arbres, bref toute une série d’arguments relaxants pour éventuellement minimiser la transmission de mobylette et le manque d’agrément qui en découle. Alors que là, non, l’A3 e-tron est d’abord une bagnole comme les autres voire un peu mieux puisqu’elle pousse bien et reste silencieuse, est confortable tout en tenant bien la route, qu’elle développe 204 ch en consommant comme une caisse qui en fournit 3 fois moins. Sur la N12 qui nous mena vers Dreux, une conduite un peu anticipative permet de se laisser bercer par la fonction roue libre tout en disposant du punch nécessaire pour doubler sans se poser de questions. Une vraie bonne routière.
En fait, la partie hybride passe quasiment au second plan et quelle plus belle illustration pour montrer que l’auto est hyper aboutie. Un bouton au tableau de bord permet de sélectionner l’un des 4 modes : le mode « full EV » pour rouler en électrique, « auto » pour laisser l’électronique optimiser l’ensemble, « hold » pour garder de la batterie en vue d’une utilisation future en ville ou ailleurs, et « charge » pour faire office de générateur au prix d’une légère surconsommation du moteur essence. Outre les palettes au volant (en option), la boîte S-Tronic propose un mode « sport » qui offre surtout une puissance de freinage régénérative plus importante. Evidemment, tout ceci est facile à gérer même si je dois admettre la Mitsubishi Outlander PHEV propose des modes de gestion du système encore plus intuitifs, en plus d’offrir 5 niveaux de puissance du freinage régénératif, alors que sur l’Audi, il est curieux de n’avoir que deux niveaux de puissance avec, qui plus est, le plus élevé uniquement dispo en mode « hold ». Si le feeling du freinage pose souvent question sur les autos rechargeables, au vu de leur fonction régénérative, le dosage m’a paru ici assez linéaire ; en chipotant, on pourrait par contre reprocher un léger manque de mordant à la prise des freins, mais peut-être était-ce dû à notre auto d’essai, qui avait déjà 6000 km de journalistes dans les plaquettes.
La recharge s’effectue en un peu moins de 4 heures sur une prise standard (Audi annonce aussi 2h15 sur une prise rapide), et une App « Audi A3 e-tron » permet de suivre l’état de l’auto sur votre iPhone, voire d’en programmer les paramètres, avec une recharge pendant les heures creuses notamment. Pour aller au bout de la démarche écolo, Audi propose des partenariats avec ProxiServe (solutions de recharges rapides adaptées à la configuration de votre domicile) ainsi qu’avec Direct Energie, fournisseur d’énergie renouvelable.
Comme pour toutes les hybrides rechargeables, l’A3 e-tron ne délivrera son plein potentiel que dans le scénario de distances domicile travail inférieures à 40 km alliée à la possibilité de recharger facilement. Ça correspond quand même à la vraie vie de pas mal de vrais gens.
Money money
Parler de consommation n’est pas simple, tant cela sera lié à votre usage, vos distances et vos capacités à rebrancher. Officiellement, c’est 1,5 l/100 et certains réussiront à obtenir ce chiffre. Pour ma part, j’ai relevé un 7,6 l/100 sur route en me servant au mieux de ce qu’il me restait de batteries. En ville, batteries vides, c’est 12 l/100. Mais dans une vie idéale, c’est virtuellement 0 l/100 lors du commuting quotidien. Disons que dans un usage relativement mixte, on doit pouvoir obtenir un peu plus de 5 l/100, ce qui est comparable à ce que donne une Prius. Ce qui n’est pas du tout comparable, c’est l’agrément de conduite.
Parler d’autonomie est plus facile : si Audi annonce 50 km, j’ai réussi à faire 38 km sur les batteries en usage urbain et 29 km sur route. Là encore, tout dépend de votre usage et de votre sensibilité à l’éco-conduite.
Quant au tarif, il est de 38900 € en finition Ambiente (notre modèle d’essai, qu’il faudra éventuellement agrémenter de quelques options) et 43 500 € en Ambition Luxe, mais il faut retrancher les 4000 € de bonus écolo, voire 2500 de plus si vous vous séparez d’une poubelle Diesel de 14 ans d’âge. C’est cher ? Si l’on met en rapport l’écart de prix avec une Toyota Prius Plug-In Hybrid (à partir de 37 300 € en finition Dynamic et 43 400 € en Lounge) avec le gap en performances et agrément, on pourrait presque considérer qu’à ce tarif-là, une hybride rechargeable + une vraie auto, c’est cadeau…
Photos : Benoît Meulin