Bannie à Paris : la Porsche 993

Continuons notre petit tour d’horizon des modèles subissant des restrictions de circulation dès le 1er juillet 2016. Et cette fois-ci, c’est du lourd : la Porsche 993.

S’il est bien un modèle emblématique des nouvelles restrictions de circulation, c’est bien cette Porsche 911, Type 993, produite de 1993 à 1998. Oui, j’écris avec le cœur (ou plutôt techniquement avec mes doigts qui volent sur le clavier), mais cette 993 est très nettement pour moi une des plus belles de cette longue lignée. Malheureusement, je ne suis pas le seul à le penser, il suffit de jeter un œil sur sa cote qui monte en flèche et qui est bien loin de s’arrêter. C’est déjà bien trop cher pour moi !

Petit retour en arrière sur l’histoire de Porsche. Au moment de lancer la 993 en… 1993, la situation de la marque est des plus tendues. Sa gamme future ne contiendra en tout et pour tout qu’un seul modèle, qui devra faire vivre la marque pendant plusieurs années. La grande 928 à bout de souffle s’arrêtera en 1995, les 924/944 sont déjà presque oubliées et la nouvelle Boxster ne sera pas commercialisée avant tout début 1997. Porsche a voulu mettre à la retraite sa 911 et c’est un échec cuisant : l’archaïque coupé survivra à tous les autres modèles destinés à la remplacer. Le difficile rôle de sauveur de la marque va échoir à la 964 puis à la 993. La 964, était d’un strict point de vue esthétique quasiment identique à la 911 d’origine, au point que certains panneaux de carrosserie pourraient même être échangés (en forçant un tout petit peu), ce qui fera le bonheur du backdating à la Singer (relire ici).

La 993 va marquer une première évolution stylistique pour le modèle, qui fera comme toujours hurler les puristes Porsche pour qui toute modification de l’icône est un sacrilège. La Porsche 959 de 1983 (première supercar de la marque) va annoncer en filigrane cette évolution en adoucissant les lignes et en améliorant l’aérodynamique.

La silhouette de la 993 ressemble clairement à une 911, mais ses ailes avant se sont arrondies, les phares auparavant quasi verticaux s’inclinent très nettement en s’inspirant de la 959. Sur la poupe, les ailes se sont nettement élargies. Les boucliers avant et arrière sont devenus nettement plus enveloppants, tandis que l’aileron arrière, toujours asservi à la vitesse de la voiture depuis la 964, est également nouveau. L’ensemble, dessiné par le britannique Tony Hatter, est d’une très grande homogénéité et d’un grand équilibre, et il est difficile d’y trouver à redire (mais il vrai que je suis vraiment de mauvaise foi sur le sujet !). Et pourtant, sous cette peau toute neuve, la structure est quasiment identique à celle d’une 911 de 1965, et le capot avant est le même que celui d’une 964.

L’habitacle pour sa part n’apporte pas non plus d’évolution marquante. Le conducteur retrouvera toujours la batterie de 5 compteurs analogiques ronds, le grand compte-tour bien en face de lui et le contact à gauche du volant. L’équipement est de très bonne facture et prouve la vocation Grand Tourisme de la 911 : airbag, ABS, vitres et sièges à réglages électriques, et peut être largement personnalisé par une foultitude d’options permettant de se concocter une 993 à la carte.

Techniquement, l’évolution par rapport à la 964 est importante. Le bloc moteur de la 993, dénommé M64/05 est très étroitement dérivé du M64/01 utilisé sur la 964. La famille M64 est par ailleurs le sommet de l’évolution du bloc 6 cylindres à plat utilisé depuis les origines de la 911. Et pourtant, toutes les pièces ont été revues, ce qui permet à Porsche d’affirmer un peu abusivement que le moteur est tout nouveau. Il s’agira là du tout dernier moteur refroidi à air de la marque, ce qui compte pour beaucoup dans sa cote d’amour actuelle auprès des amateurs, mettant en avant le bruit inimitable de l’antique flat-six dont la conception remonte pourtant aux années 60.

La version de base Carrera est équipée du moteur de 3,6 litres développant 272 ch (puis 285 à partir de 1996 avec l’arrivée du VarioRam). Pour la première fois, une boîte 6 vitesses est montée dans une 911, et la très moyenne boîte Tiptronic 4 rapports issue de la 964 est reconduite avant d’être quelque peu remaniée pour devenir Tiptronic S. Les liaisons au sol sont elles aussi nettement revues avec un tout nouveau train arrière multibras qui va faciliter la conduite de la 911, toujours périlleuse en raison de son architecture singulière. Les versions à transmission intégrale Carrera 4 sont quant à elles reconduites et compteront pour près de 20% de la production totale. Petit aparté pour la variante Carrera S qui concilie le meilleur des mondes : caisse large et châssis abaissé de Turbo (oooh, regardez-moi ce popotin !!!) moteur de Carrera « simple », moins gourmand et plus facile à utiliser au quotidien. Ses voies élargies lui donnent d’ailleurs une bien meilleure tenue de route qu’une simple Carrera. C’est une des plus recherchées aujourd’hui, à juste titre !

Voilà pour la version de base, mais que serait une 911 sans une infinité de variantes à son catalogue ? Commençons par le plus simple : les variantes de carrosserie qui seront au nombre de 3. Tout d’abord, le cabriolet qui n’innove pas par rapport à sa devancière : capote en toile électrique multi-épaisseur, pas d’arceau, du bel ouvrage sérieux à l’allemande. Seule fantaisie légère : l’adoption à l’arrache et en option d’un troisième feu stop, qui faute de mieux trouvera sa place sur un petit arceau dédié. Ça fait quand même un peu bricolo. Le cabriolet est décliné officiellement dans les versions Carrera 2 et 4, et quelques très rares exemplaires de Carrera S et de Turbo.

Ensuite, le Targa qui inaugure un nouveau concept. Fini le toit en toile repliable, l’arceau en alu brossé et la lunette arrière en verre. Place à une espèce de super toit vitré intégral, qui s’ouvre largement au-dessus du conducteur. Le panneau de verre coulisse derrière la lunette arrière pour préserver l’aérodynamique de l’ensemble. Quant à la lunette arrière, elle peut pour la première fois s’ouvrir, transformant ainsi la 911 en voiture à hayon ! Même si Porsche a prévu un rideau occultant, la température grimpe vite avec l’effet de serre. Le mécanisme complexe souffre de pannes et le surpoids de l’ensemble s’allie à des problèmes de rigidité (la Targa étant basée sur une caisse de cabrio non prévue pour ce surpoids dans sa partie haute). Bref, une idée intéressante (reprise sur les 996 et 997) mais une réalisation plutôt moyenne, disponible uniquement en Carrera 2.

Et pour finir, une des Porsche les plus rares : la 993 Speedster, rendant hommage comme toujours à la 356 éponyme. Elle fut produite officiellement à 2 exemplaires par Porsche Exclusive. Le premier, de couleur vert foncé avec une boîte Tiptronic, pour fêter le 60ème anniversaire de Ferdinand Alexander Porsche (Butzi) en 1995. Et le second de couleur grise en boîte manuelle à la demande de l’acteur Jerry Seinfeld en 1998. Il s’agirait dans les deux cas d’une conversion officielle de cabriolets.

Pour ce qui est des variantes de motorisation, à tout seigneur tout honneur : Turbo ! Sortie en 1995, elle garde le Flat-6 de 3,6 litres mais reçoit 2 turbos, des échangeurs air-air, une transmission intégrale uniquement et beaucoup d’autres améliorations. La caisse est abaissée et considérablement élargie sur les ailes arrière, la suspension est affermie et un aileron fixe prend place sur le capot moteur pour héberger les échangeurs. Bref, elle prend un gros paquet de muscles pour atteindre 408 ch et frôler les 300 km/h en Vmax.

Pour aller encore plus loin, une rare version Turbo S sera aussi produite à quelques 200 exemplaires en 1997. Développant 450 ch, elle est reconnaissable à ses entrées d’air supplémentaires sur les ailes arrière lui donnant du coup un petit air de 959.

Une version atmosphérique plus performante verra le jour en 1995 : la Carrera RS. Décidemment 1995 est une grosse année ! Le moteur est porté à 3,8 litres par augmentation de l’alésage pour atteindre 300 ch tout rond. Un petit aileron arrière spécifique est installé, tandis que Monsieur Moins va faire gagner du poids en supprimant les places arrières, les gicleurs de lave-phare et une bonne part de l’insonorisation. Boîte manuelle seulement, évidemment !

Ce même Monsieur Moins va carrément se lâcher sur le dérivé ClubSport : outre un gigantesque aileron arrière, on enlève quasiment tout ce qui ne sert à rien dans l’habitacle (vitres électriques, airbag,…) pour n’y laisser qu’un volant et deux sièges. J’exagère à peine, mais le résultat est une belle pistarde ! Quant à l’utiliser sur route, ce sera plutôt spartiate pour aller chercher le pain !

Vous en voulez encore plus ? Voici un des Graal de tous les porschistes : la 993 GT ! Le département compétition de Porsche a engagé des 993 Turbo en catégorie FIA GT2. Pour être acceptés, les modèles engagés devaient être équipées de seulement deux roues motrices, et dérivés d’une version homologuée pour la route. C’est ainsi que la 993 GT est née (et non pas GT2, qui est le nom de la version compétition). Il s’agit d’une Turbo, simple propulsion, avec un moteur porté d’abord à 430 ch (puis 450 ch en 1998). L’esthétique de la voiture ne laisse planer absolument aucun doute : c’est une voiture de course. L’aileron arrière est repris de la Carrera RS ClubSport, et surtout les ailes ont subi une opération de chirurgie esthétique radicale avec la greffe d’extensions en polyester fixées à la sauvage à grands coups de rivets pop pour la doter de roues plus larges à moindre frais.

Le résultat manque totalement de finesse et d’élégance, mais cette grosse brute fait maintenant partie de la mythologie automobile, peut être justement à cause de ça. Très sensiblement allégée en perdant la transmission intégrale, la GT reste néanmoins confortable : elle hérite d’un habitacle de Carrera RS mais avec des sièges arrière et un autoradio ! Pour le pilote désireux de tâter du circuit, un pack ClubSport était également disponible, ajoutant un arceau cage et supprimant quasiment tout élément de confort intérieur (sauf la radio !). Comptez environ 80 exemplaires de la GT et 6 ou 7 GT ClubSport seulement.

Dernière d’une longue lignée, la 993 a permis à Porsche d’aborder sereinement la suite de son histoire et l’arrivée de nouveaux modèles inédits : Boxster, puis Cayenne, Panamera, etc… Produite à environ 68 000 exemplaires sur sa courte durée de vie (de 1993 à 1998), son succès commercial a été très important et les courants fondamentalistes des porschistes l’ont finalement adoptée, au point qu’elle est maintenant vénérée et représente pour beaucoup le pinacle des 911 classiques. La suite de l’histoire de la 911, avec la 996, sera nettement plus houleuse.

Pour ce qui est de son prix, les bonnes affaires sont déjà passées. Comptez bien 50 / 60 000 € pour une Carrera 2 ou 4 plutôt propre et jusqu’à une somme extrêmement déraisonnable pour une rare GT ClubSport comme celle qui illustre cet article. Ah, un détail : les années de production de la 993 ne vous permettent pas d’en profiter dans Paris comme bon vous semble pour l’instant. A partir de 2023, vous pourrez la passer en carte grise collection pour en profiter à nouveau librement (oui…. c’est loin). Ou alors partez en province. Après tout, ce n’est sûrement pas à Paris que vous allez pouvoir vous amuser le plus avec cette voiture !

Crédits photo : Porsche, Régis Krol

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