Les bases du moteur – Episode 2 – Parlons consommation

Connaissez-vous la zone d’utilisation optimale de votre moteur ? 1500 tr/min, 3000 tr/min, pied au plancher ?

Je vous préviens : cet article s’adresse un peu moins aux débutants que le précédent 😉

Le graphique ci-dessous est un graphique qui exprime la consommation spécifique de carburant en fonction du régime moteur et de sa charge.

La consommation spécifique effective (CSE) ou brake specific fuel consumption (BSFC) in english qu’est ce que c’est ?

Il s’agit de la consommation en carburant relative à la puissance produite. La CSE s’exprime en g/kW.h : on a bien la consommation de carburant en g/h divisée par la puissance en kW. En fait, la CSE est directement une image du rendement et permet de comparer facilement les moteurs. Ex : pour fournir une puissance de 50 kW (68 ch), un moteur qui a une CSE de 280 g/kW.h a un meilleur rendement qu’un autre qui a une CSE de 290 g/kW.h. En effet, pour fournir la même puissance, il a besoin de plus de carburant.

Le graphique est constitué d’iso-valeurs, c’est à dire que chaque courbe de couleur correspond à une valeur et tout ce qui est entouré par cette courbe a une valeur inférieure à la valeur. Par exemple tout ce qui est dans la courbe rouge 240 a une valeur inférieure à 240 g/kW.h.

Le régime moteur est exprimé sur l’axe des abscisses en tr/min.

Sur l’axe des ordonnées vous avez ce qu’on appelle la pression moyenne effective (PME) est un indicateur de la charge du moteur et correspond à la pression qu’il faudrait maintenir lors de la course motrice (un cycle moteur est constitué de 4 courses : admission – compression – combustion/détente – échappement) pour fournir le travail que fournit le “vrai” moteur pendant un cycle complet. Cette donnée est très utile puisqu’elle permet de s’affranchir de la cylindrée du moteur. Exemple : avec une PME de 10 bar, un moteur d’une cylindrée de 2,0 l fournit un couple de 159 N.m et un moteur d’une cylindrée de 1,4 l fournit un couple de 111 N.m.

Pour plus d’informations sur la PME, vous pouvez jeter un oeil sur la page Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pression_moyenne_effective

L’unité de la PME est habituellement le bar (c’est une pression). Ici on a des kN/m2 qui sont égale à 0.01 bar c’est à dire que 1000 kN/m2 équivaut à 10 bar.

Pour ce moteur, on voit que le max de PME est atteint à 4500 tr/min et a une valeur de 11,2 bar : il s’agit bien d’un moteur Essence atmosphérique.

 

Une fois que tout cela est ok, que peut-on dire de ce graphique ?

Beaucoup de choses. Notamment on peut délimiter la zone où le rendement du moteur est maximal et donc où il fait bon fonctionner. Attention, même si tous les moteurs du même type (par type j’entends essence atmosphérique / essence suralimenté / mazout suralimenté) ont des cartographies de CSE du même type, chaque moteur a ses spécificités.

Dans le cas de ce moteur, on voit une zone opti pour les faibles régimes (entre 1750 et 3500 tr/min) et pour des chaques moyennes et élevées (> 7 bar de PME). On peut noter deux points opti : 2000 tr/min et 7,5 bar de PME et 3000 tr/min et 9 bar de PME.

A 2000 tr/min, la PME max est de 10 bar : on peut donc dire que le point opti (7,5 bar) est à 75% de charge. Attention cependant, on ne peut plus faire directement le lien entre la charge du moteur et l’enfoncement de la pédale d’accélérateur. En effet, on pourrait penser (et c’était le cas dans le bon vieux temps) qui si l’on enfonce la pédale d’accélérateur de 50%, on demande au moteur de fournir 50% du couple dont il dispose à ce régime. Dans la réalité, tout ceci est bien travaillé pour que la voiture reste agréable à l’utilisation. Pour les faibles régimes par exemple, en fonction des voitures, vous pouvez vous retrouver avec le moteur qui donne tout son couple alors que vous n’avez enfoncé la pédale que de 50%.

Comment un moteur régule-t-il sa charge ?

En effet, vous savez tous que lorsque vous appuyez sur l’accélérateur, la voiture accélère. En fait, lorsque vous êtes à une vitesse donnée et en fonction du rapport de boîte que vous avez enclenché, votre moteur tourne à un certain régime : c’est physique et tout ceci ne fait qu’un. Lorsque vous appuyez sur l’accélérateur pour brûler de la gomme ou tout simplement avancer dans la circulation, vous venez augmenter la charge de votre moteur. Vous passez par exemple de 10% de charge à 100% de charge. Pour un moteur essence atmosphérique, cette modification se fait par l’ouverture du papillon. Le boîtier papillon sert en fait de bouchon à l’entrée du moteur : plus on l’ouvre, plus d’air peut être enfermé dans le cylindre lors de la phase d’admission. Plus on enferme d’air, plus on peut injecter de carburant et donc plus on peut générer de couple. Donc on appuie sur l’accélérateur, le papillon s’ouvre, on fournit du couple qui permet d’accélérer la voiture et donc d’augmenter le régime moteur.

Pourquoi les consommations sont très élevées dans les zones de faible charge (sur le bas du graphique ?)

Vous avez donc bien compris que lorsque l’on est pied au plancher, le papillon est entièrement ouvert. Par contre dès que l’on relève un peu sa semelle, il se ferme et crée ce qu’on appelle une perte de charge. C’est un peu comme si vous avez une seringue et que vous bouchez l’ouverture : vous avez plus de difficulté à la remplir en air que si vous ne l’avez pas bouchée. Vous devez fournir plus d’énergie pour aller jusqu’au bout. C’est exactement le même phénomène avec un moteur : vous devez pomper l’air : ce sont les pertes par pompage. Elles sont d’autant plus élevées que le papillon est fermée. C’est la raison pour laquelle on des valeurs de CSE très élevées sur la bas du graphique 400, 500 g/kW.h, voire plus sur les lignes inférieures. Le rendement du moteur est très mauvais sur cette zone, et ceci quel que soit le régime. Plus on monte en charge, plus le rendement s’améliore.

Papillon fermé

Et pour les faibles régimes ? 

Lorsque le moteur tourne à un faible régime, les durées de chaque temps du cycle sont assez longues : aaaadmission – coooompression – cooombustion – déteeente – échaaaappement. Les échanges thermiques qui ont lieu entre les différents milieux qui composent un moteur ont donc le temps de se mettre en place. L’un d’eux, le plus important est l’échange entre les gaz de combustion et le cylindre pendant la combustion. Lorsque la combustion a lieu, l’objectif est de récupérer un maximum de l’énergie dégagée (par l’intermédiaire de la pression et de la température) sur le piston. Si du temps est disponible, on va avoir plus de pertes thermiques aux parois. On va récupérer de l’énergie dans le liquide de refroidissement, mais moins sur le vilebrequin.. C’est l’une des raisons pour lesquelles, à faible régime, on a des valeurs de CSE quasiment constantes pour des charges moyennes. Par exemple à 1000 tr/min, on voit que l’on est à 280 g/kW.h de 4 bar de PME à la charge maximale.

Et pour les hauts régimes ?

Les pertes de charge (engendrées par le papillon) ainsi que tous les frottements mécaniques évoluent en fonction de la vitesse. Pour les pertes de charges il s’agit de la vitesse des gaz et pour les frottements mécaniques il s’agit de la vitesse entre les pièces. Plus le régime moteur est élevé, plus les pertes sont grandes et plus le rendement est faible. Pas une grande surprise donc !

Pourquoi le rendement maximal ne se trouve pas à pleine charge ?

C’est vrai, après tout, je vous disais précédemment que plus le papillon est ouvert, moins les pertes de charges sont importantes. De plus, si l’on se trouve à un régime moyen, ni trop faible ni trop élevé on devrait avoir un rendement record.

Malheureusement ce n’est pas le cas pour deux principales raisons :

– vous connaissez peut-être le phénomène de cliquetis dans un moteur essence. Il s’agit de l’auto-inflammation du carburant lorsque ce dernier est soumis à certaines conditions de pression/température. Le carburant peut s’enflammer avant que le front de flamme provoqué par la bougie l’atteigne. Ce n’est pas bon car pas du tout maitrisé. En plus de dégrader la qualité de la combustion, ce phénomène peut engender des ondes de pression néfastes au moteur et peut même détruire la chambre de combustion. Malheureusement, il est très difficile d’éviter ce phénomène qui apparait aux faibles et moyens régimes pour des charges élevées. Bref pour éviter ce phénomène, on a recours à la dégradation d’avance à l’allumage. En effet, pour tirer le maximum de la combustion, il faut correctement caler le pic de pression causé par la combustion avec le mouvement du piston. Si l’on a du cliquetis, on est obligé de décaler la combustion afin de réduire le pic de pression. En procédant de la sorte, on dégrade le rendement. D’où les CSE plus élevées au dessus de la zone optimale.

Piston après cliquetis violent

– autre chose, sur toute la pleine charge, on augmente volontairement la richesse du mélange pour tirer le maximum du moteur. La richesse du mélange correspond au rapport entre la masse d’air et la masse de carburant présentes dans la chambre de combustion. En fonctionnement normal (pour un moteur essence), on fonctionne en mélange dit stoechiométrique : on est à richesse 1. Lorsque l’on augmente la richesse (par exemple jusqu’à 1,1) ca signifie qu’on met 10% de carburant de plus qu’il ne faudrait. Cette technique permet de tirer les derniers N.m et d’avoir les performances maximales. Si l’on injecte du carburant “inutile”, il est donc normal que la consommation et les CSE augmentent sur toute la zone de pleine charge.

Au bilan

Chaque moteur a sa carto de CSE, il n’existe pas de zone optimale pour tous les moteurs. Cependant, certains phénomènes physiques sont communs à tous les moteurs et permettent d’expliquer certaines tendances : faibles charges, faibles régimes, hauts régimes, fortes charges. J’ai essayé de les résumer ici, même s’il manque beaucoup de choses pour compléter le tout !

Pour info, voici les courbes de couple / puissance du moteur ci-dessus. Etant donné que j’ai trouvé cette courbe sur le web, je n’avais pas la cylindrée : j’ai donc pris l’hypothèse qu’il s’agit d’un moteur 2L.

Si vous avez un moteur essence atmosphérique, il n’y a pas de doute : la zone de rendement maximal se trouve sur un régime faible/moyen et une forte charge. A vous de le trouver 😉

Pour information vous trouverez une cartographie CSE pour un moteur turbo Diesel. Quelques remarques, par rapport à un moteur Essence : un moteur Diesel est dépourvu d’un papillon (ou du moins il n’est pas utilisé pour contrôler la masse d’air enfermée dans le cylindre). Le couple que fournit un moteur Diesel est contrôlé par la quantité de carburant injectée dans le cylindre. Les pertes par pompage sont donc plus faibles sur un moteur Diesel que sur un moteur Essence.  On retrouve tout de même une tendance qui montre que plus la charge est élevée, meilleure est la CSE. On peut considérer que la force de frottement à un régime est constante quelle que soit la charge (ce qui n’est pas totalement vraie) : plus la charge est élevée, plus l’impact des frottements est faible.

On note également que le point de meilleure rendement ne se trouve pas non plus à pleine charge. On ne peut pas considérer qu’il y ait de l’enrichissement comme pour un moteur Essence mais on fonctionne tout de même à des richesses plus élevées qu’à des charges plus faibles pour aller chercher les performances.

Globalement, on notera que les valeurs de CSE sont plus faibles pour ce moteur Diesel que pour le moteur Essence du dessus..

 

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