Bilan général
Une domination sans précédent
Alberto Ascari, Juan Manuel Fangio, Jim Clark, Jacky Stewart, Nicki Lauda, Nigel Mansell, Michael Schumacher, Sebastian Vettel ou encore Lewis Hamilton ont, à des époques plus ou moins récentes, outrageusement dominé une ou plusieurs saisons… Mais jamais autant que Max Verstappen en 2023. On fait le bilan.
Les chiffres sont vertigineux : 13 pole positions, 19 victoires et 21 podiums en 22 Grands Prix, 1003 tours en tête sur 1325 parcourus, 575 points marqués sur 620 possibles !
Mais au-delà des chiffres, c’est l’impression générale laissée par le Néerlandais, l’osmose avec sa Red Bull RB19, sa sérénité quasi-inébranlable avant, pendant et après les courses qui laisse une sensation d’invincibilité.
Une sensation d’invincibilité telle que, plutôt que de passer pour l’homme à faire tomber, il profitait souvent de son statut pour gagner les quelques batailles qu’il a eu à mener sans vraiment avoir à combattre. Ses adversaires, pour la plupart, préféraient ménager leur monture pour préserver leur position, sachant que Verstappen terminerait devant dans tous les cas.
Des luttes à tous les niveaux…
…Ou presque.
Si pour la première place, que ce soit au Championnat ou lors des courses, le suspense a été très rare cette saison, c’était très différent derrière.
La lutte pour le podium et les places d’honneur a changé quasiment à toutes les courses. Aston Martin a été la 2e force du plateau en début de saison, tout du moins entre les mains de Fernando Alonso, avant de nettement baisser pavillon lors de la seconde moitié du Championnat. A l’inverse, McLaren était au fond du gouffre en début d’année, avant un redressement spectaculaire à partir du Grand Prix d’Autriche, 9e manche de la saison.
Globalement plus régulières, Mercedes et Ferrari ont alterné les bons et les moins bons week-ends tout au long de l’année. Leur bilan est assez contrasté.
Tous ces éléments ont eu trois conséquences notables sur le bilan de la saison :
- Sergio Perez a fini 2e du Championnat, offrant à Red Bull le premier doublé de son histoire, malgré de nombreuses erreurs et contre-performances, notamment en qualifications
- Les 4 équipes du fond (Williams, AlphaTauri, Alfa Romeo et Haas), plutôt irrégulières elles aussi, n’ont récupéré que les miettes (81 points au total contre 135 en 2022).
- 11 pilotes ont terminé sur le podium, tous sauf ceux des équipes de fond de grille et Lance Stroll
5 moments marquants de la saison
Verstappen assomme Perez à Miami
Premier bilan après les 4 premières courses : les espoirs d’un changement de hiérarchie ont fait long feu, les GP ont tous été remportés par Red Bull, avec même 3 doublés. Verstappen et Perez se sont partagés les victoires, avec en bonus celle du sprint de Baku pour le Mexicain.
A Miami, le Néerlandais se fait piéger par un drapeau rouge lors des qualifications et ne part que 9e sur la grille. Loin devant, Checo Perez partira en pole position, avec la possibilité de prendre la tête du Championnat pour la première fois s’il garde la tête jusqu’au drapeau à damier.
Certains se prennent même à rêver, à commencer par le Mexicain, à une lutte pour le titre entre les deux pilotes Red Bull. Naïveté ou méthode Coué en souvenir de la bataille Rosberg-Hamilton de 2016 ? Le Grand Prix de Miami va ramener tout le monde sur terre.
Partir de loin ne fait pas peur à Verstappen et il ne fera qu’une bouchée de son coéquipier lors de la course. Si l’écart au Championnat n’est alors que de 14 points, c’est psychologiquement que Perez a du mal à encaisser le coup.
Un tour de folie à Monaco
Après l’annulation de GP d’Emilie-Romagne à Imola pour cause de graves inondations dans le Nord de l’Italie, c’est Monaco qui est le théâtre du GP suivant celui de Miami. L’occasion pour Perez de se racheter, lui le Prince de la ville où il a remporté 5 de ses 6 succès et tenant du titre en Principauté. Il flanche pourtant dès le début des qualifications en tapant le rail à Ste-Dévote, le premier virage du circuit.
50 minutes plus tard, c’est la pole position qui se joue à coup de centièmes de secondes. Sous le drapeau à damier, Esteban Ocon, Charles Leclerc et Fernando Alonso se succèdent en haut de la feuille des temps. Il ne reste plus que Verstappen en piste mais il est assez nettement en retard au dernier intermédiaire, de 3 dixièmes. Alonso est sur le point de retrouver les joies d’une position de pointe plus de 10 ans après la dernière. Mais Max est un magicien, son dernier secteur magistral. Bilan : il décroche une nouvelle pole position qu’il convertira en victoire le lendemain. La série est lancée.
Coup d’arrêt à Singapour
En arrivant à Singapour, 15e manche de la saison, Verstappen n’est pas descendu de la plus haute marche du podium depuis Miami. Une série de 10 victoires qui dépasse les 9 succès consécutifs de Vettel en 2013, déjà au volant d’une Red Bull.
Dans l’équipe autrichienne, on craint d’être en difficulté dans la ville-Etat et Verstappen assume ne pas tellement aimer le circuit. Mais comment croire réellement en ces doutes après de telles séries de victoires ?
Ce n’était pourtant pas du bluff et la confirmation arrive dès la deuxième partie des qualifications. A la surprise générale, le Néerlandais échoue à la 11e place. Ironie du sort, c’est le débutant Liam Lawson dans la voiture sœur AlphaTauri qui élimine le double Champion du monde pour quelques millièmes. Vainqueur sortant, Perez n’est que 13e, mais le Mexicain est coutumier du fait.
Une course sans Red Bull
Les Red Bull hors du coup, c’est l’occasion pour Ferrari, Mercedes voire McLaren de s’imposer enfin en 2023. Sur sa lancée de Monza, Carlos Sainz décroche une nouvelle pole position devant George Russell, Charles Leclerc, Lando Norris et Lewis Hamilton.
En course, la Ferrari est moins efficace qu’en qualifications. La Scuderia doit sacrifier la course de Leclerc, passé 2e au départ, pour favoriser les chances de victoire de l’Espagnol. C’est en fin de course que le suspense devient palpable. Sainz mène toujours, devant la McLaren de Norris et les 2 Mercedes, qui ont profité d’une neutralisation pour chausser des pneus frais.
Sainz sait qu’il ne pourra pas lutter contre Russell et Hamilton, mais maintient facilement Norris derrière lui, sur la même stratégie, avec un déficit de vitesse de pointe. En vieux briscard, l’Espagnol évite de creuser l’écart avec son ancien coéquipier pour que celui-ci bénéficie du DRS. Ainsi les Mercedes, bien que plus rapides, ne parviennent pas à passer la McLaren qui fait office de protection.
La stratégie fonctionne jusqu’au bout, au point de pousser Russell à la faute. Hamilton récupère le podium, loin devant Leclerc et Verstappen, auteur d’une belle remontée pour échouer dans les échappements de la Ferrari. Malgré tout, la série du Néerlandais s’arrête à 10 victoires.
La lutte pour le podium à Saõ Paulo
A Interlagos, la lutte pour la victoire n’a pas eu lieu. Comme souvent, Verstappen a fait cavalier seul devant Norris, lui-même détaché du reste de la meute. A distance, Alonso a profité d’un regain de forme des Aston Martin, bien aidé par les circonstances particulières des qualifications, pour rouler en 3e position.
Perez, de son côté, a raté ses qualifications une fois de plus, et remonte petit à petit vers le podium. Il tombe alors sur un os en rattrapant Alonso. L’Espagnol, se sachant grandement vulnérable dans les lignes droites, joue avec les trajectoires pour gagner en motricité et résister ainsi dans les zones de freinage. Jusqu’à l’avant-dernier tour.
Perez finit par trouver l’ouverture et déborder l’Aston Martin. Mais le taureau des Asturies ne s’avoue pas vaincu et s’accroche derrière la monoplace au taureau rouge. Dans les S de Senna lors du dernier tour, il force le Mexicain à adopter une mauvaise trajectoire et s’engouffre dans l’aspiration de la Red Bull. Au bout de la ligne droite, au prix d’un gros freinage, Alonso récupère la 3e place qu’il gardera cette fois jusqu’au drapeau à damier pour 53/1000 de seconde.
Coup de poker à Las Vegas
Si l’arrivée à Las Vegas ne laissera pas que de bons souvenirs, notamment à Carlos Sainz et aux spectateurs du vendredi, on pourra se remémorer avec plus de plaisir les batailles du GP. Pour la première fois de l’année, à l’exception du GP de Singapour qui fut très particulier, Verstappen a dû lutter pour arracher la victoire. La faute à un Charles Leclerc des grands jours.
Auteur de la pole position, le Monégasque avait cédé la tête de la course à Verstappen au premier virage, mais le Néerlandais avait dû passer en-dehors des limites de piste. A juste titre, il se retrouvait sous le coup d’une pénalité de 5 secondes à purger lors de son premier arrêt aux stands. Leclerc n’avait alors qu’à rester à distance respectable de son rival pour récupérer la première place. Mais il ne s’en contentait pas et dépassant en piste Verstappen en fin de relais, juste avant l’arrêt de la Red Bull. Mieux, il prolongeait son relais de 5 tours en gardant un excellent rythme. Il ressortait ainsi non seulement devant ses adversaires, mais avec des pneus plus frais. Seul Perez le devançait sur la piste, grâce à une stratégie décalée.
Pas de réussite pour Leclerc
Malheureusement pour Leclerc, pas réputé pour être le pilote le plus chanceux, la voiture de sécurité entrait au pire des moments, pour nettoyer la piste à la suite d’un accrochage entre Verstappen et Russell.
Les deux Red Bull en profitaient pour passer par les stands et chausser des gommes neuves. Leclerc récupérait ainsi la première place mais l’avantage pneumatique dont il disposait était désormais en faveur des monoplaces autrichiennes. Perez ne tardait pas à reprendre la tête mais ses espoirs de victoire furent de courte durée. Leclerc reprit l’avantage, aussitôt imité par Verstappen. L’avantage de la Ferrari ne tenait plus qu’à un fil et Leclerc ne put lutter longtemps face au désormais triple Champion du monde. Il lui fallait désormais résister à Perez, ce qui n’était pas une mince affaire et il finit par faire une erreur qui offrit le doublé à Red Bull.
Si la course avait été raccourcie d’un tour… S’inspirant d’Alonso deux semaines plus tôt, Leclerc récupéra la 2e place dans le dernier tour en surprenant Checo par un freinage très tardif. Si la victoire n’était pas au rendez-vous, avoir dépassé une Red Bull à 3 reprises lors d’une même course était déjà remarquable.
Mon bilan de la saison – Par Pierre Clémence
On avait quitté 2022 en se disant que Verstappen avait réussi à confirmer, dans un fauteuil, un titre de 2021 acquis dans les circonstances que l’on connaît. S’il restait largement favori des bookmakers pour 2023, qui aurait pu penser qu’il écraserait ainsi la concurrence ? 2023 sera sans conteste sa saison de référence, même s’il ajoute encore quelques titres à un palmarès qui le fait déjà entrer parmi le cercle fermé des très grands pilotes. Assagi, serein, sûr de sa force, avide de victoires, le néerlandais a boxé 2 ou 3 ligues au dessus des autres.
Et pourtant, quand on regarde de plus près, sa RB19 ne semble pas avoir été la voiture la plus dominatrice de ces 30 dernières années. C’est bien le couple Max/RB19 qui a dominé. Mercedes, Williams, McLaren, Ferrari ont toutes connu des saisons de domination brutale grâce à la voiture. Red Bull a dominé parce que son pilote star était en symbiose avec sa monture. Les écarts en qualifications ont rarement été aussi serrés et Perez, qui n’est pas un mauvais pilote, a été broyé, comptablement et mentalement.
Une saison riche malgré tout
Si Red Bull n’avait pas été là, la saison aurait par ailleurs été particulièrement disputée : Ferrari a su profiter de la seule défaillance de Verstappen, Aston Martin a permis à Alonso de revivre, McLaren a effectué un come-back improbable, Mercedes a profité de son duo de pilotes dans une voiture capricieuse. Pour que la saison soit passionnante, il fallait occulter le premier rang.
Du mauvais côté du classement, je retiens les errances d’Alpine, la transparence d’Alfa Romeo et l’incapacité de Haas à exploiter sa voiture. La plus belle éclaircie nous vient de Nouvelle Zélande : Liam Lawson n’a pas de baquet pour 2024 mais les quelques piges effectuées en remplacement de Ricciardo promettent beaucoup pour l’avenir. Espérons pour lui que ce ne soit pas le même espoir que celui créé par De Vries à Monza en 2022.
Le bilan noté
Pilotes | Pierre | François | Total |
Max VERSTAPPPEN | 10 | 10 | 20 |
Sergio PEREZ | 3 | 4 | 7 |
Lewis HAMILTON | 8 | 8 | 16 |
George RUSSELL | 7 | 7 | 14 |
Carlos SAINZ | 7 | 7 | 14 |
Charles LECLERC | 9 | 8 | 17 |
Fernando ALONSO | 8 | 9 | 17 |
Lance STROLL | 4 | 3 | 7 |
Esteban OCON | 6 | 6 | 12 |
Pierre GASLY | 6 | 6 | 12 |
Lando NORRIS | 9 | 9 | 18 |
Oscar PIASTRI | 7 | 7 | 14 |
ZHOU Guanyu | 5 | 5 | 10 |
Valtteri BOTTAS | 5 | 5 | 10 |
Nico HÜLKENBERG | 5 | 5 | 10 |
Kevin MAGNUSSEN | 4 | 3 | 7 |
Alex ALBON | 7 | 7 | 14 |
Logan SARGEANT | 2 | 3 | 5 |
Daniel RICCIARDO | 5 | 6 | 11 |
Yuki TSUNODA | 6 | 6 | 12 |
Nyck DE VRIES | 3 | 3 | 6 |
Liam LAWSON | 7 | 7 | 14 |
Le bilan, équipe par équipe
Haas : le retour au purgatoire
Comme chaque année, l’équipe américaine s’est présentée avec une voiture pas trop mal née et une paire de pilotes particulièrement expérimentés bien qu’aux résultats toujours aussi modestes avec un seul podium pour plus de 300 GP au total. Le bilan est, comme souvent, déplorable avec une dernière place au championnat, pourtant longtemps promise à AlphaTauri.
Le retour de Nico Hülkenberg est peut-être la seule satisfaction de l’année. Nettement plus rapide que Kevin Magnussen (15 à 7 en qualifications et 10 à 7 en course), l’Allemand a marqué 75% des points de l’écurie.
C’est toutefois en trompe-l’œil puisque seules 2 courses, dont un sprint, lui ont permis de scorer alors que Magnussen a fait 3 top 10, tous en « vrai » Grand Prix.
Haas a pâti d’un problème structurel : une base correcte mais un développement inefficace et une incapacité à maintenir un rythme suffisant en course. Il y a eu quelques belles qualifications (8 incursions en Q3 pour Hülkenberg) mais l’effondrement en course a été systématique. Le début de saison aura donc suscité quelques espoirs avant une glissade quasiment ininterrompue vers la dernière place du classement.
Alfa Romeo : discrètement vers l’enfer
Que dire d’Alfa Romeo cette année ? Si la livrée n’avait pas été aussi réussie, aurait-on remarqué que l’écurie helvétique, bien qu’au nom italien, était sur la grille?
Après une belle saison 2022 conclue à la 6e place, à égalité de points avec Aston Martin, les ambitions de Sauber devaient être plus hautes que cette fade 9e place, à quelques points seulement du bonnet d’âne d’Haas.
Du côté des observateurs, cette descente était attendue, dans la lignée de la fin de saison 2022, mais la chute a été plus rude que prévue et le bilan vraiment médiocre.
Difficile de trouver une raison principale à cette transparence, entre une voiture médiocre, un Valtteri Bottas qui ne semblait pas toujours très impliqué et un Zhou Guanyu pas si mauvais mais qui semble déjà avoir atteint son plafond. Le genre de pilotes dont la présence en F1 n’est pas un scandale, mais dont l’absence passerait inaperçue.
La seule satisfaction est sans doute… le moteur Ferrari, qui a permis quelques coups d’éclat grâce aux lignes longues lignes droites à Monza, Losail ou encore Las Vegas. La plus grande réussite reste toutefois les qualifactions du GP de Hongrie, sur le tourniquet du Hungaroring. Mais les inexplicables 5e et 7e places sur la grille ne furent qu’un feu de paille et la course ne fut qu’une lente chute vers les profondeurs du classement pour les 2 pilotes.
AlphaTauri : un bilan très contrasté
Après une année 2022 maussade conclue à l’avant-dernière place, les attentes étaient très modérées. L’objectif était au moins de faire mieux et de profiter de la recrue du prometteur et expérimenté Nyck de Vries. La saison de l’équipe de Faenza peut être décomposée en 3 phases. Le début de saison était relativement satisfaisant au niveau des performances en course. Yuki Tsunoda parvenait régulièrement à lutter pour les points, mais en ramenait peu.
La 2e phase a commencé au retour de Daniel Ricciardo, en remplacement d’un de Vries fantomatique. La monoplace a semblé faire un bond en avant au niveau des performances, ce que l’intérimaire Liam Lawson a confirmé pendant 5 courses, quand l’Australien s’est blessé à la main. Mais la récolte de points restait très maigre pendant cette période et AlphaTauri portait toujours le bonnet d’âne. Enfin, la fin de saison a été exceptionnelle, au point de marquer 80% des points de l’année lors des 5 derniers week-ends de course. A la fin de cette saison chaotique, la petite sœur de Red Bull a gagné une place au classement, mais a chuté de près de 30% en nombre de points. Difficile donc de parler de vraie réussite mais le bilan global est positif.
Pour ce qui est du bilan par pilotes, il est particulièrement difficile tant il y a eu de changements… au volant mais aussi au niveau de la monoplace, avec plus de 50 évolutions au cours de la saison.
Une saison qui pose beaucoup de questions
Nyck de Vries a rarement été à son avantage et il n’est pas illogique que le management de Red Bull ait décidé de s’en séparer vers la mi-saison. Pour autant, 10 courses sont-elles suffisantes pour jauger du potentiel d’un rookie ? Son âge et la présence de Ricciardo dans les parages ont eu raison de sa saison et probablement de sa carrière. Être compétitif en Formule E et en Endurance est une chose. L’être aussi en Formule 1 en est une autre.
Après son éviction logique de McLaren, allait-on revoir le vrai Daniel Ricciardo ? La question reste en suspens, car il n’a finalement disputé que 7 courses. On gardera tout de même en mémoire son week-end mexicain, avec une qualification en 4e position entre les Red Bull… devant le héros local Checo Perez ! Performance confirmée en course avec une belle 7e place à l’arrivée. Mais ne soyons pas dupe, sa présence sert surtout à mettre la pression au Mexicain dans le 2e baquet Red Bull. Malgré tout, il devra montrer ce qu’il vaut à nouveau en 2024 s’il veut réellement prétendre à remplacer Perez.
Liam Lawson est l’invité surprise de cette saison. Engagé au Japon en Super Formula après quelques saisons correctes mais sans plus en Fomule 2, il a saisi l’occasion de remplacer Ricciardo quand l’Australien s’est blessé. En 5 courses, il s’est révélé au monde de la F1, rivalisant largement avec Tsunoda. Quand il termine 9e à Singapour, c’est le meilleur résultat depuis le début de l’année pour l’équipe. Malheureusement pour lui, même si son bilan s’avère très positif, son avenir semble s’inscrire au Japon… à moins d’un nouveau jeu de chaises musicales en 2024 ?
Tsunoda enfin leader ?
Tsunoda est le seul à avoir effectué toute la saison, malgré quelques erreurs, il a clairement progressé, ce qui lui permet de rester pour une 4e saison. Pour autant, les chances de monter chez Red Bull semblent quasi-nulles. Ses performances en fin d’année ont montré qu’il savait être rapide quand la monoplace était compétitive, c’est finalement ce qu’on lui demande pour l’avenir. Les boulettes en moins.
Le bilan face à ses coéquipiers est plutôt positif : il a éteint de Vries, pourtant pressenti pour être le leader de l’équipe et a globalement fait jeu égal avec Lawson et Ricciardo, même si c’est lui qui ramène l’essentiel des points.
Williams : la sortie du purgatoire
Loin de sa gloire passée, l’écurie britannique lutte depuis plusieurs saisons pour ne pas terminer dernière du championnat. Si 2022 aura été un échec, le départ de Russell ayant fait mal, la campagne 2023 aura apporté bien plus de satisfactions avec un nombre de points multiplié par 3,5 et 3 rangs de gagnés au classement final. Le bilan est largement positif. Pour une équipe dont les finances ont longtemps été un sujet majeur, les rentrées de cash offertes par ces résultats seront plus que bienvenues. La Williams a su profiter d’une finesse aérodynamique quasiment sans égale pour briller sur les circuits offrant de longues lignes droites et une prime à la vitesse de pointe.
Albon en leader
Mais c’est surtout à Alex Albon que l’écurie doit cette petite renaissance. 96% des points viennent de lui et son duel interne ne souffre aucune contestation : le thaïlandais a terminé devant son équipier à toutes les courses et à toutes les qualifications. Le bilan est éloquent. Même Verstappen ne peut pas en dire autant.
Logan Sargeant a fini par marquer un point, chez lui, aux USA, ce qui sauve une saison durant laquelle il n’a pas brillé. Le plus intéressant pour l’avenir est la régularité d’Albon. Hormis un trou d’air durant la première partie de saison, il a maintenu un total de points aux alentours de 5% du maximum possible, creusant un écart que ses adversaires directs n’ont jamais pu combler.
Albon termine à une belle 13e place et consolide son image de pilote rapide et efficace que son passage en demi-teinte chez Red Bull avait un peu terni. La rumeur l’envoie régulièrement chez Ferrari si Sainz devait en partir et ce ne serait probablement que justice.
Alpine : les ambitions fracassées
Alpine a des ambitions de victoires et de batailles pour le championnat depuis le retour de sa maison-mère en F1. Il faut à nouveau admettre que l’écurie française navigue loin de ses objectifs et que malheureusement, rien ne permet de penser que cela changera à court terme. La voiture de 2023 n’aura montré aucune qualité spécifique, aucun style de circuit sur lequel elle aurait pu briller.
Pire, le bloc propulseur semble afficher un déficit de puissance par rapport à toute la concurrence que la réglementation empêche de combler efficacement. La fiabilité est en berne (7 abandons pour Ocon, le pire total avec le fade Sargeant). Si on ajoute les restructurations internes (débarquement durant l’été de toute la tête de l’écurie), l’atmosphère aura été pesante toute l’année.
Cette irrégularité n’a pas été compensée par la paire de pilotes. Si les deux Français ont réussi à signer un podium chacun (Monaco et Pays-Bas), si l’apport de points est sensiblement équivalent et si la domination d’Ocon en course est contrebalancée par celle de Gasly en qualifications, les deux pilotes n’ont pas, vu de l’extérieur, apporté le petit plus que leur statut de vainqueurs en GP aurait dû imposer.
Alpine termine 6e du championnat, loin devant le 7e mais tout aussi loin derrière le 5e. L’écurie représente aujourd’hui à elle seule le ventre mou de la F1, doublé par McLaren et Aston Martin.
Aston Martin : la surprise du début de saison
Quand Fernando Alonso a annoncé son arrivée chez Aston Martin pour remplacer le quadruple champion du monde Vettel, les observateurs ont pointé un nouveau choix hasardeux de la part du pilote le plus gâché de ces 20 dernières années.
C’était oublier le talent de l’Allemand retraité qui aura tiré vers le haut l’écurie de Lawrence Stroll en 2022. Bilan : sur la première moitié de saison, l’Aston Martin pilotée par Alonso a été la deuxième force du plateau. Sur ses 8 podiums de l’année, il y en aura eu 6 sur les 8 premières courses.
Le taureau des Asturies toujours vert
Au final, l’espagnol a marqué lors de 19 GP, sera entré dans 20 Q1 et apporté les ¾ des points d’une écurie que personne n’aurait vu aussi haut à la fin de la saison. Et pourtant, c’est une certaine déception qui domine à la fin de cette année parce que la seconde partie de la saison a vu les Anglais se faire rattraper par les grandes écuries que sont Ferrari et Mercedes mais aussi par McLaren malgré un début de saison aux antipodes. Comme souvent, c’est avec la course au développement que les plus petites écuries montrent leurs faiblesses.
Par ailleurs, Lance Stroll n’a pas pu soutenir son prestigieux coéquipier. Sa saison aura été transparente malgré un sursaut tardif à la suite de son brutal accident en qualifications et ses 2 cinquièmes places sur les 3 derniers GP.
Le canadien termine bon dernier parmi les pilotes du top 5 écurie même si son total de points est largement supérieur à celui de 2022. La qualité de sa voiture, magnifiée par Alonso, n’a pas suffi à lui redonner l’image d’un pilote sur qui l’on peut compter. Bilan : sans papa, gageons que Lance aurait quitté la F1 depuis longtemps mais il sera encore là en 2024.
McLaren : la renaissance
Souvenez-vous : après quelques GP, le monde entier raillait Oscar Piastri d’avoir choisi McLaren au lieu d’Alpine. Si la F1 bleue n’était pas candidate à la victoire, elle apparaissait largement supérieure à la McLaren dont les apparitions dans le top 10 étaient sporadiques. Le jeune australien aurait en effet pu se mordre les doigts. Mais c’était trop tôt pour faire le bilan.
10 mois plus tard, la légendaire écurie termine 4e du championnat, ayant doublé sur le fil Aston Martin. Piastri a gagné un titre de rookie of the year, 2 podiums et une victoire en sprint, devant Max Verstappen, à la régulière, excusez du peu. Sa fin d’année est moins flamboyante, son total de points sur le potentiel diminuant régulièrement. Quant à Lando Norris, il a pu confirmer tout le bien que le paddock pense de lui : 7 podiums et une 6e place finale à 2 points de la 4e .
Bientôt la consécration pour Norris ?
Si la voiture de 2024 ressemble à celle de la fin 2023, l’Anglais pourrait enfin obtenir la victoire qui lui manque tant. Il est aujourd’hui le détenteur du record de podiums sans victoire (13). Norris a largement et logiquement dominé Piastri, tant en course qu’en qualifications. S’il confirme cette tendance en 2024 et que McLaren plafonne, le britannique ne manquera pas de propositions de contrats pour 2025.
L’explication de cette renaissance est assez simple et pourtant très audacieuse : McLaren a livré à ses pilotes une voiture quasiment nouvelle à compter du grand prix d’Autriche. Poussive, la McLaren est devenue redoutablement rapide quoique pas d’une constance absolue.
Si les Anglais d’Aston Martin ont été croqués, les Italiens de Ferrari ont su profiter de l’avance obtenue en début de saison et d’un sursaut en fin d’année pour tenir à bonne distance leurs rivaux.
Ferrari : une transition en bonne voie
Après une saison 2022 embellie par 4 victoires mais aussi avec beaucoup de problèmes de fiabilité et de stratégie, l’objectif pour 2023 était de repartir sur des bases saines sous la houlette de Frédéric Vasseur. En piste, le plus important était de convertir plus souvent en course les performances montrées en qualifications. Avec 27% de points en moins et 1 succès contre 4, difficile de parler de réussite, mais la baisse de performances avait déjà largement commencé en 2e partie de saison 2022.
La principale satisfaction pour la Scuderia a été la progression au fil de l’année. Si Leclerc avait montré le museau de la Ferrari à quelques occasions en début de saison, la majorité des performances ont eu lieu après la trêve. 5 des 6 poles, 6 des 9 podiums, et bien sûr la victoire à Singapour et la lutte en les 2 pilotes pour le podium à Monza.
Pas de victoire pour Leclerc
Du côté des pilotes, Leclerc se devait de s’imposer comme le numéro 1, en interne comme sur la piste, en se rapprochant de la constance de Verstappen. S’il n’a pas gagné, Leclerc a effectué plusieurs performances qui lui auraient permis de gagner avec la Ferrari de début 2022, notamment en fin de saison… il a également été brillant en qualifications, comme d’habitude, battu seulement par Verstappen en moyenne. Mais il a également commis trop d’erreurs pour parler de réelle progression.
Sainz, quant à lui, devait mettre ses performances au diapason de ses ambitions, lui qui affirmait que dans un bon jour, il était imbattable. Effectivement, ça a été le cas à Singapour, où sa victoire a été nettement plus significative que celle de Silverstone en 2022. Mais le reste du temps, il a été égal à lui-même, assez largement battu par Leclerc, même si le classement ne le traduit pas vraiment.
Mercedes : un bilan en forme de ???
Après un virage raté en 2022 pour la nouvelle réglementation, notamment avec l’option zero-pods (sans pontons), Mercedes était attendue au tournant. Un seul succès après 7 titres constructeurs consécutifs, la chute avait été rude. La marque à l’Etoile allait-elle enfin réussir à faire fonctionner son concept ? Ou ajouter contraire trouver une autre solution plus efficace ?
En début de saison, aucun ponton n’était visible… pas plus que d’espoirs de victoires. Non seulement Mercedes ne s’est pas rapprochée de Red Bull, mais a été dépassée par Aston Martin, une écurie cliente. Par dépit, Mercedes finira par abandonner son concept. Quelques performances redonneront espoir mais globalement, il n’y avait pas d’amélioration réelle. L’équipe allemande oscillait généralement entre la 2e place et la 4e place selon les week-ends.
Contrairement à 2022, aucune victoire ne vint sauver l’honneur. La seule satisfaction est d’avoir sauvé la 2e place pour 3 petits points face à Ferrari, grâce à une meilleure régularité générale.
Hamilton de retour
Du côté des pilotes, Lewis Hamilton se devait de rebondir après une saison 2022 en deça de ses standards. Pour la première fois de sa carrière, il n’avait pas décroché la moindre victoire, ni même une pole position. Était-ce le contrecoup de 2021, ou en raison des tests à tout va pour tenter de comprendre le nouveau concept, c’est difficile à dire. Globalement, il l’a fait, même si sa fin de saison a été plus décevante (accrochage au Qatar avec Russell, performances en demi-teinte à Las Vegas et Abu Dhabi). Il a surtout repris l’avantage face à Russell, ce qui était indispensable pour réaffirmer son statut.
Car de son côté, George a suivi la trajectoire inverse. Après une première année chez Mercedes très satisfaisante, il a eu du mal à confirmer. Cette saison a été la moins bonne de son propre aveu. Malgré tout, ce n’était pas si catastrophique, il a été nettement moins dominé par son coéquipier que Perez, Stroll ou même Piastri (certes rookie). Il a surtout eu du mal à être à la hauteur des attentes élevées le concernant. Il termine cependant bien l’année, avec un podium à Abu Dhabi, et aurait dû en ramener un autre de Las Vegas s’il n’avait pas fait une bête erreur lorsque Verstappen l’a débordé.
3 moments marquants en 2023
- GP d’Espagne : Barcelone a été le théâtre du renouveau pour Mercedes. Des essais prometteurs, et malgré des qualifications décevantes (5e et 12e), Hamilton et Russell remontent aux 2e et 3e rangs. Avec de belles performances sur un circuit test, l’espoir de renouer avec la victoire renaît. Ce sera finalement le seul double podium de l’année.
- GP de Singapour : fait exceptionnel, Verstappen n’est pas devant, qualifié en 11e position seulement. Contrairement à 2022, Perez n’a pas pris le relais. La victoire se jouera donc entre Ferrari, McLaren et Mercedes. Quand la course est neutralisée, le pari de s’arrêter aux stands est tenté pour les 2 pilotes. Repartis 4e et 5e avec des pneus neufs, Russell et Hamilton dépassent facilement la Ferrari de Leclerc avant de rattraper le duo Sainz-Norris. Malgré l’avantage pneumatique, Russell ne parviendra pas à trouver l’ouverture, piégé par la stratégie de Sainz de garder la McLaren dans son sillage. Pire, sous la pression d’Hamilton, il s’écrase dans le rail lors du dernier tour. L’opportunité est manquée.
- GP des Etats-Unis : à Austin, une nouvelle opportunité se présente. Hamilton est 3e sur la grille, 3 places devant Verstappen. Il a montré un bon rythme lors du sprint, en prenant la 2e place derrière le Néerlandais. En course, il est dans le tempo pour jouer la victoire, mais la stratégie frileuse de Mercedes permet à Verstappen de prendre l’avantage en fin de course. L’Anglais sera finalement disqualifié, et probablement content de ne pas avoir été spolié d’une victoire.
Red Bull : un bilan sensationnel
Après une saison 2022 particulièrement réussie (17 victoires en 22 courses) ponctuée par les 2 titres, Red Bull ne pouvait viser autre chose que de conserver ses couronnes. Mais avec la concurrence attendue, il semblait illusoire de faire aussi bien ! Contre toute attente, Red Bull fit cependant mieux, nettement mieux qu’en 2022. 21 victoires contre 17 et 860 points marqués contre 759… ces 4 victoires et plus de 100 points supplémentaires étant l’œuvre du seul Max Verstappen.
Cette domination était prévisibible dès le GP de Bahreïn, 1er GP de 2023… Un doublé en qualifications, un autre en course, la concurrence reléguée à 30 secondes et plus… et le principal concurrent de 2022, Charles Leclerc, éjecté du podium quand son moteur est parti en fumée… La saison est lancée sur les chapeaux de roue pour l’équipe autrichienne.
Quelques mois plus tard, pour un des GP à domicile de Max Verstappen, né en Belgique, Red Bull signe un doublé, le 1er depuis Miami… Mais bat surtout un record historique, datant de 1988. McLaren avait alors emporté les 11 premières courses. Red Bull fait mieux à Spa avec une 12e victoire consécutive depuis le début de la saison.
Un coup d’arrêt sans conséquence
Malgré l’échec du GP de Singapour, le 6e titre de l’histoire de l’équipe autrichienne est officialisé dès le GP du Japon, 6 week-ends avant la fin de la saison. Si la course a été un vrai calvaire pour Perez, victime/auteur de plusieurs accrochages, au point d’abandonner puis de repartir 2 petits tours pour purger une pénalité, Verstappen a assuré l’essentiel en gagnant une fois de plus.
Malgré tout, au moment de faire le bilan, en examinant les résultats en détails, en se remémorant les batailles en piste, les qualifications de plus en plus serrées, il est indéniable que l’écart avec la concurrence s’est réduit au fil de la saison. Cela s’explique facilement, car Red Bull s’étant rapidement concentrée sur le développement de la monoplace 2024, dès lors que les titres 2023 étaient acquis. Le temps de soufflerie était également réduit, du fait du titre de 2022 et de la pénalité subie suite au dépassement du budget réglementaire en 2021.
Le bilan côté pilotes
Après une saison 2022 sensationnelle, particulièrement la 2e partie, Verstappen voulait continuer sur sa lancée, même si gagner 15 GP à nouveau s’annonçait difficile. Mais sa démonstration de maîtrise fut encore plus forte en 2023 et les rares records qu’il n’avait pas battus en 2022 sont désormais siens, comme la série de victoires (10), le pourcentage de succès en une saison (86%) ou le nombre de tours menés (1003). Pour couronner le tout, il s’est permis de dépasser successivement Ayrton Senna, Alain Prost et Sebastian Vettel au classement des pilotes les plus victorieux. Le bilan est exceptionnel.
Et du côté de Checo?
A l’inverse, Perez devait absolument faire mieux qu’en 2022, surtout en termes de régularité. S’il visait ouvertement le titre selon ses dires, faire une saison pleine serait déjà un accomplissement.
Les premières courses ont donné raison au Mexicain, avant un long, trop long passage à vide. Si le fait de ne pas pouvoir lutter avec Verstappen était largement excusable et qu’il est certain que le développement de la monoplace a bénéficié au Néerlandais, cela n’a pas expliqué toutes les erreurs et contre-performances de Checo, notamment en qualifications.
Mais c’est peut-être en course que le bilan de Perez est le plus décevant, car il n’a jamais été le maître de l’exercice sur un tour. Difficile de compter ses performances anonymes dans le peloton, ou ses erreurs lors d’attaques mal maîtrisées sur des concurrents qui n’avaient rien demandé.
On se retrouve bientôt pour le Guide complet de la saison 2024 !
Crédits photos : F1.com