Chine : Quand l’ombre du grand timonier met une bonne claque au bavarois…

… Ou plus simplement quand FAW-Hongqi évince Audi des futurs marchés automobiles chinois. C’est rapidement dit ce qui va arriver le 9 mars prochain dans une nouvelle loi édictée par l’état (et le PC) chinois. Plus de grandes berlines occidentales dans les flottes automobiles qui servent au parti, à l’état, aux collectivités locales et autres services liés à l’état chinois.

A compter du 10 mars prochains, les gestionnaires de parcs automobiles publics devront piocher dans une liste de 412 véhicules et non dans le grand catalogue du marché auto chinois. Cette liste concerne les voitures mais aussi les VUL, les camions, les autocars, les cycles et quelques autres engins mobiles. Et les deux premiers constructeurs automobiles à être touchés sont Audi et Mercedes qui voient ainsi leur échapper un marché de plusieurs centaines de milliers de voiture chaque année.

Dans un premier temps, ce sont les Audi A6 L et Classe E LWB qui vont être touchées car elles dominaient ce marché depuis le début des années 90 et avaient fait leur preuve tant en terme de fiabilité que de performances ou d’image mais le PCC vient d’en décider autrement avec cette mesure autoritaire qui s’applique à tous les fonctionnaires de l’immense pays. Jusqu’à maintenant les ministres, vice-ministres pouvaient circuler dans des autos étrangères jusqu’à 2.5 L de cylindrée, il n’en sera plus ainsi.

Il semble que l’état chinois reprenne la main sur ses dépenses mais aussi son patrimoine et ses entreprises comme c’est le cas pour FAW (né First Automotives Works en 1953 avec l’aide des camarades russes) qui appartient à la Chine et qui produit depuis 1958 via sa marque Hongqi (Drapeau rouge)  toutes les limousines d’apparat des dirigeants chinois. Aussi l’état chinois veut remettre au centre du jeu automobile cette marque et il frappe fort d’entrée en mettant en avant le nouvelle Hongqi H7 pour succéder aux A6 et Classe E qui font le bonheur des apparatchiks chinois.

La H7 attendue depuis des années sera dévoilée dans sa livrée de série au prochain salon de Pékin en avril et elle va avoir la tache de succéder à l’A6. Environ 1.8 milliards de yuans ( environ 212 millions d’euros) ont été investis dans le développement de la H7 (code projet  C131) et l’état chinois veut notamment rentabiliser son investissement Hongqi qui ne vend guère de voitures puisque depuis fin juillet 2011 aucune Hongqi n’a été livrée et immatriculée. Aussi cette berline développée sur la base de la Toyota Crown sera la prochaine voiture officielle chinoise haut de gamme (en dehors des voitures d’apparat). Un peu moins de 5.0 mètres de long, trois moteurs (L4 2.0 L turbo, V6 2.5 L, V6 3.0 L), BVA7, une apparence cossue mais des standards de qualité à la chinoise bien loin de ce que peuvent proposer les allemands. Reste que Hongqi est  à la traine en matière de qualité, de performances, de consommation même avec cette H7 que va imposer l’état chinois.

Une voiture à priori très moyenne selon les journalistes et experts chinois qui ont pu découvrir l’auto et qui ont surtout pu en parler ! Reste que cette H7 est vitale pour Hongqi puisque le constructeur espère une production de 30.000 autos/ans qui seront quasiment toutes vendues à l’état. Reste que l’arrivée de cette berline Hongqi H7 qui va détrôner la reine A6 (mais aussi les Classe E, Serie5 et quelques Buick) est symbolique puisque c’est Hongqi qui construisit dans les années 50 la limousine de Mao et c’est toujours Hongqi qui construit les limousines HQE et HQ3 des hauts dirigeants chinois qui préfèrent en privé, rouler en allemande ou en américaine. Reste que cette nouvelle situation est un peu comme un coup de poignard dans le dos d’Audi puisque le groupe VW est le partenaire du groupe chinois FAW depuis 1990.

 

Audi a déjà réagi et se dit capable de surmonter cette éviction et cette perte de chiffre d’affaire lié au marché de l’état. Le constructeur bavarois explique qu’à ce jour les ventes Audi en Chine sont le fait, pour plus de 90%, d’acheteurs privés. Toujours dans la directive de l’état chinois, on apprend qu’à l’avenir il faudra choisir dans cette fameuse liste de 412 modèles, que pour les fonctionnaires “normaux” la cylindrée maxi sera 1.8 L (une norme très chinoise !), que le prix moyen maximum ne devra pas excéder 21.500€ et comme aujourd’hui le renouvellement se fera par période de 8 années.

Reste qu’une fois encore cette décision prise presque discrètement surprend le monde automobile, bouscule les choses que certains croyaient acquises un peu à l’image des différentes taxes imposées aux voitures importées, à la fiscalité des grosses cylindrée ou de la limitation du nombre d’immatriculations dans les grandes villes chinoises imposée fin 2010. Il semble aussi que la Chine veuille désormais s’imposer comme le géant mondial notamment dans le secteur automobile face à l’occident mais surtout face aux USA. L’annonce faite ce matin de vouloir rendre convertible dans toutes les monnaies le yuan et d’en faire une monnaie aussi puissante que le dollar ( http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20120228trib000685353/les-chinois-veulent-lancer-leur-monnaie-a-la-conquete-du-monde.html#xtor=RSS-7 ) dépasse largement le cadre de l’automobile. On n’oubliera pas les délocalisations des usines chinoises vers l’Europe, leur implication de plus en plus grande dans le fonctionnement du monde. Les financiers, chef d’entreprises sont partis il y a 25 ans vers la Chine avec le secret espoir de faire du profit et de la fortune, c’est en partie réussi mais c’est désormais au plus grand atelier du monde de prendre le pouvoir et les décisions tant en matière économique qu’automobile car le tout puissant état chinois pourrait vite s’il le décidait mettre à mal les milliards investis en Chine notamment dans le cadre des fameuses joint ventures.

Pour revenir aux constructeurs occidentaux, même s’ils font bonne figure devant la presse, les caméras ou le web, le coup doit être rude car l’état c’est entre 5 et 9% du marché automobile chinois selon les sources ce qui représente 20% des ventes d’Audi en Chine, 10% pour VW, Toyota, Nissan ou GM. PSA est un peu moins concerné par l’affaire, ouf ! Ces marchés publics tenus à 80% par des constructeurs étrangers est estimé à 10 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien et devrait avoir un impact réel sur la situation financière chinoise des constructeurs concernés par la mesure. FAW, Dongfeng, GreatWall, Geely et quelques autres  seront donc à la manoeuvre dès la semaine prochaine pour remplacer les constructeurs non chinois qui trustaient les marchés de l’état.

Via LaTribune, CCT,Auto.Sohu. LeMonde, AP.

 

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