Pour un bon béhèmiste pur jus, une voiture ne peut se concevoir qu’avec un 6 cylindres en ligne. La propulsion est une obligation. Il abhorre le diesel, tandis que toute autre silhouette autre qu’une berline ou un coupé (compacte et break au cas par cas) le fait vomir. Alors imaginez sa réaction lorsque sa marque chérie, que dis-je, sa religion, a présenté un monospace traction diesel 3 cylindres.
Au cours de ma journée d’essai entre Aix et les Baux-de-Provence, une question m’a trotté dans la tête : est-ce que je dois juger cette voiture comme une BMW ou comme un monospace premium ?
Si on considère l’Active Tourer comme une BMW…
…alors je peux comprendre que ses lignes n’inspirent pas de grand frisson. Alors, certes, les naseaux de calandre sont imposants, on retrouve les angel eyes dans les optiques avant et le pli Hoffmeister dans le vitrage latéral, tandis que les feux en L rassureront le propriétaire sur l’identité de la voiture. Oui mais… Le design n’a rien de très excitant : j’avoue avoir du mal à chasser de mon esprit la ressemblance avec un Kia Carens depuis qu’un confrère l’a évoqué. Les amateurs de dynamisme pourront se rabattre sur une finition M Sport (pare-chocs et jupes spécifiques) que je trouve particulièrement atroce, mais les goûts et les couleurs…
Concernant l’intérieur, on retrouve bien plus ses marques : la planche de bord est certifiée 100% BMW. Beaucoup de lignes horizontales, une console centrale légèrement tournée vers le conducteur, un volant agréable à prendre en main, de jolis matériaux et un assemblage soigné, tout concourt à se sentir à la maison. Malgré une implantation 11 cm plus haut que dans une Série 1 ou même 2 cm de plus qu’un X1, la position de conduite ne souffre aucun reproche, bien aidée par les amples réglages des sièges et de la colonne de direction. On y retrouve des équipements connus, comme le GPS Professional avec sa molette tactile (baptisée iDrive Touch), toujours aussi agréable à regarder et à paramétrer. La vision tête-haute a dû délaisser la projection sur le pare-brise (car trop incliné) pour un plus classique système de lame rétractable, un peu à la manière d’un 3008.
Vient la partie sur laquelle beaucoup de gens attendent l’Active Tourer au tournant : que vaut-elle une fois le moteur en marche ? Il faut d’abord commencer par ce qui change par rapport à une autre BMW. La plus grosse (r)évolution concerne bien évidemment le passage de la propulsion (le moteur fait tourner les roues arrière) à la traction (les roues avant entraînent la voiture), provoquant de fait l’apparition d’une nouvelle plate-forme, appelée UKL. BMW a-t-il raison ? De mon point de vue et pour cette catégorie, oui. J’en tiens pour preuve la fameuse étude montrant que 80% (!!) des possesseurs de Série 1 ne savaient ni le mode de propulsion de leurs voitures ni le nombre de cylindres du moteur. Dans ce cas-là, pourquoi se fatiguer avec une architecture plus complexe et coûteuse alors que tout le monde s’en fout ?
Cette nouvelle plateforme s’accompagne d’une nouvelle offre de motorisations, basées sur un cylindre unitaire de 500 cm3. Ainsi, les 3 cylindres cubent 1 500 cm3 et les 4, 2 000. A son lancement, l’Active Tourer propose 3 moteurs : 2 essences (218i –3cyl, 136 ch– et 225i –4cyl, 231ch) et un diesel (218d, 4cyl, 150ch), qui devrait représenter la majorité des ventes. La 216d (miam, un 3cyl diesel de 116ch) ainsi que les 220d et i (190ch pour les deux, disponible en transmission intégrale xDrive) arriveront d’ici la fin du mois, et c’est à bord d’une 218i et 218d, les deux en boîte manuelle (une auto 8 vitesses est également dispo), que nous avons passé la journée.
Commençons par ce qui ira le plus rapidement : les défauts. Un point particulier m’a gêné : l’énorme angle mort ¾ avant côté conducteur. Les deux montants latéraux sont beaucoup trop gros et obstruent toute visibilité, rendant les virages à gauche et les croisements très pénibles. N’est pas un Espace qui veut. Deuxième source de mécontentement : la boîte de vitesse. Je comprends pourquoi toutes les BMW m’étant jusqu’à présent passé entre les mains étaient équipées de l’excellente BVA8, car la BVM à 6 rapports se révèle…un peu moins parfaite. Oh, bien sûr, rien de dramatique, mais on pourrait aimer un peu plus de précision dans le guidage et une meilleure consistance de l’embrayage (principalement pour la version diesel). Et, bien évidemment, un moyen de passer la marche arrière autrement qu’en forçant comme un bœuf (pas de gâchette ou de pommeau à enfoncer, il faut tirer le levier de toutes ses forces vers la gauche pour passer le rapport).
Mais passons aux bons points. A commencer par la bonne surprise qu’est le comportement général de la bête. Alors, bien sûr, n’espérez pas une once de sportivité au volant, mais on peut tout à fait parler de conduite dynamique : la prise de roulis est bien maîtrisée, la direction est agréable (particulièrement lorsque le mode Sport est enclenché), la voiture se place bien sur ses appuis, elle ferait même presque preuve d’agilité. Je n’avais pas l’impression de la forcer dans les merveilleuses routes de la région d’Apt. J’en ai même profité pour apprendre à ma copilote des Enjoliveuses quelques tricks de conduite, c’est dire.
Les moteurs sont eux aussi très réussis. Le 218i essence est pétillant : il produit un son assez sympa, ne demande qu’à monter dans les tours et j’adore ça. Il met de bonne humeur ! Il partage son appréciable élasticité avec son homologue diesel, qui a pour lui une plus grande pêche –normal, avec 14ch et 110Nm supplémentaires-, bien que j’ai eu l’impression de réglages plus typé confort (ce qui ne m’étonnerait qu’à moitié). Concernant le 225i et ses 231ch, le temps m’a manqué pour en prendre le volant. Autant je trouve absurde l’idée de mettre une telle puissance dans un monospace, autant je suis curieux de savoir ce que ça rend… Peut-être aurons-nous l’occasion d’en reprendre le volant bientôt.
Vous l’aurez donc compris : elle n’a sûrement (et heureusement) pas la pêche d’une M235i, mais la Série 2 Active Tourer se révèle être une bonne surprise sur le plan dynamique, ce qui représentera sûrement 1% du temps de conduite total de l’auto. Mais dans les 99% restant, il se passe quoi ?
Si on considère l’Active Tourer comme un monospace premium…
Alors il ne faut pas non plus cracher dans la soupe : à défaut d’un wow effect à la 435i GC, cette BMW est tout de même plutôt élégante (à condition bien entendu de virer les immondes feux halogènes pour du LED à 1000€ et, of course, choisir une plus grosse monte pneumatique que celle d’origine). Pour un monospace, les lignes sont équilibrées, les nervures sur le capot et le profil donnent un peu de peps à l’ensemble… Enfin bref, tout ça pour vous dire que je la préfère à la Mercedes-Benz Classe B, sa concurrente #1.
A l’intérieur, la grande question est : est-ce qu’on retrouve les attributs typiques d’un monospace ? Est-ce qu’il y a un max d’espace habitable, un coffre gigantesque, une modularité au poil ? Heu… on va parler de strict minimum. Malgré les 4,32m de long pour 1,8 de large et 1,55 de haut de la voiture, le coffre n’est pas si gigantesque que ça avec 468l. Un Classe B, de dimensions comparables, proposera 20l de plus, tandis que le C4 Picasso, certes 8cm plus long, absorbera 100l supplémentaires. Côté modularité, BMW nous rappelle bien qu’on n’est pas non plus chez les ploucs généralistes : pas question de 3 sièges indépendants. A la place, une traditionnelle banquette rabattable en 2/3 1/3 (avec des commandes dans le coffre, pratique) et coulissante, permettant –cerise sur le gâteau- un plancher plat une fois les dossiers rabattus. Mieux que rien, et on peut aussi piocher dans les options un siège avant passager rabattable. Bon point pour les rangements accessibles et raisonnablement nombreux et pour l’espace habitable très correct : on se sent à l’aise à l’arrière, aussi bien au niveau de la tête que des jambes, tandis que les fixations Isofix aisément accessibles rassureront les jeunes parents. En conclusion, plutôt qu’un habitacle de monospace, on a plutôt affaire à celui d’une compacte un peu débrouillarde. Reste à vous de savoir si c’est ce que vous cherchez quand vous achetez un tel engin.
La partie dynamique a déjà été largement traitée dans le paragraphe précédent, mais je voudrais ici insister sur le bon caractère de deux moteurs essayés, tant sur le point de la discrétion (on n’entend pas grand-chose à régime stabilisé), de la souplesse ou de la consommation (les chiffres relevés ne peuvent pas vraiment refléter la réalité, à moins que vous ne passiez votre vie à faire le kéké dans les petites spéciales du Sud, mais vous devriez pouvoir tabler sur du ~5-6l/100km pour le 118d et un litre de plus pour la version essence). Saluons aussi le bon travail des suspensions, filtrant agréablement les irrégularités de la route, surtout lorsque la suspension pilotée est cochée dans la looongue liste des options : je pense pouvoir affirmer sans trop d’erreur que la Série 2 Active Tourer fera une agréable compagne lors les départs en vacances.
Concernant les tarifs, on reste sur du BMW : la Série 2 Active Tourer « premier prix », une 216d dans la finition Première, vous coûtera 28 350 €, avec de série une clim auto bizone, la banquette coulissante et rabattable, un régulateur/limiteur et des radars de stationnement arrière. De l’autre côté de la grille se trouve la 225i xDrive M Sport à… 44 750 €. Des prix premium, donc. Mais, car il y a un mais, vous pourriez peut-être vous retrouver dans vos sous au chapitre LOA. Je ne sais pas trop comment les gens de chez BMW s’y sont pris, mais, en prenant notamment en compte la faible dépréciation du modèle, ils sont arrivés à nous démontrer qu’une LOA de 36 mois revenait moins cher qu’avec un « concurrent généraliste » (là encore c’est assez flou). Mais sur ce chapitre-là, c’est vraiment à vous de voir et de faire vos propres calculs.
Mais venons-en à la conclusion. Qui prendra la forme d’une question : que vient faire BMW sur le segment des monospaces ?
Est-ce un segment dynamique ? On m’a répondu et rassuré que, oui vous voyez, le marché couvre encore 10% des ventes françaises, mais la mutation de l’Espace en crossover luxueux prouve bien que l’âge d’or de ce type de véhicule semble bien révolu. Est-ce un marché porteur d’image ? Clairement pas. Est-ce un moyen pour BMW de tester un certain nombre de nouveautés (plate-forme + traction + nouveaux moteurs 3 cylindres) avant de les généraliser sur d’autres modèles (je pense à la Série 1 et au X1) ? C’est déjà plus probable. Est-ce uniquement pour aller chasser sur les terres du Classe B ? Si cette dernière hypothèse est juste, je trouve dommage que les 3 premiums allemands cherchent systématiquement à s’aligner sur les nouvelles propositions des deux autres (MB « han un X6 et un X4, vite on va faire la même chose » / BMW « han une A5 Sportback, vite on va rajouter deux portes à la Série 4 »), quitte à rendre l’offre tristement uniformisée. Mais bon, un produit bien né + le logo qui va bien sur le capot (parce que, soyons réaliste, les gens l’achèteront pour le logo) = je ne me fais pas trop de souci sur les ventes de l’auto… Tout en sachant qu’une version 7 places en préparation viendra bientôt l’épauler, probablement dès le printemps prochain.
Ceci dit, je comprends -et il est parfaitement logique- que la marque cherche à occuper un maximum d’espace et proposer le plus grand nombre de modèles possible afin de satisfaire tous les besoins de la clientèle, et je les félicite du produit qui en découle, qui réussit à allier le confort et les attributs d’une bonne familiale avec une petite pointe de piquant, apte à attirer le père de famille voulant garder une mini part de pseudo-virilité. Amis béhèmistes, désolé de vous décevoir mais la société a évolué, et votre marque fétiche est bien obligée de s’adapter pour subsister : un gentil monsieur appelé Darwin a très bien expliqué ce principe il y a de ça déjà quelques années. C’est à cause de lui que les girafes ont le cou long, que les ours blancs sont blancs, et que les BMW d’entrée de gamme deviendront à terme des tractions. Life is life / business is business, comme vous voulez, mais j’ai bien peur que vous n’ayez pas votre mot à dire dans l’histoire…
Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux.
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