Essai Toyota Yaris GRMN : l’expérience Tour de Corse 2018

Qui parmi nous (passionnés d’automobile j’entends) n’a jamais un jour rêvé de devenir pilote de course ? À défaut de prendre la place de l’un de ceux engagés en Championnat du monde des Rallyes par le Team Toyota Gazoo Racing WRC, Toyota m’a proposé ainsi qu’à quelques autres privilégiés de vivre l’expérience rallye de l’intérieur. Outre le rallye suivi de la première spéciale jusqu’au podium, nous nous sommes mis dans la peau de ces fameuses voitures dites “ouvreuses” qui parcourent les routes empruntées par le rallye quelques semaines auparavant. Entre paysages à couper le souffle, art de vivre et culture Corse, nous avons à cette occasion pris le volant de la nouvelle et rarissime Yaris GRMN pour plusieurs centaines de kilomètres à travers les routes du Tour de Corse 2018.

Le segment des citadines survitaminées est en effervescence depuis de nombreuses années. Châssis joueurs, motorisations petites mais nerveuses et kits carrosseries en tous genres font le succès de la recette de la catégorie plébiscitée des amateurs de sport automobile et de sensations à coût réduit (ou disons plutôt raisonnable). Et sur ce terrain là, Toyota était sûrement l’un des derniers constructeurs que l’on attendait. Pour l’occasion, le constructeur japonais a bien évidemment choisi de ne pas faire les choses comme les autres. En terme de diffusion tout d’abord, ce sont seulement 400 exemplaires de la Yaris GRMN qui sortiront des chaines de Valenciennes pour le plus grand plaisir de quelques privilégiés déjà connus ou du moins déterminés puisque l’intégralité de la production a déjà été vendue (dont 19 exemplaires pour l’Hexagone).  En terme de choix techniques ensuite, car Toyota a choisi d’opter pour un moteur 1.8 L (jusque là rien de bien surprenant) à compresseur, et ça c’est de l’inédit pour le segment ! Fort de 212 ch développés au régime de 6800 trs/min, le bloc a été développé conjointement avec Lotus ne laissant ainsi augurer que du bon pour le reste de la journée. Mais décryptons tout de même cet étonnant patronyme. “GR” pour Gazoo Racing, partenaire de Toyota pour les nombreux programmes sportifs dont l’endurance et bien évidemment le WRC. Et les deux dernières lettres ? MN pour “Master of Nürburging”, rien que ça… Outre l’aspect quelque peu aguicheur de l’appellation, ces dernières traduisent plutôt l’importance accordée au développement en ce haut et saint lieu que sont la fameuse boucle Nord et ses routes environnantes. Une fois de plus, je me laisse espérer que le meilleur est à venir…

Avec une telle mise en bouche, la suite se devait d’être exceptionnelle, et Toyota France n’a pas fait dans la demie-mesure. Denis Giraudet ça vous dit quelque chose ? Ce n’est autre que l’ancien copilote de Didier Auriol, duo vainqueur au Tour de Corse en 1995 et accessoirement auteur de la dernière victoire de Toyota en Championnat du monde des Rallyes. Qui d’autre aurait donc pu nous guider tout au long de cette journée un peu spéciale à travers les mythiques routes empruntées par les spéciales du Tour de Corse depuis tant d’années ? Quand on nous parlait de “vivre l’expérience rallye”, l’image devient beaucoup plus claire et un large sourire s’installe sur mon visage pour ne plus le quitter du week-end.

La première étape nous mène jusqu’au petit village typiquement Corse de La Porta, connu pour sa somptueuse église en son centre et qui a d’ailleurs participé à la légende du Tour de Corse à travers les années puisqu’il constitue l’un des passages phares de la première spéciale et cette année n’a pas fait exception. Nous avons en effet démarré cette journée inoubliable par le tracé exact de la première spéciale longue de 49,03 km, une sacrée distance pour une spéciale de WRC. Les routes sont très étroites, en état assez moyen et les montées vertigineuses avec bien souvent le précipice très proche et sans muret de protection, une des raisons pour laquelle les pilotes nordiques redoutent cette première étape.

Au fur et à mesure de la journée, la petite Yaris me surprend de plus en plus. En termes d’agrément de conduite tout d’abord. Le petit 1.8 L suralimenté est un vrai bonheur à pousser. Le compresseur apporte juste ce qu’il faut de souffle pour s’extasier jusqu’à la zone rouge qui démarre à 6800 trs/min, régime auquel la Yaris développe sa puissance maximale et démontre tout son potentiel. À partir de 4000 trs/min, c’est le nirvana complet. Non content de proposer une solution technique unique sur le segment, Toyota a fait un travail remarquable sur l’ensemble de la voiture pour que l’on se dise derrière le volant : ok, cette GRMN est une véritable sportive. Très loin d’une Clio RS 200, encore plus d’une Polo GTI, seule la Peugeot 208 GTI by Peugeot Sport peut supporter la comparaison. Et encore, la petite française bien que louée pour son comportement joueur et son châssis orgasmique ne dispose pas du même brio moteur que j’associe inévitablement à cette bouillonnante japonaise. Là où le choix du turbo apparait comme une évidence chez la concurrence, Toyota qui fait tout de même payer cher (plus de 30 000 €) l’exclusivité de se petite fille prodige va presque jusqu’à justifier chaque € dépensé. Le caractère moins brutal du compresseur qui souffle de manière continue pour apporter un surplus de puissance permanent plutôt qu’épisodiquement comme le ferait un turbo permet associé au différentiel à glissement limité Torsen de ré-attaquer très fort et très tôt en sortie de courbe avec finalement très peu de remontées de couple dans le volant. Bémol toutefois sur la position de conduite qui ne me permet pas de me sentir pleinement à mon aise. Malgré un travail intéressant sur les sièges baquets dont le maintien (surtout au niveau des cuisses et des épaules) confère une assise exemplaire, le réglage du volant en profondeur ne nous permettent pas mes grandes jambes et moi d’optimiser mon positionnement des mains sur le volant. Les pédales de frein et d’accélérateur trop éloignées éliminent également d’emblée toute tentative de talon/pointe à moins :
1/ de conduire avec des chaussures larges
2/ de tordre son pied à l’excès, l’exercice devenant alors peu naturel.

Cela ne s’avère pas nécessaire une légère pression sur la pédale de droite avant de monter sur les freins permettant de conserver un régime optimal pour le rétrogradage. J’ai d’ailleurs entendu nombre de critiques à propos de cette boite manuelle qui m’a finalement pleinement satisfait. Même si elle mériterait toutefois un verrouillage plus franc, le débattement est idéal et les 4 premiers rapports très proches sans pour autant me laisser hésitant sur mes différents passages.

La météo est au beau fixe et l’état des routes s’améliore nettement. On quitte peu à peu les épingles escarpées sans visibilité au profit des somptueuses routes côtières du Cap Corse. Les virages s’enchainent une fois de plus les uns après les autres et se ressemblent, mais le plaisir au volant se décuple encore plus. Pas étonnant que la rallye soit pratiquement considéré comme une religion sur l’île. La moindre petite route parcourue est une invitation à la conduite dynamique et au travail des trajectoires. La moindre commune traversée est elle aussi une invitation pour s’arrêter partager une assiette de charcuterie et fromages locaux. Les idées pré-conçues sur cette région ont la vie dure, mais pour ce qui est du domaine culinaire, la déception ne fera pas partie de votre vocabulaire durant votre séjour aussi court soit-il. Et c’est surtout ça l’esprit du rallye : les parcours itinérants. Bien que l’époque où les concurrents s’arrêtaient dans les villages lors des parcours de liaison soit en partie révolue, loin des strass et paillettes de la Formule 1, la proximité des voitures et pilotes avec le public ainsi que la beauté des régions traversées fait partie intégrante du spectacle et reste d’actualité. En témoigne la sortie de l’équipage Loeb/Elena lors de la deuxième spéciale du vendredi, qui incapable de repartir se vit offrir une assiette de spécialités locales au bord même du parcours officiel, avec le public, venu nombreux et en famille pour un des rallyes les plus attendus du championnat.

Avec plus de 200 km parcourus à travers des routes dignes des plus belles spéciales du championnat, entrecoupés de pauses culturelles bienvenues, la Yaris GRMN reste impériale lors des enchainements de changements de caps les plus vicieux. Ferme, elle n’en reste pas moins parfaitement suspendue, bien moins sujette au roulis que la concurrence et peu tendancieuse aux rebonds intempestifs sur terrain accidenté. La direction mériterait un peu plus de fermeté pour un meilleur ressenti de la route mais brille par sa précision et ses remontées d’informations nettes jamais perturbées par les nombreuses déformations rencontrées. Mon sourire ne m’a d’ailleurs toujours pas quitté et les envolées lyriques et très métalliques du 4 cylindres, non aidé de quelconque amplificateur de son confèrent une véritable âme à la petite japonaise.

Développée avec brio, pensée pour et par le plaisir de conduite, j’ose et assume affirmer que cette petite Yaris fait maintenant partie de la race des seigneurs. Celle où la passion dicte le résultat, où l’exclusivité crée la légende et où le prix refroidit parfois même les plus tentés par l’expérience. Le tableau serait idéal si la note supplémentaire de plus de 6000 € à destination de l’Etat ne venait pas gâcher la fête…
Une de plus à ajouter sur la liste des occasions à surveiller !

Crédits Photos : Toyota, Maurice Cernay

Mes plus sincères remerciements à l’équipe Toyota France pour l’organisation et la réussite exceptionnelle de cette expérience sans pareille.

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