Le gros pick-up a trouvé un moyen de s’exonérer des taxes de notre beau pays autophobe et malussophile. Essai de l’Amarok en version V6 TDI 224, le genre d’auto qui fait ressortir l’âme de cowboy qui sommeille en vous…
Oui, je sais : titrer « la meilleure voiture du monde » pour un pick-up, diesel en plus, cela sent la fin de réveillon alcoolisé, le manque total de discernement et la structure de la moquette gravée sur le front au réveil, avec un filet de bave qui coule (note : se réjouir de ne pas trouver un tigre dans le salon ou de ne s’être pas fait tatouer un rat sur le crâne). Pourtant, après une semaine d’essai à son volant, l’Amarok V6 TDI est carrément le genre d’auto avec lequel je me verrais bien vivre au quotidien, pour le reste de mes jours (un Amarok V6 TDI dont les premières impressions vous ont déjà été livrées sur le blog par mon collègue le jeune et prometteur Maurice) car elle me permet de vivre pleinement mon rapport à l’automobile. Un constat qui en fait, n’est-ce pas, la meilleure voiture du monde !
Quoi de mieux qu’un bon gros V6 ? (rien !)
Et parmi les bonnes raisons, on commence direct par ce qu’il y a sous le capot. En ces temps troublés de downsizing, quelle joie de tomber sur un bon gros V6 de 2967 cm3, dérivé de celui présent sous le capot de l’Audi Q7 (et globalement tous les haut de gamme de chez VAG Group) et ici dans sa version la plus puissante (224 chevaux, alors qu’il existe aussi en 163 et 204 ch).
Oui, je veux bien qu’on se dise que 224 chevaux pour 2 tonnes, cela n’a rien d’extraordinaire, mais ce serait faire abstraction d’une autre donnée, fondamentale : ce V6 TDI délivre aussi 550 Nm de couple dès 1400 tr/mn. Ça, ça me plaît !
Et pourtant : la BVA8 est du genre économe, à passer les rapports le plus vite possible pour après, se croiser les bras et attendre que ça se passe. Ça, c’est le genre de truc qui a tendance à m’énerver : cette éco-tendance qui ne donne que des voitures qui se traînent, c’est pas trop mon truc. Or, l’Amarok V6 TDI est le genre d’auto qui me fait changer d’avis. Et carrément, même.
Oui, la BVA8 monte ses rapports d’une manière si imperceptible qu’il est difficile de saisir (à moins de conserver un œil sur la petite fenêtre digitale entre les deux compteurs, qui affiche le rapport engagé) le rapport sur lequel fonctionne le V6.
C’est vrai, on se retrouve facilement à 45 km/h en 5ème et même à 70 km/h, 1200 tr/mn en 8ème : et pourtant, quelle force ! Pourtant relativement vive au kickdown, la BVA n’a pas souvent l’occasion de rétrograder tellement le V6 est plein de ressources aux régimes usuels. En réalité, en usage quotidien dans l’Île de France bouchonnée que nous connaissons tous, hélas, l’aiguille du compte-tours reste souvent autour du seuil des 1500… Et ça le fait bien. Et ça ne l’empêche pas d’avoir des performances hors du commun : pas le 193 km/h en pointe, fort honorable malgré tout, mais plutôt le 0 à 100 couvert en 7,9 secondes. Ça rigole pas, même si lors des grosses accélérations, on constate que le V6 est plus à l’aise dans sa zone de couple (2000 / 3500 tr/mn) qu’à aller chercher la zone rouge à 4500 tr/mn. Malgré tout, comme le V6 224 dispose d’un overboost qui peut rajouter temporairement 20 chevaux, les reprises sont vraiment canon. Et c’est même une source d’amusement de doubler aussi facilement au volant d’un tel engin.
Confortable, en plus
Les gros pick-up sont souvent critiqués pour leur inconfort. Mais ça, c’était avant. Évidemment, sur les dos d’âne et autres cassures, on sent bien l’essieu arrière rigide et les ressorts à lame (encore heureux, sinon faut changer de « métier »). Néanmoins, et même si avec cette motorisation V6, la capacité de tractage a augmenté de 2,8 à 3,5 tonnes, l’amortissement arrière reste assez souple sans être jamais cassant ; il n’y a jamais de coups de raquette en détente des amortisseurs, par exemple, même avec une auto faiblement chargée. Du coup, cela contribue au sentiment général de confort.
Car en plus d’une BVA douce et d’un V6 généreux, j’ai la joie de me trouver sur des sièges fort confortables. Bref, tout va bien, même si l’intérieur, correctement équipé, n’a pas la finition habituelle des productions VAG avec une planche de bord en plastique assez dur.
Idem du côté des aides à la conduite : on a le régulateur de vitesse et le stop & start, mais pas d’alerte de maintien de ligne ni de dispositif de freinage d’urgence. J’ai même été surpris de voir que le passager avant pouvait retirer sa ceinture sans qu’une alarme ne se déclenche (mais peut-être était-ce un problème spécifique à mon véhicule d’essai ?).
Mais n’est-ce pas là l’essentiel ? Un pick-up n’est pas un véhicule dédié au superflu…
Ça fait le job ?
Carrément. Sur la route, la puissance toujours disponible, le bon confort et la grande douceur d’ensemble incitent à rouler zen. Et ça me plaît. D’ailleurs, on essaie de rouler sport, un peu, pour rigoler, puis on abandonne vite : pas à cause de la boîte de vitesse. Malgré l’absence de mode « sport » ou de palettes au volant, on peut passer les rapports « manuellement » et le levier est plutôt réactif. Mais la direction est trop démultipliée, un rien floue au point milieu et l’Amarok se vautre sur son train avant en prenant un peu de roulis. Et puis là, les 2100 kilos en ordre de marche se rappellent un peu à vous.
Du coup, je préfère me la jouer « force tranquille », en cruisant, en anticipant, en enroulant, et en doublant les opportuns d’un léger coup de gaz, dans le feulement du V6. Feulement que je n’aurais, soit dit en passant, pas été heurté d’entendre un peu plus. Signalons toutefois l’excellente insonorisation intérieure de l’engin, car dehors, devant le capot, le V6 ne peut rien pour faire oublier l’origine de son carburant.
Et ça me plaît bien, cette façon d’être. L’Amarok V6 TDI excelle dans ce mélange de nonchalance et de force tranquille. Il se conduit en souplesse, avec deux doigts. Son gabarit conséquent (5,32 m de long, 1,95 m de large, 1,83 m de haut) n’est pas trop handicapant au quotidien, car avec ses formes bien carrées, on prend rapidement le gabarit dans l’œil. Et dans les manœuvres, la caméra de recul est d’un grand secours, car avec les deux vitres à l’arrière et la structure du hard-top (une option à 3136 € HT), on ne voit pas grand-chose.
Le blocage de différentiel est de série et la fonction « off-road », qui gère la progression du véhicule en descente, est toujours utile à ceux qui s’aventurent en sous-bois. Mais il faudra le chausser des bons pneus, car d’origine, avec la monte qui n’est pas M+S, ça va vite patiner. Il n’y a pas d’écran, sur le système d’info-divertissement, qui montre le fonctionnement des trains roulants dans les évolutions lentes en terrain difficile, c’est toujours instructif. Quoi qu’il en soit, je n’aurais pas besoin de ces éléments dans l’usage que j’en ferais.
Côté conso, j’ai enregistré du 10,7 l/100 sur autoroute à des vitesses globalement légales, ce qui est logique pour un 4×4 permanent de ce gabarit. Et sur de l’urbain et péri-urbain assez roulant (test réalisé avec pas mal de trajets autour de Paris, au moment du nouvel An, donc avec peu de circulation), je m’en sors à 9,7 l/100. Correct là encore.
Et cela dit sans même aborder les avantages fiscaux : si vous avez une boîte à votre nom, jackpot ! En double cabine, l’Amarok ne peut être exempté de TVA, mais vous ne payerez pas la TVS. Et pour tout le monde, particuliers compris, le pick-up, véhicule utilitaire par excellence (des utilitaires comme ça, encore une fois, j’en ferais bien mon quotidien !), c’est pas de malus : un argument massue quand on émarge à 203 grammes de C02, synonymes de 10 500 € de gabelle. Du coup, son prix d’un peu plus de 50 000 € en finition Carat (avec cuir, etc.) passe presque mieux.
Par contre, un petit échec sur cet essai : je n’ai pas réussi à rentrer un baby-foot (j’ai toujours rêvé d’avoir un baby foot dans mon salon) de 1,55 m de long dans la benne. Ça s’est joué à quelques petits centimètres. Et c’était grillé, de toute façon, car l’Amarok possède la plus grosse benne du segment (1,20 x 1,50 m) ; donc on est allé chercher le baby-foot grâce à des potes qui possèdent une Caravelle BiTDi 180 ; ça reste en famille.
Ce qui fait de l’Amarok presque la meilleure voiture du monde. Jusqu’à l’arrivée du Mercedes Classe X, du moins quand celui-ci recevra un V6 TDI de 258 chevaux. Les règnes sont courts dans le monde automobile.
Crédit photos : Gabriel Lecouvreur