Exagon Furtive e-GT : Une sportive sous haute tension

Deux ans après la présentation du concept à Paris, Exagon revient au Mondial pour nous présenter la version définitive de sa supercar électrique made in France. Si la voiture apparaît bien née et séduisante nombres d’interrogations subsistent quant à la viabilité d’un projet dont les risques sont importants.

Dans cette période trouble pour l’industrie automobile française voir un petit constructeur indépendant se lancer dans la commercialisation d’un produit très haut de gamme et particulièrement innovant n’est pas pour nous déplaire. Et il faut reconnaître qu’elle est aguichante cette Furtive e-GT et qu’en plus d’être belle elle semble avoir été réalisée avec des moyens, des ambitions et une bonne dose de passion automobile.

C’est une sportive, une vraie et ça se voit au premier coup d’œil. A l’avant les optiques surlignées d’un trait de DEL lui donnent un regard agressif et conquérant entourant une calandre pincée très profilée, le tout surmontant un bas de pare-choc en V inversé agressif et doublé d’une jupe bien intégrée. Le profil est dynamisé par le traitement du vitrage latéral, très étroit et profilé, par le bas de caisse aérodynamique et par une élégante ouverture de la carrosserie derrière la roue avant, rehaussée par un bel insert en aluminium brossé en forme de virgule qui se prolonge, en bas, par un pli de carrosserie qui vient mourir sur la roue arrière du véhicule et, en haut, par un autre qui rejoint l’aileron arrière, le tout posé sur des jantes de 20 pouces. Le toit évoque assez largement la RC-Z de chez Peugeot, ce qui n’est pas un reproche, avec un double bossage un peu moins marqué et plus géométrique et des arches en aluminium et carbone. On notera le petit détail aérodynamique façon Ferrari puisque les arches se “détachent” du toit pour permettre au flux d’air de s’écouler et renforcer l’appui.  A l’arrière enfin on remarque l’aileron façon queue de canard très proéminent, de jolis feux DEL et surtout un spectaculaire extracteur qui n’est pas uniquement esthétique puisqu’il est le prolongement du fond plat de la voiture. L’ensemble du design extérieur est très homogène, sans faute de goût notable, et donne un véhicule assez compact et rablé puisqu’il affiche 4,46 m de longueur, 1,91 m de largeur et 1,29 m de hauteur.

 

 

 

 

Mais ce qui pêche souvent chez les petits constructeurs ce sont les intérieurs. En effet les coûts de développement des pièces contraignent généralement les concepteurs à piocher dans les banques d’organes des grands constructeurs ce qui donne parfois un patchwork d’un goût douteux. On ne retrouve pas cette sensation à bord de la Furtive et seul un œil très avisé pourra repérer quelques rares éléments connus. Là encore, place au sport dans le traitement de l’ambiance, on est assis très bas dans des sièges baquets qui offrent un excellent maintien et on se retrouve face à une planche de bord où carbone, métal et cuir se côtoient généreusement, les possibilités de personnalisation n’étant a priori limitées que par l’imagination du client. Les formes sont classiques, plutôt anguleuses mais l’ensemble est agréable et en parfait accord avec la philosophie de la voiture. La technologie n’est pas absente, bien au contraire, la console centrale accueille un écran tactile de 9 pouces conçu en partenariat avec Nokia et connecté en permanence avec l’usine Exagon qui peut ainsi envoyer des diagnostiques techniques directement au propriétaire. Et puis devant les yeux l’instrumentation du combiné est également intégralement digitale (avec tout de même la présence de cerclages en métal) via un large écran de 12 pouces largement configurable selon ses envies ou le mode de conduite. Difficile de juger exactement la qualité des matériaux de l’ensemble mais cela présente plutôt bien même si l’on trouvera certainement à dire sur certains détails, surtout si l’on tient compte du prix du véhicule dont nous reparlerons plus loin.

 

 

 

 

Le plumage de cette française est donc à la hauteur mais si elle se résumait à cela nous n’aurions qu’une énième GT qui aurait bien du mal à se démarquer des concurrentes. Pour se différencier réellement c’est sous la carrosserie qu’Exagon s’est penché. En effet, la Furtive est une voiture 100 % électrique… ou presque puisqu’on a tout prévu à Magny-Cours. Ainsi, une option Range Extender (dénommée Générateur de Grande Autonomie, GGA) sera proposée au client (à 40 000 € tout de même). Il s’agit d’un petit moteur thermique qui vient recharger les batteries dans le cas où ces dernières seraient totalement vidées, un peu à la manière d’une Chevolet Volt. Déjà assez fiers de leur autonomie, annoncée en tout électrique pour 360 km, les concepteurs de la Furtive peuvent avancer le chiffre de 807 km avec 25 litres d’essence, de quoi être certain de ramener votre Furtive à la maison quand vous en prendrez possession à Magny-Cours. Le point noir des voitures électriques apparaît totalement écarté même si la voiture ne pourra alors plus se prévaloir d’être totalement propre, c’est ballot… Qu’à cela ne tienne, on s’en fiche de l’autonomie non ? Ce qui compte sur une sportive ce sont les performances. Et sur ce point on sait que l’électrique a son mot à dire. Équipée de deux moteurs Siemens (deutsche qualität pour le coup) placés à l’arrière du véhicule la e-GT développe un total de 402 ch., un chiffre plus qu’honorable pour déplacer ses 1640 kg., mais surtout elle dispose immédiatement d’un couple de 506 Nm. De quoi propulser le bolide à 100 km/h en 3,5 s. et lui permettre d’atteindre la vitesse maxi autolimitée de 250 km/h, des performances que bien peu de sportives, voire de supersportives sont capables d’égaler. Le reste des données techniques annoncées est à l’avenant : système de freinage Beringer avec à l’avant des disques de 380 mm et des étriers à 6 pistons (360 mm et 4 pistons à l’arrière), châssis monocoque en carbone, différentiel autobloquant (la Furtive est une propulsion) et suspension à doubles triangles superposés avant et arrière en aluminium. Tout cela garantit a priori un comportement routier de tout premier ordre d’autant que les batteries Lithium-ion d’une capacité de 53 kWh fournies par SAFT (et ça c’est français contrairement à ce qu’on pourrait penser) on été placées sous le véhicule. Avec près de 500 kg à cet endroit, il est clair que le centre de gravité est idéalement bas et que le roulis devrait être peu important.

 

 

 

 

Elle est donc extra cette GT française, fabuleuse en terme de performance, belle, bien finie, personnalisable et en plus écologique. Oui mais voila il y a un sacré hic, ou plutôt 404 000 hics… Car oui 404 000 € c’est le prix de base de cette française et je vous rappelle que le seul GGA est facturé 40 000 € supplémentaires, on n’ose imaginer le reste des éventuelles options. Il faut le dire tout net, c’est juste horriblement cher mais c’est surtout un sujet d’inquiétude majeur quant au succès éventuel de la voiture. Le nombre de véhicules de ce prix est déjà extrêmement réduit sur le marché mondial et Exagon compte en écouler 150 unités par an, un chiffre qu’on peine vraiment à croire réalisable, même avec beaucoup d’enthousiasme, pour une marque nouvelle qui a tout à prouver et qui ne dispose d’aucun réseau particulier. Comme évoqué plus haut les clients devront effectivement prendre possession de leur Furtive e-GT sur le circuit de Magny-Cours (où ils auront droit à un petit stage de prise en main du véhicule offert en toute générosité par la maison…) et l’entretien, certes extrêmement réduit, sera assuré par des mécaniciens volants de l’entreprise.

Le challenge à relever sera donc difficile et on ne peut que souhaiter bonne chance à Exagon. Mais il faut également leur dire d’ores et déjà que dans le domaine du luxe qu’ils prétendent investir la première des qualités est celle de l’accueil, une qualité hélas bien peu présente sur le stand du Mondial de Paris où l’on se sent plus assimilé à la vulgaire plèbe qu’au gotha branché du tout électrique… Allez, Monsieur Exagon, on peut être français, sympathique et chic, j’en suis convaincu…

Crédit photo : Eddy P.

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