Ferrari et les supercars, c’est un peu comme Apple et les smartphones, Hermès et les sacs, Bocuse et la gastronomie : LA référence, le point de repère pour les passionnés comme pour le grand public. Lignée incomparable de modèles dont l’aura touche même les plus hermétiques à la chose automobile, les 5 grandes Ferrari ont déjà été disséquées par les plus grands chroniqueurs depuis plus de 30 ans.
Alors s’attaquer dans un article de 1700 mots à un tel sommet, est-ce bien raisonnable ? Choisir une publication peu après la célébration des 70 ans, prétexte à des dizaines de livres et hors-séries, est-ce pertinent lorsque l’on n’est que simple passionné ? Pourra-t-on sortir du flot de banalités faciles que l’on lit à regret ces derniers temps ? Challenge accepted ! J’espère que vous en aurez, un peu, appris à la fin de votre lecture. Et si finalement, vous saviez déjà tout, ce ne sera qu’un agréable rappel.
GTO
La GTO doit tout au Groupe B. Ce nom résonne aux oreilles de tous les passionnés et plus particulièrement à ceux ayant vécu les grandes heures du rallye des années 80. Contrairement au Groupe A pensé pour la grande série, le Groupe B autorisait de profondes modifications de la base homologuée pour la route tout en exigeant de ne produire que 200 exemplaires. Je dis bien produire, pas vendre. La nuance fut de taille pour certains modèles. Nous sommes en tout cas bien loin des 5000 exemplaires requis en Groupe A. Ce règlement, rêve d’ingénieurs, fut l’occasion pour Ferrari de se lancer dans le projet d’une berlinette dont tous les composants répondraient déjà aux besoins de la course. Un retour aux sources pour Enzo en quelque sorte : la route n’est qu’un soutien à la piste.
Les monstres mécaniques issus du Groupe B furent jugés trop dangereux après quelques accidents parfois mortels. La FIA siffla la fin de la récréation dès 1986 avant que la GTO ne soit engagée en course. La durée de vie de cette réglementation fut aussi courte que sa marque dans l’histoire est importante. Sans elle, pas de GTO, pas de Porsche 959 et pas de F40 : c’eut été dommage, non?
Petite anecdote pour terminer : le vrai nom de la 288 GTO, c’est bien GTO, tout court. C’est d’ailleurs écrit dessus, à l’arrière, en bas à droite : incroyable que tout le monde ne l’appelle que 288 GTO, non ? Même Ferrari, sur sa page Facebook officielle se trompe parfois !
GTO Evoluzione
Pas de F40 me dites vous ? C’est une évidence pour certains mais la filiation entre la 288 GTO et la F40 ne saute pourtant pas aux yeux. C’est peut être qu’il leur manque le chaînon manquant, la 288 GTO Evoluzione.
Quand je croise une photo de la GTO Evoluzione, je ne peux m’empêcher d’y voir la descendante directe de la 512 BB LM qui usa ses pneumatiques sur les circuits dans les années 70 et le début des années 80. Il faut dire que la face avant est plus que proche avec un lissage complet, loin du bec inversé de la BB et de la 288. Je vous ai parlé de Groupe B un peu plus haut, l’Evoluzione en est la concrétisation. Pour que les modifications apportées à la voiture de série soient acceptées, une mini série de 20 voitures devait être produite : 650 chevaux obtenus principalement en augmentant la pression des turbo de 0,92 à 1,35 bar, un couple de camion et des aérations partout pour refroidir la mécanique, le tout pour moins de 1000 kg. Facile, ils ont tout enlevé hormis les sièges. On ne peut que regretter que la GTO n’ait finalement jamais connu la piste ou le rallye. En revanche, son développement a été poursuivi après l’abandon du Groupe B avec une excellente idée derrière la tête qui deviendra la F40. On a finalement assez peu à dire sur cette voiture qui n’a jamais vraiment vu le jour mais sa descendance directe en fait un jalon essentiel pour la marque.
Aujourd’hui, 3 exemplaires subsistent de l’Evoluzione et passent plus de temps dans les musées que sur la piste. C’est dommage mais compréhensible…
F40
Pour celle-ci, je jette l’éponge, tout a été dit sur la F40, tant cette voiture dépasse de loin le cadre étroit des amateurs d’automobiles. Même ma mère doit la connaître, c’est dire…
F50 GT
La F50, vous connaissez : 349 exemplaires, fille légitime de la F40, un moteur dérivé de celui de barquette 333SP triomphatrice des 24h de Daytona, 520 ch délivré par un bloc porteur et une place peu envieuse de mal aimée de la lignée.
En serait-il autrement si la version GT1 avait été développée ? C’est bien probable. Flashback : au milieu des années 90, c’est la période bénie des GT1. Si vous avez déjà lu mes précédents articles, vous savez déjà que c’est mon âge d’or. Porsche et Mercedes rivalisent avec Toyota, Lotus et McLaren sur les circuits du BPR puis du FIA GT. Née pour la course mais pourtant officiellement retirée des compétitions, hors Formule 1, depuis la fin des années 70, la Scuderia a été représentée pendant toutes ces années par des privés qui engageaient des autos avec la bénédiction officieuse de Maranello. Tout change en 1995-96 quand Ferrari missionne Dallera pour préparer une GT1 sur la base de la F50. Après une cure d’allégement drastique et une optimisation du V12 (issu de la compétition, il s’agit d’un moteur de 333SP), la voiture est prêt à relever le défi du FIA GT et peut être même du Mans. Environ 750 ch hurlant à plus de 11 000 tours minutes (mamma mia…), un capot moteur totalement revu, un toit fixe, un immense aileron posé sur un montant central, des prises d’air béantes, la F50 GT en impose.
Les rares ayant pu l’essayer l’on jugé bluffante de facilité. De là à dire qu’elle aurait pu faire bonne figure, il y a un grand pas que je ne franchirai pas. La course à la victoire aux 24h du Mans a en effet connu une terrible accélération en 1997-99, conduisant Mercedes, Porsche et Toyota à produire des GT qui n’en n’avait plus que le nom : Mercedes CLR, Toyota GT One ou 911 GT1 98 ne poseront jamais les roues sur une route de campagne. Le programme italien a été brutalement interrompu, sans que Ferrari ne s’en explique. Budget non assumé ? Peur de la concurrence ? Changement brutal de stratégie ? Nous ne le saurons peut être jamais… 3 exemplaires ont survécu : un chez Ferrari, un aux USA et un dernier au Japon. Ils auraient été cédés contre promesse de ne jamais les engager en course. Promesse respectée à ce jour.
Enzo Ferrari
Amusant mais comme pour la GTO, la Ferrari Enzo est rarement correctement nommée. Son petit nom complet est Ferrari Enzo Ferrari.
Vous pensez également que l’Enzo n’a jamais connu ce qui fait l’essence de Ferrari depuis sa création, la course ? Je vais prendre le contrepied : 5 titres FIA GT de 2005 à 2009 et quelques victoires de prestiges comme les 24h de Spa. Et si finalement l’Enzo était la Ferrari la plus titrée ? En vrai, non puisque ces victoires sont celles de la Maserati MC12. Mais à y regarder de plus prêt, la MC12 n’est qu’une Enzo travaillée dans le seul but d’homologation en compétition : même châssis, même empattement, même transmission, même moteur. En revanche l’aéro est complètement revue pour la rendre plus efficace en piste. C’est ce qui explique cette longueur démesurée, la rendant bien peu pratique pour faire son créneau devant chez Auchan. Les ingénieurs ne peuvent décemment pas penser à tout…
Les 25 exemplaires d’homologation n’ont été commercialisés que pour permettre à la version compétition de prendre la piste en GT. Succès aidant, une seconde fournée de 25 voitures sera produite et vendue. Nous avons donc d’un côté une gentille supercar de route, produite à 400 exemplaires (plus quelques uns selon une rumeur persistante) et de l’autre, une très méchante auto de route, jugée quasiment inconduisible dans la vraie vie, dans la plus belle tradition des GT1 des années 90. Est-ce l’échec de la F50 GT qui aurait conduit Fiat à jouer la même voiture sur ses deux marques de prestige ? Ou plutôt la volonté de ne pas faire d’ombre à la sacro sainte Formule 1 ? Quoi qu’il en soit, sous sa carrosserie bleue et blanche, c’est bien une Enzo qui a su se construire un palmarès à faire rougir une 250 GTO.
Sinon, une version spéciale de la Enzo refait surface de temps en temps… un massacre en règle par Gemballa. Le préparateur allemand, probablement en fin de soirée du Nouvel An, après que le bol de punch avait été vidé, a annoncé qu’il limiterait “volontairement” sa production à 25 exemplaires. Finalement, un seul propriétaire a été séduit par les 40 chevaux gagnés en puissance maxi : je vous entends d’ici remercier votre divinité de référence pour cette préservation involontaire de 24 Enzo. Serait-ce le malus CO2 qui les a fait reculer ? Avec 552g/km annoncés très officiellement, je ne vois pas d’autre explication possible…
LaFerrari Aperta
Evidemment, la voiture venant à peine de fêter son premier anniversaire, vous n’ignorez probablement rien des détails de ce modèle.
Sachez toutefois qu’il existe un moyen infaillible et nettement plus simple que le sigle “70th” discrètement apposé devant la roue arrière pour la distinguer de sa grande soeur à toit fixe. Jetez directement un œil aux montants de rétroviseurs : s’ils sont parallèles à la route, c’est une Aperta. S’ils sont dirigés vers le haut, c’est une version coupé. Évidemment, tout ceci ne sert à rien lorsque le toit est retiré mais vous pourrez briller dans les dîners lorsque tonton Michel affirmera qu’il est impossible d’y voir la différence.
A part ça, l’Aperta a été présentée comme un modèle dédié au 70e anniversaire de la marque. On en reviendrait presque à l’origine des supercars Ferrari puisque vous n’êtes pas sans avoir que c’est de là que vient le nom F40. Pour la F50, c’est plus compliqué, elle avait 2 ans d’avance. Ensuite Maranello a laissé tombé l’affaire. Dommage, F70 Aperta, ça aurait eu un petit goût de retour aux sources assez savoureux.
Et vous, peut-être avez-vous quelques anecdotes sur les supercars Ferrari non reprises ici ? On attend vos histoires avec grand plaisir et on vous donne rendez-vous pour la présentation de la F80, d’ici un an ou deux !
Crédits Photos : Ferrari, Nicolas Jeannier (arthomobiles.fr), Thomas D. (Fast-Auto.fr), Pierre Clémence