Quand on voit Max Verstappen 6e sur la grille en 2023, on ne se demande pas vraiment s’il pourra remonter, mais à quel tour il pourra prendre la tête. A Austin, il aura eu besoin de la moitié de la course. Il a pris son temps pour dépasser les Ferrari lors de son premier relais en pneus mediums, et n’a fait qu’une bouchée de Lando Norris lors du deuxième, profitant notamment d’un avantage pneumatique sur la McLaren de l’Anglais.
Mais contrairement à d’habitude, la Red Bull n°1 ne s’est pas envolée jusqu’à la ligne d’arrivée. La faute à des freins récalcitrants sur la monoplace du Néerlandais, ce qui l’empêchait d’attaquer comme il le souhaitait et le rendait particulièrement nerveux, à en croire les échanges radio avec le muret du stand Red Bull. Mais aussi (surtout ?), à cause d’un Lewis Hamilton déchaîné sur une Mercedes redoutable ce weekend.
Hamilton et Mercedes jouent les trouble-fêtes
Si George Russell a été plutôt en difficulté tout le weekend, Hamilton a su profiter d’une Mercedes particulièrement efficace sur le Circuit Of The Americas. Pour être exact, il a soufflé le chaud et le froid tout le weekend. Le chaud au début des qualifications, quand il a montré qu’il avait le rythme pour jouer la pole position. Le froid à la fin de la séance, quand il échouait en 2e ligne, n’ayant pas réussi à boucler un tour propre. Le chaud à nouveau lors du début du sprint, quand il parvenait à dépasser Charles Leclerc (hors de la piste, soit dit en passant) pour aller chasser Verstappen pendant quelques tours. Le froid ensuite, quand il devait laisser son vieux rival s’échapper irrémédiablement, au point de terminer à près de 10 secondes, en seulement 19 tours de course.
Peut-être est-ce cet écart, ajouté à l’insolente domination de Verstappen depuis 18 mois, qui a poussé Mercedes à opter pour une stratégie décalée, obligeant Hamilton à de nouveaux contrastes émotionnels. La frustration d’abord, quand il ressortait de son premier arrêt avec plus de 6 secondes de retard sur le Néerlandais, alors qu’il en comptait presque 5 d’avance avant le passage par les stands de la Red Bull. L’espoir et la soif de vaincre en fin de course, quand l’Anglais remontait comme une balle avec ses pneus plus tendres et plus frais. Mais s’il parvenait sans difficulté à prendre le meilleur sur Leclerc, repassé devant avec sa stratégie à un arrêt, et sur Norris, il échouait à quelque 2 secondes de la victoire sur la ligne.
Mais le principal rebondissement interviendra finalement après l’arrivée, après l’examen des monoplaces. Pour fond plat non conforme, usé par les bosses du circuit texan, Hamilton était disqualifié, de même que Leclerc pour les mêmes raisons. Jusqu’au bout, les stratégies alternatives n’auront pas été payantes.
Equipe par équipe
Battu en qualifications (même s’il avait effectué le meilleur temps, supprimé pour dépassement des limites de piste), menacé en course, Verstappen a connu un de ses weekends les plus difficiles de l’année avec Singapour. Mais il ramène tout de même 33 points de plus sur 34 possibles (il ne manque que le point du meilleur tour).
Derrière, Checo Perez a plus ou moins relevé la tête. Loin d’être flamboyant, 9e en qualifs notamment, il est patiemment remonté en course, dépassant Russell, puis un Leclerc à l’agonie sur ses vieux en fin de course, pour terminer à quelques secondes de Sainz. Une 4e place au final, loin d’être sensationnelle mais rassurante après plusieurs weekends vraiment catastrophiques.
Bilan : un weekend compliqué pour l’écurie autrichienne, mais avec un résultat plus que satisfaisant.
Weekend contrasté pour les flèches de carbone. Hamilton n’a sans doute jamais été aussi proche de la victoire depuis fin 2021, pour au final ne ramener que les points de la 2e place du sprint. De son côté, Russell n’a jamais trouvé le bon rythme, et a enchaîné les pénalités : 3 places sur la grille pour avoir gêné Leclerc en qualifs, et 5 secondes lors du sprint pour dépassement hors piste, qui le font échouer à une décevante 8e place. Il a tout de même profité des abandons et disqualifications pour assurer les bons points de la 5e place lors du GP.
Bilan : bon au niveau du rythme de la voiture, plutôt décevant sur le plan comptable.
Comme souvent, les Rouges ont connu du très bon en qualifs, avec une nouvelle pole de Leclerc (plus une 2e place sur la grille de départ du sprint) et du moins bon en course. La 3e du Monégasque lors du sprint est un trompe d’œil quand on voit l’écart avec Verstappen (19 secondes en 19 tours !).
La Scuderia aura au moins eu le mérite de tenter des coups stratégiques. Sur le sprint, c’est Sainz qui a fait le spectacle en début de course avec ses pneus tendres, pour passer de la 6e à la 4e place. Si l’usure des pneus l’a fait redescendre à la 6e place, sa résistance face à Norris aura au moins permis de protéger la 3e place de son équipier.
En course, c’est Leclerc qui fut chargé de tenter une stratégie à un arrêt. Mais si cela lui a permis de naviguer aux avant-postes pendant la majorité de la course, reprenant même la tête pendant quelques tours avant son premier arrêt, il a logiquement dû baisser pavillon dans les derniers tours, pour sauver in extremis la 6e place devant Russell… avant d’être disqualifié.
Bilan : des espoirs déçus une fois de plus, mais un verdict finalement correct avec des 3e places lors des 2 courses du weekend.
Les monoplaces de Woking étaient censées être légèrement en retrait ce weekend par rapport à leurs dernières sorties. Si cela s’est vérifié pour Piastri, seulement 10e sur la grille du GP, avant d’être contraint à l’abandon à la suite de l’accrochage avec Ocon, et anonyme lors du sprint, Norris s’est plutôt montré à son avantage…
En qualifications déjà, où il accroche une 1ere ligne plutôt inattendue… puis en course, qu’il mène facilement lors des premiers tours grâce à un parfait envol. Avec 2 relais en pneus durs, moins efficaces, Norris ne pourra pas rivaliser avec Verstappen et Hamilton en fin de course, et voit même Carlos Sainz revenir à quelques secondes. Finalement, c’est une nouvelle 2e place, certainement la meilleure qu’il pouvait obtenir derrière l’ogre néerlandais. C’est bien, très bien même, mais la victoire lui échappe encore…
Bilan : avec une monoplace moins forte que lors des derniers GP, dont Norris a su profiter au mieux, quand Piastri a peut-être connu son pire weekend de l’année. Toutefois, on ne sait pas ce qu’il aurait pu faire en course sans le contact avec Ocon.
Le weekend a très mal commencé pour Fernando Alonso et Lance Stroll, éliminés tous les 2 lors de la première phase de qualification (habituel pour le Canadien ces derniers temps, mais inédit pour l’Espagnol qui avait atteint la Q3 à chaque fois jusqu’alors). Samedi lors du sprint, ce n’était guère mieux, un peu plus haut lors des qualifications mais loin lors de la course, que Stroll n’a même pas terminée à cause de problèmes de freins.
Le dimanche, ils ont tenté le tout pour le tout, en modifiant en profondeur les monoplaces, quitte à partir de la voie des stands, pour avoir enfreint le régime de Parc fermé qui interdit tout changement sur les voitures à partir des qualifications.
La suite leur a donné raison, puisque les deux pilotes sont remontés jusque dans les points. Si cela n’a pas été payant pour Alonso, Stroll a fait sa meilleure course depuis longtemps pour terminer à une brillante 9e place, transformée en 7e après les disqualifications. Un bon bol d’air pour le Canadien, sous le feu des critiques à la suite de ses récents résultats et de son coup de sang au Qatar. Suffisant pour dire qu’il mérite sa place chez Aston Martin ? C’est une autre histoire…
Bilan : une 7e inespérée pour Stroll après une course très solide, une déception pour Alonso qui avait effectué la même remontée avant de devoir renoncer. Au global, les modifications apportées sont plus que décevantes et la capacité des Verts à développer leur monoplace est de plus en plus inquiétante.
Incontestablement, il y a du mieux dans l’écurie française depuis quelques courses. Les qualifications dans le top 10 se multiplient, les arrivées dans les points sont de plus en plus régulières. Mais en poussant un peu l’analyse, on remarque surtout que les Bleus profitent surtout du déclin d’Aston Martin sans vraiment se rapprocher du Big Four (Red Bull, Mercedes, Ferrari, McLaren).
En terminant meilleur des autres lors des 2 courses à Austin, Pierre Gasly a tout optimisé. 7e puis 6e, c’est l’un de ses meilleurs weekends même si on l’a relativement peu vu.
Pour Esteban Ocon, c’est en revanche 3 jours à oublier. Légèrement en retrait en qualifications, c’est surtout en course qu’il a peiné. Plus de 10 secondes de retard sur son coéquipier lors du sprint et un abandon rapide lors du GP suite à un contact avec Oscar Piastri au 1er tour. Son 6e abandon de la saison, le 3e lors des 5 dernières courses.
Bilan : bon voire très bon d’un côté du garage, très décevant de l’autre.
Le circuit d’Austin ne convenait clairement pas aux monoplaces d’Alex Albon et Logan Sargeant, fussent-elles décorées du drapeau américain. Mais les résultats furent finalement au-delà de leurs espérances. Si le Thaïlandais a échoué à la porte des points lors du sprint, c’est un doublé inédit cette année qui s’est produit dimanche. Grâce aux disqualifications, les Williams récupèrent en effet les 9e et 10e places, Albon juste devant Sargeant. Pour l’Américain, c’est même son tout premier point en carrière.
Bilan : le rythme était inquiétant en qualifications, Sargeant encore 2 fois dernier lors des 2 séances du weekend, mais bien plus prometteur en course… même s’ils profitent des abandons et disqualifications pour scorer.
Après la parenthèse enchantée au Qatar (Valtteri Bottas 8e, Zhou Guanyu 9e), les Alfa Romeo sont retournées d’où elles étaient venues, en fond de peloton avec les Haas. Au sprint comme en course, elles terminent entre les monoplaces américaines, très loin des points.
Bilan : weekend à oublier, les Alfa n’ont pas pointé le bout de leur museau de tout le weekend.
Comme Aston Martin, Haas a apporté des améliorations. Comme pour Aston Martin, elles n’ont pas porté leurs fruits. Comme Aston Martin, Haas a choisi de faire partir ses deux pilotes des stands. Et comme les pilotes Aston Martin, les pilotes Haas sont remontés rapidement… Ah non, la comparaison s’arrête là. Les Haas se sont battues avec les Alfa, comme souvent, et avec Ricciardo quand ce dernier avait des pneus à l’agonie. Rien de plus.
Bilan : pas grand-chose de positif à retirer pour l’équipe américaine à domicile. Nico Hülkenberg a nettement dominé Kevin Magnussen tout le weekend, comme souvent, mais c’est la seule chose à retenir.
En regardant le classement des meilleurs en course, on pourrait penser que les Alpha Tauri étaient les plus rapides à Austin. Evidemment, ce n’était pas le cas, mais elles avaient un rythme très correct, bien meilleures que ne le sous-entend la 10e place de l’équipe au classement du championnat.
Malheureusement pour Daniel Ricciardo, le choix d’une stratégie à un arrêt, comme pour Leclerc, s’est révélé infructueux et il a dû s’arrêter une 2e fois. Il était donc rapide en fin de course avec ses pneus tendres, mais il avait perdu trop de temps sur son long relais en pneus durs pour éviter la dernière place.
Pour Yuki Tsunoda, en revanche, le meilleur tour a été possible grâce à un arrêt gratuit pour mettre les pneus tendres, grâce à son excellent rythme et à l’écart qu’il avait pu creuser sur ses poursuivants. Un point de bonus pour une équipe comme Alpha Tauri, ça peut valoir cher. En récupérer 3 de plus grâce à 2 disqualifications, c’est un énorme cadeau.
Bilan : de l’espoir d’éviter la dernière place au championnat. 5 points d’un coup, c’est autant que depuis le début de la saison…
Le classement complet
Le point aux Championnats
Malgré lui, Perez a conforté sa 2e place avec 39 points d’avance sur Hamilton. Derrière, Norris poursuit sa remontée en dépassant Leclerc et devient favori pour la 4e place. Gasly a dépassé Stroll pour la 10e place. Maigre consolation pour Alpine.
Chez les constructeurs, McLaren a dépassé Aston Martin comme attendu, mais les 80 points de retard sur Ferrari resteront sans doute insurmontables. En revanche, Ferrari peut encore espérer remonter sur Mercedes avec 22 points de retard.
En fond de classement, Alpha Tauri revient à 2 points de Haas et à 6 d’Alfa Romeo, il reste donc un petit enjeu pour ces 3 équipes, même si elles ne peuvent pas jouer les points à la régulière.
Quelques stats
Max Verstappen est devenu le 5e pilote à atteindre la barre des 50 victoires en GP, après Alain Prost (51 victoires), Michael Schumacher (91 victoires), Sebastian Vettel (53 victoires) et Lewis Hamilton (103 victoires). Avec encore 4 GP à courir d’ici la fin de saison, Max peut donc facilement viser la 4e place, voire la 3e place de ce prestigieux classement.
Avec 21 pole positions, Charles Leclerc est désormais seul recordman du nombre de pôles parmi les pilotes n’ayant pas remporté le titre mondial. Nul doute qu’il voudra se débarrasser de ce record au plus vite.
En montant sur son 12e podium, le 4e consécutif, Lando Norris se rapproche de Nick Heidfeld, détenteur du plus grand nombre de top 3 sans victoire (13). Nul doute que lui aussi voudra se débarrasser de ce record au plus vite… Voire l’éviter en montant sur la 1ere marche de son prochain podium.
Crédit photos : F1.com, F1TV.com