Lamborghini a connu une distribution plutôt chaotique sur la région parisienne. D’abord un atelier à Maison-Alfort, assorti d’un minuscule show room Avenue de la Grande Armée, puis un établissement plus vaste dans le 17ème arrondissement, qui a fermé ses portes depuis près d’un an. Mais la marque méritait bien mieux et c’est dans un vaste lieu dédié situé à Puteaux, en bordure du quartier d’affaires de La Défense, qu’elle s’est installée. Pour les connaisseurs des environs, cet immeuble abritait il n’y a encore pas si longtemps un concessionnaire Renault. Et ce n’est pas tout à fait un hasard, car ce nouveau et luxueux showroom est propriété du Groupe Schumacher, important réseau de concessions en région parisienne, Normandie et Bretagne. Il manquait un fleuron à ce groupe, et c’est à présent chose faite avec cette concession Lamborghini.
Pour conclure, Edouard Schumacher nous a accordé un entretien dont voici le compte-rendu :
- Blog Automobile : Dans un contexte de plus en plus difficile, voire même autophobe, n’est-il pas un peu ambitieux d’ouvrir une concession Lamborghini en région parisienne ?
- Edouard Schumacher : Non, car beaucoup de nos clients ne se limitent pas à Paris, ni même à la région parisienne. Ils peuvent avoir une résidence secondaire et partir le week-end par exemple. De plus, nous sommes idéalement situés ici, dans un sorte de triangle d’or de l’ouest parisien et très facile d’accès pour de nombreux clients.
- B.A. : Vous nous avez expliqué que le choix de Lamborghini s’est concrétisé grâce à un appel téléphonique de leur part. Si c’était à refaire, est-ce que vous les auriez contacté de vous-même ou est ce que votre choix se serait porté sur une autre marque de prestige ?
- E.S. : C’est effectivement grâce à un heureux appel. Je ne savais pas qu’ils étaient disponibles. La situation avec le précédent distributeur était en questionnement et je n’avais pas pensé à ce site à l’origine. Comme quoi on peut parfois faire des erreurs ou avoir des bonnes idées. J’aime bien courir, et quand je cours, je me vide un peu la tête. Et je me disais “Lamborghini ça m’intéresse, j’adore la marque, j’adore le produit, il y a un truc à faire avec eux”. Mais si c’est pour mettre la marque dans une boîte, dans un simple showroom, ça ne marchera pas. L’image de la marque c’est le service, et je me suis dit que ce site est parfait : proche d’un business center, dans le triangle d’or, avec des services, du stockage et un parking. C’est ce qu’il fallait faire. Et c’est là que j’ai rappelé Lamborghini pour leur dire : oui, j’ai une solution.
- B.A. : C’était imposé par Lamborghini d’avoir autre chose qu’une simple boîte, sans services attachés ?
- E.S. : Ils sont très attachés aux hommes, et ils voulaient savoir quel projet j’avais en tête. Ils n’avaient pas imaginé le projet que j’allais leur présenter, mais quand je leur ai présenté, ils l’ont trouvé immédiatement cohérent. Il n’y a pas eu de questions sur l’emplacement ou les services, ils ont immédiatement adhéré. Je ne sais pas si il y avait d’autres projets en compétition, mais le nôtre était radicalement différent. Il était exclusif, dédié à la marque, avec l’ensemble des services.
- B.A. : Ce showroom n’a vocation qu’à accueillir Lamborghini, jamais d’autres marques ?
- E.S. : Cela n’a pas été dans la conception du site, ni dans mon esprit. Le site est vraiment pensé pour la marque
- B.A. : Quels sont vos objectifs de vente sur une année pleine ?
- E.S. : Ça va être progressif, car c’est avant tout lié aux capacités de production de l’usine, et notamment de l’Urus. Quand Stefano Domenicali nous dit que la production va être doublée, cela prend du temps. Il faut que les lignes suivent. Cette année, nous envisageons à peu près 30 véhicules, mais il faut qu’on atteigne 50, même si ça va être sportif de les atteindre. En plus de la vente, il y a bien sûr l’entretien des véhicules existants et la vente de véhicules d’occasion.
- B.A. : sur l’objectif de 50 à court terme, à votre avis, combien d’Urus ?
- E.S. : Ah malheureusement je ne connais pas encore la composition ! On bataille un peu pour avoir des Urus au lancement car ce sera plus facile d’en vendre après. On compte sur un effet d’entraînement, mais il y a d’autres produits dans la gamme et j’ai une clientèle qui restera sur l’Huracan et sur l’Aventador.
- B.A : Et l’idéal c’est bien sûr de prendre un Urus pour la semaine, et une Huracan pour s’amuser sur circuit le week-end ?
- E.S. : Ah oui, c’est pas mal comme ça !
- B.A. : Mais pour revenir à l’Urus, il représentera quelle proportion à votre avis ?
- E.S. : Je peux quand même estimer à environ 50% du volume, ce qui correspondra à la production de l’usine. Si je prends l’exemple de Maserati (NDLA : également vendue par le Groupe Schumacher), le Levante a permis de doubler les ventes, sans cannibaliser les immatriculations des gammes traditionnelles.
- B.A. : Je vais poser une question qui peut fâcher sur l’Urus. Il porte le badge Lamborghini, mais en-dessous, c’est un moteur Audi, la base technique c’est la même que le Bentayga ou le Cayenne. Qu’est ce qui fait que c’est une vraie Lamborghini ? Le design, oui clairement, on y est avec des morceaux d’Aventador ou d’Asterion, mais qu’est ce qu’il a en plus ?
- E.S. : Pour être transparent, je n’ai pas le niveau d’ingénierie suffisant pour connaître tous les détails techniques. Mais ce que je constate, c’est qu’il est capable de faire le 0 à 100 en 3,6 secondes. Dans la manufacture Lamborghini, il y a effectivement les éléments d’origine, parfois partagés. Mais les ingénieurs, les techniciens vont y apporter de nombreuses modifications et améliorer ces éléments, pour aboutir à un produit radicalement différent. En visitant l’usine, vous pourriez constater qu’une grande partie de la production est encore faite à la main. Je pense qu’il y beaucoup moins de freins dans l’esprit des clients aujourd’hui sur l’Urus qu’il n’y en a eu pour le Cayenne à son lancement.
- B.A. : Oui, le Cayenne ou la Panamera, on s’y est fait. Et le Levante, on commence à s’y faire. A propos de l’Urus, on parle d’une future motorisation hybride qui viendrait en complément du V8 biturbo, est-ce que vous avez des informations à ce sujet ?
- E.S. : J’en ai entendu parler, mais je ne peux pas confirmer. En tous cas si cela se fait, ce sera un pas qui se fera sans difficulté pour les acheteurs parce que c’est une logique déjà développée dans le groupe. Mais c’est aussi ça l’intérêt : il faut qu’une marque ultra luxe comme Lamborghini puisse conserver des références pour ses clients. Et à côté de ça, il faut des ressources financières, des ressources en R&D, et là, avoir le groupe Volkswagen derrière, c’est une opportunité fantastique. Si il s’agissait d’une marque isolée, elle serait reprise par des fonds qui injecteraient de l’argent, mais ne pourrait pas tout intégrer par elle même.
- B.A. : une dernière question : est-ce qu’aujourd’hui la voiture plaisir a encore droit de cité ?
- E.S. : à votre avis ? J’en suis bien convaincu, plus que jamais ! Sinon, rideau on ferme tout ! Il faut un peu de folie dans l’automobile, même si le prix d’entrée reste élevé.
- B.A. : justement, est-ce que ce n’est pas un privilège de personnes aisées ?
- E.S. : Si bien sûr, mais quand on regarde la cote de véhicules un peu plus anciens comme la Gallardo, on réalise que cela reste un investissement pérenne. La rareté des Lamborghini fait que les cotes sont hyper stables. Mais il ne faut pas chercher à investir et à avoir du plaisir en même temps, il ne faut pas mélanger les deux. Il faut juste se faire plaisir ! Et si on a peu de chance, l’achat plaisir peut se révéler un bon investissement. Le produit Lamborghini n’est certes pas accessible à tous, mais la marque l’est.
Un grand merci aux équipes de Lamborghini Paris et tout particulièrement à Edouard Schumacher pour leur excellent accueil et leur grande disponibilité.
Crédits photos : Pierre Clémence, Régis Krol