Le Blog Automobile, rédigé par des conducteurs passionnés
L’encyclopédie (peu) raisonnée des supercars, partie II
Pierre CLEMENCE
Après avoir parcouru les voitures les plus exotiques dans une première partie consacrée aux voitures invisibles ou presque, on entre désormais dans le vif du sujet avec un rétro-classement parfaitement subjectif des supercars que j’ai eu la chance de pouvoir côtoyer au moins une fois.
Mon encyclopédie (très) personnelle
33 – Ultima GTR
Cette voiture a été commercialisée en 1999 mais n’a jamais vraiment cessé d’évoluer depuis. Le principe commercial est simple : ridiculiser tout ce qui roule, y compris le haut du panier de l’automobile contemporaine. La version ultime (haha) fait 720 ch pour un poids très limité. Depuis Colin Chapman, on n’a rien inventé de mieux pour offrir de l’efficacité et du plaisir de conduite. Revers de la médaille, c’est sans conteste la voiture la plus moche de la sélection (titre que la Veneno tente de lui chiper avec une toute autre proposition). Si toutefois la capacité à faire un temps sur circuit est votre critère de choix principal, n’hésitez pas.
32 – Noble M600
Cette voiture aspire la route. C’est normal, le propriétaire de la marque n’est autre que Peter Dyson qui n’aime pas que les aspirateurs ou les sèches-mains mais aussi les belles autos et l’ingénierie de pointe. La volonté de ses concepteurs était de copier la philosophie de la F40 : brute, virile, efficace. Il semble que le pari ait été réussi si l’on en croit les essayeurs. Côté charisme et impact sociétal, le compte n’y est pas. La ligne un peu fade et la diffusion confidentielle par une marque inconnue en dehors du Royaume-Uni et du cercle trop restreint des passionnés concourent à ce déficit d’image.
31 – Mega Track
Si j’étais parfaitement honnête, cette voiture ne devrait pas être là : pas d’histoire, 5 ou 6 exemplaires tout au plus, une marque rapidement en faillite sans avoir jamais pu produire la Monte-Carlo promise (alléchante voiture pourtant). Toutefois, tout est extraordinaire dans cette auto : sorte de Bentayga avec 25 ans d’avance, gigantesque, haut perchée, luxueuse, forte de 408 ch fournis par un V12 Mercedes et de façon totalement incroyable, française. Je vous souhaite de pouvoir en croiser une, c’est une expérience que l’on n’oublie pas. C’est un hybride de plein de choses : imaginez aujourd’hui un croisement entre un Cayenne, une Huracan et une Huayra : vous aurez la descendante légitime de la Track.
30 – BMW M1 : supercar oubliée
BMW Motorsport : tout le monde connaît aujourd’hui cette lettre magique qui transforme les sages berlines en tueuses de Porsche. La première auto à porter ce prestigieux patronyme est pourtant largement méconnue. La M1 a été lancée en 1978, issue d’une étude de style de 1972. Elle est propulsée par un 6 en ligne (on est chez BMW) de 277 ch. La 911 de ce millésime fait 180 ch (c’est quand même pratique cet étalon permanent qu’est la 911). La M1 toise le monde automobile des années disco, seule la Countach pouvant lui faire de l’ombre du haut de son V12 de 375 ch. Si elle a toute sa place ici, c’est qu’elle est fort rare avec seulement 455 exemplaires et un bel échec commercial. En terme de style, la M1 est bien dans la tendance de son époque : on y retrouve de la Lotus Esprit, des angles saillant et des jantes remarquables. L’arrière présente une originalité unique à ma connaissance avec deux blasons à hélice de chaque côté, au dessus des feux. Ça ne coûte pas cher mais c’est suffisant pour rendre unique un dessin.
29 – Gumpert Apollo : la bête
A chaque rédaction d’un paragraphe, je me rends compte que mes choix sont parfois contestables vis à vis de mes propres critères énoncés plus haut… La Gumpert Apollo a été peu produite mais bien produite. Créée pour aller vite, très vite, le contrat a été rempli au prix d’une absence totale de compromis sur le confort ou la capacité à enchaîner 30 km sans transpirer. L’Apollo n’a pas été pensée pour parader dans les rues de Monaco mais pour le circuit et les plafonds de tunnel : en théorie, elle y tiendrait ventousée au dessus de 305 km/h. Avis aux amateurs pour le test, je vous assure une diffusion massive sur le web… 28e, ce n’est donc pas ma tasse de thé mais il faut avouer que la voiture en impose et qu’elle pourrait être la première d’une lignée après la présentation de la prometteuse Arrow à Genève par les repreneurs de la marque originale en faillite.
28 – Venturi 400GT : exotique tentative
La fin des années 80 est une période d’effervescence dans le petit monde du luxe automobile. La spéculation bat son plein, les prix des Ferrari atteignent des sommets que l’on pensera longtemps impossible à retrouver et un petit constructeur français rêve de bousculer la hiérarchie des voitures de sport entre Porsche qui n’est pas au mieux et Ferrari qui est un peu seul au monde. C’est ainsi que Venturi entre dans la danse avec ses Coupé et 260. La marque propose au début des années 90 un challenge mono-modèle avec la 400 Trophy (73 exemplaires) selon un schéma que l’on retrouvera bien plus tard chez Ferrari avec ses XX. De cette voiture de course (dont la plupart des exemplaires finiront immatriculés) sera extraite la 400 GT, celle que l’on considère comme la seule véritable supercar française. 400 ch, 1000 kg, les arguments sont solides, le style est affirmé, original sans être extravagant. Seuls 13 exemplaires furent produits entre 1994 et 1996. La folie des 80’s était terminée et l’absence totale d’image lui auront été fatals. La marque aujourd’hui sous drapeau monégasque mise tout sur l’électrique.
27 – Mercedes SLR : la GT qui voulait être une supercar
L’actuelle “Holly Trinity” adulée des résosocios ne vient pas de nulle part. Au début des années 2000, les trois constructeurs se toisaient déjà du regard avec leurs modèles ultimes. Du côté de McLaren, c’est avec Mercedes que l’on a travaillé. Avec ses 626 ch, la SLR boxait en effet dans la catégorie supérieure de la décennie, sa ligne de fusée spatiale accrochait tous les regards et sa musique rauque faisait vibrer les estomacs. 3 500 voitures étaient prévues, nettement moins ont été produites. C’est peut être dû à son caractère nettement plus Mercedes que McLaren, plus grosse GT surpuissante que lame de rasoir pour circuit. J’avoue ne pas avoir été grand fan de la voiture à sa sortie en 2004 mais il faut dire que le concept initial datait de 1999 et que la ligne du SL en avait repris de nombreux codes dont le distinctif nez typé F1 (pour les plus jeunes, oui, à l’époque, les F1 étaient belles, bien loin des nez actuels inspirés de l’univers de Harry Potter plus que de Cléopâtre). Je revois un peu ma position désormais : le dessin a bien vieilli et l’absence de descendance directe lui confère une place à part dans l’histoire de la marque. Existe en version Roadster, 722, 722S et Stirling Moss nettement plus radicale que GT pour le coup. Une vraie petite gamme.
26 – Bugatti Chiron : trop facile
Quoi ?? Comment ?? Mais que peut expliquer une telle position pour la nouvelle reine de la puissance ? L’émotion tout simplement. Oui, la Chiron est un monstre de puissance exploitable avec la facilité d’une Passat diesel mais elle ne me fait pas plus rêver que ça. Son dessin n’est pas une réussite (le responsable de l’arrière était en conflit avec son employeur, celui des phares avant amateur de la période cubiste de Picasso…) malgré les nombreux rappels à l’histoire de la marque. Son petit côté première de la classe, trop parfaite me déplaît. S’il venait à l’esprit de quelqu’un de m’en offrir une à Noël, elle serait sur Le Bon Coin dès le 26. De quoi récupérer un petit pactole et acquérir 2 ou 3 voitures qui font battre mon cœur.
Avec un peu moins de mauvaise foi assumée, il faut reconnaître que la maîtrise des ingénieurs allemands est spectaculaire, que l’habitacle est somptueux et que le succès commercial semble s’annoncer au contraire de sa grande sœur dont les derniers châssis ont été difficiles à vendre. La moitié de la production aurait été réservée alors que les premiers exemplaires sont à peine livrés.
25 – Lamborghini Reventon : le prix du design
Dans la définition donnée en introduction, j’ai bien précisé que le dessin avait une importance pour entrer dans le cercle des supercars. Cela prend ici tout son sens puisque la Reventon n’est qu’une Murcielago LP640-4 recarrossée et produite à seulement 20 exemplaires en coupé et 15 en roadster (moteur de LP670). Le style est inspiré de l’aviation furtive et annonce largement celui de l’Aventador qui débarquera quelques années plus tard. De quoi faire crier certains à l’arnaque du siècle : vendu 1,2 M€, cela fait le kit carrosserie à un peu moins d’un million d’euros. Quoi qu’il en soit, elles sont toutes été rapidement vendues et demeurent aujourd’hui l’un des graal du spotter.
24 – RUF CTR3 : inspirée
La CTR3 est l’héritière d’une lignée dont l’aura est inversement proportionnelle à sa production et à sa visibilité dans le grand public. RUF prépare des Porsche depuis les années 70 et le fait tellement bien qu’il obtient le statut de constructeur dans les années 80. Un coup de génie comme il en arrive parfois déboule à la fin de cette belle décennie : la CTR. Une caisse de 911 en version étroite dans laquelle on fait entrer deux turbos pour délivrer plus de 550 chevaux. La voiture est considérée à l’époque comme la plus rapide du monde (devant la F40 et la 959) et gagne le surnom de “Yellow Bird”. La CTR2 reprend le même principe sur une 993. Seule la CTR3 se retrouve ici car elle marque une nouvelle évolution pour RUF : une carrosserie inédite (bon, c’est assez inspiré par une certaine marque allemande mais c’est un vrai dessin original). L’extrême sérieux de RUF le fait sortir de la catégorie des artisans un peu mégalo qui nous gratifient trop souvent de modèles qui n’existent que dans leur imagination et dans celle des naïfs.
23 – Ford GT : revival
La Ford GT40, pour tout amateur sérieux d’automobile, fait partie du panthéon de la course. Créée pour damer le pion aux chevaux cabrés qui dominaient alors outrageusement les circuits et courses au long-cours, elle a parfaitement rempli sa mission. Les années 2000 sont une période pendant laquelle la prise de risque est limitée (ou l’imagination réduite, à vous de voir) : de nombreux revivals voient le jour. La Ford GT de 2006 est en peut être l’exemple le plus réussi. Largement inspirée du prototype manceau, la ligne lui offre une réelle distinction dans le petit monde des supercars. Très basse, relativement sobre, y compris dans les livrées historiques, elle se place d’emblée comme future classique. La version 2016 dont les bons de commande viennent d’être signés s’annonce comme le carton de 2017. Ford aime les sagas (cf. la Mustang) : on applaudit des deux mains pour que l’histoire continue.
22 – Bugatti Veyron : French touch
Bugatti, c’est l’éternelle renaissance, les affres de la gestion toute latine du luxe automobile dont la marque n’a pu se départir qu’avec l’arrivée du très rigoureux et très germanique groupe VW au capital. La Veyron marque la troisième vie du constructeur alsacien. La passion et l’ego de son président d’alors (le Dr. Piech) ont poussé le cahier des charges aussi loin que possible vers la barre des 1000 ch. Pour mémoire, les concurrentes de l’époque plafonnaient sous les 700 ch. La Veyron est avant tout une voiture d’ingénieur dont la facilité de prise en main a été maintes fois louée. Ce n’est pas un mince exploit. Comme sa petite sœur, elle n’arrive pas à se distinguer dans ce classement : trop parfaite, trop première de la classe et peu être un peu trop bling bling. Elle reste la reine incontestée chez nos amis de la Péninsule Arabique pour les accompagner dans leur European Tour traditionnel. Rapporté à la production totale (450), on en croise quasiment à tous les coins de rue, on se lasserait presque.
21 – Jaguar XJ220 : grandeur et décadence
Flash-Back à la fin des années 80 : l’automobile de luxe connaît une période faste, portée par une spéculation effrénée entraînée par les machines de Maranello. Tout le monde veut en être, Jaguar n’est pas le moins légitime. Il présente un concept splendide motorisé par un noble V12. Les bons de commande affluent. La voiture de production arrive finalement un peu trop tard en 1992. La bulle a explosé et le moteur n’est plus qu’un (très) fragile V6 turbo. Il n’en demeure pas moins que la voiture est alors la plus rapide du monde (220 mph, CQFD). Encore faudrait-il que les propriétaires la fasse rouler… Son dessin tout en rondeur, parfaitement dans la tendance naissante du bio-design des années 90 lui confère une aura toute particulière que ses dimensions rendent encore plus impressionnantes sur route. C’est une une des rares de sa catégorie à échapper à la nouvelle bulle actuelle, sa réputation étant malheureusement fort abîmée. Le concept CX75 aurait pu être une héritière parfaitement acceptable mais hormis 007, personne ne la verra rouler pour de bon.
20 – Maserati MC12 : petite sœur
Cette voiture est pour moi un mystère : le petit monde des passionnés lui vénère un culte tenace depuis plus de 10 ans. J’apprécie sa rareté (50 exemplaires) et sa stature de supercar mais de là à en faire la déesse de ce classement il y a un gouffre. Cousine proche de la Ferrari Enzo dont elle reprend nombre d’éléments cachés, elle aurait pu faire office de version Aperta si le concept avait été plus à la mode à l’époque. C’est une voiture un peu atypique dans la gamme du constructeur (pas de réel précédent, pas de descendance non plus) dont le dessin me laisse un peu froid au point que je sèche un peu pour ce court descriptif. Son vrai fait d’arme est à mettre au crédit de la version Corsa qui s’est couverte de gloire en championnat du monde FIA GT (5 titres sans pour autant avoir pu s’aligner au Mans dont la visibilité est nettement supérieure).
19 – Porsche 959 : miss technologie
On le verra plus tard, les supercars modernes trouvent leurs origines à la fin des années 60 mais c’est dans les années 80 que le segment prit réellement son envol. La Porsche 959 est une super 911 Turbo : plus puissante, plus technologique, plus facile à appréhender, plus moderne dans son style extérieur. Initialement pensée pour le fameux Groupe B, elle sera engagée aux 24h du Mans (dans une version 961) et en Rallye Raid avec une victoire de prestige au Dakar 1986. Voiture au charisme certain, la 959 a subi et subit encore l’écrasante présence de sa principale contemporaine. Elle n’en demeure pas moins une auto majeure dans l’histoire de la marque, laboratoire de ce que sera la 911 dans les années 90.
18 – Ferrari 288 GTO : aînée
Cette voiture a quelque chose dont aucune autre supercar ne peut se targuer : elle est la première d’une lignée sans équivalent de 5 supercars proposée par le constructeur le plus emblématique du monde. La GTO est la plus rare de toutes, la plus méconnue également. C’est une évolution (très) massive de la 308/328 qui avait pour objet premier l’homologation en Groupe B. Ledit groupe ayant été supprimé, elle ne connut aucune vie en compétition. La filiation stylistique avec la 308/328 est évidente mais la voiture semble avoir suivi un sérieuse cure de testostérone : la 308 est fluide et gracile, la 288 est puissante et nerveuse, intimidante. Le coup de griffes sur l’aile arrière est un évident clin d’œil à celle qui faisait alors office de “vraie” GTO. La question de la légitimité du sigle a été posée au lancement. Ce fut également le cas pour la troisième du nom. Les qualités indéniables de chacune d’entre elles ont rapidement mis fin aux discussions.
17 – Bugatti EB110 : phénix
Disparue après-guerre, revenue sur le devant de la scène sous la férule de VW dans les années 2000, Bugatti a connu un bref mais intense épisode de vie dans les années 90 par la grâce de repreneurs italiens qui conçurent une réplique crédible à la McLaren F1. Le design un peu carré n’est pas son point fort. Son truc, c’est la facilité d’utilisation et le relatif confort pour une voiture qui dominait alors la totalité de la production automobile. Cette parenthèse magique dans la vie de la marque alsacienne, bien que parfois occultée, reste une annonce fidèle de la philosophie qui conduira à la Veyron et à la Chiron. Existe en versions GT et SS ou sous le blason Dauer qui assembla les derniers châssis après la faillite financière de l’entreprise.
16 – Koenigsegg CCX : Zlatan automobile?
Suédoise, un culot monstre, un verbe haut et un talent fou ? Il y a bien quelques points communs… La jeune marque ne bénéficie pas de l’aura de Pagani dont elle est pourtant contemporaine. Ses produits se veulent au sommet de la puissance et surtout de la vitesse maxi : c’est une CCX qui battit la première, d’un cheveu, la F1 après un règne de près de 10 ans. Peu essayée en France, la réputation des Koenisegg reste à faire. La presse étrangère loue ses qualités dynamiques et sa précision rendue possible par une chasse systématiques des kilos. Le développement continu du modèle phare (CC8, CCR, CCX, CCXR) et de ses remplaçantes laisse entrevoir une gestion financière rigoureuse gage d’avenir et de pérennité loin des artisans amateurs qui conçoivent une supercar de ci de là avant de disparaître après une production inférieure à 10 exemplaires.
Fin de cette deuxième partie, on se retrouve bientôt pour dérouler le top 15 des supercars de l’ère moderne.