Votre petit business marche bien. Il est temps de trouver une voiture qui vous ressemble. D’où le dilemme cornélien : Nissan GT-R ou Mercedes-Benz AMG C 63 S Coupé ? Slip ou caleçon ? Booba ou Kaaris ?
Bonne nouvelle numéro 1 : vous venez de signer un engagement dans un club de foot, bravo ! Bonne nouvelle numéro 2 : votre petit business de deal marche bien, vous êtes le roi du quartier et même de la cité. Dans les deux cas, il est temps de passer à la vitesse supérieure et de vous offrir une auto qui marque votre nouveau statut social.
Bien évidemment, ce premier paragraphe est un énorme cliché : même si, en toute objectivité, on voit plus dans les endroits vraiment chic, de Bentley, de Maserati, d’Aston Martin et de Jaguar que ces deux autos, les cantonner purement à des voitures de bad boyz, un remake du fameux combat genevois que B. et K. ont failli réaliser, c’est un peu réducteur. La preuve ? La Nissan GT-R orange, well, elle appartient à Nissan France (merci à eux d’avoir eu la gentillesse de me la prête quelques jours durant) et l’AMG, elle appartient à un ami cher. Il n’est pas rappeur. Il n’est pas footballeur. Il n’est pas attaché de presse. Son talent ? C’est d’être geek et de se pointer dans une boîte du CAC40, de demander le code du réseau wifi et de s’entendre dire « mais non monsieur, c’est over-sécurisé, même pas en rêve ». Là, il sort son téléphone et leur explique qu’il est en train de démonter leur serveur interne. Cinq minutes après, il est embauché avec un salaire à six chiffres, trois kilos de ticket restaurant et une valise d’actions et de stock-options.
Cet ami, on va l’appeler Jé. Tout lui réussit. Appart de malade, une meuf blonde trop géniale et dont je ne vous parlerai pas par pudeur, une moto à moitié en carbone et cette AMG comme véhicule de fonction, pour tous les jours car ce type est aussi un poète qui pense a juste titre que la vie est trop courte pour rouler triste. C’est sa deuxième AMG, d’ailleurs. Après une C63 berline (avec le 6.2 atmo), place à ce coupé C63S de 510 chevaux. Et comme Jé a avoué avoir un moment hésité avec une GT-R, cette comparaison s’imposait. Effectivement, dans les deux cas, on a un coupé de plus de 500 ch, avec un look un peu bad boy.
Parce que le blog est à la pointe de l’information, à la place du match des Claudettes du hip hop, voici donc l’affrontement GT-R vs AMG Coupé. 510 ch contre 570, ça envoie de la poudre. Direction le Morvan pour en découdre.
Présentation
On va faire comme chez Jacques Martin : égalité ! Et pourquoi donc ? Tout simplement parce que sur le plan de l’ambiance intérieure, la Nissan se fait défoncer par la Mercedes. Y’a même pas photo. De la qualité des assemblages, des matériaux, du niveau d’équipement, en un mot, de la modernité, on est dans un autre monde. Certes, cela illustre l’écart de tarif, en théorie pas si élevé que cela car la Nissan s’affiche à un imbattable 99 911 € quand la Mercedes démarre à 110 650 € (mais hors option, quand la Nissan propose quasiment tout de série). La Nissan fait plus daté, c’est un fait. En même temps, il n’y a pas de quoi la jeter à la poubelle (tant mieux, d’ailleurs). Et ce, pour plein de raisons : si l’intérieur est moins soigné, l’ergonomie est devenue plus naturelle quand, il y a deux ans, la console centrale a changé, passant de 27 à 11 boutons. L’écran d’info-divertissement propose malgré tout l’essentiel, voire le superflu avec tous les manos façon Gran Turismo. Et les sièges sont vraiment confortables, même sur de longs trajets. Côté position de conduite, c’est égalité aussi : on est parfaitement bien dans les deux cas.
Passons à l’extérieur : une C 63 S Coupé AMG, c’est beau. Mais en même temps, une C 180d avec un kit AMG, c’est presque pareil. A part les quatre sorties d’échappement. Tandis qu’une GT-R, ça a une vraie gueule de brute. Et pas que en orange, même si, au moins, elle annonce la couleur.
A conduire
Un coupé, un gros moteur, plus de 500 chevaux, ça doit se ressembler, non ? Bah non, ça n’a rien à voir. Pourtant, sur la fiche technique, on est dans la même ligue. En Allemagne : V8, 3982 cm3, 510 ch à 5500 tr/mn et 700 Nm à 2000. Au Japon : V6, 3799 cm3, 570 ch à 6800 tr/mn, 637 Nm à 2800 tr/mn. Une donnée essentielle, le poids : c’est pas léger, avec 1829 kilos au Japon, 1820 en Allemagne.
Au volant, ce n’est pas non plus le même univers. L’AMG pousse, partout, tout le temps. La GT-R marque le coup de l’entrée en action des turbos. Il y a un avant et un après 2800 tr/mn. Pourtant, la boîte 6 (9 chez Mercedes), si elle fait preuve de douceur (on peut se retrouver en 6èmeà 55 km/h sur le périph’) sait aussi rétrograder promptement. Du coup, le V6 pousse fort, avec un petit temps de latence compensé par la vigueur au-dessus de 3000 tr/mn, avec le sentiment que ça ne va jamais s’arrêter.
Par contre, la GT-R est une auto de tourisme. Par rapport à l’AMG, elle est nettement plus souple en suspensions, avec une direction plus démultipliée, des freins moins mordants (l’Allemande était montée en carbone). Dans la Mercedes, c’est précis, ça secoue plus (comme quoi, le côté cocon de l’intérieur ne fait pas illusion longtemps), ça mord nettement plus au freinage. Bref, on a l’impression d’être dans une sportive qui fonctionne d’un seul bloc, quand la Nissan est nettement plus feutrée à tous égards. Mais méfiez-vous de l’eau qui dort.
Côté sensations ?
Parce qu’en réalité, est-ce que l’on achète ces engins pour leurs performances ou pour les sensations qu’elles vous font vivre ? Côté chrono, c’est avantage Nissan, avec le 0 à 100 plié en à peine plus de 3 secondes, quand l’AMG en réclamera 3,9. Idem en vitesse de pointe, avec 315 contre 290 km/h. Chacun accordera à cela l’importance que ça mérite. Ce qui compte le plus, a mon avis, ce sont les sensations. Et là aussi, elles diffèrent.
Côté musique, l’AMG est intéressante… ou décevante, c’est selon. Evidemment, elle gronde, elle crépite, elle pétarade. Enfin, surtout quand vous vous mettez derrière lorsqu’elle démarre, ou que vous la regardez passer, parce que à l’intérieur, finalement, on entend pas grand chose. Dommage, car à l’extérieur, elle en fait presque trop. La Nissan est finalement plus cohérente : le feulement du V6 à vitesse stabilisée, le gros souffle des gros turbos en action, tout cela donne une ambiance un peu moins spectaculaire qu’en face, mais c’est finalement assez attachant.
Derrière le volant, c’est aussi très différent. La Mercedes est plus précise, plus vive, prend moins de roulis ; le mordant de ses freins en carbone est plus brutal. La Nissan, en comparaison, est plus « molle ». Direction plus démultipliée, suspensions avec plus de roulis, pédale de frein demandant plus d’effort, peut-être que la GT-R Nismo est plus raide de partout, probablement. En même temps, ce n’est pas grave, car en plus d’être plus confortable, la Nissan abat une carte maîtresse.
Sur les routes bien défoncées du Morvan, l’AMG a toutes les peines du monde à faire passer la puissance. Chaque relance s’accompagne de frétillements du postérieur et de témoins qui s’allument au tableau de bord, tandis que la GT-R passe tout au sol sans broncher. A niveau de conduite égal, la Nissan est tout simplement insuivable, et en plus, au volant, le conducteur est nettement plus décontracté que celui dans l’AMG. L’une pétarade et gronde, l’autre motrice et tartine. Au point que (c’est un scénario totalement hypothétique), on pourrait, au conditionnel, se retrouver à plus de deux fois la vitesse autorisée sans augmentation du rythme cardiaque, quand les sorties de courbes et la gestion du filet de gaz en appui demande plus de concentration sur l’AMG. Côté consommation, la GT-R demande de 10 à 14 litres en moyenne selon le rythme, quand, avec sa boîte à 9 rapports, l’AMG fait un peu moins. Jé, qui avait auparavant la C 63 avec le gros 6.2 atmo, a constaté une baisse de plusieurs litres (moins 2 en cruising, carrément moins 7, de 25 à 18 en urbain embouteillé).
Verdict
Entre une forte en gueule qui montre les muscles, et une autre, moins raffinée, mais d’une efficacité sidérante, comment choisir. Cela dépendra de vos priorités, mais comment ne pas réaliser que la plus homogène et cohérente, cela reste la GT-R. Le mythe c’est elle, et ce n’est pas pour rien. D’ailleurs, une version 50th anniversaire, qui célèbre la lignée, vient d’être lancée sur certains marchés, tandis que l’horloger japonais Grand Seiko vient aussi de produire son hommage. CQFD.
Photos : Gabriel Lecouvreur