Ou comment un industriel de la Loire, Jean Tastevin, voulu créer pour faire plaisir à son épouse Monique grande amatrice d’Aston Martin, la plus luxueuse et performante voiture française des années 70.
Alors que Bugatti est déjà dans l’histoire et au musée, que Facel Vega s’est noyé avec la Facellia, qu’Alpine se limite aux voitures de sport, il y a en France à l’époque de la place pour un très haut de gamme sportif ou c’est du moins ce que pense Jean Tastevin lorsqu’il lance le projet de la Monica en fin d’année 1967. L’industriel français entre en relation avec les ingénieurs britanniques Chris Lawrence et Ted Martin ( concepteur d’un moteur V8 qui intéresse J. Tastevin ). C’est ainsi que naitra en 1968 la Monica 350 mais avec hélas un moteur inadapté, peu fiable qui devait céder la place en 1973 à un bon gros V8 US de 5.6 L né chez Chrysler alimenté par un énorme carbu Holley quadruple corps. Mais au delà de la partie mécanique, la Monica est une réussite esthétique que l’on doit à Tony Rascanu, un ancien de Bertone qui dessine une auto à l’allure de coupé mais avec … 4 portes et plus de 30 années d’avance sur la CLS !
Les prototype sont d’abord développés et modifiés à Turin chez Vignale puis prendront la direction d’ Airflow Streamlines après la mort du carrossier italien et le dessin est finalisé dans les détails par David Coward. Hélas le designer roumain de la voiture ne la verra jamais rouler puisqu’il décède avant les premières séances de roulage.
Ci dessous, un bloc originel anglais V8 3.5 L .
C’est D.Lawrence qui crée le chassis tubulaire fait de tubes carrés de la longue Monica ( 5.0 m ). La voiture à l’empattement de 2.77 m repose sur une suspension avant à double triangulation superposée et à l’arrière c’est un essieu De Dion ( cher au alfistes ) avec barres Panhard et jambes de poussée qui fait le travail. La Monica est freinée par 4 disques dont 2 ventilés à l’avant et ceux de l’arrière son accolés à la boite pour abaisser le centre de gravité. La carrosserie est en acier car l’alu ne faisait gagner que 30 kg environs et le rapport gain/coût était trop important donc l’acier sera préféré à l’aluminium. La Monica délaisse donc le V8 anglais mal né pour le V8 Chrysler de 5.6 L ouvert à 90° qui est choisi mais dans une version revu par le préparateur américain Racer Brown qui porte le régime maxi à plus de 5.000 trs/min contre 4.000 trs chez Chrysler mais qui profite de l’occasion pour lui donner une pêche à l’européenne, il modifie aussi la culasse, les arbres à cames, les pistons, les soupapes, les ressorts, la pompe à huile, l’admission d’air et la lubrication du gros V8 pour qu’il vive un peu mieux dans les tours tout en restant très fiable. Ainsi le V8 de la Monica 560 développe 285 ch à 5400 trs/min, 451 Nm de couple à 4000 trs et il peut être servi soit par une BVM5 en provenance de chez ZF soit par une antique mais indestructible BVA3 Torqueflite en provenance de chez Chrysler. Ainsi équipée la Monica revendique au début des années 70 une Vmax de 240 km/h et un 1000 m abattu en 27.5 secondes ce qui n’est pas mal du tout pour une auto pesant tout de même plus de 1.800 kg.
La Monica verra son développement et sa mise au point finalisés par le grand Paul Frère qui donnera un coup de main à Jean Tastevin tant l’auto l’avait séduit.
Dans l’habitacle, la Monica vise l’excellence et à l’époque les références sont anglaises et non allemandes. Ainsi la voiture propose le plus beau des cuirs Connoly, de véritables boiseries, de la moquette en pure laine vierge des Shetland mais c’est aussi Motolita qui réalise un volant spécifique pour la Monica et enfin c’est Jaeger qui fournit l’instrumentation de bord.
En 1973, la Monica 560 est donc un coupé qui n’a que 4 places mais qui propose un luxe impressionnant pour l’époque avec :
jantes alu, climatisation ( avec possiblité d’avoir un réglage séparé à l’arrière ), 4 vitres électriques, installation hifi avec magnétophone lecteur/enregistreur de cartouche à 8 pistes, portières à ouverture et fermeture assistées par des moteurs électriques, set de bagages fait par un très grand sellier, adaptés au coffre et assortis au cuir de l’habitacle.
La Monica est disponible à la vente en 5 coloris : Bleu Atlantique, Bleu Azur, Pourpre Amarante, Brun Châtaigne et Beige Sable et au lancement le constructeur forezien propose trois couleurs de cuir, à savoir Marine, Havane et Champagne et il était prévu, avec le temps, que la gamme soit plus fournie et personnalisable.
Au final, ce sont seulement 28 exemplaires plus ceux de pré série qui seront construits et en 1975, c’est un certain Guy Ligier qui rachète le constructeur moribond tant à cause de la crise économique et pétrolière qu’à cause d’un prix de vente très élevé ( 164.000 francs en 1973-1974 ) de l’auto qui limita la distribution de la voiture qui n’eut pas le temps de se faire connaitre à l’exportation sauf… depuis quelques années dans le monde des collectionneurs et notamment aux USA.
Ci dessous quelques images mais elles sont hélas petites et les photos de l’auto sont aussi rares que la voiture ou presque !
Le premier prototype à l’allure très Panhard !
Ci dessous deux concurrentes potentielles qui n’ont pas vraiment eu d’existence commerciale, la SM Opéra, la Lagonda V8 Serie1 ( 7 ex ).
Reste une française qui avait tout ou presque pour réussir sur le marché mais probablement était elle trop en avance avec son esprit de coupé 4 portes, 4 places qui fait aujourd’hui le bonheur des constructeurs de voitures haut de gamme.
Ci dessous la triste image de l’usine Monica en 1975 lorsque Ligier rachète la dépouille industrielle du constructeur de Balbigny.
Et je doute fort qu’il y ait un constructeur français pour relever le défi aujourd’hui, allez peut être Citroën avec sa ligne DS… on peut rêver !
MàJ du 12/09/2010 : La très rare fiche techique de la Monica 560.
Via Motortrend, L’automobileSportive, FlickR.
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