Essai : Nissan Juke Nismo RS

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Ouh la la, il a l’air méchant ce Juke Nismo RS avec ses grosses roues et ses appendices aéro. 218 ch, ça donne envie de voir ce qu’il y a sous le capot…

Calé à en sixième à un optimiste 140 compteur (je suis dingue de rouler à des vitesses pareilles !), le compte-tours affiche un petit 3600 tr/mn sur son fond rouge, le tableau de bord étant surmonté d’une petite casquette en suédine avec surpiqûres rouges. C’est très sport, ça, le rouge !

Je fais connaissance avec le Nissan Juke Nismo RS 2015 et je suis bien. Le paysage défile et la sonorité est un petit peu rauquounette. Rauquounette, c’est un mot que je viens d’inventer pour vous : ça veut dire un petit peu rauque mais pas trop, on n’est pas dans un double arbre Alfa des grandes années pas plus que dans un flat four Subaru avec pot William Saurin modèle famille nombreuse. De toute façon, l’acoustique, c’est toujours compliqué avec quatre gamelles. Perso, j’ai toujours préféré les V8, mais bon, on fait pas toujours ce qu’on veut, ma brave Lucette.

Donc, là, c’est gentiment rauquounet. Si l’on voulait tenter une définition par agrégation d’idées, ça donnerait ça : on entend le moteur, mais pas trop ; le bruit ne peut pas être qualifié de désagréable, il est un peu grave au milieu avec d’infimes résonances métalliques sur les bords (si un docteur en acoustique me lit : mes excuses anticipées). Ça ne joue pas des castagnettes comme un truc alimenté par le carburant du Diable, c’est supportable sur de longs trajets et l’on a la preuve qu’il se passe un petit truc sous le capot, histoire de justifier les surpiqûres rouges. C’est gentiment rauquounet, quoi.

Un pur concept !

Faut que je vous avoue un truc : j’ai essayé un paquet de choses chez Nissan, de la Pulsar dCi à la GT-R en passant par la Micra, le NV200 et une floppée de Navara, mais je n’avais jamais envisagé d’acheter un Juke ni même mis les pieds dedans.

 

Or, comme je viens de vous le dire, je suis bien. Le volant, recouvert de peau retournée dans ses parties extérieures, tient bien en main, même si je n’aurai rien eu contre un diamètre un poil plus épais, pour le feeling sportif, mais là, je chipote. Les sièges baquet Recaro en cuir & Alcantara® brodés Nismo ne sont pas seulement super beaux et un peu chers aussi (il s’agit d’une option à 1500 €) : ils sont également excellents par leur maintien et se révèlent très confortables sur la durée alors que leur finesse et leur aspect bien creusé laissaient craindre un sentiment contraire. Devant moi, au bout du capot, les optiques (redessinées sur ce millésime 2015 pour singer encore plus celles de l’iconique Z) se détachent comme deux petites crêtes de cristal guidant ce drôle de batracien à roulettes : sensation singulière mais sympathique.

Un bémol ? Non, deux : la grosse boule du levier de vitesse ne fait pas trop sport (ça doit être la même que dans les versions Diesel) et la belle planche de carboplast autour de la console centrale, ça le fait moyen. Vous ne savez pas ce qu’est le carboplast ? C’est normal, c’est encore un mot que je viens d’inventer pour vous : le carboplast, les amis, c’est du plastique imitation carbone provenant en droite ligne des stocks d’invendus du rayon Tuning de la Foirfouille. On ne disait rien il y a vingt ans quand les types avaient des coupes de cheveux mulet (il fallait prioriser nos indignations), mais aujourd’hui, le carboplast, c’est non ! Mais bon, on va dire que la beauté des sièges Recaro compense largement ce petit bémol.

Quand on y pense, je vous dis ça comme si j’étais surpris d’être bien : parce qu’en fait, j’ai toujours trouvé que le Nissan Juke était une auto bizarre. Une alliance d’idées un peu curieuses, une croisée des chemins pas évidente, un peu comme si un mec avait conçu une moto avec un moteur de Citroën GS. Ah, mais ça existe, c’est une BFG 1300 !

Pour moi, le Juke, c’est un peu comme si ça :

… avait fusionné avec ça :

… et que pour la version Nismo RS, on avait rajouté une pincée de ça :

L’accouplement de la carpe et du lapin habillé dans un vieux survêt Sergio Tacchini.

Quoi de neuf, docteur ?

Non, je déconne, parce qu’en fait le Juke Nismo RS présente carrément bien, je trouve. Et je ne suis pas le seul à le penser car depuis le lancement de la première version en 2011, 500 000 clients en Europe l’ont choisi, parmi lesquels 85 % qui n’étaient pas chez Nissan auparavant. Ça vaut de l’or, ça, coco…

De fait, on comprend mieux le relifting effectué dans la subtilité. Comme tous les Juke II, y compris les plus modestement motorisés, il s’est fait relifter au niveau des optiques pour une face toujours aussi distinctive mais encore plus expressive. C’est encore plus vrai dans notre version Nismo RS, avec son spoiler plus sportif, ses guirlandes de leds et ses bas de caisse. Si tous les Juke 2015 voient leurs possibilités de personnalisation accrues (rétros, jantes, lignes de boucliers, sans parler de l’intérieur…), ce n’est pas trop le cas du Nismo RS, qui est dispo en blanc, noir ou le gris de notre modèle d’essai. Mais il faut admettre qu’il est déjà bien looké comme ça.

Comme tous les Juke, notre Nismo RS 2015 soigne l’un des défauts de la précédente génération, avec un volume de coffre en augmentation de 40 %, à 354 litres désormais. Looké, mais enfin pratique…

Ce qui est nouveau aussi, et qui les concerne tous, c’est la dotation carrément revue en équipements de confort et de sécurité : sur ce point, le Nismo RS est carrément à la page, avec un démarrage sans clé, une connexion Bluetooth® de qualité, une connectique USB facilement accessible, une alerte de maintien de ligne, le régulateur de vitesse, un TPMS. Bref, c’est moderne.

Sport au carré ?

Le tour du propriétaire étant fait, voyons maintenant ce qu’il y a sous le capot. Par rapport au millésime précédent, le bloc issu de celui de la Clio RS gagne 18 chevaux et surtout 30 Nm de couple, en passant de 250 à 280 Nm. On voit bien que cela a vexé Renault, puisque la firme au losange a répliqué récemment avec une Clio RS EDC Trophy qui revendique 220 ch. L’honneur est sauf !

Petite précision : le Juke Nismo RS est dispo dans deux configurations. En boite méca, c’est synonyme de traction avant, de 218 ch et de 280 Nm, pour 27 450 €. En boîte auto (en fait, une CVT avec 8 « rapports »), c’est 4×4, 214 ch et 250 Nm, pour un prix de base de 30 750 €.

Comme 218 ch, c’est à un poil près la puissance d’une Golf 7 GTI, vient le moment de la question qui tue : alors, il dépote, ce Juke Nismo RS ?

La réponse est : mouais… En fait, objectivement, il marche bien. Le 0 à 100 est bouclé en 7 secondes et la vitesse de pointe s’affiche à 220 chrono. Nissan a doté son Juke de rapports de boîte assez courts : à l’accélération sur les premiers rapports, la nervosité est bien palpable, d’autant que le châssis, qui délivre un confort plutôt étonnant, génère quelques mouvements de cabrage. Malgré le différentiel, les roues avant qui accrochent le bitume cherchent parfois un peu leur voie et il y a de la vie au volant ! En reprise, j’ai ressenti une légère déception : même en plein dans le gras du couple (soit à 3600 tr/mn), on n’est pas collé au siège et l’on se demande un peu où sont les 218 ch… Subjectivement, une Golf 7 GTI dépote carrément plus.

Enfin, ça, c’était sur du plat bien dégagé, avant de refaire l’expérience dans une zone bosselée, sinueuse, bordée d’arbres, de regarder l’aiguille du compteur et d’admettre que oui, il marche quand même bien, ce Nismo. Et si c’était juste une question de feeling, alors ? Car le moteur est quand même assez linéaire, il n’y a pas vraiment de hargne tout en haut du compte-tours, et Nissan pourrait retravailler ça avec un bruit plus profond à l’admission, des petites déflagrations à l’échappement au lever de pied, de la vie, quoi… Car, zut, à la fin, on a quand même une caisse qui arbore le double logo Nismo (Nissan Motorsport) et RS (Renault Sport) et là, j’ai le sentiment qu’il manque un petit truc.

Tenez, c’est un peu comme si votre jeune voisin, Kevin, descendait de chez lui avec une veste de sport Le Coq Sportif (claassse !) et un pantalon de sport Umbro (top claaassse !!), et que vous vous rendiez compte qu’en fait, au sprint, non pas qu’il ne soit pas si flamboyant que ça, mais que son style ne vous a pas impressionné. Hein, Kevin ?

D’ailleurs, le mode sélector « D-Mode » qui partage son écran et celui de la climatisation et qui agit sur la direction et la réponse à l’accélération, s’il réduit de manière sensible la puissance en mode « éco », ne m’a pas paru avoir de différences suffisamment marquées entre « normal » et « sport ». L’écran affiche le couple utilisé selon une loi mécanique imparable : plus vous appuyez sur l’accélérateur, plus les pixels s’accumulent. Tiens, cela me rappelle les fameux économètres des BMW des années 1980 et leur aiguille directement liée à votre semelle de droite !

Carrément vivable

Ceci étant dit, le Juke Nismo a beau sortir la panoplie méchante, il n’en reste pas moins super utilisable au quotidien. On a vu que son niveau d’équipement était carrément à la page et, après un essai de plusieurs centaines de kilomètres, je reste épaté du niveau de confort et de la capacité d’amortissement d’une auto que j’imaginais plus radicale. Du coup, le Juke Nismo RS est carrément homogène et en phase avec les sensations mécaniques. Côté châssis, pas beaucoup de critiques à apporter : c’est plutôt sain, même si, en toute logique, le centre de gravité plus haut ne permet pas de revendiquer le toucher de route d’une vraie GTI, tandis que quelques mouvements de caisse sont ressentis lorsque l’on hausse le rythme. Dommage que le réservoir de 46 litres seulement n’autorise pas une autonomie démentielle, puisque dès que l’on se met à jouer un peu avec les ressources du 1618 cm3 turbo, la conso dépasse facilement les 10 litres. Et en roulant (un peu) plus cool, je n’ai pas réussi à descendre sous les 9 l/100.

 

Vous l’aurez compris, j’ai trouvé le Juke Nismo RS assez séduisant même si ce n’a pas été le coup de foudre. À mon avis, il ne manque pas tant de performances que d’un univers plus sensoriel pour que je trouve qu’il fasse pleinement honneur à son double badge. Mais pour les clients du Juke 1 qui voudraient une auto un peu mieux équipée et plus performante sans rien changer du concept décalé qui les a fait craquer, ça le fait bien… Le Juke Nismo RS devrait donc faire carrière, puisque dans le segment assez conceptuel du SUV urbain coursifié, il n’a pas de concurrents, à part la Mini Countryman Cooper Works, qui offre 218 ch elle aussi, mais dont les tarifs débutent 10 000 € plus haut à 37 200 €. Ça laisse de la place pour une prochaine évolution Juke Nismo RS V-Spec, Track Edition ou « Piment d’Espelette Ltd », appelez-là comme vous voulez, du moment qu’elle soit un peu plus expressive…

Photos : Benoît Meulin

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