La nostalgie est décidément à la mode. Et comme d’autres avant lui, Porsche semble plonger avec délice dans cette tendance. Après une première expérience avec la 993 Project Gold, voici la nouvelle 935.
C’est dans le cadre du rassemblement américain Rennsport Reunion à Laguna Seca que Porsche a dévoilé ce projet fort inattendu, en faisant un cadeau d’anniversaire pour les 70 ans de la marque. Pour rappeler l’importance de la 935 pour Porsche, rappelons qu’il s’agissait de la version course de la 930 turbo. Elle fut engagée officiellement durant 3 saisons (de 1976 à 1978) dans différentes courses et championnats (Endurance, IMSA GTX, Championnat du monde des marques FIA, Trans-Am).
Mais sa longévité et ses performances lui permirent de briller encore jusqu’au milieu des années 80 avec des écuries privées. Son plus grand fait d’armes est le triplé aux 24h du Mans 1979 mais son palmarès est quasi infini. Elle connut plusieurs évolutions mécaniques et aérodynamiques (modèles 935/76, 935/77 et enfin 935/78). En raison de son aérodynamique très étudiée, de sa longueur et de sa couleur blanche à livrée Martini, la 935/78 fut surnommée Moby Dick, tel le cachalot pourchassé par le capitaine Acchab dans le roman éponyme.
Un véritable mythe donc, que Porsche a décidé de faire renaître. Tout comme la première 935, la 935-2 (appelons la comme ça) est directement tirée d’une 911 Turbo. C’est ici la 991 GT2 RS qui sert de voiture donneuse en confiant son châssis et son flat-6 3,8 litres de 700 ch. Pour habiller ce châssis, Porsche a préparé des panneaux de carrosserie en carbone venant imiter la silhouette d’une 935/78. Les boucliers et ailes sont élargis et allongés jusqu’à l’excès, seule la cellule centrale est conservée. Cerise sur le gâteau, un impressionnant aileron vient se poser sur une poupe déjà fort chargée. La longueur atteint maintenant 4,87 m (près de 30 cm de plus) et la largeur dépasse tout juste les 2 mètres. Les jantes rouges à déport sont aussi très proches de l’original et évitent pour une fois le syndrome “taille basse”. Regardez un peu l’épaisseur de gomme, on se croirait dans les années 70 ! Tout en démesure et l’exubérance, la 935-2 parvient à rester assez fidèle à l’esthétique “course” de son aînée. Oui, c’est chargé, à peu près aussi discret qu’une McLaren Senna, mais pourtant ça passe mieux car c’est un hommage (oui je suis de mauvaise foi, et alors ?). Les emprunts esthétiques ne se limitent pas à la 935 car on retrouve des éléments de 919 (feux sur l’aileron), de 908 (échappements) ou même de Carrera GT (pommeau de levier en bois).
Dans l’habitacle justement, les emprunts continuent avec une instrumentation et un volant tirés de la 911 GT3 R. La 935 est une monoplace, même si un second baquet est disponible en option. Bien que l’habitacle soit traité résolument dans un esprit course (arceau, harnais 6 points), il bénéficie de la climatisation. Pas trace d’autoradio par contre.
Mécaniquement, quasiment aucune modification par rapport à la GT2 RS. Le moteur reste accouplé à une boîte PDK à 7 rapports n’entraînant que les roues arrières. Le freinage est renforcé en installant des étriers compétition et des disques de 380 mm de diamètre à l’avant (355 mm à l’arrière). Les systèmes d’assistance électroniques sont quant à eux reconduits sur la 935. Le poids à vide est de 1 380 kg, soit un gain de près de 100 kg par rapport à une GT2 RS, déjà substantiellement allégée (1675 kg pour une Turbo classique). Il est à parier qu’avec une aérodynamique aussi spectaculaire, les performances de la 935 soient de haut niveau.
Oui mais voilà le cœur du problème : à quelle occasion ? La nouvelle 935 n’est pas homologuée pour la route (sauf si nos amis anglais y arrivent, ce qui est parfaitement possible). Elle n’est pas non plus homologuée pour la moindre compétition, car elle ne correspond à aucun règlement. Mais alors ça sert à quoi ? Peut être juste à admirer un bel objet, évocateur du passé mais adoptant des techniques modernes. Et il est certain que bon nombre de gentlemen/women driver ont déjà passé commande d’un des 77 exemplaires vendus pour se tirer la bourre lors d’un track day privé à Laguna Seca ou Silverstone dès la livraison prévue en juin 2019. Reste qu’au prix de vente de 701 948 € HT (très précisément), soit environ 1 M€ TTC en ajoutant quelques options comme la livrée Martini, la 935 de 2018 coûte quasiment le prix d’une 935 d’époque. A ce prix, que choisissez-vous, l’originale ou l’évocation ?
Crédits photo : Porsche