Essai : Skoda Superb 1,4 TSI 150, la Grande Classique

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Amateurs de berlines traditionnelles, réjouissez-vous. La nouvelle Skoda Superb maîtrise son sujet et va même vous permettre de faire l’impasse sur le Diesel !

On croyait le segment des grandes berlines généralistes totalement en perdition, cannibalisé par les grands monospaces et les SUV, mais en un an, ce ne sont pas moins de cinq nouveautés qui sont arrivées sur le marché : Volkswagen Passat, Ford Mondeo, Skoda Superb, Toyota Avensis et Renault Talisman. Et pendant ce temps, la Mazda 6 s’est refait une petite beauté. Tout comme nos flamboyantes Peugeot 508 et Citroën C5, afin de continuer à satisfaire une horde de fans chaque jour plus nombreuse. Ou presque. Bref, c’est quand même pas mal pour une catégorie de voitures délaissée.

Cette dernière génération de berlines adopte la même stratégie pour espérer se faire une place au soleil : un design plus travaillé que les générations qu’elles remplacent et une dotation généreuse en équipements de confort et de sécurité. Et c’est ainsi que l’on redécouvre qu’une grande berline, expression assez classique du genre automobile, peut être un engin certes assez rationnel mais bougrement efficace qui fait bien le boulot sans en faire de trop.

Sans aucun doute, la Skoda Superb 2015 n’a pas moins d’ambition que les autres ; tellement, d’ailleurs, qu’elle frôle le crime de lèse-majesté ! Et elle a raison d’en avoir, puisqu’elle a été vendue à 700 000 exemplaires dans le monde depuis 2001 et ceci sans perte de charge, puisque 94 000 unités ont encore trouvée preneur en 2014.

Son allure reste empreinte d’un grand classicisme, mais le travail fait sur les optiques et la ligne de caisse sculptée (un peu à la manière d’une Passat, d’ailleurs), lui confèrent une certaine allure. Ses dimensions sont respectables : 1,86 m de large, 4,86 m de long (soit 1 cm de plus qu’une Talisman et 1 cm de moins qu’une Mondeo) promettent, pour faire honneur à la réputation du modèle, une belle habitabilité, d’autant que le porte à faux avant s’est réduit de 6 cm et que l’empattement s’est étiré de 8 par rapport à la génération précédente. Du coup, vous pouvez prendre un passager de 2 m de haut à l’arrière : il voyagera confortablement ! Avec une capacité de 625 à 1700 litres, le coffre est l’un des plus généreux de la catégorie.

Sobre, et presque chic

La rationalisation et l’optimisation sont des valeurs clé chez VAG. Si vous êtes déjà monté dans une Golf ou une Polo récentes, vous ne serez donc pas dépaysé par la planche de bord de la Superb. Si la qualité de construction des autos du groupe n’appelle que peu de critiques (voire pas, en fait), la joie de vivre fait souvent défaut ; la rigueur l’emporte souvent sur la fantaisie. Dans la perspective d’une relation à long terme, ça se défend.

Pourtant, la Superb parvient à distiller de cet espace parfaitement agencé un petit feelgood factor. C’est d’autant plus remarquable que nous pouvons considérer notre modèle d’essai comme une quasi entrée de gamme du constructeur tchèque. Quasi, car il y a bien une combinaison en dessous de notre 1.4 TSI 150 Ambition : le 1.4 existe dans une version 125 chevaux, avec le niveau de finition Active qui n’apparaît que sur cette motorisation en essence (mais est aussi proposé en 1.6 TDI 120 et 2.0 TDI 150) et constitue le ticket d’entrée de la Superb à 23 790 €. Dans la hiérarchie des niveaux de finition, on trouve donc dans l’ordre croissant : Active, Ambition, Style et le haut de gamme Laurin & Klement, la déclinaison la plus chère étant tarifée à 46 490 € en 2.0 TFSI 280 ch 4×4 DSG Combi.

L’Active, qui possède déjà 7 airbags, l’aide au démarrage en côte, l’aide au freinage d’urgence, l’ordinateur de bord, le régulateur / limiteur de vitesse, le stop & start et un système récupérateur d’énergie au freinage. Notre Ambition dispose en plus de la clim auto bizone, du radar de parking, des phares avec éclairage d’angle, des parapluies dans les portes comme chez Rolls Royce (une attention Simply Clever !), du réglage lombaire des sièges avant, du système Mirror Link, du GPS couleur, des rétros extérieurs électrochromatiques et rabattables, du volant multifonction, de l’éclairage des caves à pieds, du régulateur / limiteur de vitesse, de l’accoudoir central arrière… Le troisième niveau, Style, apporte en plus l’intérieur cuir, l’éclairage des cave à pieds AR, des jantes de 17 pouces ; les sièges avant chauffants, des feux à diode, une audio plus sophistiquée…

En haut, la Laurin & Klement amène un gros niveau de raffinement, avec les sièges arrière chauffants, l’ouverture confort du coffre (par mouvement de pied sous le bouclier), la caméra de recul, le détecteur de somnolence, les amortisseurs adaptatifs, le toit ouvrant électrique à diodes, les vitres arrière surteintées, la reconnaissance des panneaux, une audio 12 HP, des jantes de 18 pouces…

La bonne nouvelle, c’est que l’Ambition peut se sublimer grâce à des options raisonnablement tarifées : le démarrage Keyless (400 €), l’ordinateur de bord couleur (90 €), les sièges avant chauffants (250 €), les feux arrière à LEDs (180 €), les jantes de 17 pouces (350 €) : sachant que notre modèle commence à 28 190 €, cela permet de se concocter un package super équipé à moins de 30 000. Même si on pourrait en rajouter un peu plus : ouverture du coffre « virtual pedal » à 670 €, suspensions pilotées à 990 €, Drive Mode Selector à 150 €. Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que Skoda laisse aux acheteurs d’une finition inférieure la possibilité d’acquérir à la carte une ou plusieurs des spécificités dispos sur le haut de gamme. Tous les constructeurs ne donnent pas cette possibilité.

Bref, notre Ambition présente bien. Les sièges en velours sont accueillants et cossus ; les placages en aluminium, l’ambiance intérieure à LEDs (une option à 160 €, que je conseille : l’habitacle est alors traversé d’un trait lumineux bleu, blanc ambré ou vert Skoda, ce dernier étant assez reposant pour les yeux), l’intérieur délivre un sentiment plutôt sérieux et qualitatif. Mais aussi très classique, ce qui pourra bien correspondre à la cible visée. Les petites attentions Simply Clever font mouche, à l’image des crochets dans le coffre pour fixer facilement des sacs, du grattoir anti-givre placé dans la trappe à essence.

Ceci étant dit, il faut donc reconnaître que la Superb fait grimper d’un cran le niveau de ses prestations. Belle évolution par rapport à la Superb Mk I de 2001, qui était en fait une VW Passat à empattement long (destinée au marché chinois) rebadgée et qui était un peu brute de décoffrage.

La Mk II, en 2008, s’émancipait en faisant monter le niveau des prestations d’un cran : arrivée d’une version break, d’un transmission 4×4, de ce fameux coffre mix malle & hayon, et d’un gros V6 3.6 de 260 ch. Tout ceci en fit la monture préférée des taxis et j’avoue avoir fait connaissance avec la Superb sur sa banquette arrière incroyablement spacieuse, conduite par un type patibulaire écoutant fort une émission débile sur RMC où ça parlait de football. Un sacré mélange d’émotions, donc. Nos taxis ne furent pas les seuls à l’apprécier : sachez que la Superb Mk II fut élue « voiture de l’année » dans pas moins de 9 pays. Si cette information capitale vous avait échappé, retenez que la République Tchèque, évidemment, mais aussi Slovaquie, Estonie, Lituanie, Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Ukraine et Lettonie, ont consacré cette grande berline. C’est bien quand la Justice est rendue.

Tout cela laisse augurer d’une pluie de récompenses pour la Mk III. Mais, minute, Mk III disons nous ? Pas du tout, en fait, car nos lecteurs férus d’Histoire savent certainement que la première Superb remonte en vrai à 1934 et prenait alors la succession de la Skoda 860, équipée d’un moteur 8 cylindres en ligne. Car oui, Skoda était d’ailleurs à l’époque un constructeur de voitures haut de gamme. En 1934, la Superb était motorisée par un 6 cylindres en ligne 2.5 (55 ch – mais la même année, une Citroën Traction Avant 7A sort 32 ch de son 1.3), porté à 2.7 (60 ch) puis à 2.9 (65 ch) au cours du millésime 1936, tandis qu’un V8 de 4.0 et 135 chevaux fit son apparition en 1939, juste avant que de funestes desseins ne frappent à nouveau l’humanité et, petit dommage collatéral, réduisirent sérieusement les ambitions haut de gamme de Skoda pour les 4 décennies à venir. Mais ceci est une autre histoire.

Zen, restons zen

150 ch, c’est une puissance raisonnable pour une grande berline. Et le 1.4 TSI est une vieille connaissance que j’avais déjà apprécié au volant de la Coccinelle Cabriolet (essai ici ), même si, la précision est importante, elle était alors accouplée à la boîte DSG7.

Ce bloc est même assez techno, car il est doté de la technologie COD : Cylinder on Demand, qui désaccouple les deux cylindres centraux du bloc quand les conditions sont réunies, soit à des rythmes stabilisés, entre 1400 et 4000 tr/mn et jusque 130 km/h. Dans ces conditions, la Superb bat (temporairement !) la Ford Mondeo 1.0 Ecoboost et son petit trois cylindres de 125 ch, en devenant brièvement et au bénéfice de la consommation, une grande berline alimentée par un bicylindre de 700 cm3 !

Bref, en voyant la démultiplication de la boîte manuelle à 6 rapports, j’ai eu quelques moments d’interrogation en essayant d’imaginer l’ambiance à la cantine du département des ingénieurs de chez VAG. Car, à quoi ça sert qu’une équipe se décarcasse à concevoir un super bloc, puissant, souple et silencieux, si l’équipe d’à-côté plombe tout cela en lui collant des démultiplications improbables, façon Pénélope qui détricote. Car à peu de choses près, le 1.4 TSI 150 entraîne 50 km/h par 1000 tr/mn. Quasiment comme un Diesel, sauf qu’il délivre sa puissance maxi à 5000 tr/mn et peut en prendre 6000. Soit 300 km/h théoriques pied au plancher.

300 km/h en Skoda Superb ? Yeah ! Porsche Cayman S, faites gaffe à votre cul ! C’est par où l’Allemagne ?

Sauf qu’en vrai la Skoda 1.4 TSI 150 prend 220 km/h, ce qui n’est en fait pas si mal.

Cet a priori assez négatif s’est envolé assez rapidement, après quelques dizaines de kilomètres sur les routes secondaires. Car le bloc 1.4 délivre un couple solide de 240 Nm dès 1500 tr/mn et dans les faits, la Superb répond présent même sur des rapports de boîte élevés. Si le niveau de dynamisme est plutôt étonnant, avec un 0 à 100 couvert en 8,6 sec, les reprises n’ont évidemment rien de transcendant mais ne sont pas désespérantes non plus. À la différence d’une Mondeo 1.0 Ecoboost, la Skoda Superb 1.4 TSI 150 est capable de réaccélérer dans une côte à bas régime sur un rapport élevé. Oh, pas de quoi chatouiller l’antipatinage, mais le compteur de vitesse grimpe doucement mais sûrement.

La bonne disponibilité du 1.4 fait partie des arguments forts de cette auto. Son silence aussi. Et sa douceur. Même si j’ai lu dans d’autres essais que le fonctionnement du COD et la désactivation de deux des quatre cylindres se faisait sentir par une petite phase vibratoire, j’ai franchement eu du mal à saisir l’événement sans parvenir à définir si c’était lié à un déficit de feeling de ma part ou à l’excellente insonorisation de la Superb.

Les sensations au volant sont cohérentes avec le caractère du moteur. Si le 1.4 dispose d’une allonge correcte jusqu’à la zone rouge avec une arrivée de la puissance linéaire mais qui ne faillit pas tout en haut, il se fait d’abord apprécier par sa souplesse, tandis que le levier de vitesse et ses débattements conséquents n’incitent pas à des passages de rapport à la volée. Le comportement dynamique est dans la même veine.

Le confort des suspensions et des sièges a un côté moelleux qui m’a fait penser à une Citroën C5 (sans suspension Hydractive, toutefois) incitant, au volant, plus au cruising qu’à l’attaque. Ceci avec des pneus de 17 pouces en 215/55 qui ne dégradent pas le confort, l’histoire est peut-être différente avec les jantes de 18 ou 19 pouces qui sont au catalogue pour se concocter une Superb façon Pimp my Ride. Revers de la médaille, la Superb dévoile un peu de roulis lorsque l’on commence à entrer en courbe de manière engagée. Mais la tenue de route est d’une sûreté impériale. J’ai essayé de la brusquer et de l’utiliser à contre-emploi en virage, pour constater que l’arrière reste rivé au sol. Imperturbable.

De toute évidence, elle procurera à ses propriétaires, probablement plus raisonnables que moi, des prestations routières où le confort, la sécurité et la sérénité seront les maîtres mots. Et ce, même si les dotations technologiques sécuritaires modernes restent en option sur cette définiton 1.4 TSI Ambition. Le régulateur de vitesse adaptatif : 350 €. Le Lane Assist : 550 €. Le détecteur de fatigue : 50 €. Le détecteur d’angles morts : 390 €. Le détecteur des panneaux de signalisation : 90 €. On le voit, certains tarifs restent abordables.

Conclusion : le Diesel, pourquoi faire ? Et la Passat, pourquoi faire aussi ?

Au final, et même si je suis le premier à avouer qu’il manque à cette Superb un petit zeste d’épices qui font que l’on a une petite montée d’émotion à chaque fois que l’on s’installe à son volant, force est de reconnaître la grande homogénéité de cette auto.

Plus encore : elle sort de son rôle de « grande berline animée par un petit moteur essence qui fait vachement bien le boulot » pour, lorsque l’on fait les comptes, se demander si le Diesel n’est pas menacé. Lors d’un essai complet, j’ai fait du 7,4 l/100 de moyenne avec des extrêmes à 9,5 dans Paris intra-muros et du 5,9 sur route à vitesse globalement raisonnable. Au final, avec les 66 litres du réservoir, cela permet une autonomie conséquente pour une berline essence de plus de 900 kilomètres. Cela reste certes un petit peu plus élevé en conso que ce que l’on fera avec une Superb 2.0 TDI 150, mais en contrepartie on gagne du silence, de la douceur de fonctionnement, un certain raffinement, un comportement plus franc avec une auto plus légère de 90 kilos et 2900 € sur le prix d’achat à finition égale. On perdra en reprises, probablement, même si la Superb 1.4 TSI 150 idéale vient avec la boîte DSG7, contre un supplément de 1500 €. Et là, en reprises, ce sera kif-kif.

En poursuivant les questions existentielles, on peut également se demander si la Superb, à force d’améliorations, n’est pas devenue une concurrente un peu encombrante pour la Passat. Elles partagent en effet la même plateforme MQB, une partie des mêmes motorisations, l’interface multimédia est quasiment identique (c’est à dire claire, efficace et contemporaine avec le Mirror Link), et toutes deux ont la possibilité de disposer de versions avec le coupleur Haldex 5. La Superb est dans l’air du temps, avec une borne internet via hotspot wifi : c’est la première Skoda connectée.

Certes, la Passat conserve quelques privilèges pour les amateurs d’exclusivité, à l’image des compteurs complètement digitaux ou du moteur 2.0 BiTDI de 240 ch. Mais quand on voit qu’une Passat 1.4 TSI 150 Confortline est à partir de 30 470 €, on mesure le prix du blason…

Photos : Gabriel Lecouvreur

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