Tous les ans au mois de février, Paris devient la capitale mondiale de l’auto de collection et accueille plusieurs ventes aux enchères. Cette année, les résultats sont plutôt mitigés pour les vendeurs.
Depuis quelques années, les cotes des véhicules de collection grimpent, grimpent, jusqu’à atteindre des montants les mettant hors de portée des passionnés pour rejoindre la pure spéculation. Terminée la bonne époque des Porsche à 30 000 € ou des Ferrari à 50 000 €. Même une simple Citroën DS 23 a atteint la somme coquette de 180 000 € en 2012 (mais dans un état impeccable, certes). Alors qu’en est-il cette année ?
Commençons avant tout par le record obtenu par la maison Artcurial avec la vente de la Ferrari 335S carrossée par Scaglietti. Elle était attendue, elle a tenu ses promesses : 28 millions d’Euros hors frais, soit 32,1 millions d’Euros au total, ou 35,7 millions de Dollars. Record du monde de vente aux enchères, mais variable selon la devise utilisée : record en Euros, mais pas en Dollars, celui-ci étant toujours détenu par une Ferrari 250 GTO vendue par Bonhams en 2014 pour 38,1 millions de Dollars. Le cours de change explique la différence, et cela n’empêche pas les deux maisons concurrentes de se bagarrer fraternellement à coups de communiqué de presse pour réclamer le record ! Quoi qu’il en soit, le résultat est extraordinaire pour cette voiture émanant de la collection du défunt Pierre Bardinon, propriétaire notamment du fameux circuit du Mas du Clos. Emmenées de main de Maître par Hervé Poulain, les enchères de la maison parisienne ont tenu leurs promesses avec 80% de lots vendus pour un total de 54,2 millions d’Euros et plusieurs records du monde par modèles : ici une Bugatti EB110 Super Sport à 929 800 € ou là une Alfa Romeo Giulia Sprint GTA à 441 000 € par exemple.
Beau succès également pour la vente consacrée à la collection Citroën d’André Trigano : 99% des lots vendus et encore plusieurs records du monde par modèle dont notamment une 2 CV Sahara à 172 800 € (si si, pas de faute de frappe) ou une Méhari 4×4 à 50 100 €. Estimée à 1 M€, les lots sont partis pour un total de 1,5 M€ avec des prix totalement délirants (le mot n’est pas trop fort). La 2CV Sahara était estimée 90 000 €, est-ce bien raisonnable ?
Mais l’affaire n’est pas forcément si simple et le marché semble se segmenter. Artcurial a certes fait 54,2 M€ de vente, mais l’estimation était à 68,75 M€. Et en effet nombre de lots sont partis très proches de l’estimation basse. La plupart des voitures n’ayant pas un historique exceptionnel ou un état irréprochable ont ainsi été sanctionnées par les acheteurs, qui se sont consacrés aux “grosses pièces” en priorité. Et visiblement, les Citroën font partie maintenant de ces grosses pièces ! Il serait peut être temps de vous occuper de l’Ami 8 break de Tante Jacqueline qui pourrit au fond du jardin (l’Ami 8, pas Tante Jacqueline).
Même son de cloche pour la maison Bonhams : seuls 57 % des lots mis en vente ont trouvé preneur, et souvent proches de l’estimation basse. Et pourtant, le cadre du Grand Palais était tout bonnement extraordinaire, comme tous les ans et les autos étaient de grande qualité, à l’image de cette Porsche Carrera GT unique en son genre par son coloris (hélas non vendue) ou de cette Ferrari 275 GTB vendue 2,07 M€.
Une Aston Martin DB4 est aussi partie pour 609 500 € et Citroën toujours avec une Visa Mille Pistes Groupe B à 26 450 €. A voir les prix moyens négociés, le marché semble se replier sur les valeurs refuge : Ferrari, Aston et dans une moindre mesure Porsche (seulement 5 voitures vendues sur 13 chez Bonhams, alors que la plupart des lots étaient très dignes d’intérêt).
Terminons cette session hivernale avec la vente de RM Sothebys, qui prenait place à l’ombre du dôme des Invalides. 80% des lots proposés ont été vendus, mais encore une fois bien souvent sur la fourchette basse de l’estimation. 60 lots seulement, mais 19 M€ de vente quand même. Vedette de cette vente : une Porsche 550 Spyder, vendue à 2 744 000 €, pour l’exemplaire exposé au Salon de Francfort 1955. La plus haute enchère a néanmoins été atteinte par une Ferrari (décidément) : une 400 Superamerica LWB, échangée contre 2 950 000 €. Quant à une “modeste” Lancia Delta HF Martini, elle a atteint le record mondial avec 134 000 €.
Ces sommes donnent le tournis mais elles cachent néanmoins un véritable tournant dans le marché de la voiture de collection. On semble être arrivés à une sorte de “plateau”, où les prix vont se stabiliser. Les vendeurs trop gourmands sont repartis avec leurs véhicules, parfois même pour des voitures exceptionnelles (comme la Mercedes CLK-GTR de Bonhams), tandis que certaines bonnes affaires étaient tout à fait possibles comme cette Porsche 911 Turbo 3.3 à 92 000 €, bien en-dessous de son prix de marché, chez Bonhams toujours. Les investisseurs semblent privilégier les grosses valeurs refuges, Ferrari en tête, et délaisser les autos plus communes. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les passionnés et véritables amateurs. Quant à Citroën, l’engouement autour de cette marque défie toute logique. A l’heure où la gamme actuelle fait bien grise mine, il serait bon que PSA regarde un peu dans le rétro pour retrouver un peu du zeste de folie qui était la caractéristique essentielle de la marque aux chevrons. Les prochaines ventes nous indiqueront si la tendance à l’accalmie du marché se confirme ou si il ne s’agit que d’un phénomène typiquement parisien. Car le rassemblement de trois ventes majeures sur une seule semaine en un même lieu (cas unique au monde) a de quoi épuiser les acheteurs, même de bonne volonté.
Les résultats complets de chaque vente sont disponibles ici : RM Sothebys, Bonhams, Artcurial.
Crédits photos : Ugo Missana, Ancelin Schoenhentz, Régis Krol
Nous remercions vivement la société objectif-location.fr pour le prêt d’une partie du matériel photographique.