L’offensive Ypsilon de Lancia.

La Lancia Ypsilon est depuis ses origines, il y a 25 ans, une citadine d’exception, insensible aux modes, sourde aux critiques, et sûre de son élégance si singulière. Véritable icône en Italie ( 95% de sa production y est écoulée), elle peine à jouer les simples starlettes dans le reste de L’Europe.

En France aucune Une de magazine spécialisé, aucun émoi particulier alors que Lancia présente cette 5ème génération d’Ypsilon, un modèle crucial pour sa santé financière. Pourtant c’est bien en France, second marché de l’Ypsilon, que Lancia dispose d’un budget de communication jamais atteint par la direction hexagonale de la marque italienne pour le lancement d’un seul modèle.

Pour faire du bruit dans le Landerneau de la petite urbaine hupée, Vincent Cassel porte l’offensive en clamant haut et fort que “le luxe est un droit”. Certes, mais la nouvelle Ypsilon de Lancia remplit-elle ses devoirs pour prétendre concurrencer les stars des citadines premium ( A1, DS3, Mini …) ?

Pour y répondre, après une présentation virtuelle cet hiver à Turin dans le Centro Stile Fiat, un test de deux demi-journées sous le soleil du Var, à Saint Tropez, nous permet d’apprécier la gamme complète.

De prime abord, force est de constater que le nouvel opus des Y ( Y, Y10, et Ypsilon) a soigné sa mise et pourrait perpétuer le succès de style du modèle actuel dont le design représente 80% des motivations d’achat ! De même les versions bicolores assurant 50% des ventes, cette astuce de personnalisation est reconduite et affirmée en incluant dorénavant le capot moteur. La présentation de cette nouvelle petite Lancia exprime les valeurs chères à la marque, luxe , plaisir et distinction. Evitez les poncifs du genre Lancia ce sont les victoires en rallye de la Delta Intégrale, le staff italien en la personne d’ Arnaud Belloni ( Directeur Lancia France) et Nicolas Lévêque ( Directeur Marketing Lancia France) préfère évoquer la belle époque de l’Aprilia, l’Aurélia ou la Fulvia.

Le passage aux cinq ouvrants, indispensable sur un marché où les 5 portes représentent 80% des ventes, ne souffre ici d’aucune concession de style. La nouvelle Ypsilon s’offre le luxe de présenter un profil de mini coupé grâce au croisement des lignes de la porte arrière,  à la dissimulation des poignées façon Alfa, et à l’élégante courbe creusée en bas des flancs qui singe la noblesse et la puissance des cousines de chez Ferrari.

L’arrière de l’auto est un clin d’oeil très (trop?) appuyé à la Delta. Très réussi il est aussi peu original vue la forte ressemblance avec la compacte de la marque. Mais qu’importe, la Delta souffre d’un tel déficit de notoriété sur le marché européen ( hors Italie) que le design de la nouvelle Ypsilon paraitra à coup sûr 100% nouveau et inédit aux yeux du consommateur ciblé, un(e) citadin(e) branché(e) sensible aux modes et à la distinction. Justement cette citadine se distingue -t-elle vraiment? A Saint-Tropez, difficile de rivaliser avec l’attrait des yachts amarrés au port. Sur une voie pourtant peu encombrée par le traffic en ce milieu d’après midi, peu de regards se sont posés sur la voiture à mon passage. Seuls quelques touristes italiens ont posé un oeil curieux et gourmand sur cette future star de leur marché. Idem pour le trajet d’essai sur la route touristique reliant Saint-Tropez à Toulon. Les arrêts pour admirer les panoramas du Cap Nègre ou du Cap Blanc ne perturbent en rien les touristes dans leur contemplation de la Méditérannée, majestueuse sous le soleil qui darde fort en ce premier jour d’été.

La distinction serait-elle ailleurs? Avant d’ausculter les entrailles de la belle, abordons la visite de son espace intérieur. Pas de quoi être ébloui par la grandiloquence d’un loft d’architecte , l’auto est presque minuscule au vue du standard des 4mètres imposé par les stars du marché ( 207, Polo, Fiesta …), et l’habitacle s’apprécie plus comme une chambre d’hotel raffinée et décorée selon les derniers canons de mode. Cette première bonne impression est quelque peu gachée par une gamme de matériaux très disparate, mais comment pourrait-il en être autrement à ce niveau de prix ? Le dessin général du tableau de bord est agréable même si l’implantation centrale du bloc d’instrumentation est discutable, les selleries en tissu bicolore, Castiglio ( équivalant du fameux Alcantara ) ou cuir selon le niveau de gamme arborent toutes fièrement un Y dans le dessin sur le dossier des sièges avants; L’harmonie générale des couleurs est soignée et de bon gout. De nombreuses attentions flattent le conducteur : le dessin et l’ergonomie du volant, la qualité et l’élégance des affichages (radio , ordinateur de bord et cadrans de conduite). Tout ici respire le raffinement de modèles plus haut de gamme, n’en déplaise aux fanatiques de plastiques moussés et des ajustages minutieux.

A l’usage pourtant, ce cocon décoit sur nombre de détails. Les ouies d’aération centrales sont minuscules et peu orientables, celle qui est censée rafraîchir le conducteur est même cachée par la jante du volant réglable uniquement en profondeur (photo) !  Pour ne pas trop souffrir de la chaleur il faut donc se désaltérer mais rien n’est prévu pour entreposer près de soi une minuscule bouteille d’eau de seulement 50 cl.

Les bacs de porte sont trop courts et trop étroits, les porte gobelets entre les sièges avants manquent de hauteur, ils sont recouverts par la console qui soutient le levier de vitesse par ailleurs très bien situé et agréable à manipuler. Pas plus de chance avec la petite boîte à gants si par hasard vous y avez stocké le moindre petit objet en plus du livret d’utilisation et d’entretien du véhicule. Ces lacunes de rangements sont d’autant plus regrettables que Fiat s’est longtemps fait un spécialiste incontesté des rangements à bord, même dans ses plus petites voitures. Il vous faudra cette fois garder vos lunettes de soleil sur le nez ou sur le crâne, votre téléphone portable dans votre poche. Voilà une auto où il n’est pas de bon ton de vider son sac. La clientèle féminine appréciera …

Le coffre est évidemment petit, une valisette de cabine n’y tient ni debout, ni en long, mais seulement en large. Aucune surprise ici, l’Ypsilon nouvelle génération n’ayant pas pris d’embonpoint elle garde l’atout de rester très largement sous la barre des 4 mètres, avec seulement 3.84 mètres et celà se paye évidemment en surface de chargement.  La sangle de fermeture du hayon est indigne du positionnement premium voulu par Lancia. Très désagréable à manipuler elle imposera de jeter les sacs de course sur la banquette arrière, opération désormais facilitée par la nouvelle carosserie 5 portes.

Heureusement qu’à l’étude des équipements proposés, le raffinement est réel et en phase avec le positionnement prémium de l’auto. L’Ypsilon se décline en quatre versions ( Silver, Gold, Platinium et Platinium+) et la liste des équipements de série est impressionnante dès le 1er niveau. Quelle que soit la version retenue, vous disposerez en série de l’ESP, du Stop&Start, d’un autoradion MP3 , d’un Smart Fuel System ( bouchon intégré au clapet de fermeture du réservoir) et du VIP Service.

Au sommet de la gamme on bénéficie du toit ouvrant panoramique GranLuce, du GPS “Blue&Me” Tom Tom LIVE avec implantation mobile sur le tableau de bord à gauche du conducteur, d’un régulateur de vitesse, d’un radar de recul, d’airbags rideaux et des jantes en alliage de 16″. Un astucieux catalogue de Packs permet en outre de cibler au plus juste l’équipement désiré au meilleur coût. Au tableau des équipements s’ajoute un éventail d’accessoires de personnalisation vous assurant d’être au volant d’une Ypsilon quasi unique : 600 possibilités de personnalisations obtenues en croisant les 4 niveaux d’équipements, les 16 teintes dont 4 bicolores, les 2 harmonies intérieures et les différentes jantes en alliage, auxquelles on peut encore ajouter une multitude d’accessoires ( différents coloris de baguettes de portière, de kits de bouchons de valve, de coques de clé …)

 

En option pour 600€ ( sauf sur Silver), l’Ypsilon peut être équipé du Magic Parking, système d’aide au stationnement de 2ème génération.

Sur la route, L’Ypsilon se conduit sagement, c’est une citadine sûre et équilibrée qui remplit sans rougir la tâche qui lui est confiée, déplacer sereinement son utilisateur sur de courtes distances en ville et en périphérie, avec au maximum quatres adultes à bord. Il faut néanmoins veiller au choix de la bonne motorisation, des disparités importantes existent dans l’offre moteur proposée, même si tous sont équipés du Stop&tart en série et rejettent moins de 115 g/km, ce qui les place parmi les meilleurs valeurs du segment.

Des trois blocs proposés, le 1.2L 69CH est le plus convaincant et le plus adapté à l’usage supposé d’une auto de moins de 4mètres. La plus grande déception vient du bicylindres TwinAir 0.9L déjà connu sur la Fiat 500 et auréolé de gloire avec pas moins de quatres titres remportés : -Moteur de l’Année 2011 dans sa catégorie et toutes catégories, Meilleur Nouveau Moteur 2011, et Meilleur Moteur Ecologique 2011.

Son implantation sous le capot de l’Ypsilon est pour le moins incongrue, le bruit et les vibrations semblent plus à leur place dans une joviale 500. A son volant le plaisir est absent, la conduite est entachée par le manque de souplesse et de reprise de cette motorisation pour le moins déconcertante. Les vibrations sont telles que la rétrovision centrale est impossible !

De son côté le petit et vaillant 1.2L de technologie Fire apporte souplesse et silence et permet d’apprécier les qualités de confort et de roulement de la petite Lancia.

L’offre diesel est assurée par le 1.3L Multijet 95CH DPF ( Filtre à particules) qui a subi des modifications pour se conformer aux règlementations Euro5 et anticiper les règlementations plus strictes à venir. Le moteur est très agréable mais le choix de cette motorisation est-il justifié sur une citadine qui effectuera moins de 20 000 kilomètres par an ?

Cet essai nous a permis de mesurer l‘ambition de Lancia sure le marché des citadines premium. L’objet de cette offensive est bon, plein de charmes, de qualités et de quelques défauts, mais son gros point faible est la concurrence qui excelle aujourd’hui sur tous les points où l’Ypsilon est “seulement” une bonne voiture. Reste un facteur de choix non quantifiable, le charme qui se dégage de la belle Italienne. Rouler en Ypsilon plutôt qu’en Mini ou en Polo n’est pas qu’une question rationnelle, c’est surtout une question de style, de distinction, et de plaisir. Au moment du choix Lancia compte bien parler au coeur des européens, plutôt qu’à leur raison. Et vous, laisserez-vous votre coeur parler ?

Comme toute Italienne réussie, l’Ypsilon est plus qu’une voiture, c’est une émotion.

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