Bannie à Paris : la Renault 5 GT Turbo

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Née dans l’ombre de la Peugeot 205 GTI, la R5 GT Turbo reste moins courtisée et n’atteindra vraisemblablement jamais les sommets en collection vers lesquels se dirige la sochalienne. Et pourtant elle vaut quand même le détour !

Nous sommes au milieu des années 80. Modern Talking et Bananarama à la radio ça vous parle ? Non, vous êtes trop jeunes pour la plupart. Mais si on évoque la Peugeot 205 GTI, il en sera tout autrement. Succès conséquent en France, la 205 avait pour concurrente éternelle la Renault Supercinq. Et mode des GTI oblige, la compétition commerciale s’est aussi déplacée sur le terrain des petites bombinettes sportives, ce qui donna bien évidemment la 205 GTI et la R5 GT Turbo.

La Super 5 (ou officiellement Supercinq) est née en 1984 en ayant la très lourde charge de succéder à la Renault 5. Le projet nommé 140 est lancé en 1978, 6 ans après la commercialisation de la R5. Il sera basé en grande partie sur les travaux réalisés pour le défunt projet VBG (Voiture Bas de Gamme) qui aurait dû aboutir à une hypothétique R2. Renault reprendra ainsi les boucliers tout plastique de la VBG (et de la R5), tout en gardant les dimensions de la R5. La prise de risque sera minimale pour Renault qui va imposer à Marcello Gandini (appelé en renfort pour l’occasion) une grosse modernisation des lignes de la R5 originelle, sans trop s’écarter du sujet. L’histoire des concepts fut assez tumultueuse, mais nous y reviendrons peut être un jour.

Voilà donc la Supercinq sur les routes, profitant du Salon de l’auto 1984 (qui n’était pas Mondial) pour faire sa première apparition publique. Les lignes sont comme indiqué plus haut, une conséquente modernisation de celles de la R5. Le client fidèle ne sera pas dépaysé. Le châssis est pourtant bien plus moderne, dérivé de celui des Renault 9 et 11. Dans l’habitacle, tout est neuf et Renault implante sa fameuse casquette et ses gros interrupteurs en plastique moche mal ébavurés qui coupent les doigts (et sans parler de l’autoradio posé quasiment au pire endroit possible juste devant le levier de boîte). Dans le compartiment moteur, et pour être bien sûr de fidéliser sa clientèle, Renault conserve les bons vieux blocs moteurs Cléon Fonte nés en 1962. Pour les nouveaux blocs Energy, il faudra attendre la Clio. Carrosserie moderne, habitacle dans l’air du temps (soyons gentils, mais la finition était franchement déplorable) et châssis correct. C’est sur cette base que Renault va développer une version sportive. Les bombinettes survitaminées sont à la mode depuis l’avènement de la reine Golf GTI et Peugeot vient sournoisement de dégainer le premier en 1984 avec sa 205 du même nom (quelle manque de créativité…). Renault est pourtant bien plus “légitime” pour sortir une version gonflée puisque Gordini et Alpine ont signé tous deux plusieurs modèles sportifs pour la Régie (relire à ce sujet nos essais ici).

En janvier 1985, la Supercinq en Stan Smith est prête. Gordini et Alpine ne sont hélas plus à la mode et Renault cherche surtout à populariser sa technologie turbo qui fait des merveilles en Formule 1 (sous son nom propre ou en tant que motoriste). Elle se nommera donc… GT Turbo ! Quand la 205 GTI est tout en retenue bourgeoise sportive de bon goût, la GT Turbo est à fond dans son époque. L’inspiration est à aller chercher outre-Rhin ou les producteurs de kits plastiques nommés Zender, Kamei ou Hartge font fortune en déguisant d’honnêtes familiales en… heu… rien de bien joli la plupart du temps. La GT Turbo est pourtant assez sobre par rapport à ce qui se fait en Allemagne. De bon goût… pas vraiment, mais je me souviens encore que cette petite Renault me semblait bien plus performante sur photo que la 205. Ah, la fougue de la jeunesse !

Si on fait le tour des modifications, on peut citer pêle mêle des boucliers avant et arrière inédits avec des anti-brouillards à l’avant, des élargisseurs d’aile, un gros sticker dégradé noir à liseré rouge sur les bas de caisse (façon de parler pour des autocollants prenant près du tiers de la porte). Et surtout, ces superbes jantes alu 4 écrous en 13 pouces. Les temps changent, difficile de trouver aujourd’hui une sportive à moins de 17 pouces. De l’extérieur, c’est une sportive, pas de doutes là-dessus. Et sous le capot, ça vaut le coup ? Renault est parti du moteur Cléon fonte 1,4 litre de la défunte R5 Alpine Turbo en y faisant un certain nombre d’adaptations, plutôt dans le mauvais sens. La culasse est ainsi modifiée et le radiateur d’huile séparé intègre le radiateur d’eau. Le turbo est un Garrett T2, plus petit que celui de la R5 Alpine Turbo, promettant un temps de réponse inférieur. Il se retrouve accouplé à un échangeur air/air, pas si fréquent à l’époque. Pas d’injection ici, on reste sur un bon vieux carbu Solex simple corps, avec 8 soupapes. L’allumage est pourtant électronique, mais vous trouverez un starter à main. Pour un peu, le moteur en serait presque rustique, voire agricole ! Le prix ? 82 000 F en 1986 (garantie 5 ans anti corrosion comprise), pour un prix de base de la gamme à 42 600 F.  La 205 GTI était sensiblement moins chère, aux environs de 80 000 F.

Pour autant ça pousse ! La GT Turbo peut taper dans les 200 km/h chrono et faire le 0 à 100 en 7,5 secondes. Tout cela grâce à son poids plume de 850 kg et sa puissance très correcte de 115 chevaux, damant le pion aux 105 petits chevaux de la 205. Peugeot réagit rapidement en offrant sa GTI 1.6 en 115 chevaux avant de signer la fin de la partie avec la fameuse 1,9 l de 130 ch. Renault essaiera de jouer la course à la puissance avec la GT Turbo Phase 2 de 1987, proposant 120 chevaux, mais c’est un peu court. Sur la route, le train avant emprunté à la R11 Turbo et le tout nouveau train arrière à “épure programmée” lui assurent d’excellentes prestations. Pour autant, le turbo reste difficile à dompter, peu aidé par les tous petits pneus en 175 (et en 195 dès 1986). Entre le temps de réponse pas aussi court que promis et le fameux coup de pied au cul quand enfin le turbo se réveille, il faut savoir jouer haut dans les tours, sur une plage comprise entre 2500 et 5500 tours/min. Et les freins ? 4 disques, ventilés à l’avant. Pas mal du tout, comparé à une Peugeot qui en est encore aux tambours à l’arrière. On passe rapidement sur l’habitacle : gris, noir, mal fichu, avec juste un peu de rouge. Mention très bien par contre pour l’instrumentation très complète avec indicateur de pression de turbo, de pression d’huile et un super petit volant.

La GT Turbo subit à l’instar de toute la gamme une légère évolution de style en 1988 pour devenir la Phase 2. Elle gagne 5 chevaux en changeant de carburateur, change de jantes pour de bien anonymes trucs à 5 branches et revoit un peu le dessin des boucliers. Les stickers de bas de caisse sont révisés et perdent leur liseré rouge. La GT Turbo gagne un petit becquet sur le haut du hayon mais perd beaucoup en éléments distinctifs. A tout prendre je préfère largement la Phase 1, surtout dans le blanc ivoire de présentation. L’air de rien, le Cx passe de 0,36 à 0,35. A l’intérieur, c’est mieux. On copie la concurrence en ajoutant une moquette rouge, couleur présente aussi sur les sièges, et la finition s’améliore un peu. La moquette rouge pourra être remplacé par du gris/noir plus consensuel et plus impersonnel. On gagne même le pack électrique en série ! Quel luxe… Et c’est pas fini : l’autoradio cassette 4 hauts parleurs est en série lui aussi (j’ignore si il était auto reverse). Avec 5 ch supplémentaires et de nouveaux réglages de suspension, la Phase 2 est sensiblement plus performante : 204 km/h en pointe d’après la Régie.

L’histoire de la GT Turbo s’arrête en 1991 avec l’arrivée de la Clio 16S. La GT Turbo n’a pas démérité par rapport à la concurrence : près de 160 000 exemplaires furent vendus (contre plus de 300 000 Peugeot 205 GTI). Elle connaîtra en dehors de la Phase 2 très peu de dérivés. On peut cependant citer :

En compétition, la GT Turbo bénéficia d’une formule de promotion et d’une version spéciale dénommée “Coupe”. Au programme : embrayage spécial, réglages de suspensions optimisés, amortisseurs spéciaux, arceau, extincteur, jantes tôles et antibrouillards supprimés. Quelques petites modifications moteurs étaient aussi possibles, dont le montage d’un échappement libre latéral. La pression du turbo passait quant à elle à 1 bar au lieu de 0,680 en série.

Quant au fameux Alain Oreille, il gagne en 1989 et 1990 le Championnat du Monde des Rallyes Groupe N (constructeur et pilote) et remporte même le général du Rallye de Côte d’Ivoire 1989, cas unique dans l’histoire !

Combien ça coûte aujourd’hui ? Pas bien cher, c’est une veine. Alors que les 205 GTI en état collection vont atteindre des sommets (36 000 € pour un exemplaire vendu en Angleterre récemment, même si on peut trouver du très correct à 10 000 € pour une 115 ch), les R5 GT Turbo ont encore un peu de marge. La très sérieuse cote LVA chiffre une version Alain Oreille à 6 000 € pour un véhicule en bon état. Comptez environ 8 000 € pour une GT Turbo impeccable. Quant à la Supercabrio GT Turbo, rien en-dessous de 12 000 €. Mais le plus dur sera d’en trouver une. Entre celles qui ont fini les 4 roues en l’air entre les mains de pilotes du samedi soir à la sortie du Macumba Club et celles qui ont bénéficié “d’améliorations” maison à grand coup de Synthofer, rivets pop et gonflage de turbo, dur dur de retrouver une version d’origine. Bon allez, c’est pas tout ça, je glisse ma K7 de Depeche Mode dans mon autoradio Blaupunkt et c’est parti !

Crédits photos : Renault

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