Le Festival Automobile International organisait jusqu’au 3 février son exposition annuelle de concept cars et de belles voitures dans la cour de l’Hôtel des Invalides. L’occasion de faire un récapitulatif des concepts marquants de l’année passée, de contempler des beautés historiques toujours aussi fascinantes, mais aussi d’approcher à la fois ce qui fait le luxe et la singularité esthétique de l’automobile, élevée au rang d’art. BlogAutomobile vous fait profiter de la visite comme si vous y aviez été.
Première partie : Le Retour des Mythes.
La Porsche 911 est un nom mythique… qui n’aurait jamais dû rentrer dans l’Histoire sous cet intitulé ! Porsche voulait à l’origine baptiser son coupé grand tourisme ” 901 “, et elle fut présentée en 1963 au Salon de Francfort sous cette numérotation. De l’autre côté du Rhin, le Lion Peugeot rugit à cette annonce, et dépose en son nom l’ensemble des centaines à 0 central (une tradition qui remonte à la 201, lorsque le 0 accueillait la manivelle du démarreur). En conséquence, la 901 revient en 1964 avec le nom de 911. Ainsi naît un mythe…
Le modèle exposé aux Invalides a appartenu à l’Ambassadeur des Etats-Unis à Berlin, installé près de la Porte de Brandebourg. C’est le 941ème châssis numéroté d’une 911 : il est issu d’une série 0 produite en avril 1965. Son moteur est le boxer 6 cylindres à plat 2.0 l de 130 chevaux.
A ses côtés, la toute nouvelle génération de 911, code 991, lancée en 2012. Près de 50 ans les séparent, et pourtant elles sont similaires : même dessin, même architecture, même finalité, c’est la longévité d’une bonne idée ! Le modèle exposé est une Carrera 4S au Boxer 3,8 l de 400 chevaux, vendue à un peu plus de 113 000 euros.
L’autre grand retour de 2012, c’est Alpine. Sous l’impulsion de Carlos Tavarès notamment, la régénération de la marque sportive est en marche, ainsi que le partenariat signé avec Caterham l’a officialisé. Le Concept A110-50, présenté dès le Grand Prix de Monaco, égrène les sunlights de Paris (Atelier des Champs Elysées, Hall 8 du Mondial de l’Automobile etc.) et rejoindra peut-être le Salon Rétromobile de la semaine prochaine !
Alpine, c’est une histoire qui débute véritablement en 1962 avec la berlinette A110. Jean Rédélé l’a fait dériver de l’A108, et reprend quelques pièces de la Régie Nationale (les feux sont ceux de la R8). Moteur arrière, silhouette râblée, elle montre toute son efficacité en devenant, en 1973, championne du monde des Rallyes. Ragnotti, Darniche, Andruet, de grands noms ont célébré son châssis et sa sportivité. Même ses défauts, comme une tenue de cap difficile, sont des qualités ! Le mythe Alpine était né.
Cinquante ans plus, Alpine n’est pas devenue le “Porsche” français. Sous-investissement de Renault, difficultés du marché des sportives, la marque disparaît dans l’anonymat en 1996, tandis que l’usine de Dieppe survit dans la fabrication des modèles “Renault Sport”, un succédané qui a au moins le mérite d’entretenir son savoir-faire sportif. Des projets tentent de faire revivre la marque : le Spider Renault de 1995 aurait pu être une Alpine ; en 2001 le concept Z11 est prêt à être révélé au Monde, mais il est in extremis jeté aux oubliettes ; enfin, la Wind apparaît comme une possible “nouvelle Alpine, avant d’être limitée à la catégorie de mini-découvrable. Les fans perdent espoir, et pourtant…
Et pourtant, en 2012, Alpine apparaît plus renaissante que jamais. On disait cette griffe fatiguée, “oubliée” même de l’esprit des Français, et pourtant leur coeur n’a jamais autant battu avec le “A” mythique ! L’engouement est né du concept A110-50, célébrant les 50 ans de l’A110, mais aussi le retour de la marque à court terme. Dérivant du concept DeZir de 2010, l’A110-50 n’en reprend ni le moteur ni le châssis, puisqu’ils sont ceux de la Megane Trophy de compétition. Soit, pour être plus clair, 400 chevaux pour 880 kg ! Et pour ceux qui douteraient encore de son “Alpinité”, c’est Jean Ragnotti lui-même qui la conduisit lors de la vidéo promotionnelle. On ne pouvait lui rêver meilleur parrain.
Le Retour des Carrossiers Italiens.
Les années 2000 n’ont pas été favorables aux carrossiers indépendants, et aux Italiens en particulier. Pininfarina est passé à côté de la faillite, Volkswagen s’est offert Ital Design, et Zagato peine à se renouveler. Il y a malgré tout des raisons d’espérer, et les concepts présents aux Invalides le permettent.
Autre nation, autre anniversaire : Touring Superleggera présenta l’an passé un hommage à l’Alfa Romeo C52. A partir d’une 8C, les designers italiens ont créé la Disco Volante 2012, qui modernise les grandes lignes de son inspiratrice. Roues couvertes, petits feux arrière, on reconnaît bien la C52, tandis que la carrosserie est en aluminium. La réussite vient de l’équilibre des profils, entre finesse et puissance.
Passons à deux autres oeuvres italiennes : la Giugiaro Brivido et la Bertone Nuccio. Pour faire simple, la première est la rouge, la seconde est la grise/orange. L’une et l’autre misent beaucoup sur l’aérodynamisme, la fluidité des lignes, et la légèreté des matériaux. Chez Giugiaro, on annonce avoir voulu créer un quatre places au grand confort et à la grande visibilité y compris pour les passagers arrières, éternels laissés pour compte des coupés. Pour faire encore plus forte impression, l’unique porte s’ouvre telle une aile de goéland.
La réalisation de Bertone est un double hommage : au carrossier Nuccio ; et au centenaire de Bertone. Ce concept est une sportive radicale au moteur V8 (4,3 l, 480 chevaux), au centre de gravité extrêmement bas. Ses inspirations sont plurielles : l’Alfa Romeo Carabo de 1968, la Countach de 1971 pour l’aspect ciselé, mais aussi le prototype Stratos 0 de 1970. Sans être un hommage affirmé au passé, cette Nuccio se place dans l’optique claire du futur, futur qui sera l’objet de la seconde partie de cet article.
Réinterpréter le passé ne souffre parfois pas du besoin de moderniser les lignes. Avec la Vintech P550 Tribute (Hommage), les dirigeants du groupe D3 (maison mère de Vintech) ont décidé non pas de faire une réplique mais de reprendre le plus possible de la Porsche 550 tout en faisant en sorte que le modèle final soit adapté aux normes d’homologation. Mais si le design est repris à 99 % de l’aïeule, les dessous n’ont plus rien à voir : le moteur est taillé dans un bloc d’aluminium, a une cylindrée de 3 litres délivrant 280 chevaux. Le poids, est-ce un autre hommage, se limite à 550 kg, grâce à un châssis monocoque en carbone et résine. Ce mini-bolide tutoie les 293 km/h, mais -concession à la modernité et à la sécurité- un spoiler rétractable a dû être rajouté pour stabiliser la voiture au-delà de 120 km/h.
Dernière représentante du passé pour cette exposition, la Lady Jag. Ce n’est pas exactement un concept car, et avec elle les frontières de l’oeuvre d’art sont allègrement franchies. Créée par Florent Poujade, c’est le Grand Prix de l’Art du Festival Automobile International 2013. Elle reprend la carrosserie d’une Jaguar Mk2 de 1964, mais elle interprète le terme “Jaguar” sous un autre angle qu’automobile.
Sculptée telle une dentelle, aménagée comme un lupanar, cette Jaguar a tout du Cougar sur le retour. Les jeux de lumières sont permis par un éclairage programmable à DELs, tandis que l’équipement électronique est complété par un lecteur DVD et un système audio spécifiquement adapté. Pour confirmer la vocation de loisirs de cette “Lady Jag”, outre un minibar intégré, Florent Poujade a eu recours à un lit futon Queen size, recouvert d’une sellerie imitant une peau de Jaguar. Rrrrh…!
Pour conclure cet article et l’ouvrir sur sa suite, vous aurez compris en le lisant que le design se fonde plus que jamais sur des racines historiques. La mise en avant des inspirations, des patrimoines, et icônes historiques, est plus que jamais à la mode. Cependant, l’objectif de l’industrie automobile, artisanale ou de grande série, reste le même : regarder vers l’avenir. Ainsi je vous invite à lire la suite de cet article : Le Futur en mouvement.
Crédit Photographique : François M.