Essai Jaguar F-Type Coupé V6S : it’s good to be MAD.

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« It’s good to be bad » : c’est le slogan que Jaguar a choisi pour lancer son dernier modèle, la F-Type. D’abord lancée en version Roadster, elle est désormais également disponible en Coupé, et nous avons pu essayer cette version dotée du V6 de 380ch. Mais bon, personnellement, je trouve que c’est la folie de cette auto qui l’emporte sur le côté « bad boy » voulu par la marque…

Lorsque Tata a racheté le groupe Jaguar-Land Rover en 2008, le géant indien s’est d’abord occupé de la seconde marque : les Evoque et nouveaux Range & Range Sport, qui se vendent comme des petits pains, en sont la meilleure preuve, pendant que Jaguar se « contentait » de sortir de superbes concept-cars (CX-75, CX-16…). Du moins jusqu’en 2012, où la marque dévoila à Paris son nouveau modèle : la F-Type, avec comme simple tâche de rajeunir l’image de marque et en même temps d’aller titiller les Porsche Boxster et autres 911.Pour cela, elle se base sur 3 motorisations (2 V6 et un V8), et aussi –et surtout- par une ligne à tomber, reprise justement du CX-16. Vous pouvez la qualifier d’élégante, magnifique, superbe, très distinguée ou je ne sais quoi, vous tomberez tous d’accord pour dire que la F-Type est belle. D’ailleurs, pendant les deux jours de prêt, à chaque fois que je la voyais, je ne pouvais m’empêcher de penser « P***** qu’elle est belle » ou d’autres joyeusetés à base de gros mots, comme si je la découvrais pour la première fois. J’ai d’ailleurs une préférence pour le Coupé plutôt que pour le Roadster, notamment dû à son toit fuyant, dans le pur esprit fastback, tombant sur un postérieur à se damner, avec ses feux élancés et les deux sorties d’échappements (spécifiques aux moteurs V6, le V8 en possédant deux fois plus) qui me semblent un poil trop gros pour convenir au style général d’une classe folle. Robe que je trouve magnifiée par ce gris métallisé associé au Black Pack, supprimant les touches de chrome de la carrosserie, ainsi que les belles –et grandes- jantes de 20’’. Quant à la filiation avec sa glorieuse aînée, la E-Type, elle me semble un peu floue. OK, l’énorme capot se lève vers l’avant, OK, l’habitacle est reculé, OK, vue de dessus, la forme générale reprend un peu celle en goutte d’eau de l’ancêtre, mais rien ne dit que la F-Type sera aussi intemporelle et aussi recherchée dans 50 ans que l’E-Type.

A l’intérieur, c’est une autre histoire. Non pas à cause du dessin général, qui n’a rien d’extraordinaire mais rien de reprochable, ni de l’espace intérieur (la voiture est certes une stricte 2 places, mais la largeur plus que suffisante -1,96m- permettent de ne pas du tout se sentir à l’étroit) ou du coffre (tout à fait satisfaisant, et une ligne de bagages spécifique peut être choisie pour le remplir avec style), mais plutôt en terme de finition. Comme dit plus haut, Jaguar vise clairement Porsche avec cette auto, et, avec une cible pareille, on ne peut qu’être irréprochable en terme que qualité perçue et en soin général. Il est donc un peu regrettable de trouver quelques assemblages assez légers, le placage alu de la console centrale plutôt basique et quelques plastiques (notamment ceux entre les deux sièges) qui n’ont franchement rien d’extraordinaire. De plus –mais ce n’est que personnel-, je trouve le volant un peu trop gros et « basique » (mais une autre forme est disponible au rayon des options), sans compter les palettes, au revêtement assez étrange (limite caoutchouteux) et à la couleur pas spécialement à mon goût. A part ça, si la combinaison 100% noire de l’habitacle de mon exemplaire ne respire pas spécialement la gaieté (des cuirs fauves, bleus ou rouges peuvent satisfaire vos exigences de couleurs), la luminosité était fort appréciable grâce au toit vitré. Un bon point, qui a aussi l’avantage de joindre visuellement le pare-brise à la vitre arrière vu de l’extérieur. Dommage qu’il faille débourser 1 150 € pour en profiter. Et terminons sur les superbes baquets, réglables sur 12 positions (et faisant appel à des petits coussins d’air pour bien vous bloquer le dos), aussi beaux à regarder que confortables une fois assis dedans.

Nous pouvons donc tirer trois choses de cette découverte statique : 1) elle est belle 2) quelques soucis de finition 3) on s’en fout parce qu’elle est belle. Mais ce serait passer à côté de la masterpiece (eh oui, à voiture anglaise, expressions anglaises), j’ai nommé le moteur ! Comme dit plus haut, sur les 3 moteurs disponibles, nous avions la puissance intermédiaire, prenant la forme d’un V6 turbocompressé de 380cv propulsant la voiture de 0 à 100 km/h en 4,9 s, qui s’intercale donc entre un autre V6 de 340cv et un méchant V8 de 550cv (puissance spécifique au Coupé, le Roadster se « contentant » de 495cv). Pied sur le frein, pression sur le bouton Start/Stop, et… Adieu discrétion. Les metteurs en point ayant eu la bonne idée de ponctuer chaque démarrage d’un gros coup de gaz, l’échappement fera en sorte de réveiller tout le quartier si vous voulez quitter en douce le domicile en pleine nuit. En tout cas, le bruit rauque à souhait et le petit « PAF » à la fin ne présage que le meilleur. Echappement qui deviendra vite une drogue, notamment dû à une petite astuce prenant la forme d’un échappement actif. La V6S propose de série un système libérant la sonorité du moteur lorsque le régime est suffisamment haut (soit ~3000-4000 tr/min). Mais, en échange d’un petit extra de 240 €, vous pouvez jouer au kéké complet en forçant l’échappement en mode libéré via un petit bouton sur la console centrale. Dois-je ajouter que c’était le premier bouton sur lequel j’appuyais une fois le moteur démarré ? Pas nécessaire quand vous entendrez la symphonie émise par ces deux trompettes :

Mode normal… Ça chante déjà pas mal

Mode actif !!

Et un launch control raté

Et que j’hurle, et que je pète aux passages de rapport, et que je crapote au levier de pied. Pas très poli ou discret, mais tellement jouissif que les autres deviennent le cadet de mes soucis. Chaque tunnel était d’ailleurs le théâtre du même cérémonial : baisser les vitres, descendre trois rapports, et BROAAAAAAAAAAAAAAAA-crapoto-crapoto-crapoto. Et, immanquablement, un énorme sourire se dessinait sur mon visage, grisé par le son…et l’image, qui, subitement, s’accélérait. Car, ne l’oublions pas, la F-Type est une voiture de sport. Problème : les deux jours du prêt se sont révélés être absolument immondes en terme de météo, où les orages et le ciel gris se relayaient à tour de rôle, laissant derrière eux une chaussée détrempée. Dans ce cas, difficile de pousser à fond une auto que l’on ne connaît pas : j’espère que vous comprendrez que je n’ai pas osé débrancher l’ESP. Pour autant, je n’ai jamais vu le témoin s’allumer : l’équilibre de la voiture est assez impressionnant, et je n’ose même pas penser aux vitesses de passage dans ces mêmes virages avec la version V8, qui est la seule à disposer du Torque Vectoring.

Mais, de façon générale, je n’ai jamais ressenti être à bord d’une voiture piégeuse comme le pouvait être la 370Z Nismo : malgré des accélérations énergiques et des courbes prises à des vitesses…respectables, je n’ai jamais vraiment senti la voiture partir subitement, ni même partir tout court. Sécurisante, donc, mais pas parfaite : bien qu’elle soit très agréable dans sa consistance, j’ai trouvé que la direction n’informait pas suffisamment de ce qui se passait sous les roues. De plus, en accélérant le tempo (comprenez à partir d’un nombre contenant un 1, un 5 et un 0) sur des départementales pourtant droites et correctement revêtues, la direction commençait à devenir floue, tandis que la caisse se mettait légèrement à tanguer : la tenue de cap à haute vitesse est donc un cran en dessous des sportives qui ont pu me passer entre les mains auparavant. Oserais-je dire que, sur ces deux points, une RCZ R est meilleure ? Désolé Jaguar, mais…oui, tant la française m’a impressionné sur un plan purement sportif. Le poids élevé de la bête (1 594 kgs à vide, malgré une structure 100% alu !) est-il responsable ? Est-ce à cause d’un typage plus typé confort que sport extrême choisi par les metteurs au point ? Sûrement un peu des deux. Et passer en mode Dynamique (qui raffermira les suspensions et la direction, rendra l’accélérateur plus direct et accélérera le passage des vitesses) rendra certes la « promenade » encore plus excitante, mais ne pourra malheureusement pas corriger ces deux points. Quant à la boîte auto à 8 rapports, rien à signaler : en conduite sportive, les palettes égraineront les rapports sans même avoir le temps d’y réfléchir, tandis qu’en conduite normale, elle est d’une douceur sans faille (seuls quelques légers à-coups lors des rétrogradages en ville peuvent être perceptibles).

Car oui, la F-Type est parfaitement vivable au quotidien. Il suffit juste de prendre en compte ses 1,92 m de large, et vous vous retrouverez avec un chaton mignon entre les mains : la voiture se conduit du bout des doigts. Seule l’implantation du rétroviseur central, en plein dans le champ de vision, vous obligera à vous pencher lorsque vous arriverez à un carrefour. Et vous pourriez passer des heures dans les centres-villes, à pavaner devant les badauds qui sortiront l’appareil photo à votre approche : de quoi se faire passer pour une superstar. Car il faut bien souligner le fait que vous aurez toujours la classe au volant d’une F-Type. Vous pourriez écouter du Patrick Sébastien à fond, avoir une coupe mulet de compétition, les cheveux gras et un tee-shirt que vous portez depuis 10 jours d’affilée que vous pourriez toujours avoir vos chances avec à peu près n’importe qui.

Mais parlons argent. Comme je l’ai déjà dit, la F-Type aimerait bien se frotter aux Porsche 911 et Boxster, ce qui est parfaitement honorable et compréhensible. Dommage cependant que Jaguar ait recopié sur les allemands pour la stratégie d’options. Sur une voiture débutant à 79 300 € (malus de 8 000 € non inclus), devoir débourser 230 € pour des essuie-glaces automatiques, 380 € pour une clim bizone, 550 € pour du Bluetooth ou même 370 € pour un bête régulateur de vitesse, il y a de quoi être profondément choqué. Vous trouvez ma voiture plutôt sympa ? Normal, il y avait plus de 25 000 € d’options dessus, pour s’afficher un peu en dessous de 105 000 €. Attention tout de même à ne pas oublier que la plus modeste des 911, la Carrera et son Flat 6 de 350 ch ne s’échangera pas à moins de 92 243 €, soit près de 13 000 € d’écart…En terme de consommation, j’ai rendu la bête avec un ordinateur de bord m’affichant un peu plus de 15 l/100 km. Nul doute que vous pourrez économiser 3 à 4 litres aux cent en conduisant un peu plus normalement que moi…

Une ligne à se damner, un son divin, un comportement globalement sain, tout ça pour moins cher qu’une 911 tout en étant, à mon goût, plus exclusive et plus gratifiante -socialement parlant- pour son possesseur : Jaguar tiendrait-il quelque chose avec sa F-Type ? Peut-être bien… En tout cas, si elle n’est peut-être pas aussi efficace que l’allemande, il y a bien une chose qui la distingue de la sobriété d’une Porsche : c’est bien ce supplément d’âme, cette petite touche de folie en plus. Vraiment, it’s good to be mad.

Crédits photos : Ugo Missana, Jean-Baptiste Passieux.

Un grand merci à Jaguar France pour l’aimable prêt !

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