21 x 29,7 cm : la base du moteur trois cylindres 1.0 Ecoboost de chez Ford entre dans les dimensions d’une feuille A4. 4,87 m : la longueur de la nouvelle Ford Mondeo. Ça, c’est du grand écart. Trop grand, l’écart ?
Mauvaise nouvelle pour les amateurs de grosses cylindrées (dont je suis carrément !). Le downsizing n’est pas une mode. C’est une tendance de fond. On va devoir s’y faire. Si même Ferrari et Porsche font évoluer leurs modèles phare en réduisant la cylindrée et en mettant des turbos partout, ça veut dire que les constructeurs mainstream ont tout sauf le choix.
Ford a carrément anticipé la tendance avec son moteur 3 cylindres 1.0 Ecoboost, et avec un vrai succès puisque ce bloc a été élu « moteur de l’année » en 2012, 2013 et 2014 dans sa catégorie. Ford l’utilise quasiment à toutes les sauces, puisqu’on le trouve dans la Fiesta, la Focus, le B-Max, le nouveau C-Max et même la grande berline Mondeo. Bientôt dans le gros pick-up Ranger, le petit Ecoboost ? Peut-être pas, mais la démarche du constructeur américano-germain en termes de downsizing va encore plus loin, avec l’arrivée imminente d’une Mustang équipée d’un 4 cylindres 2.3 dans nos concessions. J’avoue être assez curieux de voir ce que cela donne.
Tiens, t’avais accroché la caravane ?
Par curiosité, j’avais déjà effectué, ne disons pas des essais mais de rapides prises de contact de véhicules équipés de ce 3 cylindres, une Focus 100 ch, une Fiesta en 140 ch et une Mondeo Tdci (ici), mais du coup la possibilité d’un vrai essai dans cette configuration avait de quoi titiller ma curiosité. En même temps, faut-il s’en faire tout un monde ? Après tout, des grosses berlines modestement motorisées, ça a toujours existé et, si elles n’ont pas marqué l’histoire de l’automobile, elles ont quand même fait leur boulot, qui était de trimballer tranquillement des familles nombreuses et relativement modestes ainsi que de placides retraités en quête d’espace, de confort et de statut, au quotidien comme lors des vacances. Tenez, en regardant mes archives, je suis tombé sur la Ford Scorpio 2.0 essence à carburateurs, du milieu des années 80 : accrochez-vous, parce que la lecture de la fiche technique va secouer. Avec 105 chevaux à 5200 tr/mn et 160 Nm de couple à 4000 tr/mn, cette propulsion de 4,67 m de long et de 1167 kilos à vide a dû en lacérer des morceaux de bitume !
Ou pas. Parce qu’en fait, c’était pas ce qu’on lui demandait.
(la Scorpio a même existé avec un 1.8 de 90 ch et 140 Nm… Apparemment, c’était l’idéal pour emballer).
Du coup, est-ce que les caractéristiques de cette Mondeo sont si risibles que ça ? Pas vraiment, en fait. Le 1.0 Ecoboost développe ici 125 ch à 6000 tr/mn et ses 170 Nm de couple sont disponibles sur une large plage allant de 1400 à 4500 tr/mn, ce qui laisse présager une belle élasticité. Par rapport à la Scorpio, tout a plutôt progressé tout en divisant la taille du moteur par deux, avec pour corollaire, une réduction des consommations et des émissions dans les mêmes proportions. La Mondeo 1.0 Ecoboost est donnée pour une conso officielle mixte de 5,2 l/100, quand la Scorpio 2.0 était donnée à 8,8 l/100. Par contre, les exigences modernes en matière de confort et de sécurité ont un coût : plus de 300 kilos. Et ceci d’autant que le petit bloc Ecoboost est très léger : il ne pèse que 97 kilos. De fait, les accélérations régressent : 11,5 sec pour le 0 à 100 km/h en Scorpio, 12 sec pour la Mondeo. Pour en terminer avec les comparaisons, une Ford Mondeo « génération 1 » de 1993, avec le 1.6 16 soupapes essence de 90 ch, abattait elle aussi le 0 à 100 en 12 secondes.
Mais la Mondeo de 1993 rejetait 180 g de CO2/km, là où notre Mondeo du jour n’en relâche que 119 dans l’atmosphère. C’est cela aussi, l’évolution. Mais tout cela, ce ne sont que des chiffres. Que disent les émotions ?
Séquence frisson ?
Les émotions, elles commencent par une petite touche de douilletterie. Il ne suffit que de quelques menus réglages pour que je trouve une position de conduite qui me paraisse idéale et, comme je commence à bien connaître la Mondeo 2015, il ne me faut aucun temps d’adaptation pour apprivoiser toutes les fonctionnalités du SYNC2, avec sa commande vocale et les quatre univers dispo sur le grand écran central (téléphonie, navigation, audio et clim’), qui rendent la vie à bord assez agréable.
Ce qui aussi très agréable, c’est le calibrage des commandes. La pédale d’embrayage et le levier de vitesse sont d’un maniement doux, léger et progressif (en même temps, ils n’ont pas un V8 culbuté de 7 litres à animer), tandis que la direction est du même acabit. Décidemment, cette Mondeo 1.0 Ecotec fait tout pour vous faciliter le bien être à bord.
En route. Le 3 cylindres est discret, peu sonore et ne vibre pas. Le parc presse de Ford France étant lui aussi situé dans les limbes de la parisiannitude, je me retrouve vite sur l’A 13. En suivant un trafic pacifique, me voilà peinard, en sixième, avec pour seule question, vous l’aurez compris, celle de savoir si le 1.0 Ecoboost est correctement dimensionné pour une si grande auto.
La file de gauche est libre. Il y a un camion devant moi. Je double. Que disent les 170 Nm ? Pas grand-chose, en fait. « Tiens, Gab’, je me souvenais pas que t’avais accroché la caravane », pensais-je un court instant devant la modestie de la translation. Pourtant, sur le site de Ford, on peut lire « avec l’overboost, le couple maximal atteint même 200 Nm, c’est la garantie de reprises vigoureuses lors de vos dépassements ».
Faut être honnête : dire qu’elle dépote serait pousser la flagornerie aux frontières du mensonge, et le type qui a écrit « reprises vigoureuses » n’a probablement jamais roulé dans autre chose qu’une Mondeo 1.6 de 1993. Ou une Mehari. Ou alors il a fait des études de marketing et il est payé pour écrire des trucs auxquels il ne croit pas.
Dans cet exercice, il ne faudra pas repasser la cinquième, mais plutôt la quatrième pour espérer retrouver un peu de dynamisme.
Alors effectivement, quand on est dans le mode « mets le pied dedans et regarde ce qu’elle a dans le ventre » et que l’on teste les reprises à bas régime sur un rapport élevé, force est de constater qu’il ne se passe pas grand-chose.
Perrichon d’Or
Ceci étant fait, me vint une réflexion. À part une petite bande de potes allumés (qui ont d’ailleurs le mérite d’aller tâter régulièrement du circuit voire de faire du rallye routier en amateurs au lieu de faire le kéké en centre-ville), toutes les personnes socialement responsables que je connais ont en fait une conduite plutôt apaisée. Du coup, la Mondeo 1.0 Ecoboost ne s’adressant pas aux rallyemen en herbe, j’ai décidé de faire comme eux.
Et me voilà de nouveau au volant avec la ferme intention de respecter scrupuleusement les limitations de vitesse et d’obéir aux consignes d’indication de changement de rapport affichées au tableau de bord. Voire de faire un peu de zèle dans les deux cas, ce qui est d’autant plus facile que la grande rondeur et l’élasticité du 3 cylindres Ecoboost lui permettent de fonctionner à bas régime sans rechigner, et bien avant que l’indicateur du tableau de bord ne nous demande de monter le rapport supérieur.
Bref : je conduis comme un bon gros papy, à un petit 90 km/h, avec une conduite hyper anticipative. Plus zen que moi, c’est le Dalaï-Lama. À ce rythme-là, je me dis que je pourrais même obtenir le Perrichon d’Or, ce qui serait une belle consécration pour l’obscur scribouillard (et néanmoins passionné d’automobile) que je suis.
De cette expérience ô combien enrichissante, je retiens trois leçons. Un : le 3 cylindres est une vraie bonne pâte. Sa souplesse, son silence de fonctionnement et l’excellent niveau de confort intrinsèque de la Mondeo rendent l’expérience extrêmement apaisante. Il y a une clientèle qui sera attachée à ces qualités qui sont loin d’être hors-jeu au vu de la façon dont on considère le déplacement en automobile de nos jours. Deux : le 3 cylindres se distingue aussi par son absence de frein moteur. Ce n’est pas forcément un défaut, mais de voir ce phénomène avec une telle amplitude, c’est assez étonnant. Levez le pied en sixième sur une grande ligne droite et vous aurez l’impression d’être aux commandes d’une boîte auto avec fonction « roue libre », et du coup, ça facilite encore plus la conduite anticipative et peut souvent donner l’impression d’être aux commandes d’un tapis volant. Trois : sur départementales et petites nationales, à condition qu’il n’y ait pas de relief et que vous n’ayez pas trop à dépasser, on peut obtenir une conso qui frôle les 6 litres. Pas mal pour une si grosse auto essence.
Papamobile ?
Du coup, on pourrait se dire que la Ford Mondeo 1.0 Ecoboost est une bonne grosse berline honnête qui se destine à tous ceux qui ont un cahier des charges bien précis. Vous voulez rouler zen et vous n’êtes pas très attaché aux performances, vous n’avez jamais allumé un témoin d’antipatinage au tableau de bord, vous n’aimez pas tellement doubler comme un éclair, vous recherchez du volume, le top des équipements sécuritaires, du vrai confort et un rien d’apparence statutaire ? Si en plus vous êtes allergique au Diesel, alors la Mondeo 1.0 Ecoboost est peut-être pour vous parce qu’il faut admettre que la douceur et l’absence de vibrations ressenties à bord sont sans commune mesure avec ce que l’on peut vivre à bord d’un Diesel, aussi bien élevé soit-il.
Autres arguments en sa faveur : l’espace à bord est carrément gigantesque et le confort des suspensions est totalement en phase avec l’esprit global de l’auto. Ajoutez à cela un bon niveau d’équipement. Même si cette déclinaison de la Mondeo n’est disponible que dans la finition d’accès Trend, elle est quand même, comme souvent chez Ford, très bien équipée. Le système SYNC 2 offre la navigation, et à bord on jouit aussi de l’allumage des feux et des essuie-glace automatiques, ainsi que des radars de stationnement avant / arrière de série. Sans compter tout ce qui à trait à la sécurité : régulateur de vitesse adaptatif, système de freinage d’urgence, alerte de maintien de ligne actif, surveillance d’angles morts, caméra de recul, ceintures de sécurité arrière avec airbag intégré…
Alors, est-ce que l’on peut régler définitivement le cas de la Mondeo 1.0 Ecoboost en déclarant qu’elle est une brave papymobile confortable destinée à se traîner augustement ? Hélas, la réalité est bien plus complexe…
Le paradoxe de l’Autobahn
Car la Mondeo 1.0 Ecoboost peut révéler une seconde facette de sa personnalité. S’il le fait très bien, son 1.0 n’est pas condamné à passer sa vie dans les limbes du sous-régime pour des raisons d’efficience. En règle générale, l’équilibrage naturel des trois cylindres leur rend les mi-régimes plus joyeux et aériens que leurs homologues à quatre cylindres. Et c’est le cas de notre Ecoboost. Le 3 cylindres respire un peu mieux vers 3000 tr/mn, devient presque enthousiaste à 4000 où sa sonorité change pour devenir un peu plus rauque et profonde, mais jamais envahissante et il montre ensuite une bonne allonge jusque 6000 tr/mn. Et là, je n’aurai rien eu contre un peu plus de décibels. Du coup, une fois lancée, la Mondeo 1.0 Ecoboost tient plutôt bien son rang de routière et on imagine nos amis allemands tenir sans faiblir un 180 de croisière à 4200 tr/mn en sixième, là où c’est autorisé, bien sûr et quand les conditions de sécurité le permettent. Bien lancée, elle est donnée pour 200 chrono, ce qui n’est pas déshonorant.
(et si le vrai luxe, c’était l’espace ?)
Autre paradoxe : le tranchant du train avant. Quand on ouvre le capot, on découvre le petit Ecoboost un peu perdu dans un si grand volume. En tant qu’auto mondiale, la Mondeo (qui s’appelle Fusion aux USA) n’a étonnement pas droit à un V6. La plus puissante motorisation est le 2.0 Ecoboost de 240 ch, la plus grosse un 4 cylindres 2.5 essence de 175 ch, la plus lourde l’hybride de 177 ch. Du coup, avec ce petit 3 cylindres qui ne pèse, nous l’avons vu, que 97 kg, la Mondeo possède un train avant très vif qui permet de rentrer en virage avec beaucoup d’enthousiasme, même si le châssis et les réglages de suspension sont très typés confort et engendrent rapidement du roulis et du tangage, et même si la direction est trop démultipliée, il n’empêche qu’en conduite soutenue, la légèreté de son train avant procure des sensations inattendues et en fait très agréables, d’autant que l’auto reste saine en toutes circonstances. Par contre, quand on se met à jouer la conso s’envole. La mienne a oscillé entre 6 et 10 l/100 lors de cet essai. Sur le second totalisateur partiel du tableau de bord, pas remis à jour en 2900 km, la conso moyenne était de 7,8 l/100. Mais comme il s’agit de journalistes, on doit pouvoir en retirer un peu dans la vraie vie.
Ainsi, la Mondeo 1.0 Ecoboost fait bonne figure dans des situations qui n’étaient pas forcément dans son cahier des charges et ça constitue une bonne surprise. Alors certes, elle n’offre pas des performances de feu, mais elle n’en promettait pas non plus beaucoup. Évidemment, si vous ne faites que de la montagne avec 5 personnes à bord et des bagages, ses reprises assez molles risquent de vous gaver rapidement.
À l’issue de chaque essai, je me demande toujours si je pourrais vivre avec l’auto en question. Je suis parfois déçu, et des fois, ça ne me fait juste ni chaud ni froid. Là, la Mondeo 1.0 Ecoboost a suscité en moi une sorte de sympathie bienveillante. Certes, elle est d’abord confortable, sécurisante, bien équipée et placide, ce qui, a priori, est tout sauf ma came. Mais elle est aussi assez attachante avec son moteur qui se révèle finalement assez volontaire et un châssis que l’on n’imaginait pas friand de virages.
Tenez, la Mondeo 1.0 Ecoboost me fait penser à Dani Pedrosa : elle endosse un job qui est taillé un peu trop large pour elle, mais elle le fait avec sincérité et détermination. Pedrosa ne sera jamais Champion du Monde de MotoGP et il le sait, mais il est là année après année, avec son mètre 60 et ses 52 kilos à essayer de dompter une moto de 250 chevaux pour continuer à taquiner Rossi plus que de raison.