Essai : Hyundai Genesis 3.8 HTRAC

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Attention, rareté ! Moins d’une vingtaine d’exemplaires de cette grande berline exotique de 315 ch et à transmission intégrale devraient trouver preneur en France. Nous avons eu le privilège de l’essayer.

Chers lecteurs, pour cet essai, je vous ai trouvé du rare, du bizarre, de l’exotique, de l’inattendu, du sérieusement décalé, de l’iconoclaste. Un truc que vous ne verrez pas à tous les coins de rue. Enfin, sauf si vous habitez en face du 125 rue de Grenelle, à Paris. Et encore.

Le jeu des 7 erreurs

(Benoît M. aime les photos devant les portails bleus. Mais il a promis d’arrêter)

Déjà, faut deviner ce que c’est. Entre les dimensions (4,99 m de long), la calandre étirée, le logo sur le capot « façon Aston Martin », la ceinture de caisse assez haute, le porte à faux avant riquiqui et les grosses roues de 19 pouces, l’ensemble provoque un mélange de sensations qui laisse sur le carreau nombre de connaisseurs de la chose automobile.

Même Jérémy C., le fan de bicylindres Desmodromiques qui se parfume au sans plomb (et au gazole aussi, un peu), qui connaît les alésages x course de toutes les autos en vente sur le marché et les possibilités d’optimisation de tout ce qui a un turbo, et qui roule aussi avec sa caisse de fonction kitée au Nürburging (ici), m’a lâché un laconique « je donne ma langue au chat » par SMS après que lui eu envoyé la photo. « On dirait une Classe E chinoise ou une merde dans le genre », avait-il tenté. Perdu. Ça lui a coûté un apéro.

C’est vrai que si la marque Hyundai apparaît sur la malle arrière, c’est le blason ailé Genesis qui figure fièrement sur le capot, sur le volant (et qui est généreusement projeté au sol lorsque l’on verrouille ou ouvre l’auto, dommage que ce soit difficile à prendre en photo), comme pour semer le doute. Et à en juger par le nombre de regards curieux reçus pendant les quelques jours passés à son volant, le côté statutaire de cette grande berline coréenne interpelle.

I want to believe… 

(lui, il y croit)

Lionel FRENCH-KEOGH Directeur Général chez Hyundai Motor France

(et lui, un peu moins…)

Un qui n’y believe pas trop, c’est Lionel French Keogh. Qui ça ? Ben le grand patron de Hyundai France, pardi ! La preuve, la Genesis ne figure même pas sur le site www.hyundai.fr. En même temps, faire bosser un webmaster pour une auto dont les objectifs officiels sont d’en vendre entre quinze et vingt exemplaires, est-ce bien rentable ? Parce que oui, m’sieurs-dames, le monde d’aujourd’hui est ainsi fait : bêtement régi par la notion de rentabilité. La joie, le plaisir, l’anticonformisme, l’envie, l’irrationnel, l’émotion : tout cela, c’est pour les benêts. Les temps sont durs pour les rêveurs.

Pourtant, l’Hyundai Genesis est une auto rentable, sinon les sud-coréens, qui sont des gens assez pragmatiques en matière d’automobile, ne la produiraient pas. La preuve : il s’en vend 3000 exemplaires par mois aux USA, rien que ça. Pour remettre les choses en perspectives, la diffusion annuelle de la Genesis en France, c’est le fruit d’une heure de travail des vendeurs américains.

Il faut dire qu’au pays du Ford F150, la Genesis avance un paquet d’arguments assez rationnels. À commencer par son prix : à partir 38 000 $ en V6 3.8, ça fait 33 424 €. Pour une comparaison équitable, il faut rajouter 2500 $ pour la transmission intégrale HTRAC qui est de série chez nous, ce qui fait quand même 35 647 €. Pour ce prix là, en France, vous avez une Renault Laguna 2.0 dCi 175 BVA et sans aucune option.

 

Au pays de la Clio 1.5 dCI, la Genesis avance plutôt un paquet d’arguments assez irrationnels, bien que son prix ici de 68 950 € ne figure paradoxalement pas vraiment au chapitre des reproches. L’irrationnel, c’est d’abord de n’avoir pour le marché européen qu’un V6 essence 3.8 délivrant 315 ch à 6000 tr/mn et 397 Nm de couple à 5000 tr/mn. Apparu brièvement au catalogue français, le Coupé Genesis 3.8 arborait la même mécanique, mais avec 340 ch. Surdimensionné par rapport à notre mentalité, notre législation et notre fiscalité, ce moteur, associé d’office à une boîte auto à 8 rapports et à une transmission intégrale nommée HTRAC (conçue par l’équipementier autrichien Magna, fournisseur attitré de grands noms de l’automobile, de Rolls Royce à Brilliance en passant par Smart ou MAN), constitue pourtant l’offre « de base » de la Genesis sur le marché US, où elle est aussi proposée avec un V8 GDI de 5 litres proposant 420 ch.

(il y a de la place pour un V8)

Du coup, avec une conso’ officielle mixte de 11,6 l/100, la Genesis prend direct un malus de 8000 € dans les gencives grâce à ses 270 g de CO2/km. Et pan ! Du coup, on peut pas trop t’en vouloir, Lionel.

En plus de ce coup de bambou fiscal, la Genesis est un peu entre deux eaux, en termes de positionnement marché. Si par ses dimensions (la Genesis dispose d’un empattement de 3,01 m, et donc d’un espace à bord assez conséquent), elle va plus se frotter à la triplette Audi A8, BMW Série 7 et Mercedes Classe S, par son tarif, elle se positionne largement sous le trio Audi A6 Quattro, BMW Série 5 xDrive et Mercedes Classe E 4-Matic de puissances comparables. Et au niveau des équipements de confort, elle n’a de leçon à recevoir de personne !

Inventaire à la Prévert

Car la Hyundai Genesis est une véritable caverne d’Ali Baba. Vous voulez savoir tout ce qu’elle met à la disposition de votre bien être et de celui de vos passagers ? Alors, c’est parti :

La Hyundai Genesis 3.8 HTRAC dispose de, prenez bien votre respiration, 9 airbags, un affichage tête haute, une assistance active au maintien de voie (avec une direction assez chamallowesque quand le système est activé donc qui plutôt envie de le désactiver pour récupérer un brin de consistance), une caméra 360° hyper utile pour garer le bestiau (avec une fonction birdview tellement bien foutue que l’on finit par soigner ses créneaux et les passages limites dans les rampes de parking en regardant l’écran et pas l’extérieur, mais est-ce bien recommandable ?), un capot avant actif, une climatisation automatique trizone, un contrôle de traction, un détecteur d’angle mort, des feux bi-xenon automatiques et directionnels, un système de freinage d’urgence, un régulateur de vitesse adaptatif, un toit ouvrant, des sièges chauffants et ventilés aux 4 places, un toit ouvrant panoramique, un infotainment tactile avec écran de 9,2 pouces (et une reconnaissance vocale pas facile du tout à apprivoiser), un pavé de commande de tout cela sur la banquette arrière avec possibilité d’incliner les sièges arrières et d’avancer le siège passager avant, un système de projection de logo sur le sol à l’ouverture / fermeture des portes, ce qui est très très chic, un système de démarrage sans clé (mais pas entrée), un volant chauffant, une audio Lexicon avec 17 hp d’excellente qualité, une assistance au parking qui peut se garer à votre place, une montre analogique au centre du tableau de bord, des stores de lunette arrière automatiques, l’ouverture automatique du coffre si l’on patiente avec la clé à côté…

 

(commandes à l’avant)

 

(pavé de commandes à l’arrière)

Normalement, à ce stade de la lecture, vous devriez être un peu fatigué. Pourtant, ce n’est pas tout. La Hyundai Genesis propose aussi cinq teintes de cuir différentes et deux essences de bois pour le tableau de bord. Et combien de couleurs de carrosserie ? Je sais pas, elle est même pas sur le site internet de la marque…

On passe aux options ?

Ben c’est simple, y’en a pas. Zéro, nada, peau de balle. Quand on pense que le trio allemand susnommé dispose d’un fascicule d’extras hautement tarifés dont l’épaisseur ferait passer le bottin pour un fanzine, ça donne encore plus de relief au tarif « tout compris » de la Genesis.

Palace, palace !

Une fois en route, la démonstration se confirme et démontre, assez magistralement par ailleurs, que cette Genesis, c’est tout sauf de l’esbroufe.

En plus d’un équipement pléthorique, la présentation et la finition ne méritent que des éloges. La planche de bois est du bois véritable, pas du PlastoWood® ; la lisibilité des instruments est limpide, l’ergonomie est claire, tout cela est de bonne facture, même si, bien évidemment, c’est fort classique. Hyper classique, même. N’oublions pas que le cœur de cible, ça reste quand même le quinquagénaire nord-américain moyen, genre en léger surpoids et expert-comptable chez WalMart. Soit un type qui a à peu près autant d’affinités avec la fantaisie que Sarah Palin avec Bob Marley. Mais c’est bien construit, avec des assemblages fort sérieux et des plastiques moussés plutôt qualitatifs, même si l’on aurait bien vu l’ensemble du tableau de bord recouvert de cuir.

N’y allons pas par quatre chemins pour dire que le confort est tout juste royal : entre la qualité de l’insonorisation, le moelleux des sièges en cuir, la finesse du filtrage des suspensions en dépit des roues de 19 pouces, le léger chuintement du V6 à bas régime, la douceur de la BVA8, vous êtes carrément dans un cocon, isolé des vicissitudes du monde et des cahots de la route. C’est encore plus vrai à l’arrière, où vos passagers peuvent apprécier tous les bienfaits des sièges inclinables et ventilés, ainsi que de la capacité de faire avancer le siège du passager avant pour avoir plus de place. C’est un vrai bonus si vous utilisez cette auto comme chauffeur de maître ; ça se discute si ça amuse les enfants à l’arrière. Notamment Vic’, 11 ans et fils facétieux de Benoît M., artiste Nikonisé. J’ai trouvé la parade : je lui ai proposé de monter devant. « Alors Vic, ça te plait d’avoir la tronche dans le pare-brise, hein, ça te plaît ? ». Une fois vengé, j’ai pu vraiment profiter du confort à l’arrière et figurez-vous qu’une petite sieste réparatrice n’a pas tardé à se manifester. Un pur cocon, cette caisse. Je vous mets même au défi de sentir et de compter le passage des rapports…

Douceur et volupté

Confort et sérénité : voilà les deux mamelles de la Genesis. Par contre, elle a totalement oublié des concepts comme dynamisme et sportivité. Certes, en regardant la fiche technique, les 4 roues motrices, les 315 ch, la boîte 8 avec les palettes au volant, tout cela peut faire illusion un instant. Avec un 0 à 100 en 6,5 sec et 240 km/h en pointe, les prestations sont correctes mais ne feront pas de vous le roi de l’Autobahn. Et même en sélectionnant la touche « sport » du Drive Select, les prestations n’ont rien de hardcore : en gros, ça correspond aux settings « normal » d’une de ses concurrentes allemande.

Malgré sa cylindrée respectable (3778 cm3), le V6 est plus soyeux que vigoureux à très bas régime. Et comme la BVA est paramétrée pour offrir un max de douceur, on se retrouve parfois à rouler à 1000 tr/mn dans le flot du trafic périurbain. Même en cas d’accélération soutenue, en mode « normal », la BVA n’a pas pour vocation de descendre 4 rapports en un éclair. Du coup, la Genesis sait se faire nonchalante, avant de se réveiller vers 2500 tr/mn, et d’offrir une allonge copieuse qui se transforme en poussée vers 4000 tr/mn, moment où le V6 décide de s’éclaircir la voix et de proposer un environnement sonore pas dénué de charme. Je décide alors de tester une conduite plus « dynamique », avant de me rendre compte assez vite que les palettes ont la réactivité d’un lémurien et que les 2055 kilos se font vite sentir. Même si les paramètres de la transmission intégrale passent de 40/60 en « normal » à 10/90 en « Sport », je n’ai pas vraiment trouvé le caractère d’une propulsion joueuse capable de survirer au coup de gaz. Mais peut-être que je m’y suis mal pris.

Non, ce qui lui faut, à notre Genesis, c’est une conduite apaisée, voire un rien rapide mais toujours coulée, et c’est dans ces conditions qu’elle donnera le meilleur d’elle-même avec une stabilité et une sérénité imperturbables, à peine troublée par quelques bruits de vent au niveau des joints de vitres latérales.

Ça va pas être simple…

Vu comme ça, la Genesis a un paquet d’arguments à faire valoir, à commencer par le fait qu’elle constitue sans aucun doute le meilleur rapport confort / équipement / espace à bord du marché.

Et à ceux qui pensent que Hyundai c’est encore ça :

La Genesis constitue une belle démonstration du constructeur coréen quant à sa capacité à rivaliser avec les marques premium et à faire du vrai haut de gamme, certes dans une conception encore un peu trop américanisée de la chose. La démonstration, cependant, ne manque pas d’impressionner.

Chez nous, hélas, sa mécanique n’est juste pas adaptée à notre marché. Si j’ai réussi à descendre une conso à 11,5 sur route en conduite très coulée, la moyenne de l’essai a tourné autour des 17 et dès que vous êtes en ville, où elle paie l’absence de Stop & Start, c’est carrément 20 l/100 ! Là, les Allemandes comparables, même avec des 6 cylindres essence et même avec des transmissions à 4RM sont capables de faire facilement 4 litres de moins en toutes circonstances et en conditions réelles.

Du coup, son prix de vente carrément imbattable devient un peu plombé par les coûts d’utilisation. Et le manque d’image se fait sentir à la revente. Donc soit vous l’achetez d’occase, et là ça peut être un vrai good deal quand dans 3 ans elle vaudra le tiers de sa valeur, soit vous patientez que Hyundai y mette un bon V6 Diesel, voire une chaîne hybride façon Lexus GS 450h.

En attendant, si vous voulez vraiment en voir, le mieux est peut-être de se poster rue de Grenelle à Paris, là où se situe l’Ambassade de Corée.

Photos : Benoît Meulin

 

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