Reportage : le Nürburgring pour les nuls

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Vous multipliez les soirées pizzas / bières / console / tableur Excel avec vos potes. Vous pouvez rentrer dans le virage du Carrousel les yeux fermés ? Vous êtes capable de claquer facile un tour en 7 minutes sur des engins sauvages et surmotorisés ? Il n’y a plus qu’à se confronter à la vraie vie : le Nürburgring, en réel, c’est une expérience forte et addictive que chaque passionné d’auto devrait considérer comme obligatoire.

Facile !

Déjà, le Nürburgring, c’est facile. Le plus dur est de se décider : un coup d’œil sur les dates d’ouverture sur le site, vous faites le plein et les niveaux, convoquez deux ou trois potes, et zou. Le Nürburgring est situé très à l’ouest de l’Allemagne, pas très loin de Metz ou du Luxembourg. Pour les Parisiens, ce n’est que 5 heures de route avec, près du but, quelques portions d’Autobahn illimitées…

Lors des journées ouvertes au public, n’importe qui peut y rouler avec n’importe quoi : sur la piste, d’ailleurs, c’est souvent n’importe quoi et c’est ce qui rend ce lieu unique dans notre monde si normalisé et sécurisé, j’allais même dire, fadement perrichonesque.

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Pour entrer sur le circuit, il vous faut un véhicule homologué (mais les commissaires de piste ne sont pas trop regardants), mettre votre ceinture et même les limites sonores sont incroyablement élevées : 95 dB au ralenti, 140 dB ( !) en action ; pour info, une MotoGP sort 130 dB et c’est insoutenable. L’accès au circuit se fait par système de péage à carte avec accès dans la ligne droite principale qui, pour l’occasion, est coupée en deux : c’est 27 euros le tour, 209 euros en tarif dégressif pour 9 tours, et 1650 euros le pass annuel. Des rumeurs insistantes font état, à partir du 1er septembre prochain, de l’entrée en vigueur de tarifs dégressifs en fonction des jours et de l’affluence, avec un tarif qui pourrait approcher les 50 euros le tour. Raison de plus pour y aller vite.

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Modeste et Ponpon

Sachez qu’il peut y avoir beaucoup de monde en piste, avec des différences de véhicules, de niveau et de motivation extrêmement importants. C’est ce qui fait la beauté du truc, mais aussi son danger, qui est réel.

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En gros, attendez-vous à trouver des personnes âgées en Mercedes Diesel faisant une petite balade digestive le dimanche après-midi, des fous furieux en 911 GT3, des apprentis pilotes en BMW 328i vidée et arceautée avec un moteur qui a 400 000 km, des semi-slicks et des amortos d’origine, des pros qui font le taxi ring à des touristes en BMW M6 Grand Coupé, en Corvette ou en 911 et qui tiennent facilement des tours en moins de 8 minutes, des motos (là, faut faire hyper gaffe car à part une rare proportion de bons pilotes, elles sont généralement assez lentes, avec des trajectoires différentes de celles des autos qu’elles ne voient d’ailleurs pas arriver). J’ai vu aussi un Toyota 4×4 préparé désert avec méga pneus à crampons et tente sur le toit, histoire d’améliorer le centre de gravité, un couple en duo sur une 1200 BMW de tourisme et une Nissan Micra rose en configuration d’origine et une Aprilia RSV4 (je kiffe) encastrée dans un rail (je kiffe moins)…

 

M3, GT3 et Megane RS

Parmi le plateau très hétéroclite, on croise quand même une forte proportion de Megane RS, de BMW M3 et de Porsche 911 GT3 : rien d’étonnant puisque elles représentent, chacune dans leur segment, le meilleur rapport performances / fiabilité.

L’idéal pour débuter est indubitablement une bonne GTI ou équivalent. Elles ont assez de chevaux pour se faire plaisir et leur traction avant pardonne beaucoup. Vous n’atteindrez pas des vitesses supersoniques : selon votre motivation, il y a trois endroits où vous pourrez scorer entre 200 et 220 km/h. Par contre, il y a beaucoup d’enfilades qui demandent du rythme et où l’on déboule à pas loin de 150 km/h, ce qui est suffisant pour se faire de bonnes sensations. Conseil d’ami : il faut aborder ce circuit avec beaucoup d’humilité. Mais si vous vous sentez l’âme d’aller défier une bonne propulsion, plein gaz en appui à fond de trois, avec les amortos qui vous balancent des coups de raquette sur les bosses, qui sommes-nous pour vous en empêcher ? Hein, qui ?

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Car, en vrai, le Nürburgring est très bosselé, étroit, avec beaucoup plus de dénivelé qu’on l’imagine, des virages en aveugle : une certaine vision du paradis. N’oublions pas de préciser qu’il y a très peu de dégagements, parfois les rails sont à moins d’un mètre de la piste et tout excès d’optimisme se paie cash. C’est plus facile de faire le malin sur sa console…

Ami du blog et passionné d’autos, ne va pas croire que nous sommes là pour te décourager avec un ton un rien sentencieux.   Au contraire, l’idée est de t’aider à affronter le Nürb sans toutefois te masquer la réalité : le Nürb, c’est vraiment chaud. Et c’est carrément addictif.

 

L’amour du risque

Sur une journée où il y a un peu d’affluence, il n’est pas rare de voir une dizaine de voitures finir façon épave après un coup de billard à trois bandes dans les rails. Des rumeurs font état de huit à dix accidents mortels par an, mais je n’ai pas trouvé la confirmation.

Si vous cartonnez, le Nürburgring vous facturera les frais de dépannage, le nombre de mètres de rails détruits et peut vous faire payer un forfait pour le temps où la piste a du être fermée. L’accès à la piste est interdit en cas d’interventions, qui peuvent durer plus d’une heure. D’ailleurs, en étant présent un week-end, nous avons peu roulé le dimanche, car le grand nombre d’accidents nous a inculqué la patience (et des heures d’attentes sur le parking).

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La gestion du trafic est un problème : le nombre d’autos sur la piste, leur différence de perfs, les écarts de talent au volant demandent beaucoup d’attention. La règle est de surveiller ses rétros et de se déporter sur la droite (il est impératif de doubler à gauche) ; seul problème : les anglais, souvent nombreux, ont le réflexe inverse. Ah, si seulement Guillaume Le Conquérant avait pu les coloniser et leur apprendre le système métrique !

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Sachez que les voitures prennent cher et n’espérez pas aligner des séries de tours, comme ça, tranquille. Sur une auto qui n’a pas été préparée, au bout d’un tour (deux maxi), il est préférable d’aller faire refroidir (en roulant doucement, pas à l’arrêt sur le parking) par un aller/retour au village à proximité. Ce seront les freins qui seront probablement le premier fusible.

Et entre deux tours, il y a une dizaine de points d’accès qui permettent de se délecter du spectacle comme spectateur. Le plus simple est dans le village d’Adenau.

Console ou pas ?

La Nissan GT Academy l’a prouvé : du joystick à la piste, le parcours est logique. Même si nous ne sommes pas tous des pilotes en devenir, jouer à la console peut être utile. Pas pour apprendre par cœur la trajectoire idéale dans tous les virages, mais pour essayer de retenir les points vraiment chauds : en vrai, le dénivelé, les bosses, la proximité des rails, la sensation de vitesse, tout cela vous donnera des sensations pour le restant de vos jours.

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Curieusement, ce n’est pas en jouant que j’ai eu l’impression d’aller vite au Nürb, mais en revenant du Nürb que j’ai amélioré mes temps sur la console, en ayant une meilleure visualisation des enchaînements. Résultat : 3 secondes de mieux…

La logistique :

Facile, là encore. Il y a une station-service (dont le proprio doit être l’un des hommes les plus riches d’Allemagne !) sur la route principale, parallèle à la grande ligne droite de la Nordschleife. A l’entrée du circuit de F1, un complexe propose musée, boutique de souvenirs, un cinéma passant des films d’art et d’essai genre Fast & Furious, des restos, des attractions.

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Les commerçants du Nürb n’assomment pas le client, ce qui est plutôt une bonne chose. La bouffe n’est pas extraordinaire mais elle est quand même à moitié décente, comme ce soit les hamburgers du Devils Diner qui permettent de faire une pause en regardant le parking des autos qui se préparent à aller au combat. Pour le soir, le Paddock, dans le village, est très sympa et sa déco ravira les fans d’autos.

Pour l’hôtel, nous avons testé le Haus Sonneck à Kelberg qui est tout à fait recommandable, avec des chambres de qualité et des tarifs corrects (79 euros la double avec copieux petit dej inclus). Il est à 5 kilomètres du circuit et la route sinueuse qui y mène permet de faire chauffer les pneus… L’Hotel Dorint est un peu plus cher (à partir de 93 euros) mais il donne directement sur le circuit de F1 et rien que son bar vaut le déplacement. À vous de voir sur Booking..

Sans votre voiture :

Si vous n’avez pas l’auto adaptée ou que vous ne vous voulez pas risquer la vôtre, il y a deux façons de profiter du Nürburgring.

Être passager en taxi ring : avec un peu d’humilité, vous admettrez qu’être un témoin privilégié d’un duo voiture / pilote de haut niveau, ça vaut son pesant de peanut butter. Comme plus de 90 000 clients avant vous, prenez un taxi qui vous changera de la 307 break pourrie avec RMC à fond : une BMW M5 ou M6 Grand Coupe pour un tour en moins de 8 minutes, à partir de 225 euros, et à partir de 295 € dans une Aston Martin.

http://www.nuerburgring.de/en/drives-fun/drives/co-pilot-rides/bmw-ring-taxi.html

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Ou louer une auto.

Plusieurs agences louent des autos plus ou moins préparées pour le circuit, de 133 à plus de 500 ch.

http://www.nuerburgring.de/en/drives-fun/drives/car-rentals.html

http://www.rentracecar.com/

http://www.rsrnurburg.com/

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L’avantage, c’est que vous avez une auto généralement allégée, arceautée, avec des pneus corrects (souvent des semi-slicks), des freins et des suspensions optimisées, et que vous n’avez qu’à vous concentrer sur votre plaisir de conduite. Le tarif est relativement correct, compte tenu de ce que vous coûte une journée piste sur un circuit moins prestigieux. Pour avoir fait un tour dans une Suzuki Swift de loc’, je peux vous confirmer qu’il y a déjà moyen de se faire plaisir, la qualité du train avant compensant un peu le manque de chevaux dans les sections rapides. L’inconvénient ? La caution (de 3500 à 5000 €) qui peut vite partir en fumée. Démonstration :

 

Trois avis d’expert rencontrés sur place

Jeremy C., 35 ans, BMW 120d pack M

Jeremy est un garçon charmant dont la devise est « tu mets la caisse en appel, contre-appel, et t’essaies de pas te prendre une pelle ». Globalement (ne lui tenons pas rigueur de quelques autos mises sur le toit dans sa jeunesse), ça le fait.

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Quand la grande entreprise multinationale pour laquelle il travaille lui a proposé une Megane 1.5 dCi de fonction, il leur a gentiment dit d’aller se faire voir. « Vous comprenez, la vie est bien trop courte pour rouler triste », a-t-il déclaré à son directeur avant de balancer cet argument totalement irréfutable : « et puis pour drifter, je sais pas comment vous faites vous-même, chef, mais une traction avant, c’est vraiment pas terrible ». Sur ces entrefaites, il a donc négocié une BMW 120d, choisissant les options avec soin : comme tout ce qui permettait de la sportiviser a été sélectionné en premier, dont le pack M, il ne restait plus d’argent pour le cuir ou la peinture métal.

« J’ai choisi cette voiture parce que c’est la dernière représentante d’un genre, la compacte propulsion » dit-il. « Sur le Nürb, je la mets en mode Sport + et l’électronique lâche du mou en rattrapant les excès d’optimisme. Et ici, l’optimisme se paie cash ».

Je sais pas vous, mais le concept du type qui vient se risquer sur le Nürb avec sa voiture de fonction, moi je trouve ça assez cool.

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« Au Nürburgring, il y a un moment qui paraît anodin mais qui est fort en émotions », nous raconte Jeremy, « c’est le passage du péage. C’est générateur de peur et de stress. C’est le moment où l’on entre dans l’arène. On ne peut plus faire marche arrière. Si j’ai un conseil à donner aux débutants, c’est l’humilité ».

Ce qui attend la BMW, maintenant, c’est un passage au banc pour vérifier si les chevaux sont là. « En revenant du Nürb, j’ai l’impression d’être dans une 118d ». C’est vrai que se faire déposer par une McLaren 650 S, ça vous recalibre l’espace-temps. Ensuite, une petite reprog est au programme et le boitier a été commandé. « L’avantage, avec des turbos, c’est que tu trouves des chevaux facile », dit notre gars plein d’enthousiasme qui compte bien revenir, mais la prochaine fois la BM devrait cracher 231 ch.

J’aimerais bien voir la tête du gestionnaire de flotte de véhicules d’entreprise quand il récupérera l’engin dans quelques mois.

Thomas B., 33 ans, Mitsubishi Lancer Evo X

Après avoir sagement décidé que sa façon de conduire des motos sportives l’incitait, pour sa longévité, à repasser sur 4 roues, Thomas s’est concocté un garage sympa : Lotus Elise préparée pour la piste et Mitsubishi Lancer Evo X en daily driver.

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« J’ai choisi cette voiture parce qu’elle est à la pointe de la technologie », déclare Thomas, « la tenue de route est impressionnante grâce aux 4 roues motrices gérées par les différentiels, je n’avais pas peur d’aller au Nürb même sous la pluie car on se sent en sécurité à son bord. La boîte à double embrayage avec palettes au volant est juste parfaite. Elle permet de se concentrer davantage sur son pilotage. L’Evo, c’est une voiture qui rattrape vos erreurs, elle est certes un peu lourde et les freins chauffent beaucoup, mais la voiture enroule de l’arrière et se trouve toujours dans l’axe au moment de réaccélérer. Bon, j’ai quand même eu une petite frayeur avec un freinage finissant avec des roues dans l’herbe… ».

Thomas précise comme nous tous qu’il faut avoir un peu d’humilité pour aborder ce circuit. « une sortie de piste peut coûter cher et ici ça arrive vite », précise t’il.

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Concernant l’Evo X, Thomas avait monté des plaquettes racing. Mais comme lors des usages piste, il y a toujours un fusible quelque part, ce sont les disques qui ont commencé à se voiler. Néanmoins, avec un chrono sous les 9’, on peut lui accorder nos félicitations pour une première sortie au Nürb.

Victor M. (11 ans & fils de Benoît M., Artiste Nikonisé).

« J’était content d’aller au Nürburgring parce que j’aime bien découvrir de nouveaux pays et que je fais de l’Allemand à l’école. Grâce à mon Papou et à sa Volvo C70 Cabriolet qui prend 211 sur l’Autobahn et Papou me dit plein de fois qu’ici il a le droit de conduire comme ça. Heureusement qu’il m’a dit ça sinon je l’aurai dénoncé à Maman qui crie dès qu’il dépasse le 131. Maman elle crie souvent.

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N’empêche, 211, ça se traîne un peu et on arrivait pas à suivre les voitures des copains, mais Papou me dit que c’est pas si mal pour un Diesel de 150 chevaux. Au Nürburgring, j’ai pu m’entraîner à parler en commandant des bières pour tous les grands qui font les malins mais qui sont même pas capables de se débrouiller tout seuls. J’ai aussi été traité comme un esclave le dimanche matin quand Gab m’a demandé de nettoyer la Focus ST pour les photos, mais bon, je me vengerai, et puis moi, à son âge, j’aurai encore des cheveux sur le haut du crâne. Je voulais me plaindre mais Papou m’a dit que c’était mieux de faire des photos de voiture propre. Ce que j’ai trouvé le plus impressionnant, c’est la vitesse à laquelle les autos anciennes et modernes passent sur le circuit, on ne peut pas imaginer ça, même en jouant sur sa console pour préparer le voyage, mais attention, la réalité est différente du jeu ».

Merci Vic pour cette approche complète et synthétique

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Photos : Benoît Meulin

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