Essai : Seat Ibiza Cupra TSI 192, la bombinette de tous les jours

Dans le monde impitoyable des citadines sportives, la Seat Ibiza Cupra n’a jamais vraiment inquiété les cadors de la catégorie. Faute de suffisamment de puissance et manquant de piquant pour titiller une Peugeot 208 GTI (essayée ici) ou une Ford Fiesta ST (essayée ), elle était bien malgré elle mise de côté, voire oubliée. Armée d’un nouveau moteur et liftée pour l’occasion, la petite espagnole est-elle désormais au niveau de ses rivales ?

Lancée en 2008, l’actuelle génération d’Ibiza passe les années au fil des (discrets) restylages sans vraiment se démoder. Stylistiquement, l’ère de l’Ibiza clichée du jeune loulou avec un drapeau ibérique sur la plage arrière et un chapelet accroché au rétroviseur intérieur est révolue. Notre Ibiza IV Phase III (rien que ça !) est bien plus sérieuse que les précédentes générations et l’inspiration germanique de sa cousine, la VW Polo, se fait sacrément ressentir.

« Cupra » étant l’abréviation de « Cup Racer », j’avoue être un peu resté sur ma faim en découvrant le look racé mais relativement discret de mon Ibiza Cupra. Loin du too much et du tape-à-l’œil de ce que l’on pouvait encore trouver sur les sportives Seat il y a quelques années, seul un connaisseur saura différencier en statique une Ibiza FR de celle-ci… Mis à part le petit drapeau sur la calandre et les quatre ouïes sous cette dernière, la proue de la Cupra conserve la signature lumineuse et le museau, déjà plutôt bien sculpté, des versions traditionnelles.

La poupe est elle plus caractérisée, avec une partie basse inédite intégrant un (faux) diffuseur et une (fausse) canule d’échappement centrale trapézoïdale. Ce sont en fait deux ridicules petites sorties qui viennent se loger au centre du diffuseur et qui semble avoir été oubliée par les designers… Mettre une grille devant afin de les masquer aurait été plus judicieux et bien plus sympa à mon goût. Deux (fausses) ouïes latérales en plastique ainsi que l’appellation « Cupra » sur la malle viennent donner un peu de piquant à l’ensemble, alors qu’un becquet aurait pu apporter encore plus de caractère à une Ibiza bien trop sage à mon goût pour jouir d’une réelle identité sportive dès le premier coup d’œil. Habillée de l’originale teinte « Gris Dynamique » tirant soit sur le blanc, soit sur le bleu très clair en fonction de la lumière, notre version bénéficie également de superbes jantes 17 pouces noires brillantes (en option à 100 €) laissant apparaitre des étriers rouges qui remontent un chouia le capital sportif de la voiture.

Moyennant quelques centaines d’euros supplémentaires, il est néanmoins possible de doter l’Ibiza d’un kit carrosserie avec des jantes, des rétroviseurs et une calandre rouge, mais aussi d’un becquet arrière ou de jupes spécifiques. Entre la personnalisation et le mauvais goût, il n’y a parfois qu’une frontière très mince et je vous laisse jouer avec le configurateur pour la franchir… Quoiqu’il soit en soit, le rapprochement de Seat et de VW a « rationalisé » le constructeur ibérique qui a fait un virage à 180° sur la question du design, délaissant ainsi le côté fun et m’as-tu-vu des précédentes Ibiza (Cupra) au profit d’une discrétion (je n’ai pas dit élégance) plutôt bienvenue pour une utilisation quotidienne. Le côté « caliente » de l’Ibiza a finalement laissé place à une certaine forme de rigueur germanique et perso’, ça me va.

À bord, même combat… L’emprunte de VAG y est omniprésente et l’on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la VW Polo lorsqu’on pénètre à bord.

Les matériaux utilisés et la finition sont d’un certain standing, à l’image d’une planche de bord recouverte de plastique moussé et des assemblages plus que précis. Même le bruit de fermeture des portières respire la Deutsche Qualität (je sais que c’est le slogan d’Opel mais on va dire qu’il s’applique à tous les constructeurs outre-Rhin)… Le volant à méplat est aussi flatteur à l’œil qu’entre les mains, puisque recouvert de cuir et de surpiqures blanches. La console centrale est elle on ne peut plus simple et épurée, avec deux aérateurs ronds (un peu de fun dans ce monde rectiligne, ça fait pas de mal !), l’écran tactile multimédia intégrant le même système et les mêmes boutons que les actuelles VW, ainsi que les commandes de clim’ identiques à celles de la Polo. Côté vie à bord, 292 L de chargement, cinq vraies places et pas mal de rangements rendent l’Ibiza hyper agréable au quotidien.

Pour plusieurs milliers d’euros de moins sur la note, on bénéficie donc du savoir-faire de VW en terme de qualité perçue, tout en récupérant également le côté trop sérieux, voire chiant, des productions de Wolfsburg. Un peu de fun et de couleur n’aurait clairement pas été de trop dans une version qui se veut délurée et amusante de l’Ibiza, là où notre version bien sombre et tristounette ne m’a finalement fait penser qu’à une adaptation de la citadine allemande. Seuls quelques éléments viennent nous rappeler que nous sommes à bord d’une Cupra : le logo « racing » au milieu des compteurs, l’embout de pommeau de vitesse spécifique et la sellerie en cuir et en alcantara (en option à 425 €).

D’un point de vue de l’ergonomie, la planche de bord est indiscutablement une réussite. L’écran tactile de 6,5 pouces centralise les fonctionnalités de divertissement de la voiture avec l’intégration de la technologie Full Link contre 170 € (CarPlay + Android Auto), qui permet ainsi de se passer du système multimédia VAG, qui, à mon goût, comprend trop de menus et de sous-menus pour être intuitif en conduisant. CarPlay offre alors la possibilité de contrôler l’intégralité des fonctionnalités de téléphone, messages, musiques et guidage par l’intermédiaire de la voix avec Siri et de retrouver l’interface épurée, fluide et réactive que j’utilise au quotidien sur mon iPhone.

L’habitacle est ainsi à l’image de l’extérieur : plus rien ne craque, tout est parfaitement assemblé, cela respire le sérieux, mais tout manque cruellement de piquant pour aller de pair avec la fougue annoncée de notre petite bombinette.

Sous le capot de cette Cupra cru 2016 bat le cœur de sa cousine germanique, à savoir le vaillant 1.8 L TSI de 192 chevaux. N’y allons pas par quatre chemin, ce quatre cylindres est indéniablement le gros point fort de cette voiture et y est pour beaucoup dans le plaisir de conduite qu’elle offre au quotidien, car oui, l’Ibiza Cupra est le parfait « Daily »… Vous savez ce genre de voiture qui, en semaine, nous amène au travail, endure les bouchons des autoroutes franciliens, subit les créneaux en ville et les coups de portières sur les parkings, mais qui une fois le week-end venu nous permet de nous amuser sur de jolies routes sans avoir à en sortir une seconde du garage.

En ce week-end inaugurant le printemps, deux destinations ont répondu à ma soif d’escapade et aux besoins de l’essai de cette petite citadine au sang chaud : les interminables lignes droites et longues courbes des plaines de la Beauce pour aller voir mon confrère et ami d’Abcmoteur Arnaud Lescure et les routes étroites et sinueuses du Vexin en compagnie de mon collègue du blog Ancelin Schoenhentz. Contrairement à ce que je pouvais penser avant de prendre place à bord de cette version Cupra, la polyvalence est le maitre mot de cette voiture. Une fois installé dans des fauteuils en alcantara et en cuir proposant un excellent compromis entre confort et maintien, et jouissant d’une position de conduite parfaite pour tous les jours avec une instrumentation lisible et rien de superflu, tournons la clé…

L’Ibiza est une très bonne routière et est même sûrement la plus agréable des petites sportives sur de longs trajets, que ce soit en tant que conducteur ou passager. Le 1.8 L TSI brille par sa souplesse et par son étonnante disponibilité à tous les régimes, avec un couple assez impressionnant de 320 Nm dès 1450 tr./min.. Cela rend les sorties de péage, dépassements et relances hyper plaisants et un agrément de conduite au top au quotidien. L’abandon de la boite DSG au profit d’une BVM 6, qui limitait auparavant le couple du 1.4 L TSI à 250 Nm, permet ainsi de devancer les Peugeot 208 GTi (275 Nm) et Fiesta ST (290 Nm) à ce petit jeu… À vitesse légale stabilisée, le quatre cylindres jouit même d’un appétit de moineau pour une bombinette en ne demandant environ que 7,0 L/100 km à 3000 tr./min. L’habitacle a bénéficié quant à lui d’un soin particulier porté à l’insonorisation, puisque ni le quatre cylindres, ni l’échappement ne bourdonne en restant en mode « Confort », même si quelques bruits d’air commencent à se faire sentir passés les 130 km/h (mais puisque nous sommes sages et que nous respectons Chantal Perrichon, nous ne dépasserons pas cette limite). Avalant les kilomètres avec le coffret « Haute-Musique de Nova », que je vous recommande tout chaudement, sur le très bon système-son intégré, je dois dire que je n’avais jamais autant apprécie l’autoroute avec une petite sportive.

Les premières éoliennes apparaissent et des champs à perte de vue se profilent, la Beauce est là ! Les longues lignes droites des départementales du Loiret après l’hiver sont l’occasion de gouter au confort de suspension de l’Ibiza Cupra. Pourtant chaussée de Bridgestone Potenza en 17 pouces, la petite espagnole nous épargne les plaisirs de l’asphalte rapiécé et des ignobles bandes rugueuses qui ornent nos routes dès lors qu’un virage « dangereux » apparait. La Cupra garde même un comportement extrêmement sain à haute-vitesse en ne demandant que très peu de correction de cap et se jouant avec une étonnante stabilité des longues courbes sans jamais devenir piégeuse. La souplesse et la fougue du 1.8 L TSI, combiné à la boîte manuelle à six rapports, sont une arme redoutable pour atteindre assez facilement des vitesses démesurées. Seat annonce 235 km/h de vitesse de pointe, je ne suis pas allé le vérifier pour vous mais je pense pouvoir les croire lorsqu’on voit la disponibilité du quatre cylindres et l’étagement parfait des rapports…

Plaisante sur autoroute, dévoreuse de lignes droites et avide de longues courbes, l’Ibiza Cupra a finalement tout pour plaire… Et dès que ça se corse ?

Là où 208 GTi by Peugeot Sport (que j’ai essayée ici) et Fiesta ST (que j’ai essayée là) sont dans leur élément quand la route se rétrécit et des lacets se profilent, notre bombinette hispanique y est un poil moins à l’aise. La polyvalence a un prix, celui de l’efficacité. Le choix qu’a fait Seat de donner un confort inégalable pour la catégorie à sa petite GTI lui ferme ainsi les portes de la radicalité, mais surtout de réelles sensations à son volant. Explications…

Jouissant d’un mode « Sport » qui durcit la direction, raffermit les suspensions (sans toutefois être pilotées), et change la sonorité de l’échappement avec un système de clapets et de caisse de résonance dans l’habitacle, l’Ibiza Cupra n’a pourtant pas à rougir face aux performances de ses concurrentes avec un 0 à 100 km/h abattu en 6,7 secondes et un couple de 320 Nm. Dès lors que le rythme augmente et que les lacets s’enchainent, elle perd toutefois en stabilité et la relative souplesse de sa suspension, agréable au quotidien, devient l’un de ses principaux défauts, même raffermie pour l’occasion. Sans réel défaut sur chaussée propre, dès que cette dernière se dégrade, la voiture souffre de sautillements et parfois même d’une fâcheuse tendance au sous-virage, donnant lieu à quelques désagréables pertes de motricité. Heureusement, le châssis est lui très sain et le différentiel électronique maison, le XDS, limite la casse en freinant la roue qui patine, tout en imposant une conduite « propre » pour garder une relative efficacité et conserver une certaine vitesse en sortie de courbe.

L’Ibiza Cupra ne distille malheureusement pas assez de sensations à mon goût avec une direction en mode « Sport » relativement précise mais pas assez informative. Le train arrière est lui verrouillé, ce qui est sécurisant mais loin d’être marrant, alors que l’ESP n’est que partiellement déconnectable… La position de conduite, trop haute pour moi qui aime littéralement avoir la tête au niveau des compteurs dès qu’il faut hausser le ton, n’aide pas à se sentir « proche » de la route et la sonorité de l’échappement dans cette configuration est trop surfaite pour être crédible.

Il manque également une instrumentation dédiée au mode « Sport » avec par exemple un changement de couleur des compteurs et l’apparition d’informations sympas comme la pression du turbo, le couple en temps réel ou le nombre de chevaux en action. Un chronomètre est activable entre les compteurs, mais un inutile (pour une Cupra) suivi de l’éco-conduite est disponible sur le sytème multimédia… Son poids contenu (1260 kg à vide) permet à l’Ibiza de rattraper ses rivales dans les portions de relance avec une poussée linéaire bluffante jusqu’à 5500 tr./min. et une boite agréable à mener, au guidage précis et à l’étagement parfait. Dotée de disques ventilés à l’avant de 310x25mm et de disques pleins 230x9mm à l’arrière, ces derniers offrent une progressivité agréable au quotidien et un mordant bienvenu lorsqu’on « arsouille », à condition de ne pas être trop gourmand car ils ne suivent pas la cadence et perdent de leur endurance après quelques dizaines de minutes de roulage.

En fait, l’Ibiza Cupra est un peu à l’image de ce que j’avais pu vivre avec la MiTo QV (essayée ici), en étant une sorte de citadine GT++ proposant sur le papier des performances certaines mais qui, une fois sur la route, n’arrivait pas au niveau de « vraies » GTi, joueuses et efficaces. Elle fait partie de cette catégorie pleine de compromis, batarde diront certains, permettant de n’avoir qu’une seule voiture pour tout : rouler au quotidien sans avoir le dos et les oreilles en compote, et s’amuser lorsqu’on le souhaite. Les défauts de la Cupra en conduite sportive sont en plus facilement corrigibles avec notamment l’intégration d’un véritable autobloquant et de la suspension pilotée DCC comme il existe déjà sur la Leon Cupra.

Reste qu’à 23 715 € (à partir de 22 690 € sans options), notre Seat Ibiza Cupra est indéniablement le meilleur rapport performances/prix du marché avec en prime un équipement complet et une polyvalence inédite sur le segment. Alors oui, l’appellation Cupra n’est ici pas signe d’une sportivité exacerbée et d’une efficacité à couper le souffle, mais Seat a toujours su proposer des sportives accessibles, que ce soit en terme de conduite ou de budget, et cette Ibiza ne déroge pas à la règle. Surtout que, proposée au prix d’une Polo R-Line TSI 110 équipée de la sorte, elle en récupère tous les bienfaits, finition en tête, tout en offrant un ticket d’entrée plus que compétitif dans le monde des petites sportives.

Merci à Seat France pour leur confiance et leur disponibilité.

Photos : Ancelin S., Arnaud Lescure, Victor Desmet.

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