Le Toyota C-HR connaît un gros carton commercial et Toyota France estime vendre 85 % de versions hybrides. L’essai de cette version 1.2 turbo, à transmission CVT et 4×4 s’adresse donc aux minorités.
Privilège de ma profession, j’essaie souvent des voitures et des motos qui ne sont pas encore trop répandues dans la rue. Mais là, non, y’en a partout. Pour deux raisons : un, je m’y suis pris un peu tard (mon collègue l’estimé et néanmoins excellentissime JB avait été nettement plus avisé en vous proposant, dès le 25 mars 2017, l’essai du C-HR en version hybride, ici, un essai qui l’avait d’ailleurs réconcilié avec l’hybridation made in Toyota). Et deux, parce que le C-HR est d’emblée un gros succès commercial ; Toyota, qui a vendu 900 000 autos l’an dernier en Europe, vise plus du million en 2017, et ce en grande partie grâce à ce SUV au look décalé et très dans l’air du temps.
Dans l’air du temps, donc : on a pu parfois en entendre certains déplorer que les Toyota soient en général d’un design assez fade (Corolla, Avensis…) voire bizarre (Prius) ; dans le cas du C-HR, Toyota se lâche. Partant du principe que les petits SUV sont à la mode et que le bizarroïde Nissan Juke a fait un carton, Toyota a eu raison d’y aller franchement sur la planche à dessin. Et du coup, ça paie : en 5 mois, il a été vendu à plus de 32 000 exemplaires en Europe (ce qui est plus que les 29 500 Renault Kadjar et 21 700 Seat Ateca – même si loin derrière le leader, le Nissan Qashqai et ses 75 000 unités sur la même période). Et en France, Toyota en a écoulé 8200 ! Et tout cela sans la moindre motorisation Diesel, chapeau. Bref, un beau succès qui permet de faire oublier à Toyota sa précédente tentative sur le créneau des SUV compacts, avec le Urban Cruiser, une auto passablement ratée, comme quoi, personne n’est infaillible.
Feel good factor
Les goûts et les couleurs ne se discutant pas, on n’ira pas plus loin. Ce dont je peux toutefois attester, c’est qu’en une petite semaine d’essai, mon C-HR, dans sa finition haut de gamme Distinctive et dans cette couleur Bronze Alezan métallisé, peu fréquente et en option à 620 € ne passe pas inaperçu dans le trafic.
Elle attire l’œil, parce qu’elle est super équipée. Si la C-HR commence en finition de base Active à 23 000 €, la Distinctive ne s’offre pas à moins de 29 000 €. Elle propose en plus les phares anti-brouillard avant cerclés de chrome, les jantes de 18 pouces, les feux avant à LEDs, les vitres arrière surteintées, les feux automatiques, le détecteur de pluie, l’alerte de maintien de ligne, la caméra de recul, l’alerte de circulation arrière, le système de stationnement intelligent, le démarrage sans clé, un éclairage d’ambiance, la clim’ bizone, les sièges avant chauffants, l’écran TFT multifonction de 4,2 pouces, la reconnaissance vocale (que je n’ai pas trouvé super efficace), la sono JBL à 6 HP (correcte)… Bref, c’est complet. Et avec l’ambiance intérieure « chocolat » propre à cette version, il faut reconnaître que l’ambiance intérieure est plutôt moderne, fraîche et agréable ; la console centrale, autour du levier de vitesse, en noir laqué en pur plastique constituant un petit bémol (le genre de bémol avec des grosses taches de doigts).
A part ça : beaux morceaux de cuir sur le dessus de la planche de bord, sièges en cuir confortables à l’avant ; l’espace est un rien plus limité à l’arrière et les vitres façon « meurtrières » peuvent donner un petit sentiment de claustrophobie, tandis que le coffre de 377 l ne sera pas de trop pour les longs déplacements en famille.
Dernier détail : à 29 000 €, on a une Distinctive avec le moteur de dernière génération, le 4 cylindres 1.2 de 116 ch et boîte manuelle. A 30 900 €, on a le même avec une transmission CVT et AWD, c’est ma voiture d’essai. Et à 31 600 €, on a l’hybride. Le style et la techno sont à ce prix.
C’est dans la boîte ?
Sinon, ce C-HR a une boîte CVT. Parmi les fans d’automobile, la CVT, c’est aussi clivant que slip ou caleçon. Chacun ses préférences, les positions sont ancrées et les changements d’avis sont rares.
En bonne CVT, la boîte de la C-HR a donc des limites structurelles : baladez-vous avec la sérénité de l’escargot, puis lancez-vous dans une accélération violente, pedal to the metal, et le compte-tours va grimper jusque 5500 tr/mn, le sentiment d’accélération est assez diffus, avec le moteur qui hurle et le petit SUV qui peine à donner de vrais coups de reins. C’est vrai que le 0 à 100 en 11,4 secondes n’a rien de fantastique (mais en même temps, avec 116 ch pour 1460 kilos, peut-on espérer mieux ?) et on se console (éventuellement) avec la vitesse de pointe, fixée à 180 km/h.
Et pourtant, dans son genre, elle est vachement bien, cette CVT. D’abord, elle sait rétrograder d’elle-même sur de gros freinages en descente, et a donc compris le concept de frein moteur, ce qui n’est pas si répandu que cela chez ses congénères. Ensuite, elle ne patine pas tant que cela à l’accélération. Dans le cas d’une conduite apaisée et respectueuse du trafic environnant tant que de la plupart des normes en vigueur, elle ne s’affole pas à chaque relance, comme j’en avais eu la désagréable expérience lors de l’essai de la Honda Jazz CVT, par exemple.
Là, chaque relance fait augmenter le régime de quelques centaines de tours, éventuellement un petit millier. Pas de quoi crier au scandale. Sur route, j’ai apprécié le silence du moteur, tellement peu bruyant que ce sont quelques bruits aéros (au niveau des rétroviseurs) qui prennent le dessus, et le C-HR se plaît à se laisser conduire en douceur. Avec le confort des sièges et la sono JBL, plutôt correcte, l’ensemble est cohérent.
Mais revenons à la boîte car, en plus, il y a une fonction magique : le mode manuel. Un petit mouvement du levier, et hop, on joue avec les rapports. Dommage d’ailleurs qu’il n’y ait pas de palettes au volant.
Une petite montée de la N 118 (les franciliens connaissent) en s’appliquant à humilier un kéké en Tmax (pléonasme) et le C-HR montre de nouvelles qualités : direction précise, peu de roulis (mais des amortisseurs arrière un peu secs en détente), et, là encore, une boîte CVT qui joue bien le jeu en « verrouillant » les rapports pour offrir une prise quasiment directe entre le moteur et les roues. Pas mal du tout, même si le rapport supérieur passe de lui-même lorsque l’on est en pleine accélération et que l’usage manuel est contre nature (on pousse pour monter les rapports, on tire vers soi pour rétrograder) : certes, cela correspond à une utilisation marginale, mais dans ce cas de figure, le C-HR CVT AWD est certainement supérieur à la version hybride.
Bref : on parle là d’un petit SUV de 116 chevaux doté d’une transmission qui incite à une conduite placide.
Parfait au quotidien… mais l’hybride aussi !
Pour la petite histoire, j’ai pris possession de mon C-HR d’essai le mardi 6 juin. Et qu’est-ce qui s’est passé, le 6 juin ? Wall Street termine en légère baisse, les biens de Bernard Tapie sont jugés insaisissables, Lyft se lance dans la voiture autonome, des milliers de rats envahissent des villages en Birmanie, mais surtout, soyons un peu autocentré et rappelons-nous que l’Île-de-France a failli battre un nouveau record de bouchons avec 537 kilomètres cumulés.
Et là, le silence et la douceur de fonctionnement font à nouveau des merveilles. En milieu urbain, la boîte est hyper douce. Le premier « rapport » tire assez court, on se retrouve ensuite en seconde et l’accélération se fait dans une grande douceur.
Ce qui permet de noter un paradoxe : l’agressivité du C-HR, elle est dans les lignes, pas dans la conduite ! Côté conso, alors que les valeurs officielles sont à 6,3 l/100 (et 143 grammes de CO2), j’ai enregistré 6,1 l/100 sur départementale en mode « éco-conduite appliquée », 7,7 l/100 sur autoroute et 9,7 l/100 dans des embouteillages calamiteux. Mais rien que pour cela, la version hybride lui est préférable vu la réalité de mon quotidien…
Photos : Gabriel Lecouvreur