Essai Toyota Mirai : bienvenue dans le futur !

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En plein débat sur la pollution et les vignettes Crit’Air, on se dit qu’une auto ne rejetant que de la vapeur d’eau serait peut-être une solution. Ça tombe bien, on vient d’essayer la Toyota Mirai.

En même temps, comment en vouloir à l’artiste nikonisé de ne pas connaître une auto qui, virtuellement, n’existe pas ! Car la Mirai est une réalité, mais pas vraiment pour notre marché français. Lancée au Japon fin 2014, puis en Californie un an plus tard et courant 2016 dans 7 pays européens (Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Suède, Norvège), la Mirai ne figure même pas sur le site de Toyota France. Mais la structure française, désireuse de rappeler la supériorité de sa marque en termes d’éco-mobilité et surfant pour cela sur l’écrasante domination des Prius, Lexus et autres modèles sur le marché des hybrides à l’échelle mondiale, a commencé à travailler sur la technologie de l’hydrogène en 1992 et a donc commercialisé la Mirai il y à peine deux ans, un aboutissement d’une série qui a compté pas moins de 11 concept cars et prototypes de genres différents ayant comme point commun ce mode de propulsion.

Pourquoi pas chez nous, alors ? Bonne question, ça, car je ne ne sais pas si vous avez remarqué (vous peut-être pas, mais les Parisiens, si !), mais le contexte devient difficile pour les dissidents de la bien-pensance écolo. Et pourtant, la voiture à hydrogène, c’est pas pour nous, du moins, pas tout de suite. Pourquoi ?

Simplement parce que gouverner, c’est prévoir, et nos têtes pensantes et autres cranes d’œuf d’énarques ont probablement d’autres préoccupations, d’où le retard de la France en la matière. Il faut dire que notre brave ministre de l’environnement, Mâme Ségo, a préféré gaspiller l’argent public en arrosant son fief électoral avec des opérations foireuses genre Mia, avec le succès que l’on sait, plutôt que de pousser d’autres énergies alternatives. Et non, on ne parle pas de la route « solaire » (sic !) à 5 millions d’euros le kilomètre.

Résultat : il y a bien quelques stations d’hydrogène en France, mais elles alimentent à une pression de 350 bars. Or la Mirai a besoin de 700 bars : là, la question est vite réglée puisqu’il n’y a qu’une station de recharge en France, à Paris, près du Pont de l’Alma. Morale de l’histoire : on compte les Mirai en France sur les doigts d’une main et au passage, merci à Toyota France pour le prêt de cette rarissime auto !

De la mobilité 2.0 à la mobilité H2O !

Au fait, comment ça marche, une voiture à hydrogène ? Vous aimez les usines à gaz ? Alors vous aller aimer la voiture à pile à combustible ! En gros, la voiture à pile à combustible fonctionne un peu, vu par l’utilisateur, comme une voiture électrique. Silence, sérénité, zénitude et gros couple disponible tout de suite, on retrouve les mêmes fondamentaux. Normal, d’ailleurs, puisque dans le cas de la Mirai, notre auto est mue par un pack de batteries et qu’au volant, l’expérience de conduite ne perturbera pas les habitués des VE. Sauf que sous le capot, tout change !

D’abord, la Mirai absorbe de l’air par les grandes entrées de sa calandre généreusement échancrée, air qui sert aussi au refroidissement de la pile à combustible, dont la température ne doit pas excéder 80 °C.

Ensuite, l’oxygène se mêle à l’hydrogène qui est contenu dans les réservoirs (du genre super blindés, ils pèsent 100 kilos à eux seuls et contiennent 122,4 litres en tout, 60 à l’avant et 62,4 à l’arrière) pour alimenter la pile à combustible (qui pèse 56 kilos et occupe un volume de 37 litres ; elle est logée sur le plancher au centre de la voiture). Là, une réaction chimique prend place (globalement, sur le mode inverse de l’électrolyse de l’eau), qui se convertit en électricité en dégageant de la vapeur d’eau. L’électricité produite alimente la batterie qui actionne le moteur (qui développe 154 ch et 335 Nm de couple). Toute moderne qu’elle soit, la Mirai fait cependant du recyclage : le moteur électrique est celui des RX 450h, déjà essayée pour vous sur le blog, et la batterie de 1,62 kWh est celle que l’on retrouve dan la Toyota Camry hybride américaine.

En fait, l’expression « usine à gaz » n’a jamais aussi bien portée son nom !

Une Prius ++++ ?

On connaissait la Prius (dont j’avais eu le plaisir d’essayer la 4ème génération pour le blog, ici), et la Prius + et ses 7 places… Au volant de la Mirai, j’ai rencontré plusieurs personnes qui ont fait la confusion avec une hypothétique « nouvelle Prius ». Mais s’il y a un lien de parenté dans les lignes, outre le fait que le Mirai est construite sur une plateforme allongée de Prius, la Mirai est doublement une « Prius +++ » par sa technologie plus avancée et aussi par ses dimensions : avec 4,89 m de long, la Mirai est un gros morceau au gabarit proche de celui d’une Audi A6, là où une Prius ne mesure « que » 4,54 m. Cela dit, ses dimensions généreuses ne l’empêchent pas d’avoir tout petit coffre de 361 litres, à cause des réservoirs d’hydrogène. Et donc, il n’y a aucune modularité.

Et ces lignes ! Parlons-en. Ou pas, car au fond, c’est subjectif. Ce qui ne fait pas de doute, c’est que la Mirai est bien une auto du futur. Perso, j’ai apprécié la face avant, avec ses feux agressifs et ses larges entrées d’air. Et à l’arrière, la coupe tronquée est un hommage au « Pan de Kamm » des Ferrari 250 GT (on trouve les références qu’on peut) (aussi nommé Kammback, NDLR). Par contre, le volume global posé sur de frêles roues de 17 pouces (et chaussées de 215/55) est à mon avis disproportionné, maintenant que le moindre monospace Diesel 115 ch peut avoir du 20 pouces.

Ce qui ne fait pas de doutes, par contre, c’est le positionnement haut de gamme de la Mirai. L’intérieur est d’excellente facture. Les sièges sont magnifiques (il n’y a que deux sièges individuels en lieu et place de banquette arrière), ils sont très confortables et les possibilités de réglage sont étendues. Ceci dit, avec le toit vitré, les passagers arrière auront le crâne dans le plafond s’ils mesurent plus de 1,85 m.

L’équipement est à l’avenant : recharge du téléphone par induction, climatisation bizone, phares bi-xénon, caméra de recul (fort heureusement, car les contours de la carrosserie sont carrément difficiles à cerner), sièges et volant chauffants (que j’ai eu des scrupules à utiliser !), 8 airbags, régulateur de vitesse adaptatif, système de maintien de ligne (mais sans correction, donc passif), commande vocale de toutes les fonctions… C’est archicomplet ! Le nuancier fait apparaître 4 couleurs (il y a aussi du blanc, gris et noir) et 3 intérieurs, mais je trouve que ma combinaison bleu / intérieur en cuir blanc lui va bien.

Bien entendu, la console centrale est dans la lignée de ce qui existe sur la Prius IV, c’est à dire moderne et digitale à la fois, mais sans les plastiques blancs « milieu de gamme » de l’hybride préférée des taxis. La Mirai présente une finition laquée, entourée de placages d’aluminium, et c’est assez classe. Dans cet univers très moderne, le « frein à main » au pied gauche fait vraiment old school. Et ce qui est old school, ce sont les stations essence qui sont dans le GPS ; on ne les fréquentera donc que si l’on meurt vraiment d’envie d’un sandwich sous cellophane.

 

On l’a dit, l’expérience de conduite ne déroutera pas les habitués des autos électriques. Contact en appuyant sur le bouton « start ». Le système se met en marche. On tire le levier de vitesse, identique à celui de la Prius, sur Drive (il y a aussi une fonction Brake, pour récupérer plus de frein régénératif), et en route. Certes, à froid notamment, on entend parfois des bruits curieux, de discrets chuintements et autres bruits d’aspiration, sans trop savoir à quoi ça correspond, mais dans la plupart des cas, c’est un silence royal qui règne à bord. Sauf, sur route, en cas de forte accélération, où là aussi quelques bruits peu identifiés remontent de la salle des machines.

Zen, évidemment…

On se doute que le client type de ce genre d’auto ne cherche pas un agrément de conduite de GTI (ou de TS, pour rester chez Toyota). De toute façon, la Mirai est lourde (1850 kilos) et ses valeurs de puissance et de couple restent modestes ; la Mirai ne cherche pas à détourner les amateurs de high performance green d’une Tesla, par exemple. La vitesse de pointe est annoncée à 178 km/h par Toyota. Pour ma part, j’ai pris 182 compteur (sur une portion d’autoroute allemande, comme le veut la mention légale).

Et le 0 à 100 est donné en 8,6 secondes, ce qui me semble un petit peu optimiste, mais a vu de pif, on reste quand même en dessous des 10 secondes, ce qui permet déjà de lâcher pas mal de monde au feu vert. Par rapport à une auto 100 % électrique, qui vous balance la purée tout de suite, la Mirai demande un petit temps de latence. Oh, un tout petit peu de temps, une micro-seconde de décalage, probablement due à la mise sous pression du système pour accéder à la réserve de puissance, moment où l’on entend discrètement le sifflement du compresseur qui alimente la pile à combustible. Si elle tient sans problèmes son rang dans le trafic, elle ne possède cependant pas les accélérations ébouriffantes de bien des engins électriques, mais elle n’est pas à la traîne non plus.

Des tests chiffrés font état de reprises de 30 à 60 km/h en 2,3 secondes, de 60 à 90 en 3,8 secondes, et de 90 à 120 en 6,3 secondes, ce qui la met au niveau d’une berline de 170 chevaux, environ… Et malgré tout, sur du bitume mouillé et lors d’accélérations en courbe, la Mirai arrive à trouver la limite d’adhérence des Michelin Primacy ce qui prouve qu’elle dépote un peu quand même.

Quant au châssis, il ne suscite pas de commentaires particuliers. Il n’a rien d’excitant à conduire, mais la Mirai est conforme à ce que l’on attend d’elle, d’autant que si elle est lourde, elle est malgré tout équilibrée avec une répartition des masses de 50/50. Stable, sereine, silencieuse (exception faite des bruits de roulements qui prennent logiquement plus d’ampleur que dans une auto thermique), la Mirai se targue en plus d’un excellent confort de suspension. En tous cas, son comportement est neutre, avec peu de cabrage et peu de roulis, pas plus de que plongée au freinage. La direction est relativement bien calibrée, seuls les freins demandent une petite habitude en phase terminale de freinage à basse vitesse, comme beaucoup d’autos qui sont équipées d’un système régénératif.

Retour vers le futur !

Le problème, c’est que toute chouette et futuriste qu’elle est, la Mirai est dans l’état actuel des choses condamnée à faire des boucles autour de la seule station de recharge existant en France. Toyota promet une autonomie d’environ 500 kilomètres et l’ordinateur de bord mentionnait un historique de consommation allant de 1,1 à 1,3 kilos d’hydrogène par centaine de kilomètres (la Mirai est homologuée à 0,76 kg/100). En général, j’essaie d’avoir une conduite vertueuse avec les engins green, mais là, pas de bol, j’ai tout le temps été pressé pendant ces quelques jours d’essai. Résultat : 1,3. Gasp…

De savants calculs donnent à cette fourchette une équivalence qui vaudrait du 7 à 10 l/100 sur une auto essence, mais en ne recrachant que de l’eau. Et non, je ne rentrerai pas dans le débat du coût actuel de production de l’hydrogène, les choses seront amenées à s’améliorer dans le futur.

Pour faire le plein, c’est simple. Enfin, surtout si vous habitez pas trop loin du Pont de l’Alma. La station étant « privée », la barrière d’accès s’actionne en composant un numéro de téléphone. La Mirai est, conformément à son positionnement, équipée d’un outil de communication de dernière technologie :

Enfin, l’essentiel est que ça marche. Ensuite, il faut un peu comprendre comment fonctionne l’interface, mais la recharge est assez facile et, surtout, ne prend que 3 minutes, durant lesquelles environ 5 kilos d’air comprimé entrent dans les réservoirs. Voilà un vrai avantage sur les VE !

Station d’hydrogène du Pont de l’Alma
3 minutes suffisent pour faire le plein

Bien qu’elle ne soit pas vraiment à vendre, la Mirai est affichée à 78 900 €, et bénéficie bien entendu du bonus maximal. Pour Toyota, l’objectif est d’en diffuser 3000 dans le monde en 2017, et 30 000 à l’horizon 2020. Quant à la France, elle attendra. Pendant ce temps-là, Sego s’est acheté un nouveau tailleur rose et Najdovski fait du vélo.

Photos : Benoît Meulin (www.bluedoorprod.fr) & GL à la station de recharge

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