Petit flash-back : nous sommes le 24 février 2012 et je pars découvrir le Twizy à Boulogne, sur l’île Seguin. Deux tours de circuit plus tard, j’en ressors avec des étoiles dans les yeux, persuadé d’avoir conduit la meilleure voiture de l’univers. Mais, dans la vie quotidienne, que vaut réellement ce petit bolide ? Réponse, après l’avoir côtoyé pendant une semaine…
Avant l’essai en lui-même, petit retour sur ce drôle d’engin qu’est le Renault Twizy : ce quadricycle lourd (ce n’est donc pas une voiture au regard de la loi) existe en deux versions : une sans permis, possédant un moteur électrique de 5 ch et bridée à 45 km/h. L’autre version, essayée ici, demande un permis B. Elle offre en échange la puissance extravagante de 17 ch et une vitesse de pointe de (attention les yeux) 80 km/h. Les deux versions sont couplées à une batterie de 7 kWh, ce qui, couplé au poids de 470 kgs, autorise une autonomie théorique de 100 kms. Voilà, le décor est planté, place au jeu.
Bon alors, un Twizy, qu’est-ce que ça vaut…
… Quand on ne veut pas se faire remarquer ?
Très clairement, passez votre chemin. Avec ses dimensions atypiques (2,32 m de long pour 1,19 de large et 1,46 de haut), ses roues non intégrées à la carrosserie, ses deux phares ronds reliés par une bande noire contenant en son centre le losange bleuté -symbole des Renault électriques-, son profil me faisant penser à un œuf sur roues (surtout dans cette teinte blanche) et son derrière qui, avec son bloc optique horizontal et sa plaque d’immatriculation carrée, me fait furieusement penser à l’univers de la délirante série Futurama de Matt Groening et de son non moins délirant personnage principal, Bender le robot. Ses fameuses portes en élytre (« Han, comme une Lamborghini !! ») complètent le tableau. On ne peut donc clairement pas dire que le Twizy passe inaperçu dans la circulation : on dirait qu’il s’échappe d’une BD de science-fiction ou d’un dessin animé…
En me tendant les clés, le responsable du parc presse m’avait mis en garde qu’environ 95 % des gens me regarderaient passer. Faux : je pense qu’on est plus autour des 97 %… J’ai arrêté de compter les pouces en l’air, les sourires, les « Papa c’est quoiiiii ?? » (Car oui, le Twizy plaît énormément aux enfants), les « Oh my god » (il intrigue énormément les américains -normal, on peut en mettre une bonne dizaine dans la benne d’un Ford F150)… En passant devant un bar à 20h00, on peut comprendre ce que Mr Hollande ressent lors de ses bains de foule, tant on se sent au centre de l’attention, et beaucoup de gens n’hésitent pas à entamer la discussion au feu rouge. Le fait qu’il ne possède pas de vitre aide beaucoup, mais nous y reviendrons plus tard. Avis aux futurs possesseurs : pensez dès maintenant à enregistrer les phrases suivantes : « c’est une Renault Twizy », « C’est électrique, on peut faire environ 80 km avec, ça se recharge en 3h30 », « à partir de 7 000 € » car vous les répèterez à longueur de journée…
… Quand on part travailler en ville ?
Les trajets domicile-travail : voilà où le Twizy pourrait bien être le plus utile. J’ai donc laissé tomber les transports en commun pour mon trajet Levallois – Nanterre. De porte à porte, je passais environ 30 minutes en transport en commun pour rallier mon domicile à mon lieu de travail, marche incluse. Le trajet Levallois – Neuilly – La Défense – Nanterre en Twizy me prenait un peu plus de temps, aux alentours de 35 minutes : rien de bien dramatique du point de vue du temps, donc. Mais, au contraire des trajets en train qui ne me plaisaient guère (merci les rames bondées et surchauffées), j’étais presque content de partir travailler, rien qu’à l’idée de conduire la Renault pour y arriver. Il faut dire qu’elle possède un pouvoir magique : le fait de vous donner une pêche d’enfer, même en roulant à 20 km/h en plein centre-ville. Est-ce dû à l’attention des autres usagers de la route, qui vous laissent passer ? Aux piétons, qui s’arrêtent de marcher à votre approche ? Au fait de se sentir moins encombrant que votre voisin de feu, tout seul dans son 5008 ? A sa vivacité, aussi bien à l’accélération que pour changer de voie ? Peut-être un peu de tout ça. En tout cas, sûrement pas à cause de l’absence de radio ou de quoi brancher son baladeur : sans aucun doute ce qui m’a le plus agacé durant cette semaine.
Concernant sa vivacité et son faible encombrement, il faut tout de même faire attention et ne pas se laisser griser par tout ceci, à tenter de zigzaguer entre les voies et tenter de remonter les files (oui, il est parfois possible de remonter les files en Twizy), car, croyez-moi, on peut parfois être tentés et cela peut rapidement devenir dangereux… On se calme donc et on se contente d’optimiser l’espace laissé par les autos, subitement devenues larges et encombrantes : hop, on se faufile entre la voiture et la ligne blanche en attendant le feu vert, hop, on se gare en perpendiculaire entre les deux autos en stationnement, bien aidé par le rayon de braquage ridiculement faible. Le créneau n’est aussi qu’une simple formalité car on peut, en sortant la tête, voir où se situent chacune des roues –littéralement aux 4 coins de la carrosserie- et ainsi se placer au millimètre près. On est bien aidé aussi par la direction, qui, même si elle n’est pas assistée, reste en toute circonstance douce et relativement légère.
Quand à la question « C’est bien ou pas que le Twizy reste ouvert ? », la réponse est à chercher du côté de votre rapport à l’automobile : si vous voulez vous sentir en sécurité, vous couper du monde extérieur en refermant votre portière, il va peut-être falloir songer à renoncer à avoir un Twizy, tant l’impression de conduire en extérieur est forte : vous voyez tout, vous entendez tout (comme par exemple comment la dame à côté de soi, dans sa Ford Fiesta, a trompé son mari), vous sentez tout. J’ai d’ailleurs commencé à entretenir une haine féroce à l’encontre des scooters, non pas à cause de leurs comportements, mais plutôt à cause du bruit insupportable généré à chaque démarrage, crispant au possible. De mon côté, et c’est plutôt étrange, mais le Twizy fait plus de bruit à l’intérieur (un petit « zuiiiiiiiiin » qui, s’il peut surprendre au début, finit par faire partie de l’ambiance générale) qu’à l’extérieur, où l’on entend pas beaucoup plus que le bruit des pneus.
… Quand on revient chez papa-maman ?
Et oui ! Quand on est étudiant, vient un moment ou la pile de chaussettes propres commence à se réduire dramatiquement, à l’exact opposé de la pile de linge sale : il faut donc songer à revenir chez mes parents, dans les Yvelines, à l’Ouest de Paris. Ce qui signifie 3 choses : 1) Je dois recharger le Twizy. 2) Je dois trouver un endroit pour mettre mon bagage dans la voiture. 3) Je vais devoir sortir de Paris.
Tâche 1 : Easy. Vous avez à votre disposition un peu partout dans la capitale les bornes de la ville de Paris où on peut se charger via une carte délivrée gratuitement par la mairie, ou bien les stations Autolib’, où il vous faudra passer par un abonnement de 15 € par an et devoir passer par la dernière borne d’une station en possédant 5 ou 6, car elle seule recèle une prise 220V nécessaire à la recharge du quadricycle. De nombreux parkings privés possèdent aussi des points de charges pour VE. Moins de 2h plus tard (comptez 3h30 pour une recharge de 0 à 100 %), ma batterie est pleine, l’ordinateur de bord m’annonce 83 kms avant la prochaine recharge, direction mon appart à 5 minutes de là où je l’avais laissé charger pour préparer ma valise.
Tâche 2 : ça s’annonce un peu plus complexe, le Twizy ne possédant que deux boîtes à gant de chaque côté du volant (assez profondes, et celle de droite ferme à clé) et un espace derrière le siège arrière contenant juste assez de place pour y glisser un ordinateur portable : plutôt mal barré pour un gros sac, donc. Or, bonne surprise : mon bagage s’insère parfaitement dans le siège arrière. Je l’attache avec la ceinture, met mes autres sacs entre le siège avant et les portes (où il y a laaargement assez de place pour les mettre) et c’est parti !
Tâche 3 : L’épreuve la moins avantageuse pour le Twizy : celui-ci étant homologué comme un quadricycle lourd, il lui est impossible de prendre l’autoroute et les voies rapides. Bye-bye A14 et A13. Il va donc falloir couper à travers La Garenne-Colombes et Maisons-Laffitte. Problème : nous sommes vendredi soir, il est 18h00, et je me retrouve à l’arrêt complet, coincé dans les bouchons, sans pouvoir m’en extirper. Car, au contraire des larges artères parisiennes et des bords de Seine entre Boulogne et Levallois, la voie n’est pas assez large pour tenter quelque acrobatie que ce soit. Je suis donc obligé de prendre mon mal en patience et de voir mon autonomie fondre dangereusement : le Twizy n’aime manifestement pas beaucoup les embouteillages, avec son lot de démarrages, d’accélérations et de freinage, puisque je me retrouve avec moins de 55 kms d’autonomie quelques kilomètres après avoir quitté mon studio. Une fois les embouteillages derrière moi, il est temps de basculer du côté obscur de la région parisienne : les espaces péri-urbains, soit des villes et des villages reliés entre eux par des départementales. Il est donc temps de voir ce que le Twizy a dans le ventre : si les 40 premiers km/h s’atteignent assez rapidement, les vitesses au dessus de 50 km/h s’atteignent, elle, beaucoup plus lentement. Mais, même si quelques conducteurs nous doublent (pour se rassurer sur les performances de leurs voitures ?), force est de constater que le Twizy ne gêne nullement la circulation, même dans les portions à 90 (merci au bridage un peu laxiste). Les sensations de conduite ? J’avais peur d’un engin branlant, montrant clairement que ses limites sont atteintes, mais il n’en n’est rien : l’engin demeure stable, un très léger filet d’air me caresse l’arrière de la tête, la direction reste prévenante, on se sent en totale sécurité. Cerise sur la gâteau, l’autonomie ne prend pas une claque : en prenant ma première portion à 90 (= sortant d’une ville avec plein de feux, de ralentisseurs et autres) et en restant à vitesse stabilisée sur 5 kilomètres, l’ordinateur de bord m’affichait 2 kilomètres d’autonomie en plus (soit, au total, 7 kilomètres « gratuits »). Comme quoi, ce n’est pas de la vitesse dont a peur le Twizy mais d’une conduite hachée. Il n’empêche : j’arrive 2 heures après mon départ, alors que j’aurais du mettre 45 minutes via l’autoroute. Concernant l’autonomie, il me reste 36 kilomètres d’autonomie sur les 83 du départ alors que le trajet en faisait 30, d’après Google Maps… Il « manque » donc 17 kilomètres, très certainement engloutis par les embouteillages.
… Quand on va à une soirée dans un trou paumé village reculé ?
A peine arrivé, il faut déjà que je rejoigne mes amis pour passer la soirée dans un petit village au milieu de la campagne, situé à très exactement 18,6 kms de mon domicile : l’aller-retour paraît juste sans recharger, mais je tente quand même. Je me détends un peu en voyant 5 kilomètres d’autonomie supplémentaires s’afficher peu après mon départ. Las : mon ami habite sur un plateau avec beaucoup de routes plutôt sympathiques pour y arriver… Très (trop ?) tentantes pour voir ce que vaut le Twizy lorsqu’on hausse le rythme. Et on n’est pas déçu : entre la direction ultra directe, les freins non assistés et l’impressionnant grip des petits pneus, on pourrait passer des heures à enchaîner les virages de toute la région, bien aidé par l’absence totale de roulis. Absence qui se paye ailleurs : si vous voulez avoir une idée du confort du Twizy, prenez la voiture la plus ferme que vous connaissez et multipliez par 5 000 la dureté de ses suspensions. Et les sièges, très peu rembourrés, n’aident pas. Enfin bref, me voilà déjà arrivé devant le portail de mon ami, et je me rends compte que la montée et le rythme élevé vont se payer cash, puisqu’il ne me reste que 13 kms d’autonomie. Bien entendu, tout le monde rapplique à mon arrivée, ma côte de popularité atteint des niveaux stratosphériques, tout le monde veut voir, toucher, rentrer dans cet étrange véhicule. J’ai beau limiter au maximum le nombre d’essais (petite info : une C-Zéro décolle bien plus vite que la Twizy dans un run, testé et approuvé), l’autonomie chute à 9 kms. Bien trop peu pour rentrer chez moi. Heureusement, nous sommes dans les Yvelines, et à fortiori dans un tout petit village, ce qui signifie que tout le monde a sa maison avec sous-sol, et qui dit sous-sol dit moult prises de courant : charger le Twizy n’est donc qu’une formalité, et je pars profiter de la soirée en toute quiétude.
… Quand on revient de soirée ?
Il est 01h30 du matin et je me décide enfin à rentrer. L’alcool aidant (pas pour moi, rassurez-vous), mes amis sont encore plus euphoriques en voyant le Twizy se mouvoir sans bruit qu’à mon arrivée… Je me retrouve immédiatement au cœur de la forêt sur une route non éclairée. Et là, mauvaise surprise : le Twizy éclaire excessivement mal la route, surtout en feux de route, bien trop hauts (et je n’ai pas réussi à les régler). On roule donc trèèèès doucement, surtout à l’approche des virages, et on commence à flipper un peu. Question température, comme le vent nous épargne, un simple pull est largement suffisant.
… Quand on a un passager ?
« Il y a deux places là-dedans ??? » Et oui ! Même si on ne le croirait pas forcément, elle est même plutôt généreuse : même lorsqu’on mesure 2,03 mètres, on rentre à l’aise (photo à l’appui) ! Et il est plutôt aisé d’y accéder : il faut juste penser à enjamber les batteries, et on s’assoit le plus naturellement du monde. Les jambes prennent, elle, l’espace entre le siège passager et la porte. Mais une fois la bête en mouvement, les choses se gâtent un peu : le confort est encore plus relatif qu’à l’avant (si si, c’est possible) et les déflecteurs, s’ils font efficacement leur travail pour le conducteur, sont complètement inutiles pour le passager… Pas idéal pour draguer, donc. Mais ça dépanne…
… Quand il pleut ?
Une semaine sans le moindre nuage. On ne va pas se plaindre, non ?
… Quand il fait beau ?
Bonheur. On comprend mieux pourquoi les essais presse ont eu lieu à Ibiza, tant le Twizy semble être taillé pour le rôle de voiture de plage : grâce à la ventilation permanente, il ne fait jamais chaud à l’intérieur de l’engin (même s’il a macéré durant des heures en plein cagnard) et nous non plus. On chausse donc ses lunettes de soleil et on se prend à rêver, au milieu des bouchons, à la côte d’Azur. Le seul problème, c’est que le trajet Paris-Nice sans autoroute fait 883 kms, ce qui correspond à 11 recharges complètes (avec une autonomie optimiste de 80 kms par charge), soit 1 jour, 14 heures et 30 minutes uniquement passées à le recharger. En prenant une moyenne de 60 km/h, vous passerez en outre 14 heures et 43 minutes à rouler, ce qui fait un joli total de 2 jours, 5 heures et 13 minutes pour rejoindre la côte. Bon courage…
… Quand on est riche ?
Aucun souci : vous serez même à peu près le seul à pouvoir vous l’offrir. La preuve ? Le seul Twizy que j’ai croisé durant cette semaine roulait à St Germain en Laye. Si le ticket d’entrée, à 7 090 € rend le Twizy encore moins cher que la Logan premier prix (qui débute à 7 700 €), il ne faut pas oublier que pour ce prix, vous n’aurez que la version 45 et vous n’aurez même pas les demi-portes. Le passage à la version 80 augmentera la facture de 700 €, les demi-portes de… 590 € (!!) et les vitres (pour le fermer entièrement) rajouteront encore 349 €. Au final, on se retrouve rapidement avec une facture tutoyant les 8 500 €, pour un engin n’offrant ni clim, ni radio, ni sièges réglables et sans coffre digne de ce nom. Il ne faut pas non plus oublier la location de batterie, qui commence à 45 € par mois, correspondant à un petit plein d’essence.
En conclusion, j’ai trouvé durant cette semaine 3 usages au Twizy : les trajets domicile-travail, la voiture qu’on laisse dans sa résidence secondaire et, dans sa version 45, en remplacement du scooter du fils de 16 ans par ses parents aisés et prévenants. Car à part ça, difficile (voire impossible) de considérer le Twizy comme voiture principale, et son prix bloque un petit peu. Mais, si on laisse de côté les motifs bassement pécuniers, force est de constater que le Twizy est une véritable machine à bonne humeur (pour soi comme pour les autres), apportant une énorme bouffée d’oxygène dans la circulation et capable de décrisper le plus blasant des dépressifs. J’ai d’ailleurs l’impression de retrouver le même état d’esprit que ce qu’incarnait la Twingo 1 il y a tout juste 20 ans (même si je n’étais pas né à son lancement). Normal, me direz-vous, les deux autos ont le même papa : Yves Dubreuil. Un gros bisou sur la truffe de ce monsieur. Il ne me reste donc plus qu’à souhaiter le même succès à cet éminemment sympathique petit objet que sa grande sœur…
Crédits photos : Ugo Missana & Jean-Baptiste Passieux
Merci à Renault pour l’aimable prêt et à Hugo pour avoir été mon passager d’un soir.