Stylée et performante, confortable et puissante, la nouvelle Audi S5 Sportback veut jouer sur tous les tableaux. Y parvient-elle ? Essai intensif et exploitation des chevaux…
Heureusement qu’il y a les optiques full LEDs, la calandre un peu élargie, et les nouvelles nervures sur le capot. Car fidèle à sa tradition, et comme je l’avais déjà constaté lors d’un essai l’an dernier de la dernière génération de l’A4 en version TFSI 252, Audi n’est pas adepte du chamboulement esthétique, à l’inverse de Peugeot avec ses 3008 et 5008. Cela s’entend si la clientèle aux quatre anneaux n’aime pas être bousculée, ni voir un achat récent immédiatement déprécié par le dernier modèle sorti.
Bref : voilà la nouvelle Audi A5 et mon jeune collègue le flamboyant Thomas vous a juste présenté la gamme au complet, aussi n’ai-je pas besoin de revenir en détail sur les améliorations techniques de cette nouvelle génération. Coïncidence de date, je me retrouvais juste après au volant d’une nouvelle S5 Sportback pour quelques jours. L’occasion d’en faire un essai plus ciblé et un poil plus poussé.
La valse des moteurs
Mais avant cela, petite piqûre de rappel. Car, ami lecteur, tu sais probablement que l’Audi A5 remonte à 2007 et qu’il y a eu une version un poil sportive, la S5, se positionnant en dessous d’une autre plus radicale, la RS5. Bien.
Maintenant, accroche-toi, parce que c’est un peu compliqué et voici donc l’occasion de l’une de ces follement amusantes rubriques « apprends plein de choses en te distrayant et va ensuite briller en société lors d’un prochain cocktail grâce au blogautomobile.fr ».
La première S5 de 2007 (type B8) faisait appel à un V8 4.2 atmosphérique de 354 chevaux à 7000 tr/mn et 400 Nm de couple à 3500 tr/mn. Sympa. Cette motorisation n’a concerné que la S5 Coupé, de 2007 à 2012. En 2009, Audi multiplie les pains et la dénomination S5 touche aussi le Cabriolet et la Sportback (type B8.5). Pourtant, ces deux versions S5 n’ont pas le V8 : en effet, se trouve sous le capot un V6 3.0 compressé de 333 chevaux à 5500 tr/mn et 440 Nm à 2900 tr/mn. Ainsi, la typologie S5 a pu recouvrir des motorisations différentes au sein d’un même millésime. Fin du bordel en 2013, quand le S5 Coupé passe lui aussi au V6 compressé.
Pour 2017, c’est toujours un V6 de 3.0 sous le capot de la S5, toutes carrosseries confondues. Mais s’il revient – putain, la migraine ! – à la puissance du précédent V8 (354 ch, mais à 5400 tr/mn), ce bloc n’a rien à voir avec l’ancien V6 (malgré ses cotes identiques : 84,5 x 89 mm), d’autant qu’il en a plus dans les bielles avec 500 Nm de couple dès le régime de quasi ralenti de 1370 tr/mn !! Et sous le capot, 800 pièces mécaniques ont été changées et les culasses disposent désormais de collecteurs d’échappement intégrés, mais surtout, que le compresseur a laissé la place à un turbo, avec à la clé, deux bonnes nouvelles : le bloc a gagné plus de 6,1 m/kg de couple, de surcroît disponibles plus bas, et pèse 14 kilos de moins. Voilà, vous savez tout.
Toutes ces évolutions n’ont qu’un but : gagner en efficience sans perdre en patate parce que quand même, la patate, c’est bon ! Ainsi, la première S5 Coupé V8 était à 12,4 l/100 en conso mixte officielle. Puis, les V6 compressés sont descendus à 7,7 l/100, tandis que notre S5 Sportback turbo est donnée pour 7,5 l/100 en conso officielle mixte et 170 grammes de CO2. Mais bon, les consos officielles, c’est un peu « Oui-Oui se prend pour Dame Sego » et on verra en fin d’article ce qu’il en est en réalité !
Première classe
En attendant, force est de constater que c’est classe de monter à bord de cette S5. Et tant pis si cela confine au cliché : la qualité des assemblages et de l’intérieur est juste hallucinante et entre les sièges matelassés (une option, certes), les placages en carbone, le Virtual Cockpit (avec, sur les S5, la possibilité d’opter pour un gros compte-tours central, même si je préfère la cartographie Google Earth du GPS), ça le fait.
Et bien, même. L’autre bonne surprise, c’est que malgré la ligne de toit en pente de cette A5 Sportback, les places arrières sont plutôt généreuses et que malgré ma grande carcasse, je pourrais voyager à l’arrière sans avoir la tête dans le plafond (point trop n’en faut, déjà qu’il y a une araignée dedans). Et quand au coffre de 480 litres, il est pratique avec son grand hayon.
Nonobstant, la meilleure place, c’est derrière le volant. Petit tour du « propriétaire » avant de monter dedans : les 4 sorties d’échappement, la couleur bleue, profonde, les rétros en alu brossé et les belles jantes, ça le fait bien aussi.
A froid, le V6 démarre dans un bruit sourd et tient son ralenti à 1200 tr/mn pendant quelques instants ; ensuite, ça se calme, mais j’ai toujours un faible pour ces éphémères moments de bonheur et de résonance sonore et matinale dans les parkings souterrains, car il faut savoir dénicher la poésie là où elle se trouve.
Avant de partir, on peut paramétrer toutes les assistances à la conduite, car la S5, comme les dernières générations d’Audi, est quasiment parée pour une conduite quasi autonome.
Néanmoins, j’ai constaté que le système de lecture des panneaux de limitation de vitesse était un peu perfectible, avec des erreurs récurrentes. Tout comme le témoin vert qui demande de lever le pied, qui m’a parfois injoncté de réduire la cadence alors que j’étais en roue libre en descente… Malgré cela, entre le régulateur de vitesse adaptatif, le maintien de ligne actif, le freinage d’urgence, on peut presque se laisser conduire, puisqu’il y a même un système de correction de trajectoire automatique.
Les multiples capteurs et caméras aident à cerner le gabarit de l’auto, conséquent sans être toutefois gigantesque (4,73 m de long), mais la rétrovision vers l’arrière n’a rien d’exceptionnel. Et je n’aime pas trop manœuvrer au bruit !
Bref. Commençons en douceur. Le Drive mode possède un mode « efficience », mais on va commencer en « confort ». La boîte S-tronic à 8 rapports n’est pas exempte de petits à-coups au démarrage, mais ensuite tout se passe dans une grande douceur. D’autant qu’en mode confort, la boîte passe un peu les rapports comme si l’on se trouvait au volant d’un gros turbo-diesel, soit vers les 1500 / 1700 tr/mn. Et c’est encore pire en mode « efficience », où l’on peut se retrouver à cruiser légalement sur le périf’ à 900 tr/mn en E7. Dans les deux modes, la boite a aussi un effet « roue libre ».
Malgré la zone rouge à 6500 tr/mn, je soupçonne que la S5 tire un poil long. Et si vous avez l’habitude de lire mes articles sur le blog, vous savez que je suis le Emile Zola du braquet (et de rien d’autre, hélas). Quand c’est trop long, j’accuse !
Et donc :
J’accuse ! (ou pas…)
Car on se retrouve en 8ème à 2000 tr/mn à 130 km/h, ce qui nous fait du presque 400 km/h de vitesse de pointe théorique. C’est beaucoup. Certes, cela profite certainement à la conso à vitesse stabilisée et il ne faut pas oublier que le turbo souffle sans temps mort, puisque le gros couple est dispo dès 1370 tr/mn.
Mais la S5 évite le tribunal car, en fait, ceci n’est pas une fatalité : merci au mode « dynamic », qui se révèle assez judicieux dans son auto-adaptabilité. Quand je caresse la pédale de droite d’un sensuel et voluptueux orteil, il comprend mes intentions avec beaucoup d’empathie et balance le braquet supérieur : on peut donc être en « sport » et cruiser aussi peinard qu’en « confort ». Mais dès que j’appuie un peu plus, la boîte comprend aussi mes intentions et a même le bon goût de ne pas passer systématiquement le rapport supérieur quand on module l’accélération.
Et l’accélération, c’est un truc que j’ai beaucoup aimé faire avec la S5 ! Car en mode « dynamic », la sonorité d’échappement est plus pleine, carrément mélodieuse, sans toutefois devenir gavante comme sur une vraie sportive plus radicale.
En conduite dynamique, le V6 commence à vous incruster le dos dans le siège vers 2500 tr/mn, sous l’effet de la courbe de couple qui devient roborative. Puis, à 3000, il change de son : là, on sent qu’il va se passer un truc. Ça pousse. Bien. A 4000 tr/mn, les 4 sorties d’échappement laissent échapper une note plus cristalline. Ça pousse toujours et ça n’amuse pas le terrain. A 5500 tr/mn, régime d’obtention de la puissance maxi, fin de l’histoire ? Eh bien, non, ça ne s’essouffle pas. Au contraire, ça pousse encore avec un dernier coup de rein jusque 6500 tr/mn. Et dans cet exercice, la boîte 8 fait bien son boulot et enquille les rapports sans broncher.
Dis donc, elle s’est bien métamorphosée, la berline calme de tout à l’heure. Au point que lâcher tous les chevaux sur petite route est un peu compliqué, et qu’on regarde le compteur en se disant que tout cela n’est pas totalement raisonnable, car la S5 tartine vraiment : seconde à 90 km/h, troisième à 130 km/h, 4ème à 175 km/h, 5ème à 225 km/h, et ça continue de pousser… La vitesse maxi est donnée pour 250 km/h (limitée) et le 0 à 100 pour 4,7 secondes, ce qui va déjà bien !
Une polyvalence assez incroyable…
Au final, c’est l’étendue de la palette des compétences qui laisse pantois. Confortable et super équipée, la S5 l’est, évidemment. Mais même avec les réglages sur « dynamic », direction et suspensions sont plus fermes sans être too much, et la façon dont Audi a peaufiné les réglages est assez remarquable, avec une direction précise et une caisse bien tenue mais toujours confortable.
C’est donc un peu Jekyll et Hyde, cette auto. D’autant qu’on peut aussi la provoquer un peu. Certes, avec le Quattro, il faut user d’artifices, mais ça peut marcher : exemple, arriver trop fort dans un virage, couper un peu la traj’ et passer sur des bons gros zébras bien mouillés, lever le pied brusquement, puis remettre du gaz. C’est peu académique, mais dans ce cas l’arrière décroche avant que tout se remettre dans l’ordre à l’accélération, dans une belle douceur malgré les 1735 kilos (soit 75 de moins que la génération précédente) et sans que, à bord, je n’ai d’inquiétudes de voir le rail s’approcher au volant de cette belle auto qui vaut quand même plus de 92 000 € (dans la configuration d’essai avec les options, le tarif commence à 75 700 €). Les nouveaux réglages du système Quattro sont à 40/60 avant / arrière, mais peuvent selon les conditions balancer de 70 à 85 % de la puissance sur l’arrière ; ma voiture d’essai était d’ailleurs équipée du différentiel Quattro Sport en option, à 1630 €. Cela modifie l’équilibre et rend la S5 plus sympa à conduire.
C’est drôle, d’autant que quelques heures avant, j’étais peinard sur une petite départementale en mode « efficience », à me balader tel le citoyen modèle en consommant 7,7 l/100. Pas mal, non ? Certes, le bilan global est moins bon et Audi a dû demander au Dalai Lama de passer les tests d’homologation pour sortir officiellement 7,5 en mixte (et donc 170 grammes de CO2 et 4673 € de malus) car en ce qui me concerne, je sors une conso moyenne finale à 11,9 l/100, avec du 10,4 sur autoroute, 15,4 au quotidien dans Paris et 14,4 en roulant fort sur départementale ; du coup, avec 58 litres dans le réservoir, l’autonomie n’est pas toujours gigantesque. Mais c’est vrai qu’avec ce V6 généreux et mélodieux, je suis resté moins zen que Dalai. Il est vraiment fort, Dalai.
Photos : Benoît Meulin (www.bluedoorprod.fr)