Essai : Mercedes-Benz EQE 350+. Messe pour le temps présent

EQE

Au volant de cette EQE, un constat s’est imposé à moi : de mémoire, je n’avais jamais conduit de Mercedes-Benz auparavant. Passer quelques jours à bord de cette grande routière électrique fut probablement l’un des plus beaux moyens de débuter avec la marque…

Bon, petit mensonge dans cette introduction : j’ai déjà conduit une Mercedes-Benz…mais ce n’était pas une voiture particulière, puisque c’était le gros Marco-Polo avec qui je suis allé faire du camping dans les ballons des Vosges en 2016. Mais là, après quelques kilomètres à bord de l’EQE, me rendre compte que c’était ma première “vraie” Merco m’a fait bizarre. C’est vrai quoi, Mercedes-Benz, c’est pas n’importe quoi. C’est une histoire, c’est une promesse… J’avais hâte de prendre la route.

Assez parlé de moi, parlons de l’auto. J’ai donc récupéré une EQE, petite sœur de la grande EQS dont Thomas nous parlera bientôt, dans sa version 350+. Au programme, un moteur électrique à l’arrière de 215 kW (soit 292 ch) pour 565 Nm de couple, alimenté par une batterie de 90.6 kWh, dont 89 kWh sont réellement utilisables. En roulant pépouze, l’autonomie annoncée est de 617 km WLTP, mais l’EQE peut taper les 210 km/h et expédier le 0 à 100 km/h en 6.4 s – un score pas décoiffant car la voiture pèse lourd, très lourd : 2.35 tonnes, on s’approche doucement du cachalot. Une Model S avec pourtant 10 kWh de plus et un moteur supplémentaire pèse quasiment 300 kg de moins !!

Bref, assez de fat shaming, passons à la découverte des lignes de la Mercedes. Quelle étrange voiture que cette EQE. Sur les photos, cette allure de limace ne m’inspirait pas grand-chose, mais avoir pu tourner autour de la voiture pendant cinq jours m’a permis d’affiner mon jugement : je crois que j’aime bien. Je trouve même que la voiture dégage une vraie prestance, en fait. Alors, certes, l’aileron collé sur le coffre ne remportera pas la palme de l’intégration la plus fluide, certes, la partie avant reste quand même assez cheloue et certes, la porte conducteur de ma voiture est mal assemblée, mais j’aime bien. Ah, et je suis en pâmoison complète devant ce Rouge Jacinthe à 1 500 €.

Ah si, seul vrai bémol à mon goût, partagé par l’ensemble de la gamme EQ de la marque : la calandre en plastique noir uni, c’est non. C’est déjà moche sur une Hyundai Ioniq de 2017 à 30 000 €, alors sur une voiture de 2022 à 76 000 € minimum, c’est clairement pas possible -et ce n’est pas le graphisme avec les petites étoiles qui me fera changer d’avis.

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On s’approche, bzz, les poignées sortent toutes seules de la carrosserie, installons-nous à bord. Première satisfaction : je n’ai pas droit à l’Hyperscreen, cette énorme dalle regroupant trois écrans (un derrière le volant, un au centre et un pour le passager) qui remplace la quasi-totalité de la planche de bord et que je n’aime pas. Cette option (à…8 650 €) n’est de toute manière pas dispo sur ma version d’essai – il faut taper dans la variante AMG 53 pour pouvoir y accéder. A la place, j’ai donc une planche de bord bien plate (qui porte donc bien son nom) en bois, au centre de laquelle trône un écran format portrait à l’image de la dernière Classe C, par exemple ; un second écran est quant à lui placé derrière le volant pour afficher classiquement les informations de conduite.

Qu’est-ce que j’en pense ? J’aime bien ! J’étais un peu circonspect sur l’ergonomie générale en découvrant la voiture (quatre barrettes de boutons sur le volant, sérieusement ??) mais j’ai très rapidement retrouvé mes petits. Au pire, un petit “Hey Mercedes” réveillera l’excellente commande vocale qui pourra utiliser à peu près n’importe quelle fonction de l’EQE. L’écran des compteurs est très lisible quelle que soit la configuration choisie (compteurs classiques, navigation, aides à la conduite etc etc) ; concernant l’écran central, je suis un peu étonné des graphismes/polices d’écritures un peu vieillots, surtout à l’heure de l’omniprésence du flat design, mais les menus sont suffisamment clairs et logiques pour expédier rapidement les principales tâches du quotidien.

Niveau habitabilité, l’EQE étant tout de même un sacré gabarit (4.95 m de long pour 1.96 m de large), on est en droit d’espérer une habitabilité de premier ordre. Profitant d’un empattement XXL (3.12 m, soit 18 cm de plus qu’une Classe E aussi longue), la Mercedes électrique offre aux passages arrière un espace aux jambes assez royal ; la banquette assez creusée permet quant à elle d’avoir une position des jambes presque naturelle, là où beaucoup de modèles bas imposent d’avoir les genoux trop remontés du fait de la batterie dans le plancher. Je serai un peu moins enthousiaste avec la capacité du coffre : 430 litres, c’est pas dingue pour ce segment, d’autant plus que le capot avant impossible à ouvrir nous prive d’un rangement supplémentaire à l’avant.

Petit focus sur la finition. A première vue, l’EQE nous gâte avec du beau cuir, du vrai bois, de la suédine et de l’aluminium, et certaines pièces sont juste sublimes (les aérateurs latéraux en forme d’hélice, quelle beauté, quelle joie à manipuler !!). Les assemblages et la qualité des plastiques semblent être très sérieux…jusqu’au moment où votre main touche la vilaine vis au bout de l’accoudoir de la porte, là où on trouve également un tout aussi vilain plastique tout dur -dommage d’avoir négligé cette zone où on y met pourtant fréquemment la main. Mais ne laissez pas ce petit désagrément oblitérer le principal : on est bien, à bord de cette EQE. Il est temps de prendre la route.

On débranche et on part. Enfin…commençons d’abord par sortir du parking. Bonne nouvelle pour ma part, mon EQE était dotée de l’option des roues arrières directrices à 10° -dix degrés, c’est absolument énorme, la majorité des systèmes s’arrêtant aux alentours des 3 à 5°. Le diamètre de braquage passe alors de 12.5 m à 10.7 m, plus court qu’une Classe A ! Et de toute manière, les caméras dans tous les sens nous permettent de passer outre le montant A trop épais et de filer hors de notre place de parking sans rien abîmer.

Et c’est là où le kiff commence. Même en ville, l’EQE est un plaisir à rouler : le silence est d’or, les turbulences de la chaussées disparaissent avec la suspension pneumatique (+ 2 100 €) et, comme d’hab, les palettes au volant modifiant l’intensité du freinage régénératif me séduisent au plus haut point. Sur la Mercedes, trois niveaux sont disponibles : roue libre, frein moteur modéré et conduite à une pédale (ah si, un quatrième mode “intelligent” est disponible, a priori gérant tout seul l’intensité en fonction du trafic, des panneaux et des feux stop mais je n’étais pas au courant de l’existence de ce mode durant l’essai 🙂 ). Je reviendrai un peu plus tard sur les aides à la conduite mais sachez que l’assistance dans les embouteillages est vraiment bien foutue et permet de se relaxer encore un peu plus. Côté autonomie, j’ai parcouru 40 km en me prêtant vraiment au jeu de l’éco-conduite et je m’en suis sorti avec une conso de 12.9 kWh/100 km, un score honorable mais que j’aurais aimé peut-être encore un peu plus bas étant donné les conditions. Enfin, relativisons : ça nous fait quand même titiller les 700 km d’autonomie.

Sortons de la ville, prenons les départementales ! Un milieu dans lequel on peut se permettre d’appuyer un peu sur le champignon…et de se rendre compte que ce n’est vraiment, mais vraiment pas la tasse de thé de l’EQE. Premièrement au niveau des accélérations et des reprises, où la Mercedes propose une atmosphère à mille lieux de la brutalité d’une Tesla Model S, par exemple ; non, là, c’est pas explosif pour un sou, c’est tout doux, tout feutré. Peut-être une volonté dans la calibration de l’accélérateur, peut-être la résultante du poids de mammouth laineux, sûrement un peu des deux. Un doute qui revient également dans les virages : autant la direction est plutôt précise, autant la caisse aura tendance à se traîner dans les virages, expédiant la moindre notion de dynamisme à des années-lumière. Terminons avec la pédale de frein à la trèèèèèèèèèèès longue course et au ressenti extraordinairement spongieux. Résumons : l’EQE et le sport, c’est non, mille fois non.

Non, le terrain de prédilection absolu de la Mercedes électrique, c’est bien sûr l’autoroute. La voiture se pose sur un rail, dans un silence et un confort ultimes. Je vous parlais plus haut de l’assistance en embouteillages, mais l’ensemble des aides à la conduite fait partie du gratin de ce que j’ai pu essayer. Un ami me disait quelques jours avant, en parlant d’elles, que “c’était comme avoir un chauffeur” et je vois exactement ce qu’il veut dire : aucune brutalité, aucune hésitation, la conduite est souplissime, on se laisse vraiment porter. Nous, on en profite pour se faire masser (plein de programmes, tous d’excellente qualité !) et profiter du paysage. Si je veux être vraiment tatillon sur un point, c’est sur la sono Burmeister de 710 W ; la plupart du temps, elle excelle à sa tâche, mais je trouve que les basses sont un peu moins bien définies que chez les sono Bowers & Wilkins des Volvo 90. Enfin, c’est vraiment pour chipoter.

Mais qui dit autoroute dit pause recharge. L’EQE propose une charge rapide montant jusqu’à 170 kW, un score honnête pour la catégorie mais, plus que la valeur crête, c’est la courbe de charge qui détermine réellement la durée de l’arrêt. J’ai branché la Mercedes sur une borne Ionity et j’ai fait un 19 % -> 62 % (soit 45 kWh) en 17 minutes, ça nous donne un solide 158 kW de puissance moyenne sur cette période. Et effectivement, la voiture a tiré 170 kW en continu de 19 % à 35 % avant de descendre doucement jusqu’à 130 kW lorsque je l’ai débranchée. J’avoue ne pas avoir prolongé l’expérience jusqu’à la charge complète mais la recharge n’est pas donné (et j’étais un peu pressé) ; ceci dit, mon expérience est de bonne augure pour la suite de la recharge. Pour tous les jours, l’EQE propose un chargeur de 11 kW de série, pouvant monter à 22 kW pour 1 200 € supplémentaires.

Petit aparté sur la conduite de nuit. Mon exemplaire était équipé du “Digital Light”, un système par LED matriciels qui avaient la particularité de pouvoir afficher des pictogrammes juste devant la voiture ; par exemple, si on se rapproche un peu trop de la voiture devant soi, hop, petit pictogramme pour nous inciter à lever le pied ; une zone de travaux ? Là aussi, un petit panneau s’affiche et une sorte de tapis s’illumine devant nous pour nous aider à nous placer sur une voie rétrécie. Ça peut sembler bizarre dit comme ça, mais regardez cette vidéo, vous comprendrez bien mieux. Un gadget ? Sur la partie illuminations, peut-être, mais il faut souligner que la partie “anti-éblouissement” fonctionne du feu de Dieu et permet de réellement garder ses plein phares en permanence. Tout le monde ne peut en dire autant…

Quant à l’habitacle, c’est un peu plus funky puisque, à l’instar de toutes les Mercedes-Benz, l’EQE embarque tout un barda d’éclairage d’intérieur, réglables dans à peu près toutes les couleurs du spectre -on peut même programmer des schémas dynamiques du plus mauvais goût. Là aussi, la frontière avec le kékéisme primaire est ténue, mais l’éclairage ambré est celui qui m’a le plus plu. À vous de voir.

Allez, parlons tarifs. Si l’EQE commence à 76 250 € dans sa version 300 Electric Art, l’excluant donc du moindre bonus écologique, ma version 350+ AMG Line s’affichait 83 150 €…avant d’ajouter les 22 460 € d’options (!!!) qui l’ont rendu si pimpante. Un total d’un peu plus de 105 000 €, donc, l’excluant fatalement de beaucoup de bourses, mais les rares & heureux acquéreurs seront ravis de constater une conso somme toute raisonnable : j’ai rendu la voiture avec une conso de 17.2 kWh/100 km après 820 km passés en majorité sur autoroute, complété par des bouchons franciliens et un peu de départementales nivernaises -avec cette conso, on peut espérer dépasser de peu les 600 km d’autonomie. L’aérodynamisme soigné vient donc compenser le poids XXL et c’est tant mieux.

Qu’est-ce que je conclus de cet essai ? J’en conclus que j’ai adoré cette EQE. Vraiment. Un peu parce que je la trouve vraiment charismatique, surtout parce qu’elle est si agréable à conduire. Elle propose exactement ce que j’attends d’une grande routière : avec elle, on peut tracer la route sans stress, sans crispation, dans toutes les conditions, longtemps, paisiblement. A son volant, on peut avoir ce luxe de déconnecter, de se laisser aller, de se recentrer. De profiter du temps présent. Durant le prêt, j’ai fait une chose que je ne fais quasiment jamais : je suis parti rouler avec, seul, sans but, juste pour le plaisir. Pour ressentir ce truc. C’est rare. Autant en profiter…

Comme je le disais, cette berline électrique était ma porte d’accès au monde Mercedes-Benz et, si le reste de la gamme est du même acabit, j’ai grand hâte de prendre leurs volants.

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux

Merci à la team Sbarro pour les photos dynamiques et pour le week-end <3

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