Essai : Renault Talisman 1.6 dCi 130 : le bon compromis ?

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Avec la Talisman, Renault a de nouveau une proposition crédible sur le segment des grandes berlines. Essai de la version 1.6 dCi 130, la plus « grand public ».

La Renault Talisman, on commence à bien la connaître sur notre blog. Mes estimés collègues Stéphane au stylo et Ugo à la photo étaient à la présentation en grande pompe en juillet dernier (ici) au château de Chantilly et les 78 commentaires suscités par l’article démontrent que les tentatives de Renault pour revenir sur du « haut de gamme » ne laissent pas indifférent. Et ce même si ce segment a perdu 30 % de ses parts de marché cette dernière décennie, victime de la concurrence des SUV…

Ensuite, cela a été au tour d’Ugo, cette fois-ci durement sollicité (texte & photos !) d’aller à la présentation officielle en Toscane, (dont il nous a rapporté de magnifiques photos sous la neige), des versions dCi 160 et TCe 200, en finition Initiale Paris. Bref, on commence à la connaître, la Talisman, d’autant que mon petit doigt me dit qu’on vous parlera bientôt en détail de la version break.

Sauf que le gros des ventes ne se fera pas avec les motorisations haut de gamme, mais avec une plus modeste 1.6 dCi 130 (il existe également une 1.5 dCi 110, dont on peut penser qu’elle sera destinée aux radins et aux gestionnaires de flotte d’entreprise dont le bonus annuel est indexé sur le taux de CO2 ; des pervers, en somme). Morale de cette introduction : un essai de la version la plus populaire était carrément légitime.

Ma dCi 130 possède quelques différences notables par rapport à la dCi 160 essayée par Ugo : 30 ch et 60 Nm de moins, bien évidemment, mais aussi et surtout la possibilité d’être livrée avec une boîte manuelle à 6 rapports (l’EDC 6 est une option à 1500 €, alors qu’elle est de série sur la dCi 160), et l’impossibilité d’avoir accès à la finition ultime Initiale Paris. Au final, ça change beaucoup de choses.

Performances, équipements, feel good factor ? Pour tout savoir, c’est ici que ça se passe !

30 chevaux de moins…

Ben ouais : 30 chevaux de moins que le fleuron de la gamme, ça nous fait un petit 1.6 de 130 chevaux dans une grande berline de 4,85 m de long. Est-ce que l’équation ne devient pas déséquilibrée ? En fait, pas tant que cela. Car si la Talisman a grandi et gagné 15 centimètres par rapport à la Laguna II qu’elle remplace, elle pèse également 60 kilos de moins et avec l’option châssis 4Control (inaugurée sur la sus-mentionnée Laguna il y a presque 8 ans), elle promet de faire oublier ses dimensions et son poids…

La Talisman est ouvertement sur le créneau des « aspirant premium non-allemandes (ou presque) » : entendez par là qu’elle ne pourra pas se poser comme alternative à un prospect d’Audi A4, de BMW Série 3 ou de Mercedes Classe C, mais qu’elle a pour objectif de semer le doute à un acheteur potentiel de Citroën C5, de Ford Mondeo, de Peugeot 508, de Mazda 6, de Skoda Superb, de Toyota Avensis, voire de VW Passat. Pour cela, elle compte sur sa plastique qui est, ma foi, plutôt aguichante même dans cette version dCi 130 en finition Intens, le second niveau proposé après la Zen.

Avant de monter à bord, l’impression (très personnelle, certes) que me fait cette Talisman est qu’elle captive le regard et possède une véritable identité. Qui peut cliver, certes, mais qui a le mérite d’exister. C’est vrai aussi que, venant de la triplette Laguna, Fluence et Latitude, Renault émerge d’une sorte de trou noir stylistique et la nouvelle identité de marque voulue par Laurens van den Ackers commence à porter ses fruits.

À l’intérieur, même scénario : la Talisman abat deux cartes maîtresses pour séduire dans cette finition Intens. D’abord : de très jolis sièges en cuir (option à 2500 €, incluant les fonctions chauffage, ventilation et massage) avec fonction ventilée, massante ou chauffante. Ensuite, des placages de bois au niveau de la planche de bord, de la console centrale et des contre-porte, qui font évidemment très premium. Dommage, par contre, de tomber sur des plastiques assez granuleux au niveau de la console centrale, qui pondèrent un peu la première impression, qui était plutôt flatteuse ; idem pour le plastique qui entoure le grand écran vertical de 8,7’’, assez basique. Pourtant, les faibles surfaces vitrées donnent une ambiance confinée et assez cosy.

Sous le capot, le bien connu 1.6 dCi sort 130 ch à 4000 tr/mn et 320 Nm. Il est associé, en entrée de gamme, à une boîte manuelle à 6 rapports qui tire relativement long : comptez 1550 tr/mn en 6ème à 90 km/h, en deçà du régime de couple maxi (qui est 1750 tr/mn-) ; 115 km/h à 2000 tr/mn, 160 à 2800 tr/mn et une vitesse maxi de 205 km/h chrono. Soit la preuve qu’elle tire un poil long. Officiellement, la Talisman dCi 130 promet aussi le 0 à 100 km/h en 10,4 secondes, ce qui est plutôt correct pour une berline Diesel de ce gabarit. Ceci dit, il n’y a pas de critiques négatives à émettre sur le feeling de l’accélération, de l’embrayage et de la boîte de vitesse, même si le débattement du levier est assez long et impose de bien décomposer les gestes, surtout pour aller passer la 6, loin, là-bas. Mais en même temps, la vocation d’une grande routière Diesel de 130 ch est d’être assez placide non ? On en reparlera dans notre paragraphe dédié au châssis !

Et avant de tester la tenue de route, un petit mot sur l’habitabilité : c’est palace ! Même de trop : le siège conducteur avait la fonction « easy access » enclenchée et se recule lors de la montée à bord. Hélas, il n’avançait ensuite pas assez et au bout de trois passages à bord, je me retrouve à un mètre du volant avec le siège bloqué et l’obligation d’avoir des bras de gibbon. C’est mignon un gibbon (ou pas !), mais moi j’aime conduire avec le siège au plus bas et tout près du volant, me voilà servi ! Dommage pour ce petit bug, mais qui ne retire rien à l’essentiel : l’espace à bord est du genre gigantesque. Outre le généreux coffre de 515 litres, la Talisman propose largement assez d’espace pour ses occupants à bord, à l’avant comme à l’arrière, d’autant qu’à 2,81 m, l’empattement est en progès de 5 cm par rapport à la Laguna II. Selon les réglages des sièges avant (enfin, quand ils veulent se régler), l’espace aux jambes des passagers arrière varie de 12,5 à 37,5 cm ; c’est mieux qu’une Mercedes Classe C (10-36), mais évidemment un peu moins qu’une Skoda Superb (essayée ici et ), qui reste décidément le cargo de la catégorie (25-49).

Une pression sur le bouton Start. Le 1.6 dCi s’ébroue dans une relative discrétion. Commandes douces, on l’a dit, le petit Diesel séduit d’emblée par sa souplesse à bas régime et son absence de vibrations. Totalement apathique si l’on recherche à repartir vigoureusement en seconde ou en troisième à 1000 tr/mn, il se révèle par contre déjà disponible quelques petites centaines de tr/mn plus haut. Déjà présent dès 1500 tr/mn et presque vigoureux à partir de 1800 tr/mn, le petit 1.6 dCi permet à cette Talisman 130 de ne pas donner l’impression à son conducteur d’être au volant d’un engin sous-motorisé. À noter : les différences de rendement entre le mode « éco » et le mode « sport » du Multi Sense ; d’un côté, un moteur quand même très doux mais franchement pas nerveux ; de l’autre, une réponse plus directe à l’accélérateur et un vrai dynamisme, même si je n’ai pas bien saisi l’intérêt de la sonorité « sport » et plus affirmée du 1.6 dCi. Bref, c’est bien contrasté, ce qui n’est pas le cas de tous les véhicules présentant différents modes de conduite où, parfois, la différence est quand même très cérébrale.

D’autant que cette mécanique bien élevée s’accompagne d’un silence de fonctionnement tout à fait remarquable (bruits de roulement et bruits aéro, merci au Cx de 0,27) qui participent, avec le moelleux des sièges et la suspension conciliante en mode « confort », à un agrément routier de très haut niveau. Dévorer des kilomètres n’a donc rien d’une punition au volant de cette Talisman dCi 130, bien au contraire.

Et sobre, avec ça !

Et ce, d’autant que la sobriété revendiquée par le Losange n’a rien de (trop) usurpé. Alors qu’elle est donnée pour 3,9 l/100 (et 102 g de CO2), j’aurai terminé une semaine d’essai sur mon parcours habituel avec une conso moyenne de 6,2 l/100, avec des extrêmes à 4,1 (sur départementale, en mode éco et en conduite strict legal, en suivant les indications de passage des rapports voire en les anticipant un peu en 5 et en 6, grâce à la bonne volonté du petit 1.6) et 7,6 l/100 (en départementale, en mode assez pressé mais prudent), en passant par du 5,9 sur autoroute. Bref, c’est très correct pour une voiture de ce 4,85 m de long pesant 1505 kilos. À noter cependant que l’option 4Control réduit le réservoir de 52 à 48 litres et l’autonomie d’autant, mais qui reste correcte malgré tout.

On pourrait aussi se demander s’il est nécessaire d’opter pour le 4Control et la suspension pilotée sur un engin qui est quand même, disons, raisonnablement motorisé ? Dans un sens, les réglages « confort » sont effectivement remarquables de moelleux et de bien être. Dans l’autre, si les 4 roues directrices apportent effectivement un véritable plus en termes d’agilité (d’autant que par rapport à la Laguna qui l’a inauguré, il ouvre les roues arrière d’1° de plus, ce qui fait que le 4Control réduit le diamètre de braquage de 12,1 à 11,3 mètres), qui sera valorisé par les conducteurs dynamiques (mais n’oublions pas que la grande berline statutaire vise quand même un grand nombre de quinquagénaires placides), mais en position « sport », le châssis n’est pas exempt de critiques, avec un feeling de direction qui n’est jamais trop communicatif. C’est certes plus ferme, mais ça manque quand même un peu de rigueur avec des mouvements de caisse qui restent présents ; notons quand même les freins, dont le mordant et la puissance font carrément référence dans ce segment. Tout ça pour dire que si, pour vous, une grande berline Diesel de 130 ch, ça se conduit avant tout comme une papymobile, alors vous pouvez envisager l’économie des 1700 € du pack 4Control.

Parce que justement, au niveau tarif, la Talisman fait payer ses prestations au juste prix par rapport à la concurrence : elle débute en finition Life dCi 110 à 27 900 €, mais en optant pour cette version, ça ne doit pas être la fête tous les jours. La finition Life, d’ailleurs, n’est réservée qu’au dCi 110. Le dCi 130 a droit aux deux finitions intermédiaires, Zen et Intens, respectivement facturées 31 200 et 34 200 € (plus 1500 € pour la boîte EDC6). Mon modèle Intens possèdait quelques options intéressantes : pack City (ouverture mains libres du coffre, Easy Park Assist, caméra de recul, avertisseur d’angles morts, à 1270 €), Bose Surround System (800 €, assez convaincant), pack cuir (2500 €), pack Hiver (volant chauffant – à la commande bizarrement installée près de la contre-porte en bas à gauche du volant –, lave phare, buses de lave glace chauffantes, à 550 €), pack 4Control (avec amortissement piloté et jantes de 19 pouces Alizarine, à 1700 €) et peinture métallisée Gris Cassiopée à 720 €. On peut encore faire mieux, avec le toit ouvrant panoramique, facturé 1100 €.

Au moment de faire le bilan, la Talisman séduit surtout par son confort et son agrément de conduite, ainsi que par les bonnes manières de son petit dCi 130. Cependant, la copie n’est pas parfaite. Au niveau des équipements de sécurité, on peut se demander pourquoi l’alerte de changement de voie reste passive (sans remise en ligne) et pourquoi le régulateur de vitesse adaptatif ne va pas au-delà de 140 km/h (et nos amis allemands ?). Et côté pratique, une petite semaine d’essai n’a pas suffi à ce que ne je trouve pas l’ergonomie de la tablette tactile assez compliquée, avec des passages pas très logiques d’une fonction à l’autre. Exemple : je suis en mode « confort », de nuit, et je considère que la lumière bleue au plafonnier est un peu trop puissante. Je fouille dans les menus, parvient à la supprimer, et soudain, la route fait défiler une belle brochette de virages. Je passe donc en mode « sport » et, toc, je récupère la lumière du plafonnier. Certes, tout cela est paramétrable dans les « préférences »… mais j’ai tendance à penser que le « tout tactile » a des limites, surtout quand je vois que personne, à la concession Renault, n’a expliqué à mon vieux père que l’écran de son dernier Kadjar perso était tactile…

Il n’empêche, lookée, performante, silencieuse, confortable et sobre, la Talisman a quand même beaucoup d’arguments pour faire oublier le fait que toutes les tentatives de Renault pour occuper des parts de marché significatives sur le segment du « haut de gamme » depuis ça :

… ont été récompensées par des bides commerciaux assez retentissants, en dépit d’un éventuel capital sympathie (notamment pour l’Avantime, que j’ai eu la chance de posséder en V6 3.0 pendant 2 ans).

Photos : Benoît Meulin (© Blue Door Prod)

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