« Plaisir ». En ces périodes troubles pour l’automobile à motorisation thermique, avoir ce mot à la bouche devient presque tabou. Les voitures anciennes ? Interdites ! Les voitures de sport ? Sur-taxées ! La voiture électrique ? Il va falloir attendre encore quelques années avant de disposer de petites sportives abordables et surtout plaisantes à mener sur des petites routes campagnardes sans pour autant tomber en panne de batteries après 3 virolos. La solution ? Tout le monde en Autolib pour combler le fiasco financier de l’opération pourtant tant vantée par la Mairie de Paris (et les quelques dizaines de millions que le contribuable épongera à n’en point douter via un énième impôt. Comment ça vous n’étiez pas au courant ?).
C’est après avoir rédigé cette petite introduction (traduisant entre autres ma colère face aux dernières mesures prises par la Mairie de Paris) que je compte bien vous exposer une de nos dernières trouvailles chez Blogautomobile pour sauvegarder le plaisir de conduite, le 4 cylindres atmosphérique ! Ah ? On me susurre à l’oreille que l’idée est déjà prise.
Ça alors ! Certains 4 cylindres auraient donc échappé à l’infatigable mode du turbo et du downsizing ? Oui ! Et c’est bien entendu chez les japonais que se trouve la, que dis-je, LES solutions. En voici deux, et ça ne date pas d’hier !
En toute honnêteté, cet article est également une de nos dernières idées du moment pour emprunter de nouveau la charmante MX-5 qui nous plait définitivement beaucoup ! Mais c’est également l’occasion de vous proposer à l’essai la version « facelift » de l’amusante Toyota GT86. Deux 4 cylindres atmosphériques, deux alternatives au plaisir de conduite non ruineux.
Un peu d’histoire (parce que la culture, c’est cool !)
1989. Mazda marque un grand coup en renouant avec les fameux roadsters abordables et simples de conception, si chers à nos amis d’outre-Manche. Dessinée dans les studios de design californiens de la marque japonaise, puisant son inspiration dans les années 60 et plus particulièrement dans la Lotus Elan première du nom, la Mx-5 propose dès sa sortie un 4 cylindres atmosphérique 1.6 l développant 115 ch. Maniable, léger, abordable, mignon tout plein, le succès est au rendez-vous et Mazda en est aujourd’hui à sa quatrième génération (c’est la nôtre !) et plus d’un million d’exemplaires vendus à travers la planète. Nous essayons aujourd’hui la version 2.0 160 ch en finition Sélection Edition, chapeautant la gamme.
Autre manière d’aborder la question, avec un toit cette fois-ci. Toyota produit à partir de 2012 son coupé GT86 dérivé du concept-car FT86 et laissant espérer une digne descendante de la série Celica et plus anciennement de la fameuse AE86, plébiscitée aujourd’hui par les fans de voitures japonaises et de mangas. 4 cylindres 2.0 l atmosphérique développant 200 ch pour environ 1250 kg, c’est 40 ch de plus que la Mx-5, mais également 200 kg de plus ! Ces deux japonaises sauront-elles nous convaincre ? Direction la région de Reims-Gueux pour le découvrir !
Watch me now
Le « paraître » de ces deux nippones ne surprendra personne (waaaah, je fais même des rimes t’as vu ?). Traits tirés, arrêtes saillantes, et regards incisifs, ces deux-là ne sauraient renier leurs origines (rappelons que la MX-5 et la GT86 sont toutes deux produites exclusivement au Japon, gage de qualité nous l’espérons !). La MX-5 rompt d’ailleurs avec l’évolution entamée par les trois générations précédentes, à savoir : toujours plus de rondeurs ! La ligne est modernisée et Mazda compte ainsi convaincre des acheteurs dont l’agressivité de la ligne prime largement sur le reste ! Je regrette toutefois un manque de dynamisme à l’arrière. La NC avec ses ailes galbées et son diffuseur arrière avec une sortie d’échappement de part et d’autre donnait un petit côté « badass » à la poupe et asseyait nettement la ligne. Nul besoin d’avoir recourt à des combinés filetés et ressorts courts comme beaucoup de propriétaires le font avec des NA et NB pour gommer le côté SUV des amortisseurs d’origine (n’insistez pas, je ne le ferai pas sur la mienne).
Badass vous avez dit ? Je n’ai à ce jour trouvé aucun autre qualificatif pour qualifier la GT86. Larges sorties d’échappement, laaaaaarge diffuseur arrière (en plastique !), large spoiler avant, mais pas du tout larges (mais alors pas du tout !) pneumatiques. Les ingénieurs Toyota ont en effet privilégier l’expérience de conduite que la puissance pure (bien que le 2.0 l aurait mérité quelque chose en plus, nous y reviendrons plus tard). Ainsi, pneus de Prius, propulsion, répartition des masses équilibrée et paf : gros travers sa mère ! Pardonnez mon langage familier et entendez plutôt une tendance naturelle au sur-virage et à la dérive contrôlée. Ce qui nous amène tout naturellement au prochain point, l’agrément moteur !
Un 4 cylindres atmosphérique, noblesse mécanique ?
Bien entendu, pour une somme avoisinant les 30 000 € pour un achat neuf, les termes de « noblesse mécanique » vous seront totalement étrangers. Vous pouvez en revanche passer outre le sempiternel turbo et accéder à une expérience de conduite presque inédite en ces temps moroses : le 4 cylindres atmosphérique. Exit le « pshhht » omniprésent en conduite dynamique. Couplés à des boites manuelles 6 rapports, nos deux 4 cylindres promettent des sensations « à l’ancienne » où le conducteur faisait corps avec la machine. Comme le clame Mazda pour la promotion de son roadster, la frontière entre homme et machine ne doit plus être apparente, les deux acteurs coexistent en parfaite symbiose et obéissent au principe du Kodo, littéralement âme du mouvement. On dirait bien que dans la conception de son coupé, Toyota a également privilégié le mouvement, bien que ce dernier concerne plus le train arrière que l’ensemble de la voiture (les amateurs de drift vont se régaler). Nos deux japonaises ont au moins ça en commun : une nette tendance au survirage, et des aides à la conduite désactivables et ÇA c’est fun ! Une véritable école de conduite en somme. Assez de puissance pour vous amuser, assez également pour réussir à vous faire peur.
Égoïsme à son paroxysme
Sièges enveloppants, cuir/alcantara, pédales recouvertes d’aluminium, à votre avis, dans laquelle sommes-nous ? Les deux ! Il faut dire que les japonais n’ont pas donné dans l’originalité en ce qui concerne les habitacles. Cependant, l’esprit « Grand Tourisme » est bien plus présent dans la Toy’, avec un ensemble de boutons poussoirs typés aéronautique. Du reste, l’ensemble fait plutôt vieillot. La cartographie GPS semble venir d’un autre âge, les contreplaqués en imitation fibre de carbone laissent une impression de finition cheap de même que le volant au design très peu travaillé uniquement surplombé du symbole « 86 » à la police clairement inspirée des mangas. En revanche, l’ergonomie du poste de conduite est pensée avant pour le conducteur. Le frein à main (un vrai !) donne envie d’être tiré brutalement tandis que le long levier de vitesse tombe naturellement sous la main. En bref, l’ensemble manque de finition et on se demande clairement où vont nos 34 000 € (hors malus).
La Mx-5 quand à elle prend le parti d’un design très épuré. Les lignes tendues de la carrosserie se prolongent naturellement à l’intérieur. On a droit à la fameuse absence de boîte à gants pour ne retrouver qu’une simple trappe entre les deux sièges. Parlons-en des sièges, le choix du 2.0 l atmosphérique et de la finition Sélection vous permet d’accéder à de superbes baquets Recaro au maintien tout à fait exemplaire, et en plus ils sont chauffants ! À vous les échappées d’hiver décapoté, bien calé au fond de votre cocon. Et quel plaisir de saisir la fine jante du volant trois branches. Évidemment, il manque le petit logo « Nardi » qui trônait fièrement au centre des premières et deuxièmes générations sur quelques rares versions. Le système de navigation est bien plus intuitif et moderne que celui de la Toyota et comporte la particularité d’être tactile à l’arrêt et réglable via un joystick lorsque vous roulez (ça évite de vous pencher lorsque vous conduisez, c’est toujours ça).
Au volant.
Le nerf de la guerre de ces deux autos est indéniablement le plaisir de conduite. Je saisis la clef de la GT86 (cheap elle aussi pour ne rien changer) puis la remets dans ma poche, point de système d’entrée keyless, ni de clef à insérer pour faire vrombir le 2.0 l Boxer. Un seul gros bouton magique. Pied sur la pédale d’embrayage et oreille tendue, j’appuie d’un coup sec et……pas grand chose. Un petit ronronnement plutôt discret et surtout inhabituel. Pour tout vous dire, je croyais même que le moteur ne tournait pas rond à mes premiers tours de roues. La sonorité est décidément très particulière, mais curieusement, au bout d’un week-end complet passé au volant du GT86, je ne pouvais plus m’en plus passer.
Ah, un rond-point. Je ne devrais pas… Non je ne le ferai pas. La route est humide et je viens tout juste de la prendre en main… Ce n’est vraiment pas raisonnable. Pourtant, il n’y a pas grand monde aux alentours… Je n’ai décidément aucune volonté. Deuxième, on prend bien à l’extérieur, grand coup de volant à gauche et c’est parti ! En fait non, l’ESP activé à ce moment là bloque complètement le train arrière dans un bruit sourd qui laisse bien sous-entendre que je fais souffrir la voiture. Premier constat : ne pas jouer avec l’ESP activé. Le comportement de la voiture avec ESP n’est tout simplement pas naturel, la voiture bloque avant même que vous n’ayez eu à contre-braquer. Pour un spécimen apprécié des amateurs de dérapages contrôlés, bad point. Le petit bouton « track » change pourtant la donne, en transformant la GT86 en véritable « drift machine ». Les pneus de Prius prennent cher, leur bas prix ne vous rebutera pas à les changer fréquemment , c’est déjà ça ! Notre terrain de jeu situé aux alentours de l’ex-circuit de Reims-Gueux laisse enfin apparaître un parcours intéressant composé d’un pif-paf qui mettra à rude épreuve la tenue en courbe de mes deux japonaises du jour.
Malgré une direction un peu trop lourde mais vraiment précise, le Boxer à la sonorité enivrante pèche par un manque cruel de puissance et de reprise. Ce n’est pas un trou, c’est un véritable gouffre entre 2500 et 4000 trs/mins, la plage d’utilisation pourtant la plus fréquente pour un 4 cylindres atmo au quotidien. Le tracé aux allures de course de côte se fait donc en troisième, ESP désactivé avec une très légère dérive du train arrière vers la gauche, jouissif. L’avantage avec ce manque cruel de punch, c’est que chaque mouvement de caisse est prévisible et contrôlable, on se prend vite à mener la GT86 sans ménagement dans chaque virage. En revanche, à chaque portion de ligne droite, la peur de me faire dépasser par un quidam doté d’un diesel un minimum puissant m’envahit. À quoi bon disposer d’un look agressif et d’une propulsion qui ne demande qu’à s’amuser si c’est pour manquer de puissance. Reste le plaisir de jouer du levier, exercice nécessaire à chaque insertion sur autoroute ou moindre dépassement sur route à double-sens. Par contre, adieu sobriété. Plaisir accessible avec une consommation moyenne à plus de 10l/100km ? On repassera. Pas sûr qu’un simple restylage gonfle les ventes anecdotiques du coupé en France, sans oublier le malus.
S’attaquer à une légende ? Ce n’était pas du tout le but, d’autant que la (quoique, il faut dire « le » selon Mazda) MX-5 aborde les choses tout à fait différemment. On dirait un jeune chien fougueux prêt à courir après n’importe quel objet que vous lui lancerez. Cette fougue n’a d’ailleurs jamais été aussi présente qu’avec ce sympathique 2.0 l, à la sonorité travaillée et bien plus « naturelle » que celle du GT86.
La double sortie tremble au démarrage et s’esclaffe à chaque montée en régime. L’avant se cabre tel un chien qui démarre sa course après la fameuse balle de tennis déchiquetée bien connue des propriétaires de nos amis canidés. On retrouve l’intérêt d’un 4 cylindres atmosphérique, la recherche de puissance dans les tours avec un sourire sur votre visage de plus en plus large au fur et à mesure que vous prenez des tours. 5000 trs/min, il est temps de passer la troisième et bon Dieu que c’est jouissif. En toute honnêteté, je n’ai encore jamais été si excité de monter/descendre un rapport qu’avec ce petit levier. Chaque verrouillage de rapport est net, sans craquement ni fioriture. Le débattement du levier est tout simplement parfait, bref un vrai régal.
Pour parfaire le tout, l’ESP est très permissif et vous permet de jouer du volant de manière tout à fait naturelle sans pour autant tomber dans la grosse dérive et la grosse attaque nécessaire pour retrouver votre trajectoire. À tel point que l’on n’est presque pas tenté de le désactiver. En une phrase ? Y goûter, c’est ne plus pouvoir s’en passer. Je vais écrire à notre Ministre de la Santé pour inscrire la MX-5 dans les médicaments remboursés à 100 % par la sécu. Un peu comme les miracles à Lourdes : une pèlerinage en MX-5 peut faire des miracles !
La MX-5 et la GT86 font finalement partie de la race des seigneurs et ont un avantage : elles sont complémentaires. Le côté pratique du GT86 par rapport à la MX-5 est indéniable, l’expérience de conduite différente que ce soit au niveau de la sonorité ou de l’intervention des aides. On passera d’ailleurs plus de temps à luter sans ESP avec le GT86 qu’on ne le passera à jouer avec ESP dans la MX-5. Mais une GT86 pour la semaine et une MX-5 pour le week-end, ça a de la gueule non ? Mais le but premier étant le plaisir accessible, acquérir les deux n’aurait décidément aucun sens. Définitivement pas une bête de piste, la GT86 perd donc presque tout son intérêt face à la MX-5. La solution ? Un swap V6, je ne vois que ça.
Crédits Photos : Ugo Missana
Mes remerciements à Toyota et Mazda pour le prêt de ces jouets aux fortes tendances survireuses.