Pour ce premier volet de la saga “à la découverte de…” qui, comme son nom l’indique, traite de véhicules méconnus, place à une hybride italo-allemande. Ne vous méprenez pas, nous n’allons pas parler d’une aînée européenne de la Toyota Prius mais plutôt d’un prototype conçu conjointement entre les firmes des pays respectifs…
En 1968, le styliste italien Giorgietto Giugiaro fonde son studio baptisé Ital Styling devenu par la suite Italdesign. Après un passage chez Bertone et Ghia pour lesquels il va signer des monuments de l’automobile (Maserati Ghibli, Aston Martin DB4 GT Jet, Iso Grifo…), une envie de battre de ses propres ailes se faisait en effet sentir. Dès les premiers mois, Italdesign fait forte impression puisque la maison est l’auteur de l’Alfa Romeo Alfasud et de la Maserati Bora.
Mais c’est véritablement la Maserati Boomerang, présentée aux salons de Turin 1971 (en tant que maquette) puis de Genève 1972, qui va marquer les esprits. Si mécaniquement elle reposait sur la base de la Bora précédemment évoquée, c’est-à-dire un V8 4.7 L, elle était totalement inédite au niveau esthétique. Très basse, la Boomerang arborait des lignes anguleuses, de grandes surfaces vitrées, un pan arrière droit et un intérieur totalement délirant puisque l’ensemble des informations utiles au conducteur et des boutons étaient regroupés au milieu du volant.
Évidemment, telle création ne pouvait tomber dans l’oreille d’un sourd, marquant le début d’une longue liste de réalisations pour Giugiaro. Et puisque le style a été apprécié du public et des critiques, autant l’appliquer à d’autres voitures. Citons pêle-mêle la DeLorean DMC-12, la Lotus Esprit ou encore la Volkswagen Scirocco.
Mais un autre prototype peu connu a hérité du même style, et c’est le sujet de notre article d’aujourd’hui : la Audi Asso di Picche. Née d’un partenariat entre l’allemand Karmann et l’italien Italdesign, la Asso di Picche (As de Pique dans la langue de Molière) repose sur une plate-forme de la sage Audi 80 B1. Sage peut-être, mais très économique et la volonté de Karmann de réaliser un coupé quatre places en petite série doit en passer par là.
Italdesign est donc mis à contribution pour le style qui doit se rapprocher de la fameuse Boomerang. Ainsi, même recette : une ligne anguleuse, un nez très bas, profil semblable, arrière à pan coupé offrant un court porte-à-faux et intérieur original. Exit le volant regroupant les compteurs, place à un cylindre qui court le long du tableau de bord. Autre excentricité embarquée, des sacs en cuir détachables placés dans les portes pour faire les courses (!). Et grâce à son dessin, quatre adultes peuvent aisément prendre place à bord.
Côté moteur, Karmann et Italdesign envisageaient de reprendre les mécaniques de la 80, à savoir les deux moteurs quatre cylindres de 1.3 et 1.5 L jugés suffisamment robustes et puissants.
Néanmoins, malgré sa présentation lors du salon de Francfort 1973, l’Asso di Picche n’eut aucune suite commerciale. Pourtant plébiscitée par le public de l’événement, elle se heurta à la politique du groupe Audi/Volkswagen. Ce dernier refusait d’offrir une concurrente potentielle à la future Scirocco tandis que Audi ne voyait pas vraiment l’intérêt d’un tel prototype. Peut-être aussi que le manque de lien visuel entre l’Asso di Picche et les modèles Audi a joué en sa défaveur : hormis les quatre phares et les anneaux à l’avant, difficile assurément de faire la connexion !
C’est donc un échec que connurent Italdesign et Karmann. Toutefois, Giugiaro alla jusqu’au bout de sa vision en créant l’Asso di Quadri (As de Carreau) en 1976 sur base de BMW E21 ainsi que l’Isuzu Asso di Fiori (As de Trèfle) en 1979. A quand une Asso di Cuori pour fermer cette page de l’histoire ?
Crédits photos : Thomas Bersy / Wikipédia / Italdesign / Oldconceptcars