Tiens, une nouvelle Bristol ! Si sur le fond c’est une bonne nouvelle de voir cette marque mythique exister encore, il aurait été préférable de s’abstenir.
Bristol Cars, pour les lecteurs ne connaissant pas cette officine, est un lilliputien constructeur britannique issu du grand avionneur Bristol (constructeur notamment des Blenheim et autres Beaufighter de la seconde guerre mondiale, mais c’est un autre sujet). Bristol produit depuis la fin des années 40, et en toute petite série, de très luxueuses et exclusives voitures, dont le raffinement ravale une Rolls Royce au rang d’un chariot à boeuf. Ironie de l’histoire, les premières voitures Bristol seront propulsées par des moteurs développés dans les usine BMW bombardées par les alliés ! Au fil des années, plusieurs modèles ont vu le jour, dont les 407 et 408, rivales des Aston DB4 (aucun rapport avec les Peugeot du même nom), propulsées par des V8 Chrysler.
Une petite manufacture (le mot “usine” est vulgaire), un seul point de vente à Londres et une clientèle très select et so british. Rien pour affoler les chiffres de vente : ne serait-ce qu’apercevoir une Bristol est aussi fréquent que le passage de la comète de Halley. Environ 6000 voitures fabriquées en 70 ans, ça c’est de l’exclusivité. La marque connût cependant une petite heure de gloire dans les années 90, quand le chanteur du groupe Oasis, Liam Gallagher, a acquis une Blenheim. Pas la plus jolie des Bristol, avec son look de Ford Escort Mk.2 allongée, mais quelque chose d’atypique, parfait pour une rock star. La marque s’est fourvoyée dans les années 2000 avec la production d’une supercar vulgaire propulsée par un V10 de Dodge Viper : la Fighter (et son dérivé turbo Fighter T). So shocking pour la clientèle traditionnelle. Et le drame arriva : redressement judiciaire, licenciements, et rachat par Kamkorp en 2011 (propriétaire entre autre de Metrocab, le fabricant de taxis londoniens).
Et nous voilà 5 ans après avec l’aboutissement du projet Pinnacle : la Bullet. D’abord présentée sous la forme d’un protoype camouflé au Festival of Speed de Goodwood, la version définitive vient d’être révelée. Comme je suis d’un naturel optimiste, commençons par la bonne nouvelle : le retour d’un moteur BMW sous le capot d’une Bristol. Il s’agit du V8 de 4,8 litres, vu dans quantités de production bavaroises (pas la bière, les voitures) mais aussi dans les Morgan Plus 8. Il est donc déjà un peu anglais et semble supporter le climat insulaire. Il serait “retouché” par Bristol, qui doit probablement se contenter d’apposer son nom dessus et de le baptiser “Hercules”. Donné pour 374 ch et 490 Nm, il devrait pouvoir mouvoir sans soucis la légère carrosserie de 1 250 kg tout en carbone.
Le moteur est bon, qu’en est-il du reste ? C’est bien là que ça se gâte un peu. Le rétro design, ça peut être sympa, mais point trop n’en faut. L’évocation du passé, OK. La pâle copie dénaturée, non. La Bullet est donc une version furieusement modernisée d’une respectable Bristol 405 Drophead, coursifiée, rabaissée, tunée. Bref, une Bristol Hot Rod, encore une fois bien éloignée de toute la tradition de la marque : luxe, calme et puissance “suffisante”. Je fais mon vieux râleur, “c’était mieux avant”, etc… Essayons de regarder la Bullet de manière objective. La calandre ? Quasiment celle de la 405, phare central en moins. Les flancs ? Verticaux comme la 405. Juste un trait de tôle qui remplace le jonc chromé d’époque. Les ailes arrières ? Elle se terminent avec des mini ailerons, comme…. Bon, vous avez compris : le design fait plus que rendre hommage à la 405, dont un prototype de speedster aurait été découvert dans les ateliers. Bristol a décidément du mal à évoluer : la même découverte avait déjà généré la création de la catastrophique Blenheim Speedster.
Esthétiquement, c’est plutôt lourdaud et peu convaincant. Dans le même esprit, Touring Superleggera avait fait bien plus joli avec la Mini Superleggera Vision (relire ici).
L’habitacle est étonnamment un peu mieux réalisé. Une fois passés les énormes pontons latéraux, sans doutes propices à la pratique du triple saut, vos yeux se posent sur du cuir fauve, du bois d’arbre et de la moquette. Le design de l’ensemble est cependant totalement quelconque et ne déparerait pas dans une Toyota Corolla millésime 1984. Un grand écran multifonction trône au milieu de la planche de bord. Sa présence est quelque peu incongrue dans une voiture aussi minimaliste, dépourvue de capote ou même de pare-brise. La qualité de finition semble a priori excellente, ce qui est la moindre des choses pour une voiture dont le prix de vente estimé est de l’ordre de 300 000 €. Presque cadeau pour une Bristol.
Allez, comme j’ai été méchant, le meilleur pour la fin : VMax estimée de 250 km/h (limitée) et 0 à 100 en 3,8 secondes. C’est quand même pas mal. Sa production devrait être très limitée (on parle de 70 exemplaires) et en cela au moins elle rejoint la tradition maison ! L’initiative de faire renaître une marque aussi prestigieuse est très louable, mais le produit aurait certainenement besoin de nettes améliorations.
Crédits photos : Bristol Cars