Retour sur l’exposition du Centenaire

Au fil des années, les 24h du Mans ont progressivement obtenu le statut de légende ultime du sport automobile. C’est l’une des rares courses ayant conservé son audience et son aura même lorsqu’elle ne faisait partie d’aucun championnat. Le temps qui passe, les réglementations successives, les drames, trop nombreux, rien n’a réussi à ternir l’image de la classique mancelle. La course est aujourd’hui centenaire.

Intégrée au WEC, tous les constructeurs échangeraient volontiers le titre mondial contre une victoire au général. Une page majeure de l’histoire automobile s’écrit tous les ans dans la banlieue de cette ville moyenne de France, connue dans le Monde entier. 100 ans après son premier départ, le Musée des 24h a organisé une rétrospective. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle fut à la hauteur. Quelques mois après sa clôture, nous avons voulu revenir sur certaines voitures présentées, afin que l’on se rappelle longtemps encore à quel point cette exposition était exceptionnelle.

Ferrari 166MM

La Ferrari 166MM appartient à la collection permanente du musée. Elle est d’ailleurs régulièrement prêtée lors de manifestations françaises. La marque italienne remporte la première de ses 10 victoires en 1949 grâce à ce modèle, deux ans à peine après sa création. La suite fait partie de la légende du Mans et de Ferrari. Attention toutefois, ce châssis n’est pas le vainqueur aux mains de Luigi Chinetti : il passe des jours paisibles aux Etats-Unis.

Mercedes 300 SL

En 1952, Mercedes emporte la course avec la première version de la 300 SL, déjà dotée de portes papillons. La voiture venait à peine de sortir des ateliers. Le début des années 50 ont été une des grandes périodes sportives pour Mercedes, avant une longue interruption due à l’accident de 1955. La 300 SL donnera son nom à une voiture de production, quelques années plus tard, avec pour seul réel point commun le système d’ouverture des portes et un moteur à 6 cylindres. Le châssis ici présenté est bien le vainqueur, résidant habituellement aux Etats-Unis.

Ferrari 250 TR

Nous sommes en 1958, 4 des 5 dernières éditions ont été remportées par Jaguar et ses magnifiques Type D. Ferrari engage une 250 TR qui va dominer quasiment toute la course. Elle va ouvrir la voie à une série de victoires qui se prolongera jusqu’en 1965. Cette voiture est basée à Hong-Kong mais elle est régulièrement en voyage et a même participé au rallye du concours de Chantilly en 2017, sous une pluie battante. Auparavant, elle a fait un séjour de quelques décennies au Mas du Clos.

Autre châssis à être passé par le Mas du Clos, cette 250/275P est une voiture majeure de cette exposition. Elle fait partie des très rares voitures à avoir gagné 2 fois les 24h du Mans. Mieux, ce furent deux années de suite, en 1963 et 1964. Premier prototype à moteur arrière de Ferrari, inaugurant la série “P”, cette voiture a vu son histoire exhumée que récemment, à l’occasion d’une vente et un passage à Maranello. La confusion provenait de l’engagement tardif de la voiture en 1963 à la place du châssis initialement prévu. Elle a rejoint la collection de Brandon Wang, au milieu de quelques autres merveilles.

On a tendance à l’oublier mais Jaguar a connu une période faste aux 24h du Mans avec 5 victoires en 7 éditions au début des années 50. C’est avec une Type C que la série a débuté mais c’est surtout les 3 victoires de la sublime Type D que l’on retient. La voiture floquée du numéro 3 aux couleurs de l’écurie Ecosse a gagné en 1957. La numéro 17 n’est pas une vraie gagnante, elle vient représenter les années 55 et 56. Jaguar gagnera à nouveau en 1988 et 1990. La Type D de 1957 est visible habituellement au musée Louwman aux Pays-Bas, au milieu d’une spectaculaire collection.

La Ferrari 250 LM a une histoire mouvementée. Elle devait prendre la succession de la 250 GTO mais les instances sportives n’ont pas été sensible au charme d’Enzo Ferrari et la voiture (une 275P avec un toit) a été logiquement considérée comme un prototype. Elle a donc connu une carrière de voiture vendue aux équipes privées et n’a pas couru pour la Scuderia. Au delà de son absolue beauté, la 250 LM a pour fait de gloire d’avoir remporté une victoire surprise en 1965, devant les “vrais” prototypes. Ce fut, jusqu’en 2023, la dernière victoire de Ferrari au Mans. La voiture présentée lors de l’exposition a terminé 6e de cette même édition.

Vous avez ici deux châssis qui cumulent 3 victoires au Mans. La Ford GT40 MkI en livrée Gulf a, comme la 275P, gagné deux années consécutives, en 1968 et 1969. Quant à la GT40 MkIV, elle a gagné en 1967. Si on ajoute la MkII qui était engagée au Mans Classic ce même jour, la victoire de 1966 (celle du film Ford vs Ferrari) était également de la partie. Henry Ford voulait gagner au Mans, les moyens mis à disposition étaient quasiment illimités et le géant américain a eu raison du prestigieux artisan italien. Entre 1966 et 1969, les 24h étaient aux couleurs américaines. Notez que ces deux voitures résident habituellement aux Etats-Unis.

Nous arrivons en 1970 et la marque qui détient aujourd’hui le record de victoires n’a pas encore gagné. Sous l’impulsion de son bouillant et génial responsable de la compétition (et aussi petit-fils du fondateur) Ferdinand Piëch, les allemands développent une évolution de la 908 équipée d’un énorme flat 12, la 917. D’abord dotée d’un longue queue mais jugée instable et dangereuse par ses pilotes, c’est la version 917K qui verra Porsche triompher en 1970 et 1971. La rouge (1970) est dans une collection privée et son clone court régulièrement en courses historiques, tandis que la blanche (1971) appartient à Porsche. Il s’agit de la dernière 917 assemblée, dotée d’un fragile châssis en magnésium. Les 917 suivantes seront des versions ouvertes, principalement destinées aux courses américaines de Can-Am.

Matra MS670

Depuis Bugatti (1937 et 1939) et Talbot (1950), la France n’a pas brillé sur ses terres. Le changement de réglementation en 1972 ouvre la porte à Matra et à son V12 de 3 litres. Les voitures bleues emportent 3 victoires consécutives avec Pescarolo qui écrit alors sa légende. En 1975, c’est la Mirage GR8 (au fond en livrée Gulf) qui emporte la course privée de grands constructeurs mais pas de grands pilotes puisque c’est le duo Ickx/Bell qui triomphe.

La fin des années 70 et les années 80 marquent la domination totale de Porsche sur le Mans avec 10 victoires en 12 éditions. Vous avez sous les yeux les vainqueurs de 1977 (936/77), 1981 (936 “Jules”), 1982 (956 #1), 1984, 1985 (956B, jaune, deux fois le même châssis, les premières victoires du team Joest Racing) et 1987 (962C #17). La voiture ayant gagné en 1986 (une autre 962C) était alors sur la piste pour le Mans Classic. La “Jules” et la voiture de 1982 sont à Porsche, les autres vivent des jours heureux dans des collections privées.

Après la parenthèse chanceuse de la pas si rapide Mazda 787B en 1991, Peugeot gagne deux fois en 1992 et 1993. La 905 et son fabuleux V10 atmosphérique de 3,5 litres permet à la marque au lion de diversifier sa domination sportive après le rallye et le rallye-raid. Seule la F1 échappera toujours aux français. Les deux 905 appartiennent à Peugeot.

Une vieillissante Porsche 962 gagne en 1994. L’année 1995 est considérée, avant le départ, comme une année de transition mais les circonstances de course (une pluie dense pendant la majeure partie de la course) favorise les GT et c’est McLaren, avec une voiture qui n’était pas destiné à connaître la piste qui triomphe. La F1 entre dans la légende malgré son échec commercial. Le châssis #01R appartient à la marque et nous a rendu de nombreuses visites ces dernières années.

Porsche 911 GT1 98

La victoire de 1995 ouvre l’ère des GT1 mais il faudra attendre 1998 pour qu’une GT1 triomphe de nouveau. La faute au redoutable Team Joest qui engage une voiture improbable, la Porsche WSC-95) mais qui gagnera 2 fois de suite. L’usine met alors le paquet sur une version qui oublie l’esprit GT. Le châssis 003 l’emporte dans une bataille de constructeurs que Mercedes tentera de rejoindre l’année suivante. Comme toute les GT1 98 existantes, cette voiture appartient à Porsche.

Audi va dominer de manière écrasante les années 2000, tout d’abord avec la barquette R8. Les deux voitures ici visibles sont une R18 TDi (noire) et une R18 e-Tron Quattro (bleue) qui inaugure l’ère de l’électrification des LMP1. Si la première gagne de très peu devant les Peugeot 908 (quelques secondes, ce qui fait de l’année 2011 l’une des victoire les plus serrées de l’histoire), la victoire de 2012 du même équipage est sans bavure. En 2013, Tom Kristensen s’offre une 9e victoire, record absolu.

Porsche revient en 2014 et gagne dès 2015. En 2016, la 919 Hybrid (numéro 2 ici) gagne dans le dernier tour après l’abandon déchirant de la Toyota qui a mené quasiment toute la course. En 2017, Porsche gagne malgré un arrêt d’une heure grâce à la débandade de toutes les autres voitures d’usine et annonce son retrait dans la foulée, laissant la porte ouverte à Toyota. La 919 rejoint sa grand-mère 917 au panthéon de la marque.

Après des années de tentatives ratées, Toyota fini par emporter la victoire tant attendue aux 24h du Mans. Seul hic, la concurrence est quasiment inexistante les premières années, venant un peu ternir ces succès. Alonso gagne en 2018 et 2019. La TS050 (photo du milieu de 2019 et de droite de 2018) gagne encore en 2020 à huis clos. La GR010 (photo de gauche, vainqueur 2021) prend le relais en 2021 et 2022 avec l’arrivée progressive de la concurrence dans la nouvelle catégorie hypercar. Glickenhaus et Alpine servent de faire-valoir aux japonais qui s’imposent plutôt facilement.

L’exposition présentait d’autres voitures victorieuses (Bentley Speed 8 ou Mazda 787B par exemple, des voitures d’avant-guerre également). Des modèles significatifs mais non vainqueur étaient là aussi : Ferrari 330 P4, Ferrari 250 GTO, 917 LH. Des roulements ont été constatés (départ de la Porsche TWR). Quoi qu’il en soit, le spectacle était total et l’histoire automobile était sous nos yeux, sans maquette ou réplique. Un immense bravo aux équipes du musée qui ont réussi à réunir un plateau d’une telle facture.

Crédit photos : Pierre CLEMENCE

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