McLaren F1 : celle qui a eu raison trop tôt ?

McLaren F1

Tout(e) passionné(e) d’automobile a une voiture qui le (la) fait rêver depuis toujours, celle qui serait la première acquise en cas de gain à l’Euromillions ou d’héritage venu des Amériques. Pour ma part, la fortune ne suffirait peut être pas à atteindre cet objectif. Le modèle que je cite en premier lorsqu’il s’agit de révéler “quelle est ma voiture préférée” est en effet particulièrement rare et sa cote atteint des sommets. Il s’agit de la McLaren F1, icône de la fin du XXème siècle.

A son lancement effectif dans la seconde moitié des années 90, la McLaren F1 était déjà une voiture atypique : hors de prix, trois places de front, production plus que limitée, triomphe au 24h du Mans, record de vitesse (qui tient toujours s’agissant des moteurs atmosphériques) et carrière chahutée. Aujourd’hui, elle est un mythe. Hier, elle était à part, différente.

Un peu d’histoire…

McLaren, c’est avant tout un homme, Bruce, et son écurie de Formule 1. Le fondateur est mort prématurément mais l’équipe a dominé la discipline dans les années 80 comme personne ne l’avait fait jusque là. De la piste à la route, il n’y avait qu’un pas à franchir. Il le fut rapidement et le soin de concevoir la meilleure voiture de route de l’histoire (cahier des charges) fut confié à Gordon Murray. Ce n’était pas n’importe quel ingénieur : il a dessiné les Brabham des années 70 et 80 avec comme point d’orgue les deux titres pilotes de Nelson Piquet. Passé chez McLaren, il participe à la campagne de 1988 avec 15 victoires en 16 courses (et encore, la victoire manquée doit plus à la maladresse d’un pilote adverse qu’à McLaren) et aux trois autres titres constructeurs qui suivront.

Mais ce qui à mon sens lui permet de faire partie du cercle fermé des ingénieurs dont on se souvient, c’est bien d’avoir été choisi pour diriger les équipes de McLaren pour créer la F1.

Tour d’horizon de la concurrence

Le projet était simple : faire mieux. Lorsque l’idée germe dans les esprits des dirigeants de McLaren, la route est dominée par la Ferrari F40 et la Porsche 959. Deux philosophies différentes mais deux automobiles qui ont fait date.

Ferrari F40
Ferrari F40

La première est une authentique voiture de piste immatriculée. Violente, brutale tant dans son comportement que par son design, elle trône au Panthéon de l’automobile dont elle a franchi la porte dès sa présentation. Ajoutez à cela le fait qu’elle est la dernière à avoir été conçue sous la direction d’Enzo… il n’en fallait pas plus pour en faire un mythe.

Porsche 959
Porsche 959

La seconde semble plus policée : évolution du design de la 911, annonciateur de la future 993, comportement plus civilisé grâce aux 4 roues motrices mais technologie de pointe. Une facilité d’utilisation qui marque à jamais ceux qui ont eux l’opportunité de la conduire.  Elle a fait Porsche dans l’ère moderne.

McLaren n’a donc pas la tâche facile…

C’est en 1992 que la voiture est présentée en marge du Grand Prix de Monaco. Le design est incomparable, le moteur V12 est fourni par BMW. Il s’agit de celui initialement prévu pour la M8, jamais produite par le constructeur allemand.

  Les performances annoncées sont exceptionnelles, elles seront mesurées à :

  • 0-30 mph (48km/h) : 1,72 s
  • 0-60 mph (96km/h) : 3,15 s
  • 0-100 mph (161km/h) : 5,56 s
  • 0-200 mph (322km/h) : 21,43 s
  • 400 m départ arrêté : 10,37 s
  • 1 000 m départ arrêté : 18,16 s
  • Vitesse maximum : 386 km/h

A titre de comparaison, la P1 est annoncée pour :

  • 0-100km/h en 2,8 s
  • 1000m départ arrêté en 18,2 s
  • Vitesse maximum : 350 km/h (limité, estimation de 390km/h en version débridée)

Elle démarre plus fort (merci le moteur électrique et son couple immédiatement disponible) mais plafonne sur 1000 m malgré plus de 20 ans de progrès technologiques (liaisons au sol, pneumatiques, aérodynamisme…). Ça vous place une voiture, non?

Carrière

La production démarre pour de bon en 1994. Rapidement, la F1 trouve sur sa route de nouvelles concurrentes redoutables : Bugatti EB110 et Ferrari F50 en sont les meilleures représentantes.

Ferrari F50
Ferrari F50

Les essayeurs de l’époque sont relativement unanimes. Ces deux voitures sont supérieures à la F1 dont le prix de vente (pas loin de 5 millions de FRF) est jugé déraisonnable.

Bugatti EB110 SS
Bugatti EB110 SS

Et pourtant, en 2015, une F1 a été cédée pour 12,5M$ tandis qu’une F50 a été adjugée 1,25M€ et deux EB110 un peu moins de 1M€ chacune en février 2016 à Paris.

Qu’est ce qui peut expliquer une telle différence de traitement? Pas mal de choses en fait…

Un concept unique?

Tout d’abord, les performances : on l’a vu plus haut, la F1 tient la comparaison avec la fameuse “Holly Trinity”. Elle a longtemps détenu le record absolu de vitesse de pointe pour une voiture de série avec 386,7 km/h. Si aujourd’hui la course à la vitesse n’est plus la panacée de la plupart des constructeurs (hormis Bugatti peut être), dans les années 90, pouvoir dépasser les 300 km/h était un critère déterminant pour une voiture de sport. Le secret de la F1, c’est sa légèreté : elle ne pèse que 1140 kg (à vide) quand une Veyron flirte allègrement avec les 2 tonnes…

Le dessin est tout aussi marquant. La F1 ne ressemble à aucune de ses contemporaines. La voiture est petite, sobre, sans aileron, fluide et aérodynamique. Elle se passe avec bonheur des phares escamotables. Son habitacle est sobre mais accueillant, plus GT que piste. Elle offre 3 places de front, le conducteur étant avancé par rapport aux passagers. Ce n’était pas un choix de pure originalité mais une volonté d’équilibrer les masses et d’offrir au conducteur une vision idéale de la route.

Enfin, la rareté : 106 exemplaires construits, toutes versions confondues : 64 sont des versions de route standard (F1), cinq sont des versions LM, deux sont des voitures de route avec une longue queue (GT), cinq des prototypes (XP), 28 des voitures de course, un prototype LM (XP LM) et un prototype GT (XPGT). On dénombre (officiellement) 349 Ferrari F50.

McLaren F1 GTR
McLaren F1 GTR

La course et le mythe

Le palmarès propre d’un châssis fait aujourd’hui toute sa valeur : une victoire et c’est au moins 50% de plus à chaque enchère. Le Grand Prix de Reims, c’est pas mal mais les 24h du Mans, c’est mieux. Engagée dès 1995, la F1 va réaliser un tir groupé aussi inattendu que fantastique : 1ère, 3ème, 4ème, 5ème et 13ème ! Après la domination des prototypes Porsche ou Peugeot, la victoire d’une authentique voiture de route a ouvert une (courte mais extraordinaire) ère des GT. Suivront en effet les 911 GT1 et CLK-GTR puis les dévoiements du concept avec la Toyota GT-One ou CLK-LM.

Tout ceci est fort intéressant mais finalement, la F1 n’est pas la seule à offrir un historique de qualité ou des prestations de très haut niveau. Il faut dire en plus que commercialement, la F1 est plus proche de l’accident industriel que de la success-story. Seuls 69 châssis de route ont été vendus, c’est fort peu. La cote de la F1 au début des années 2000 n’est pas très élevée (j’ai souvenir d’une annonce à 300-400k$) et son image plus proche d’une ancienne gloire sportive que de l’icône.

Les précurseurs

Quelques célébrités possèdent le modèle : Rowan Atkinson, Ralph Lauren, Jay Leno, Nick Mason… tous d’authentiques passionnés. Comme McLaren, ils ont peut être su anticiper ce qu’est aujourd’hui le marché des hypercars. Un peu comme Pierre Bardinon amassant les châssis Ferrari de compétition en les payant une bouchée de pain dans les année 60 et 70. (Pour l’anecdote, une 250 GTO a servi de base à des travaux pratiques d’apprentis mécanos aux USA…, autre époque !)

McLaren F1 GTR
McLaren F1 GTR (de Nick Mason)

Ce qui à mon avis fait de la McLaren F1 une telle icône aujourd’hui, c’est qu’elle a eu raison 10 ans trop tôt. Tout comme la Lamborghini Miura est probablement la première supercar, la F1 peut être considérée comme la première “hypercar”. Le terme est récent, utilisé pour distinguer les supercars de “grande série” comme l’Aventador des authentiques sommets de la production automobile comme la P1 ou la Porsche 918. En 1995, le terme n’avait pas encore été créé mais il s’applique très bien à la philosophie générale de l’auto.

Pourquoi elle? La Bugatti EB110 est une parenthèse de l’histoire de la marque, sans lien réel avec son histoire que même VW a longtemps voulu occulter après la reprise de la production. La F50 reste la plus discrète de la lignée des supercars Ferrari (trop proche de la F40 en terme de design ? pas assez sur le toit du monde à sa sortie?). À croire qu’il manque un petit supplément d’âme ou d’excès à ces deux voitures pour lui contester le leadership des 90´s.

McLaren F1
McLaren F1

La F1 est le point de départ d’une véritable marque automobile diversifiée et autonome. McLaren produit aujourd’hui des concurrentes sérieuses à Porsche et Ferrari. La marque a proposé une descendante à la F1 avec la P1 tandis que les 570S et 675LT chatouillent les stars 911 et 488 GTB.

Et puis il y a tout le reste : l’impalpable, le diffus, l’innommable, toutes ces petites choses qui font qu’une voiture va rester gravée dans l’imaginaire des amateurs tandis que les passionnés fortunés re-découvrent le caractère unique du modèle. L’emballement récent autour de cette voiture ne devrait pas s’éteindre quand bien même le marché retrouverait la raison. Elle restera dans l’histoire de la production automobile au niveau des 250 GTO, 911, F40, Type E : une référence immuable dans sa catégorie, un étalon pour la production future et un modèle pour tous les ingénieurs.

Les héritières

En 2016, Pagani Zonda et Huayra, Koenigsegg Agera et Regera, Porsche 918, Ferrari LaFerrari, Bugatti Veyron et Chiron peuvent dire merci à leur ancêtre commune qui permet à leurs constructeurs de vendre des autos à plus de 1 million de dollars par dizaines tous les ans. Ce marché était inexistant en 1995, la F1 a ouvert la voie avec difficulté mais l’honneur lui est rendu désormais.

McLaren F1 GTR
McLaren F1 GTR

Pour ma part, j’ai pu croiser 6 F1 différentes : 1 exemplaire de route sur les Champs-Elysées, 4 GTR (Chantilly 2015 et LMC 2016, Rétromobile 2007 et 2011 et le championnat FIA GT à Dijon en 1998) et 1 exemplaire LM lors de la mythique exposition Ralph Lauren à Paris. Ce fut à chaque fois une émotion automobile intense (surtout lorsque l’on ne s’y attend pas…) et j’espère pouvoir continuer à cocher les cases des différents châssis croisés dans les années à venir. Espérons que ce retour en haut de l’affiche ne vienne pas effrayer les propriétaires et qu’ils continuent à utiliser leur voiture autant que possible.

Crédit photos : Pierre CLEMENCE

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