“L’essence du premium”
Malmenées depuis plusieurs années par des monospaces plus spacieux et des SUV plus statutaires, les grandes berlines classiques résistent du mieux qu’elles peuvent. L’essai de l’Audi A6 restylée permet de faire le point sur la question et aussi, cerise sur le gâteau, de cerner l’entrée dans le monde du premium.
La berline tricorps traditionnelle avec sa malle arrière est l’une des configurations les plus classiques de l’automobile. Dans un monde où les concepts d’aujourd’hui détruisent les barrières d’hier et où la forme l’emporte trop souvent sur le fond, la berline est une auto rassurante hélas jugée parfois conservatrice, voire même ringarde ou peu attractive. Osons le dire : c’est un peu la voiture à papa, mais elle joue un rôle particulier dans notre imaginaire collectif, nourri des files de Peugeot 403 et 404 sur la Nationale 7 et inspiré (fantasmé ?) des Cadillac Sedan et Fleetwood des sixties, avec leurs deux mètres de capot et autant de coffre.
D’où vient la berline ? Difficile à dire, même si la première tentative de distinction des différents types de carrosseries remonte à 1901, quand la Chambre syndicale de l’Automobile fit état d’une classification de 5 types de châssis et de 18 types de carrosserie. Allons plus loin : grâce au blogautomobile.fr, augmente ta culture générale et épate tes amis, jeune lecteur ! La Berline, apparue fin XVIIème à Berlin, justement, a été inventée par Philip von Chieze qui modifia le carrosse à cheval traditionnel, en remplaçant la grosse poutre centrale par deux brancards offrant plus de légèreté et surtout de confort, car de grosses lamelles de cuir faisaient leur apparition en préfigurant les suspensions. Dans le monde anglo-saxon, la berline s’appelle Saloon (Royaume-Uni) ou Sedan (USA), sans que l’on ait tranché sur le fait que cette dernière terminologie vienne de la (peu ?) riante ville ardennaise ou de la chaise à porteur italienne qui s’appelait Sedia en dialecte napolitain. Avouez que ce genre de question, ça a plus d’épaisseur conceptuelle qu’une blague Carambar…
Pour ceux qui ont survécu à cette introduction (c’était un test), entrons dans le vif du sujet. Vous voulez acheter une berline moderne, sûre et bien équipée, vous avez un peu de thune (disons dans les 50 000 Eu), vous voulez un peu de statut social sans tomber dans l’ostentatoire, et pour des raisons que nous ne discuterons pas ici, vous êtes attirés par les allemandes et les productions du groupe VAG. Vous pourriez donc être intéressé par… la nouvelle Volkswagen Passat.
Hey Gab’, t’es pas censé nous parler de la nouvelle Audi A6 ?
Si, mais c’est moi qui tiens le clavier alors je fais ce que je veux.
Et donc, comme ça, l’Audi A6 2015 est nouvelle ?
Oui, c’est vrai. Toutes ses motorisations évoluent pour passer Euro 6 et elles réussissent à la fois à gagner des chevaux et perdre du C02, tandis que l’allure générale se modernise avec de nouveaux feux à Leds à l’avant comme à l’arrière, et une nouvelle calandre plus large et étirée dans les coins fait son apparition. Mais la VW Passat aussi est nouvelle, alors pourquoi ne pas en parler ? (d’autant que, je vous le rappelle, c’est moi qui tiens le clavier…).
Après 42 ans d’existence, 7 générations et 22 millions d’exemplaires vendus, Volkswagen a décidé de renouveler sa Passat. Cette grande berline (4,77 m) que d’aucuns jugent assez conventionnelle nous revient donc dans une version « Mark VIII » plus aboutie que jamais, disponible dès 25 350 € (en version 1.4 TSI 125 ch).
Comme 25000 Euros, c’est vraiment pas cher et que vous voulez vous offrir le meilleur, réjouissez-vous ! Le mix VW va du simple au double avec, en haut de l’affiche, une version 2.0 TDi biturbo 4Motion Carat Edition de 240 ch, affichée à partir de 49 330 €. Nous l’avons eu à l’essai il y a quelques semaines.
Ne nous embarrassons pas de salamalecs : dans cette déclinaison, cette nouvelle Passat est tout simplement bluffante. Tout comme la liste des technologies sécuritaires de haut niveau : éclairage full leds adaptatif, différents modes de conduite disponibles, régulateur de vitesse adaptatif avec fonction arrêt, système de détection des piétons avec freinage d’urgence, système de maintien de ligne actif et j’en passe. Le nouveau châssis pèse une centaine de kilos de moins que le précédent, ce qui est tout bon pour le dynamisme et l’éco-score. Parlons du bien-être à bord. L’écran du GPS mesure désormais 8 pouces et surtout, la Passat inaugure pour la première fois dans la catégorie un tableau de bord entièrement digital baptisé « Active Info Display » complétant un écran GPS de 8 pouces. Cette innovation a été inaugurée par l’Audi TT 2014 et, en respectant la hiérarchie des marques du groupe VW, elle n’offre pas toutes ses fonctionnalités dans la Passat. Cependant, il est possible de faire varier la taille des compteurs et celle du GPS avec pour résultat une lisibilité parfaite et un feel good factor plutôt sympa.
Après plusieurs centaines de kilomètres sur des routes au profil varié, le verdict est sans appel et la démonstration ne manque pas d’impressionner. L’alliance entre le 2.0 TDi biturbo, ses 500 Nm de couple et la boîte DSG 7 (imposée) permet de rouler à un rythme enlevé sans jamais forcer, d’autant que le confort de suspensions (réglable sur 3 niveaux grâce à un drive seletctor). La Passat est bien une grande routière rapide, sure, facile et confortable. Comme la qualité d’assemblage intérieur à fait des progrès (même si pour la fantaisie, vous repasserez), on se demande bien s’il est raisonnable d’être plus exigeant.
Admettons cependant que l’on en veule encore plus. Première question : faut-il casser la tirelire ?
Car, pour une somme comparable à celle de notre Passat, on trouve une Audi A6 2.0 TDI 190 ch S-tronic en finition Ambition Luxe à 51500 €. Sachant qu’une Passat identiquement motorisée (2.0 TDI 190 ch DSG6) et à peu près également équipée (en finition Carat) est à 40 430 €, l’écart de prix correspond au blason et à un peu de volume, la Passat faisant 4,77 m de long pour 4,93 à l’A6. Encore que la Volkswagen, plus récente de conception, ne lui rend rien en volume intérieur, celui-ci étant carrément impressionnant. À titre de comparaison, une Passat berline offre une largeur aux passagers arrière de 1530 mm contre 1500 pour ceux d’une A6, et un espace aux jambes variant de 150 à 400 mm contre 100/330 dans l’A6. Et le 2.0 TDI monoturbo de 190 ch étant fatalement moins performant que le biturbo de 240 ch, la conclusion s’impose. Si l’on en veut plus, il faut vraiment passer à la caisse. Pour 51 400 €, on peut avoir une Audi A6 V6 3.0 TDI quattro, mais dans sa version 218 ch, les perfs resteront inférieures à celles de la Passat. Il va donc falloir prendre le V6 dans sa déclinaison 272 ch, avec un prix d’entrée à 60 950 € en finition S Line.
Y’a pas de mal à se faire du bien
C’est ce que l’on se dit en entrant dans l’habitacle de cette A6. Les superbes sièges sport logotés S Line (option à 3050 €) ravissent tant par leur tenue que par leur texture matelassée qui fait presque Bentley. Après plusieurs heures de route, le confort reste un point fort, d’autant que malgré les pneus taille basse montés sur les jantes polies à 5 étoiles de 20 pouces (option à 850 euros) qui équipaient notre voiture d’essai, la qualité de filtrage est exceptionnelle, même sur les petites irrégularités. L’insonorisation aux bruits de roulement des pneumatiques, bruits aéro et bruits mécaniques est-elle aussi à citer en référence. On a beau faire le vicieux, viser les nids-de-poule, jouer avec les palettes plus que de raison, peu de choses peuvent troubler la quiétude ressentie à bord de cette grande routière. Première leçon : confort + sérénité en toutes circonstances et impossible à prendre en défaut, c’est ça la définition du premium.
Ça continue avec les petites attentions ressenties à bord. Certes, l’ergonomie de la console centrale accuse un peu le poids des ans. Entre la molette du MMI, les boutons de sélection, celui du volume de la radio, il faut un peu de temps pour prendre ses marques même si la logique de l’ensemble s’intègre vite. Il faut juste reconnaître qu’aujourd’hui, certains font plus avec moins, à l’image de Volvo. Cela ne retire rien à la pléthore d’équipements et à la manière poussée dont ils ont été pensés. Un exemple : le store électrique de la lunette arrière (qui permet, avec ceux des vitres latérales, d’isoler les passagers arrière comme dans ceux d’une A8) : il se retire lors des marche arrière afin d’aider à la visibilité, pour se remettre en position dès que l’on repasse en Drive. Idem pour l’écran de l’infotainment, qui ressort de sa position lorsque l’on a décidé de ne pas faire appel à ses services, histoire d’afficher la caméra de recul. Si l’A6 ne peut pas faire appel à l’Active Info Display au tableau de bord, elle permet quand même d’afficher le GPS entre les deux écrans analogiques et de zoomer sur la carte d’une simple pression du pouce sur une molette au volant. Quant à l’affichage tête haute, il n’est pas disponible sur les berlines du segment inférieur, pas plus que les siège arrière chauffants ou la clim quadrizone. C’est toujours ça, le premium.
Autre question ? La tendance croissante au downsizing ne risque pas d’éteindre ce débat : un très bon 4 cylindres peut-il égaler un V6 ? En perfs et conso, c’est possible. En agrément, c’est plus dur. Et il faut admettre que le V6 TDI 272 de notre A6 est de très bonne composition. On regrette presque une sonorité trop étouffée, car la rondeur, le velouté et la souplesse de cette mécanique sont juste un régal au volant. Et les 580 Nm de couple disponibles dès 1250 tr/mn lui confèrent des reprises instantanées. Action ? Réaction ! On apprécie tant sa capacité à vous propulser à des vitesses prohibées en un rien de temps (0 à 100 en 5,5 sec) que son association avec la boîte S-Tronic 7 rapports qui le seconde parfaitement, en étant capable de rouler sur des rapports élevés à moins de 1000 tr/mn (il faut alors un léger orteil sur les gaz) en ville, et de se montrer largement assez réactive en conduite dynamique, compte tenu de la plage d’utilisation relativement limitée du V6 et de la générosité du couple. Un long parcours routier mené à vitesse raisonnable, mais sans non plus jouer au taliban de l’éco-conduite (en faisant appel, par exemple, au mode efficiency du Drive Selector qui possède une fonction roue libre, afin de réduire encore les pertes par frottement en cruising) nous a gratifié d’un très correct 7,4 l/100. Le V6 TDI 272 propose une forme de force tranquille : en usage normal, l’on se rend compte que la plage d’utilisation 1500/2000 tr/mn permet déjà de se jouer de l’essentiel du trafic, sans forcer. Et l’A6 peut aussi dévoiler l’autre face de sa personnalité, plus joueuse mais toujours équilibrée, en dépit d’une direction qui pourrait être plus informative.
Bref, les fans de berlines statutaires peuvent se rassurer. L’Audi A6 se refait une jeunesse et nous avons modestement contribué à l’examen de l’Ordre des Choses en confirmant que oui, la hiérarchie est bien respectée.
Photos de l’Audi A6 : Benoît Meulin