Ça veut dire quoi, « HybridAir » ?
Eh bien, dans HybridAir, il y a Hybrid. Et qui dit hybride qui plusieurs sources de propulsion. Pour l’instant, l’intégralité des hybrides commercialisées sur le marché combinent un moteur thermique (essence ou diesel) à un moteur électrique, lui-même relié à des batteries. PSA a préféré développer un nouveau système, où le moteur thermique est épaulé par un moteur…hydraulique.
Hydraulique ?
Oui, hydraulique. Et on en vient à la deuxième partie du nom du système : l’air. Car, pour faire fonctionner ce deuxième moteur, c’est de l’huile sous pression qui est utilisée. Pression assurée par de l’azote stocké dans une bombonne implantée dans les soubassements de la voiture.
Et comment ça marche ?
Intéressons-nous tout d’abord à la partie « air ». Le système est constitué de deux réservoirs : la bombonne d’azote évoquée plus haut, et un deuxième stockant l’huile sous basse pression. Le fonctionnement, purement mécanique, est simplissime : lorsque le moteur hydraulique tourne, un piston pousse l’azote dans le réservoir d’huile, faisant augmenter la pression. L’huile sera donc forcée de se diriger vers le moteur hydraulique qui se chargera de faire tourner les roues. A la décélération, ce sont des pompes qui se chargeront de remplir la bombonne de gaz.
L’interaction avec le moteur thermique (ici un 3 cylindres essence PureTech de 85 ch) se fait via une boîte CVT, un peu comme le système hybride HSD de Toyota. L’électronique de bord se charge de décider quel moteur faire fonctionner. Mais bon, rien de tel qu’une vidéo pour visualiser clairement le processus et les 3 modes disponibles :
http://youtu.be/3yd6EWdoBKo
Il y a quand même un point à relever : l’énergie stockée par la partie Air correspond, grand maximum, à…35 mL d’essence.
35 millilitres d’essence ? Mais quelle est l’utilité du coup ?
Plein de trucs ! Alors, certes, la distance parcourue avec le moteur essence coupé ne sera pas dingue : comptez quelques centaines de mètres. Mais –et c’est là le gros plus de cette technologie- la récupération d’énergie se fait en un clin d’œil. D’une part à cause de la contenance assez réduite des réservoirs, mais aussi grâce à l’efficience des pompes : selon PSA, 95% de l’énergie cinétique pourrait être récupérée. L’HybridAir apporte donc un réel gain de consommation en ville, où on les portions de roulage sur plus de 500m non-stop sont quand même très rares. Nous verrons dans la suite de l’article si tout ce petit monde tient ses promesses.
Un autre gros avantage du système est d’ordre purement financier. A l’inverse des hybrides « traditionnelles » équipées de lourdes et coûteuses batteries et d’une électronique de puissance évoluée, l’HybridAir repose sur un principe purement mécanique, avec des pièces courantes et fiables. PSA espère ainsi pouvoir vendre une citadine type 208 équipée de cette techno entre 15 000 et 20 000 €, bonus non inclus. Pas non plus du super discount, mais on se retrouve sur les mêmes bases qu’une voiture de même segment non hybride.
Et donc t’as pu essayer un prototype ?
Effectivement. PSA nous avait préparé deux 2008 que la troupe d’ingénieurs emmenés par Karim Mokkadem hybridèrent [faites au moins semblant de rire, je suis extrêmement fier de ce jeu de mot]. Extérieurement, cachez les stickers et rien n’indiquera la particularité des deux autos. Seuls les plus bizarres d’entre vous remarqueront la ligne d’échappement modifiée pour pouvoir accueillir la bombonne de gaz. A l’intérieur, même refrain : mise à part quelques boutons d’arrêts d’urgence –ce ne sont que des protos, ne l’oublions pas- et l’apparition d’un sélecteur de vitesse pivotant entre les sièges (tiens, comme une XF), rien ne change par rapport à un 2008 de série : même planche de bord, même habitabilité… Le coffre était lui condamné, pour cause de lourds calculateurs travaillant dans cet espace.
C’est extrêmement rare de pouvoir conduire un prototype, et encore plus lorsqu’on nous propose de l’essayer sur route ouverte. On a donc une légère pression lorsqu’on insère la clé dans son réceptacle… L’avantage d’un tel essai est de se faire une première idée de la technologie présentée. L’inconvénient… C’est qu’on le réalise à bord de véhicules plus ou moins éloignés de ce qu’on retrouvera chez le concessionnaire. Impossible, dès lors, de savoir si les sensations ressenties se retrouveront une fois le cap de la grande série passée. Il faut de plus remarquer que la prise en main s’est réalisée en toute fin de journée et que les protos avaient tourné toute la journée : il se pouvait qu’ils soient légèrement fatigués. Enfin bref, certains éléments ont quand même assez peu de chance de se retrouver sur les véhicules de série. Prenons par exemple le fait que la direction assistée ne soit pas active avant la première mise en route du moteur thermique. Car oui, les démarrages se font en mode « ZEV », au seul moyen du moteur hydraulique. Démarrage dans le plus grand silence ? Les 3 premiers mètres, oui. Mais dès qu’on commence à prendre un peu de vitesse (mais vraiment un tout petit peu, genre atteindre les 5 km/h), un étrange ballet auditif se met en route : plein de petits bruits émanant de la motorisation apparaissent. C’est plutôt drôle en fait, et, ici aussi, impossible de savoir ce que cela donnera une fois industrialisé. Mais les chefs de projets m’ont affirmé que la partie auditive était un gros sujet de travail, et je peux personnellement vous dire qu’il y a effectivement eu de gros progrès depuis l’année dernière (mais chut, je ne vous en dirai pas plus). L’ensemble reste toutefois extrêmement discret, et, lorsque la troisième se met en marche, le moteur essence se retrouve en prise directe avec les roues, clouant de fait le caquet au « pschit-claclaclac ».
A part ça, les sensations de conduite sont…normales. Rien à déclarer. On conduit « à l’électrique », comprenez en anticipant un max, dans l’optique de récupérer le maximum d’énergie pour couper la chique au trois cylindres le plus longtemps possible. Et ça marche : le moindre ralentissement régénérera autour de la moitié de la bombonne d’azote, permettant d’arriver au prochain feu rouge en mode « Air ». A titre d’exemple, après 40 minutes de trajet entre la place de l’Etoile et la porte Maillot, le moteur thermique aura été coupé 75% du temps, de quoi promettre de belles économies. Le seul défaut rencontré lors de cette prise en main relevait de l’accélération. PSA promet une certaine nervosité, avec un 0 à 100 km/h expédiés en moins de 10s. Dans la réalité… C’est un peu différent. Bien entendu, qui dit boîte CVT dit hurlement du moteur en cas d’accélération un peu trop dynamique. Mais ici, le bruit débouche sur quasiment rien, la voiture étant quand même d’une bonne grosse mollesse. L’occasion de rappeler, une fois encore, que ce n’est qu’un proto avec de lourds calculateurs dans le coffre. Le fait que nous étions cinq dans la voiture (oui oui, on peut rentrer à 5 dans un 2008) n’arrangeait certainement pas les choses.
Ça me plaît tout ça. On peut l’acheter quand ?
Hem… Bonne question. Carlos Tavares a été très clair sur ce point : pas d’alliance avec un autre constructeur sur cette techno, pas d’HybridAir. La participation de Bosch dans le projet n’a donc pas été suffisante pour convaincre le directoire de la commercialisation du système. Mais même si PSA trouvait lundi un allié, l’HybridAir n’arrivera pas du jour au lendemain dans les concessions : il faudrait compter encore 2 à 4 ans de R&D pour perfectionner l’ensemble.
Dommage, car le système est tout de même une sacrée bonne idée, permettant de réelles économies en ville, tout en profitant d’un système peu coûteux à l’achat et à l’entretien. Une vraie alternative à l’hybride « batteries », et –cocorico- inventée en France. Il n’y a plus qu’à prier…
Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux // Illustrations + vidéo PSA.
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