Essai : Nissan GT-R Nismo. À nos actes manqués.

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GT-R Nismo

IMG_3491 (Copier)Deux mois. Ça fait deux mois que mon fichier Word est créé, enregistré au bon endroit. Deux mois que la petite barre clignote patiemment, à attendre que je daigne remplir quelques pages. Mais non. J’arrive pas à écrire mon article. En général, quand je sors d’une voiture, je sais de quoi je vais parler. Les idées fortes, quelques phrases clés, les paragraphes sont là, je n’ai plus qu’à les coucher sur clavier. Et si je n’ai pas encore le titre ou la tournure de l’essai, ça arrive au bout de quelques jours, en en discutant ou, en général, en prenant une douche (le nombre d’idées qui me sont venues en tête entre le shampooing et le savon…). Oh, c’est pas la première fois qu’un trou m’arrive, mais ça n’était jusqu’à présent que pour quelques rares voitures pas super folichonnes. Il n’y a qu’à se forcer un peu, relire le communiqué de presse, et on pond un truc potable.

Mais là, c’est différent.

Là, on parle de la Nissan GT-R Nismo.

Eh ouais, j’arrive pas à parler de la voiture de série la plus rapide du Nürburgring. 7 minutes, 8 secondes, 679 millièmes. Ça en bouche un coin, pas vrai ? C’est la version la plus aboutie, la plus extrême de toute la glorieuse lignée des GT-R. Un travail monstre a été apporté pour grignoter le moindre pouillème de seconde : en vrac, le V6 3.8 biturbo reçoit 50 ch supplémentaires pour culminer à 600 pur-sangs. Le couple, lui, dépasse les 650 Nm (652, pour être précis). Des ressorts et des amortisseurs spécifiques Bilstein sont montés, tandis que des jantes 20’’ ultra-légères et des pneus Dunlop spéciaux sont là pour garantir un grip hors-normes. Pour autant, les quatre places sont conservées, la sono Bose aussi, et on peut toujours mettre un sac de golf dans le coffre.

Ah si, la ligne générale est sympa quand même. Je n’ai jamais trouvé que la GT-R était une belle voiture. Trop grosse, trop massive, loin d’une svelte 911. Mais après une journée passée à tourner autour des deux Nismo apportées pour l’occasion, j’affine ma position : pas belle, peut-être, mais elle dégage quelque chose d’autre. Quelque chose de bestial, de cru, qui force le respect, qui aimante le regard. Bien entendu, tous les changements cosmétiques ne sont pas là pour faire jolis. Grâce au bouclier avant spécifique (en…carbone, investissez dans un ange gardien pour vos créneaux), aux jupes latérales (carbone ici aussi) et à l’énorme aileron arrière (carbone toujours), le CX baisse à 0,26 et l’appui augmente de 100 kg à 300 km/h. En outre, vous pourrez toujours faire vos pique-niques sur l’aileron, c’est le petit détail pratique qui fait toujours plaisir.

Quand on ouvre la porte, le sourire s’affaisse un peu. Une planche de bord à l’aspect particulièrement massif s’offre à nous, truffée de boutons, de molettes et de poussoirs à gogo. En son sommet, un écran conçu avec l’aide de Polyphony Digital, la boîte derrière la saga Gran Turismo, permet d’afficher toute la télémétrie possible et imaginable. Heureusement que la GT-R cuvée 2017 s’offre un intérieur revu et allégé, parce que là, c’est franchement pas jojo…. C’est un peu à l’image de l’extérieur, finalement : brut de décoffrage. Ici encore, le passage à la griffe Nismo se solde par des superbes baquets Recaro en carbone (forcément), tandis que les gimmicks Nismo habituels sont bien présents, comme le compte-tour rouge, le volant en Alcantara avec son repère central ou encore les surpiqûres rouges courant un peu partout dans l’habitacle.

Bon voilà. Jusqu’ici, c’était la partie facile : on reprend le communiqué de presse, on regarde les photos et la partie statique est réglée. Vient ensuite le morceau un peu plus compliqué : les impressions de conduite. L’essai se déroulait au circuit d’Abbeville (80), sur une boucle de 2,3 km a priori assez intéressante, combinant une jolie succession de virages tantôt lents tantôt rapides. Une petite dizaine de tours nous étaient alloués, de quoi techniquement se faire une bonne première idée de la bête.

Et c’est là où ça se complique. Qu’est-ce que j’ai ressenti au volant ? Bah… Pas grand-chose. L’encéphalogramme est resté curieusement plat. Pourtant, toutes les cases étaient cochées :

Une accélération décoiffante ? Check.

Des reprises d’un autre monde ? Check.

Une agilité et un grip phénoménaux ? Check.

Un bruit plutôt sympa ? Check.

Mais au bout du compte… Rien. J’avais cette étrange sensation d’être sur Gran Turismo, à tourner un volant et appuyer sur des pédales et voir des choses se passer…sans les ressentir. Frustrant.

Mais putain Jean-Baptiste, c’est une GT-R NISMO ! Tu devrais jouir dès le moment où tu t’installes dans le baquet ! Qu’est-ce qui s’est passé ??

Je ne sais pas. Est-ce que la voiture est toujours comme ça ? Est-ce que le circuit ne lui permettait pas d’exprimer son potentiel ? Est-ce qu’elle devient une vraie bête sur quelque chose de plus grand et plus technique ? Ou…est-ce que je n’ai simplement pas les compétences nécessaires pour tirer la quintessence du monstre ? Est-ce que j’aurais pu en tirer quelque chose de sympa si j’étais resté plus longtemps au volant ? Ces questions continuent à tourner dans ma tête, sans fin, sans réponse. J’arrive pas à passer à autre chose.

Pourtant, j’ai ressenti des trucs à bord des autres Nismo ! J’avais passé quelques jours avec le premier Juke Nismo et j’ai pu découvrir le circuit à bord de la nouvelle livrée. Alors, clairement, c’est pas la voiture de l’année. Mais il est marrant à torturer sur piste, d’autant plus que c’est toujours sympa de sentir le différentiel « pousser » la voiture à l’intérieur des virages. La 370Z Nismo… Ca fait plus de deux ans que je l’ai essayée, mais j’en suis toujours amoureux. Je vous invite à cliquer ici pour découvrir pourquoi. Du coup, si on continue sur la lancée d’un Juke moyen et d’une Z fantastique, on pourrait s’attendre à une GT-R juste phénoménale au point de vue des émotions ressenties. Force est de constater que ce n’est pas le cas. Je ne sais pas pourquoi, et ça me met dans une colère noire.

Bon… Force est de constater qu’à part ruminer, je n’ai pas beaucoup d’autres choses à ajouter à cet article. D’autant plus que c’est la première supersportive que j’essaye, et que je n’ai de ce fait pas beaucoup de points de référence. Alors, oui, j’ai déjà essayé des modèles plus puissants que cette GT-R, mais elles s’appelaient Tesla Model S et Rolls-Royce Wraith. Pas grand-chose en commun, vous en conviendrez. Ah si, vous pouvez vous l’offrir contre un chèque de 150 000 € tout rond, ce qui représente un rapport prix/performances défiant toute concurrence. J’espère juste que, si vous comptez être l’heureux propriétaire d’une telle machine, vous aurez plus de sensations que moi… À nos actes manqués.

Merci quand même à Nissan France pour l’invitation et l’organisation aux petits oignons !

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux / Re-traitées par Ugo Missana.

Je suis sur Twitter : @JBPssx.

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