Essai Skoda Enyaq iV 80X : un été pour comprendre

J’ai régulièrement eu la réflexion d’un bon ami roulant depuis quelques temps en Tesla Model Y et essayeur auto à ses heures perdues : essayer une voiture électrique pendant quelques heures, dans un contexte organisé, sans expérimenter plusieurs types de trajets ni plusieurs types de recharge, c’est forcément biaisé. Fort d’une première expérience au long-court en IONIQ6, je signe de nouveau pour un essai grandeur nature de plusieurs semaines au volant du Skoda Enyaq, dans sa version iV 80X. Du trajet domicile-travail quotidien à la route des vacances en plein mois d’août, retour sur une expérience riche en rebondissements.

Commençons par un peu de transparence mais surtout, quelques explications vous permettant de comprendre comment j’ai pu me retrouver avec une voiture prêtée par Skoda pendant presque 4 semaines et 3000 km. J’ai jusqu’à ce jour souvent regardé d’un oeil quelque peu méprisant mes confrères blogueurs, journalistes, influenceurs qui piochaient dans les parcs presse des constructeurs pour leurs vacances d’été. Pour autant, pour nous blogueurs, les vacances sont sans doute l’une des seules occasions de l’année qui nous est laissée pour emprunter les dernières nouveautés des constructeurs, la plupart d’entre nous (c’est mon cas) ayant un métier nous occupant à 100% le reste de l’année. Alors quand le hasard des calendriers (celui du parc et le mien) m’ont permis d’arriver à un prêt d’une telle durée, j’en ai également profité et vous savez quoi ? Il n’y a pas meilleure situation pour éprouver l’ensemble des qualités (et des défauts) d’une voiture que de se mettre dans la peau d’un client potentiel pendant plusieurs semaines. Et comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, vive les prêts estivaux !

Un été pour comprendre… l’électrique selon Skoda

Après les essais des Audi Q4 e-tron, Q4 Sportback e-tron et Volkswagen ID.5 GTX, le mois d’août m’a enfin permis de mettre la main sur la proposition tchèque du SUV 100% EV segment D, reposant bien évidemment sur la plate-forme MEB du groupe Volkswagen. Dans la pure tradition Skoda, l’Enyaq constitue ainsi la proposition la moins chère du groupe pour accéder à cette taille de SUV, en tout électrique. Le constructeur a même revu ses tarifs à la baisse au début de l’été en proposant l’Enyaq 80 (avec la plus forte autonomie de la gamme) à 46 990 € hors options, lui permettant ainsi à 10€ près, de bénéficier en France du bonus écologique de 5000€. Sur le configurateur, l’Enyaq 50 s’affiche quant à lui à 39 990€, soit 34 990€ hors options, bonus déduit. Un bon point pour l’Enyaq face à la déferlante chinoise.

Le tchèque dispose ainsi de 3 versions hors RS (50, 60, et 80) proposant 3 capacités de batteries : 52, 58 et 77 kWh affichant des autonomies maximales officielles respectives de 367, 397 et 544 km. À l’image de la version RS, la version 80X que nous avons eu à l’essai permet au client de disposer d’une transmission intégrale, amputant de quelques kilomètres l’autonomie pour culminer à 521 km. Notre modèle débute à 55 460 € et s’affiche à 63 895 € une fois optionné.

Un été pour comprendre… pourquoi l’Enyaq est une Skoda avant d’être une électrique

Plus qu’une électrique, et à l’image des propositions d’Audi avec le Q4 e-tron et Q4 Sportback e-tron, l’Enyaq est avant tout une Skoda. Rien dans son style (si ce n’est peut-être l’extravagante calandre illuminée “Crystal Face” en option avec le pack visibilité + facturé 680€) ne laisse entrevoir l’énergie utilisée par l’Enyaq pour se mouvoir. Le style global est très consensuel, avec de nombreuses arrêtes saillantes, et obéit aux codes stylistiques du reste de la gamme thermique Skoda. Les jantes de 20 pouces Neptune anthracites se marient à merveille avec la teinte Gris Graphite extérieure (en option à 635€), elle même tranchant parfaitement avec la superbe sellerie ecoSuite marron en cuir synthétique (option à 2000 €).

C’est justement à l’intérieur que la magie opère. Si Tesla mise depuis longtemps sur une ambiance Feng Shui, Skoda mise sur un aspect résolument premium. L’habitacle de l’Enyaq est tout simplement l’un des mieux finis qu’il m’ait été donné de voir depuis un bon moment sur un produit du groupe Volkswagen, loin devant l’Audi Q8 e-tron essayé en avril dernier par exemple. Le soin apporté au dessin du volant ainsi qu’à la finition des nombreuses touches de raccourci est remarquable. L’étendue de cuir sur la partie supérieure de la planche de bord est agréable à l’oeil comme au toucher, de même que le plastique moussé la surplombant. La finesse du dessin des buses d’aération comme des poignées de porte ajoutent une belle touche de finesse au dessin global, rompant avec l’aspect quelque peu massif de la dalle tactile centrale. Pour parfaire le tout, il aurait juste fallu un petit effort sur la qualité du plastique utilisé pour les poignées de maintien dans les contreportes mais globalement, c’est de l’excellent travail. Si jamais l’image de constructeur populaire pouvait encore coller à la réputation de Skoda, la seule ouverture de la portière de cet Enyaq ferait voler vos préjugés en éclat.

Un été pour comprendre… pourquoi l’Enyaq est l’ami des familles

En plus d’être bien fini, en bonne Skoda avant tout, l’Enyaq n’en est pas moins pratique ! Des 3 SUV reposant sur la plateforme MEB, il est le plus long, avec 4,65m de long contre environ 4,58 pour ses cousins germaniques. 7 cm de plus qui profitent à l’espace aux jambes pour les passagers arrières, mais également au volume de chargement puisque l’Enyaq affiche fièrement 585 Litres de capacité. C’est 42 de plus qu’un ID.4 et même 65 de plus qu’un Q4 e-tron. C’est en revanche bien moins qu’un Tesla Model Y (certes plus long de 10 cm qu’un Enyaq) avec 854 litres pour le coffre arrière, secondé d’un espace de 117 litres sous le capot avant. L’Américain semble jouer hors-catégorie.

Néanmoins, il faut reconnaitre à l’Enyaq qu’il est loin d’être dénué de tout sens pratique. On retrouve des tablettes aviation pour les passagers arrières, un équipement que je n’avais pas vu depuis une bonne décennie à bord d’une voiture neuve. Les bacs de portes à l’avant comme à l’arrière peuvent accueillir sans problème une bouteille d’1L. Les espaces de rangements pour les passagers avant sont nombreux : grand espace sous l’accoudoir central, de même que sous la console. Le hayon électrique de notre modèle d’essai s’avère également bienvenu au regard de la taille de ce dernier. Enfin, on retrouve le fameux parapluie, caché dans la portière avant gauche. Avec pour terminer un plancher parfaitement plat ne faisant plus de la place arrière centrale une punition, l’Enyaq a tout pour séduire les familles.

Un été pour comprendre… les qualités routières de l’Enyaq

Si l’Enyaq n’est pas une voiture nouvelle à 100% pour moi sur le plan de la conduite, notamment à travers l’essai de ses cousins d’outre-Rhin, force est de reconnaitre qu’il dispose de ses propres qualités… qui sont nombreuses ! Oui, à ce chapitre, l’Enyaq ne souffre me concernant de quasiment aucune critique. Avec plus de 2000 km sur autoroute / voie rapide effectués derrière son volant, je peux affirmer sans hésitation que le SUV électrique tchèque est des plus reposants à conduire. Pas un seul grincement de mobilier, des bruits aérodynamiques et de roulement parfaitement contenus, la quiétude à bord n’est pas une simple notion pour l’Enyaq. On regrettera cependant :

Je n’attendais pas grand chose de l’Enyaq sur le plan de la conduite dynamique, et pourtant. Censé être celui disposant du tarage de suspensions le plus typé “confort” parmi le trio du groupe, ses réactions en conduite rythmée sur route sinueuse malgré 5 personnes à bord et une poids total en charge frôlant 2,5 T m’ont totalement bluffé. D’autant que les performances sont loin d’être à la ramasse : moins de 7 secondes pour la 0 à 100 km/h dans un tel gabarit c’est plus qu’honnête, et ça en surprend plus à la reprise lorsque l’idée lui vient de vous coller le train. L’Enyaq 80X se veut rassurant et consistant en tout circonstance, une véritable marque d’un produit du groupe Volkswagen. Pour qui aime enchainer les kilomètres sur tout type de réseau routier, l’Enyaq est définitivement une très bonne voiture.

L’Enyaq permet également d’adopter une conduite douce, tournée vers l’anticipation, afin de sauvegarder au mieux la sacro-sainte autonomie restante. Outre les différents modes de conduite disponibles via la raccourci sous l’écran central, il vous est possible d’actionner le freinage régénératif de 3 manières différentes. “À l’ancienne” en actionnant le mode “B” sur le sélecteur de vitesse, “à la VW Group” grâce aux palettes dédiées derrière le volant vous permettant de jongler entre 3 niveaux d’intensité, ou encore en sélectionnant dans les sous-menus, le fameux “Eco Assist”, une sorte de pédale intelligente qui prend en compte la circulation devant vous ainsi que la typologie de l’environnement en freinant à votre place à l’approche d’un rond-point par exemple. Si vous êtes ouverts à ce type de technologie, la prise en main se fait assez rapidement et s’avère des plus agréables une fois éprouvée. Joli score de conso assuré à la clef !

Un été pour comprendre… l’optimisation des recharges

C’est là que ça se complique quelque peu. En 3000 km dont plus de 2000 sur autoroute, vous vous doutez bien que j’ai pu éprouver de nombreuses situations, des différents opérateurs d’autoroute jusqu’aux bornes de ville.

L’Enyaq m’a servi durant une dizaine de jours pour mon trajet quotidien domicile – travail, soit environ 50 km aller-retour. Mon employeur actuel (comme mon précédent d’ailleurs) offre la possibilité à ses collaborateurs utilisateurs de voitures électriques de se recharger gratuitement sur leur lieu de travail, en région parisienne. Un sacré avantage en nature qui a fait basculer depuis 2 ans et demi nombreux de mes collègues vers l’électro-mobilité. Le revers de la médaille ? Malgré environ 30 places de stationnement réservées, ces dernières sont quasiment toujours toutes occupées, dès 8h30 du matin jusqu’aux alentours de 17h. Si l’entreprise compte sur l’intelligence collective pour organiser un roulement, force est de constater que ça ne fonctionne pas toujours (j’en veux particulièrement aux utilisateurs de PHEV, qui squattent 10h durant une borne alors qu’ils sont pleins au bout de 3h). Bref. Autant vous dire qu’au moins d’août, malgré la forte adoption de l’électro-mobilité au sein de mon entreprise, trouver une place n’était pas un problème. Une petite charge par semaine juste avant le week-end suffisait, et me faisait (plutôt Skoda en l’occurence, vu qu’ils m’avaient filé une carte de charge Powerpass) économiser quelques précieux €. Sur une borne 22 kWh, l’Enyaq (qui charge à 11 kW max sur courant alternatif) affichait ainsi un rythme de recharge de 68 km par heure, soit une charge complète en 7h environ. Sur secteur en revanche, c’était une vraie cata… 7 km par heure, autant vous dire que j’ai essayé une fois en m’arrêtant quelques heures dans ma famille sur la route, et j’ai laissé tomber.

Si sur le réseau secondaire ma consommation moyenne tournait autour des 15 kWh (sans forcer l’éco-conduite), on dépasse comme la plupart des EV largement les 20 kWh en consommation instantanée sur autoroute. L’ordinateur de bord affichait environ 21 kWh à 120 km/h, on frôlait les 24 kWh une fois à 130 km/h, ce qui si on décide de rester dans la fameuse tranche des 20-80% oblige à un arrêt tous les 200 km. Sur autoroute, l’autonomie de l’Enyaq 80X chargé à 100% tombe alors sous les 350 km. Fort heureusement pour moi, la fameuse apocalypse sur les aires d’autoroute aux bornes de recharge n’a pas eu lieu, et j’ai vite compris pourquoi : le prix. Outre un affichage pas toujours très clair (seul Engie affichait un totem aux stations, à la manière des prix des carburants), ce dernier devient rapidement prohibitif en cas de consommation un poil élevée de votre véhicule. Malgré tout, pas trop le choix une fois engagé sur le réseau autoroutier vu la médiocrité du planificateur d’itinéraire embarqué, lent et très loin d’être pertinent dans ses propositions (gros point faible sur l’Enyaq) : on s’arrête et on recharge dès qu’on le peut. J’ai préféré de loin utiliser l’application Powerpass (liée à la carte de charge fournie par Skoda) sur mon iPhone en amont de mes grands trajets : plus claire, plus fluide, plus “user-friendly”. En revanche, rien à dire sur le réseau. Les bornes de charge se sont multipliées un peu partout et je constatais encore d’autres mises en service à venir dans quasiment une station sur deux. Une seule pause sur mes 2000 km d’autoroute aura nécessité une attente interminable de… hmm hmm… 3 minutes chrono avant qu’une borne ne se libère. Si la France garde le rythme actuel à mesure que les temps de recharge et les technologies des batteries s’améliorent, l’électro-mobilité n’aura bientôt plus aucun argument pratique opposable.

D’ailleurs sur le plan de la rapidité, l’Enyaq a encore du chemin à parcourir. Il faut facilement 30 minutes pour effectuer une recharge de 20 à 80%. Malgré un pic théorique à 150 kW, force est de constater que la courbe de charge est loin d’être efficiente. Je n’ai constaté un pic qu’à 144 kW dans la vie réelle, et pendant 5 minutes à peine. Une fois les 65% dépassés, je constatais que la puissance de charge dépassait très rarement les 80 kW. 30 min d’arrêt tous les 200 km sur autoroute en 2023 : c’est trop. En témoigne la réaction de ma passagère, qui vit arriver une IONIQ 6 flambant neuve, arrivée 5 min après nous et repartie 5 min avant : “il a déjà fini lui ?!”.

Un été pour comprendre… les réticences des pro-thermiques

Ce qui m’a le plus amusé dans mon expérience électrique, c’est que je me suis transformé en un instant en un ardent défenseur de l’électro-mobilité, jugeant les commentaires des réticents d’un air hautain, voire moqueur. Lors des repas familiaux à rallonge, je tenais la place du jeune cadre dynamique insolent qui expliquait aux vieux sceptiques pourquoi leurs voitures thermiques étaient tellement dépassées. De même, je me revois hurler sur ma belle-soeur en lui affirmant que mettre plusieurs dizaines de milliers d’euros dans une voiture thermique neuve pour une utilisation de “Monsieur tout-le-monde” ne fait plus aucun sens. À y mieux réfléchir, la personne que j’étais devenue durant cette période était carrément détestable. Je reste en mon for intérieur convaincu que la multiplicité des énergies reste le meilleur compromis au regard de la situation européenne actuelle.

Mais finalement, le pire dans cette expérience de pseudo-propriétaire de voiture électrique, c’est sans doute la moindre discussion avec un propriétaire de Tesla, une sensation comparable à ce qu’un adepte de smartphone sous Androïd peut subir face à un utilisateur d’iPhone. Entre ceux qui me disent que mon expérience EV est des plus déplorables en raison d’un produit pas abouti (ils n’ont pas tort sur tous les points, mais tout de même) et les autres qui viennent me voir exprès à la borne de recharge sur une aire d’autoroute pour me dire “eh bah, il est cher le kWh ici, je vais aller au Superchargeur le plus proche moi” (ils n’ont pas tort non plus les bougres), j’ai eu des envies de violence. À cause d’eux, je hais les propriétaires de Tesla alors que je sais très bien qu’au fond, ils ont parfaitement raison. Ne faites pas comme moi, et achetez une Tesla.

Un été pour tout comprendre

Comment conclure autrement ? Malgré des qualités intrinsèques, l’Enyaq semble en retrait face à un Tesla Model Y sur bien des plans. Du côté du porte-monnaie ? Avantage Tesla. Du côté de la sérénité pour se recharger ? Avantage Tesla ? Espace à bord ? Avantage Tesla. L’Enyaq n’a finalement que ses qualités propres de ce qu’on attend d’un produit du groupe Volkswagen à faire valoir : une qualité de finition de haute volée, et une expérience de conduite digne d’un constructeur premium. Deux critères qui semblent néanmoins être en chute libre dans l’ordre de prévalence de la clientèle en 2023.

Crédits photos / vidéos : Maurice Cernay

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