Première pierre de l’édifice électrique de Volkswagen, la petite ID.3 représente tous les espoirs de la marque pour le futur. Est-ce pour autant une bonne voiture ?
J’ai déjà croisé l’ID.3 lors de sa première internationale à Paris au Mondial 2016 il y a tout juste 4 ans, jour pour jour ! Elle s’appelait alors simplement I.D. et essayait surtout de redorer l’image de la marque alors sacrément écornée par le scandale des émissions de CO2 truquées. Quatre ans plus tard, la voici dans la rue, une dizaine d’exemplaires sagement alignés devant un grand hôtel parisien.
Quatre ans seulement pour développer une nouvelle plate-forme, des moteurs, des batteries, un système entier, c’est remarquable.
Bella Ciao
Du concept de 2016, l’ID.3 reprend quasiment tout, et c’est très bien ! Compacte par ses dimensions (grosso modo la taille d’une Golf ou 308), elle arbore un style de carrosserie qui sort enfin de la silhouette SUV.
Pas vraiment monospace, ni vraiment berline classique, l’équivalent le plus proche que je peux trouver est la Golf Sportsvan (pas un gros succès pour la marque d’ailleurs). L’ID.3 se démarque nettement des codes esthétiques actuels de Volkswagen avec un dessin tout en rondeur, une petite bouille sympa qui rend la voiture spontanément sympathique, surtout avec ce joli coloris turquoise.
Petit aparté : dis M. Volkswagen, on peut avoir d’autres couleurs sympas comme ce turquoise ? Les autres couleurs disponibles (blanc, noir et gris) sont d’une tristesse infinie ☹
Revenons à notre ID.3. Si la calandre lisse revendique son originalité, le profil ne peut nier une franche influence Golfienne : ligne de caisse bien marquée, et surtout une custode carrée, épaisse, qui trahit un air de famille encore conforté par le hayon incliné, surmonté d’un becquet intégré dans le prolongement du toit. L’ensemble fait à la fois sérieux et « sympa », une sorte de compromis idéal ?
Easy Lover
Petit briefing technique pour nous expliquer que l’ID.3 est une voiture « simple ». Oui, vraiment très simple, à l’image de sa procédure de démarrage. Moyennant quelques options, la clé permet de se faire reconnaître à distance dès l’approche et d’allumer les phares. Une fois à bord, pas de bouton de démarrage : une simple pression sur la pédale de frein, sélection de la marche avant (ou arrière) et c’est parti. C’est tellement simple que ça en est déroutant, mais on s’y fait très vite.
L’habitacle futuriste du concept car a laissé la place à quelque chose de bien plus traditionnel. On y retrouve un vrai volant non rétractable, une dalle LCD garnie de compteurs en face du conducteur et une grande dalle tactile multimédia au centre de la planche de bord. Une grande console centrale garnie de rangements sépare les passagers avants. Bizarrement, cette console centrale aurait pu s’étendre un peu plus vers la planche de bord et cacher ainsi une vilaine vis de fixation, extrêmement visible.
C’est peut être un détail pour vous mais je ne pouvais pas m’empêcher de la regarder de temps en temps, hypnotisé par ce petit morceau de métal que je croyais disparu de nos habitacles depuis les années 90. Si la qualité des assemblages est correcte, la qualité des plastiques a fait un net bond… en arrière. C’est regrettable de la part d’une marque qui nous habitué à tellement mieux. Plastiques durs et lisses qui font toc toc, ça ne colle pas avec l’image voulue « access premium » de VW.
Autre regret : la disparition quasi-totale des boutons physiques. Toutes les fonctions se règlent dorénavant soit via la dalle tactile, soit via des boutons tout aussi tactiles à retour haptique. Une petite vibration au bout des doigts vous renseigne ainsi sur la bonne prise en compte de la commande. On s’y fait, mais ce système du tout tactile présente deux défauts : il faut parfois appuyer sur une succession de boutons pour arriver à certains réglages simples, parfois à 2 doigts, et surtout, les « faux contacts » sont nombreux. Simplement tourner le volant a par exemple permis de tester à fond le volume de l’autoradio. Mes oreilles s’en souviennent encore (la qualité audio est d’ailleurs tout juste correcte). Mais il paraît que c’est un coup à prendre.
Après décompte, il reste seulement 2 boutons physiques qui font « clic » : les lève-vitres. Quant à CarPlay ou Android Auto, ils n’arriveront qu’en 2021 en même temps que l’affichage tête haute 3D. Le système multimédia et de navigation fait en attendant plutôt bien son travail. Il est clair et réactif, agréable à utiliser. Petit détail : si l’habitacle compte 4 prises USB, elles sont toutes au standard USB-C, plus petit. Prévoyez vos adaptateurs !
Crossroads
Il est temps de partir et de faire nos premiers tours de roue. A bord, la première sensation marquante est l’espace. En ayant pu repousser les roues aux 4 coins, le volume habitable est très confortable, bien plus que dans une Golf de gabarit équivalent. Le toit vitré et les grandes vitres laissent rentrer à flot la lumière. Un petit élément vitré donne une bonne visibilité sur le ¾ avant. La visibilité arrière, en revanche, n’est pas très glorieuse. Entre la lunette étroite et la custode épaisse, on en vient à louer la présence des caméras de recul et aides au parking.
A conduire, l’ID.3 est particulièrement agréable, au point que j’oubliais bien souvent qu’il s’agissait d’une voiture électrique ! Une fois compris le fonctionnement des deux modes de freinage régénératif, la gestion du pseudo frein moteur était assez facile. Que ce soit dans des artères parisiennes embouteillées ou des petites routes normandes, l’ID.3 peut se manier avec beaucoup de souplesse, sans à coup. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut la conduire.
Plus encore qu’avec une voiture à moteur thermique, il faut anticiper et prévoir la route pour rouler en douceur et essayer de régénérer de l’énergie au maximum. Bien que son moteur électrique développe 150 kW (ou 204 ch), l’ID.3 est lourde (1800 kg). On est loin de la Caterham, même si le centre de gravité bas lui donne une très bonne tenue de route. Le freinage est certes efficace mais la pédale manque de consistance et surtout sa course trop longue demande une certaine attention.
Vroum Bzzzzz
L’ID.3 est une propulsion, et cela se ressent un peu sur son comportement routier légèrement joueur, mais sans jamais piéger son conducteur. On peut se laisser assez vite griser par son tempérament dynamique, d’autant que le couple généreux de 310 Nm, disponible instantanément, donne de franches relances en sortie de courbe. Le moteur placé sur les roues arrière permet de proposer un rayon de braquage presque aussi bon que celui d’une petite Up ! Avec 10,2 m entre trottoirs, la maniabilité en ville et le créneau n’auront plus de secrets pour vous.
L’amortissement est très typé « Volkswagen » : imperturbable sur autoroutes, et plus raide sur petites départementales (vous avez dit “tape-cul” ?). Les grandes jantes de 20″ n’aident pas forcément à faire passer correctement les petites aspérités. Un amortissement piloté est heureusement prévu en option pour 2021 pour adoucir la situation. Comme toute voiture moderne qui se respecte, l’ID.3 est dotée d’une palanquée d’aides à la conduite rendant la voiture quasi autonome.
Maintien dans la file, régulateur adaptatif, freinage d’urgence, toutes ces fonctions ont très bien fonctionné durant l’essai, que ce soit sur autoroute ou même sur départementales. Et c’est plutôt un bel exploit, car le maintien dans la file et la prise de virages alors qu’il n’y a qu’une bande blanche centrale à moitié effacée maculée de boue, de feuilles mortes et de matière non identifiée, c’est loin d’être aisé !
Electric Light Orchestra
La batterie de notre modèle de test est d’une capacité de 58 kWh, de quoi lui donner une autonomie théorique de 425 km selon le cycle WLTP. Les calculs d’autonomie et de consommation durant l’essai ne seront pas très significatifs : deux conducteurs au tempérament différent, qui vont essayer successivement le mode sport et le mode éco donneront forcément un résultat faussé. Tout au plus puis-je vous communiquer une conso moyenne d’environ 17 kW/100 km, mais qu’il faudra affiner lors d’un essai en conditions plus réelles.
La gamme ID.3 comporte à ce jour un seul moteur de 150 kW (204 ch), proposé avec deux batteries de 58 kWh (425 km d’autonomie) ou 77 kWh (542 km). Une plus petite batterie de 45 kWh et un moteur de seulement 107 kW (146 ch) viendront un peu plus tard dans la gamme pour proposer un prix d’appel.
Money
Car c’est là un des deux principaux défauts de l’ID.3 : son prix. Notre modèle d’essai (150 kW en finition 1st Max, incluant toit vitré, jantes 20’’, affichage tête haute) atteint 49 990 €. Déduction faite de la prime gouvernementale de 3 000 €, les 46 990 € demandés font assez mal pour une compacte généraliste. Il faudra plutôt chercher votre bonheur dans les versions inférieures pour bénéficier d’une aide de 7 000 € et un prix d’attaque à 39 990 €, hors prime. Sa concurrente la plus proche, la Nissan Leaf, démarre à 33 900 € hors prime, pour des prestations sensiblement moindres. Quant à la Tesla Model 3, son prix de base démarre à 49 600 €, hors prime.
L’autre défaut, hélas non inhérent à l’ID.3, est bien sûr la recharge. Tant qu’il ne sera pas aussi simple et rapide de recharger que de faire son plein, les ventes ne pourront pas progresser spectaculairement. Aujourd’hui, trouver une borne n’est pas tout. Il faut s’assurer qu’on dispose du bon abonnement de recharge, vérifier les puissances fournies, la compatibilité éventuelle de la connexion, etc… C’est un fouillis indescriptible d’infrastructures qu’il faut défricher avant de se lancer. Et le client lambda n’a pas forcément envie de fournir ce petit effort.
L’ID.3 est indéniablement une bonne voiture, très agréable et facile à conduire. Elle est tout à fait en mesure de remplacer n’importe quelle compacte moderne avec des prestations routières de très bonne qualité. Reste bien sûr le prix, assez salé en finition haute. Et également des défauts de finition à améliorer significativement pour en faire une excellente voiture à conduire au quotidien. Elle n’est que le début de l’offensive de VW sur le créneau électrique. Le SUV ID.4 à peine révélé porte en effet tous les espoirs de la marque en adoptant la silhouette de carrosserie la plus à la mode du moment.
Crédits photos : Régis Krol