Parfois, on hésite à faire un article. Trop pointu ou trop banal. Ça n’intéressera personne. Et puis finalement on trouve un sujet tellement décalé… qu’on ne peut pas faire autrement. Voici donc des Fiat 500 tout terrain !
La Fiat 500 (la “vraie”, pas la version moderne) a connu de nombreux dérivés au cours de sa longue existence. Les plus connus sont les breaks Giardiniera ou les petites Bianchina. Mais en fouillant bien, on peut tomber sur des choses absolument stupéfiantes. La Ranger en fait partie. Dévoilée lors du salon de Turin 1966 par la société FERVES (FERrari VEicoli Speciali), la Ranger était disponible en deux versions : “normale”(plutôt destinée à un usage récréatif comme voiture de plage ou de petite randonnée) et “cargo” (véhicule utilitaire). Double vocation pour un drôle d’engin dessiné par Carlo Ferrari (a priori aucun rapport avec un autre citoyen italien du même nom). La carrosserie est si mignonne qu’on la croirait échappée d’un manga (même si sous certains angles on dirait aussi une VW Schwimmwagen passée au compresseur).
L’habitacle est quant à lui extrêmement dépouillé : 4 sièges en skaï (2 en version cargo), 2 ou 3 compteurs jetés au hasard sur la planche de bord, et c’est tout. Les portes sont amovibles, le pare-brise rabattable : à vous le grand air ! Le toit ? Quel toit ? Ce petit bout de capote mal fichu ?
Monté sur un châssis inédit, ce petit véhicule de 2,6 m de long est donc équipé d’un bicylindre de Fiat 500F monté en position arrière, comme l’original, développant la folle puissance de 22 ch. La suspension et une partie des trains roulants sont quant à eux prélevés sur une grande Fiat 600, ce qui lui permet de bénéficier de 4 roues indépendantes et d’un carrossage des roues arrières quelque peu acrobatique. Les 4 roues indépendantes, c’est bien pour une voiture qui a des ambitions en tout terrain. Car oui, la Ranger a droit à une transmission intégrale, tout à fait inédite pour une Fiat 500 et pour un aussi petit véhicule. Les premiers exemplaires ne disposaient que de deux roues motrices, mais une amélioration de taille lui donnant peu de temps après les 4 roues motrices propices aux promenades dans les sous-bois fut vite adoptée. Particularité : la démultiplication de la boîte permet au Ranger d’évoluer très lentement en terrain difficile, mais sûrement pas dans le plus grand des calmes vu le bruit du moteur !
Mi voiture de plage, mi petit véhicule utilitaire pour forestiers, la Ranger a été produite à environ 600 exemplaires de 1965 à 1970, quasiment tous détruits. Il en resterait encore une cinquantaine en circulation. A bien y réfléchir, le concept de petit véhicule tout terrain polyvalent avait de l’avenir : quelques années plus tard les japonais de Suzuki vont exploiter la même recette avec les LJ80, Samurai et autres Jimny, avec le succès que l’on sait ! Le catalogue de la Ranger donne d’ailleurs tellement d’utilisations possibles qu’on se demande bien comment on fait pour vivre sans, un peu comme un couteau suisse !
Si vous trouvez que le Ranger, c’est mignon mais que ce n’est quand même pas assez, voici beaucoup plus fort : la Fiat 500 à 6 roues, nommée…. Ferrario Lucertola 500 (ou lézard). D’accord, ce n’est pas hyper impressionnant, mais je reste pantois devant tant d’ingéniosité pour aboutir à un résultat qui ne répond qu’à très peu de besoin commerciaux. La recette de la Lucertola est quasiment la même que celle de la Ranger : châssis séparé maison habillé d’une carrosserie spartiate en tôle plate, moteur de Fiat 500 en position arrière (qui donne aussi ses trains roulants) et boîte de vitesse de Fiat 600, transformée avec des éléments de Fiat 1100. Dans tout ce Meccano, les concepteurs ont pu caser 4 roues motrices sur les deux essieux arrières grâce à une liaison par chaînes, chapeau ! Raffinement ultime : les freins à double circuit pouvaient être actionnés indifféremment sur le côté gauche ou le côté droit seul par une commande manuelle.
A l’origine de ce projet un peu foufou : Carlo et Giussepe Ferrario, père et fils, n’ayant encore une fois aucun rapport avec un dénommé Enzo F. Elle fut produite à seulement 24 exemplaires, de 1969 à 1974, dont une grande partie ont survécu jusqu’à nos jours. Si la Ranger avait une double casquette chasse/pêche et travaux forestiers, le coeur de cible de la Lucertola était plus flou. Petit, étroit et certainement passe-partout, son terrain de prédilection est certainement les alpages où il devait faire merveille. Si le Ranger ne ressemblait pas à grand chose à part éventuellement à la voiture de Oui-Oui, le petit lézard me rappelle quant à lui furieusement les Mercedes Classe G ou les VW Iltis qui n’arriveront que bien plus tard.
Si au détour d’un fouille de grange vous tombez par hasard sur un des ces modèles, vous détenez une “petite” fortune : un Ranger a été vendu aux enchères pour plus de 29 000 £ en septembre à Londres !
Crédits photos : RM Sotheby’s/Rémi Dargegen, Bonhams et DR