Essai : Infiniti M35h [Q70]. It’s not easy being green?

Infiniti M35h 01

Comme le chantait si justement Kermit (la grenouille du Muppet Show, pas la marionnette de Mitterrand), il n’est pas forcément facile d’être vert, bien que l’écologie soit une valeur on ne peut plus actuelle. Aussi, nous nous devons d’être exemplaires sur ce blog. Craignant d’être limogé à l’image de feu notre ministre de l’écologie, je me suis rendu à l’évidence : il me fallait à mon tour essayer un véhicule hybride pour me donner bonne conscience. Profondément hippie et emprunt de simplicité, c’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers une Infiniti M35h. Et pour renforcer mon côté prolo, c’est dans sa version de base que je vous propose de découvrir cette berline populaire, accessible dès 55 090 €.

En vert et contre tous ?

En gris métallisé et contre ses rivales directes que sont les Lexus  GS 450h et BMW Série 5 ActiveHybrid, plus précisément. La japonaise susmentionnée est motorisée par un V6 3,5 l associé à un moteur électrique développant une puissance cumulée de 345 ch tandis que la bavaroise l’est par un L6 de 3,0 l également lié à un moteur électrique développant 340 ch au total. L’Infiniti M35h dispose quant à elle d’un V6 3,5 l qui, à l’image de Van Halen ou Slash, joue sa partition à l’aide d’un instrument électrique. La puissance totale est de 364 ch, transmise, à l’instar de ses rivales, par les roues arrière. Je choisis volontairement d’écarter les deux autres hybrides du segment que sont les Mercedes Classe E 300BlueHybrid et Audi A6 2.0 TFSI Hybrid pour des raisons de positionnement : La berline de Stuttgart dispose d’un quatre cylindres diesel de 204 ch associé à un moteur électrique de 27 ch tandis que celle d’Ingolstadt est motorisée par un quatre cylindres essence de 211 ch auxquels s’ajoutent les 54 équidés du moteur électrique. Je vous laisse faire les additions, mais nous sommes dans des niveaux de puissance et d’agrément différents de ceux des Infiniti, Lexus et BMW.

Ceci étant dit, l’Infiniti se pose également en alternative aux autres motorisations de la gamme M (bientôt rebaptisée Q70) à savoir la M37 et la M30d. Vous l’aurez deviné, cette dernière représente l’offre diesel, motorisée par le V6 3,0 l de 238 chevaux qui équipe notamment le FX30d que nous avions essayé au printemps. Côté essence, la M37 se pare du V6 3,7 l que l’on retrouve également sur la Nissan 370Z dans une définition développant ici 320 chevaux. Ces deux motorisations sont disponibles en entrée de gamme (51 790 € pour la M30d et 51 490 € pour la M37) tandis que la M35h n’est accessible qu’à partir du second niveau de finition (GT à 55 090 €, à l’image de notre modèle d’essai) ainsi qu’en GT Premium à 61 090 €. Les versions thermiques sont également proposées en finitions S et S Premium caractérisées par un châssis à quatre roues directionnelles. Quelque soit la motorisation, la japonaise dispose d’une transmission automatique à sept rapports. Produite à Tochigi au Japon, l’Infiniti M semble avoir une carte à jouer sur le segment, en particulier dans cette version hybride. Ca tombe bien, l’heure est venue pour nous de l’essayer.

Ich bin ein Berline de luxe

Faisons le tour du véhicule avant d’y prendre place afin d’apprécier (ou non) l’esthétique du modèle. Vue de face, la voiture en impose avec son capot et ses ailes galbées, sa belle peinture au rendu profond et à la technologie auto cicatrisante. Les projecteurs effilés encadrant l’imposante calandre se montrent réussis tandis que la partie arrière fait figure de parent pauvre avec des feux au graphisme un peu cheap pour le segment et une malle arrière en deux partie qui aurait sans doute été plus classe avec une soudure laser. Comme sur le FX, les lave-projecteurs et les radars de stationnement de la M35h ne sont pas affleurant au pare-choc ce qui gâche un peu l’aspect du véhicule. C’est d’autant plus regrettable qu’une petite 208 est plus soignée sur ce genre de détails. Dans le même esprit, le crochet d’arrimage arrière est visible sous le bouclier à la manière de celui d’une banale Polo. A ce niveau de gamme, c’est critiquable. De profil, les flancs aux lignes de style non rectilignes dynamisent l’allure et font paraître la voiture moins grande qu’une Mercedes Classe E. Ce n’est malheureusement qu’une impression, car avec 4,95 mètres de long, la berline japonaise compense certes allègrement pour d’autres choses moins imposantes mais deviendra bien encombrante en ville au point qu’il m’a été impossible de la garer devant chez moi. On peut déplorer le fait que la caméra de recul et les radars n’ont pas encore la faculté de raccourcir une voiture. Elle mesure environ 10 centimètres de plus que les Lexus GS, Mercedes Classe E ou BMW Série 5 et est aussi grande que la Jaguar XF. La vie étant bien faite, il me restait toujours ma place de parking mais force est de constater que l’habituelle Mondeo qui véhicule votre serviteur est une bien meilleure citadine… Sans parler de la Twizy qu’essayait notre cher Jean-Baptiste au même moment.

A bord, on se retrouve vraiment dans une grande routière : contrairement au FX à l’aspect un peu décevant, la finition de la M35h est soignée sans pour autant atteindre la précision chirurgicale d’une Audi A6. C’est toutefois d’un très bon niveau et le style est un peu plus chaleureux que sur la voiture aux quatre anneaux. La console centrale élégamment galbée abrite un désignateur assez ergonomique pour piloter l’infotainment du véhicule (l’écran tactile, un peu trop éloigné, vous incitera à utiliser ledit désignateur) tandis qu’en partie basse, les portes-gobelets sont aptes à maintenir des bouteilles de 50 cl. Les boiseries en frêne japonais de cette version de base sont remplacées par des placages en frêne blanc à la poudre d’argent en finition GT Premium dont le rendu est original. Les matériaux employés sont généralement bons, le grain assez soigné : la M35h peut légitimement se frotter à ses rivales sans complexe.

Côté ergonomie, c’est globalement positif à l’exception des commandes de sièges électriques, difficilement accessibles en dépit de mes mains fines et gracieuses. Les conducteurs aux dextres de bûcherons risquent de pester. Curieusement, l’accoudoir central n’est pas à la même hauteur que les accoudoirs latéraux et les commandes d’ordinateur de bord gagneraient à être plus pratiques. Dans le même ordre d’idées, le volant chauffant (inclus dans la dotation de série) s’actionne par le biais d’un switch dont l’implantation a probablement été dictée par MC Hammer : à moins de décoller le dos du siège pour atteindre la commande à bouts de bras, you can’t touch this. En parlant d’équipements, cette version GT dispose de l’installation audio Bose la plus basique avec système « Engine Harmonic Cancellation » et seulement 11 HP dont le rendu est réussi. Les plus exigeants pourront rajouter 5 autres haut-parleurs en optant pour la finition supérieure. La version de base vous gratifie également de sièges en cuir chauffants et ventilés à l’avant, de mon essentiel toit ouvrant électrique et de projecteurs bi-xénons avec AFS dynamique. Notre modèle d’essai dispose de la seule option proposée : le Pack Connectiviti + Forest Air (2400€) qui comprend, outre un infotainment complet, une clim dotée du recyclage automatique de l’air, d’un parfumeur d’ambiance changeant régulièrement les aromes diffusés et d’un filtre à polyphénols. Et c’est bien la première fois que j’emploie ce terme dans un article automobile.

L’habitabilité est bonne, et vu le gabarit de la bête, c’est bien la moindre des choses. En revanche, le coffre pose un sérieux problème du fait de l’implantation des batteries au dos de la banquette (laquelle n’est pas modulable). Le volume utile de 350 litres risque de rebuter plus d’un client. A noter que la BMW Série 5 ActiveHybrid souffre du même grief tandis que la Lexus GS 450h ménage un volume plus important (465 litres). C’est d’autant plus décevant que les hybrides du segment inférieur (Lexus IS 300h et Peugeot 508 Hybrid4) disposent de coffres plus volumineux et de batteries implantées dans le plancher permettant la modularité des dossiers arrière. On touche ici au talon d’Achille de cette Infiniti. Enfin, l’accès et démarrage mains libres sont de série. Une simple pression sur le bouton Start vous permettra de profiter de la généreuse cavalerie.

364 chevaux, vous dîtes ?

En effet, toute verte qu’elle prétend être, la M35h n’oublie pas les performances. Son plus grand fait d’arme ? Le 0 à 100 km/h expédié en 5,5 secondes, ce qui fait d’elle l’hybride la plus rapide sur cet exercice. Perdre quelques points de permis sera un jeu d’enfant, d’autant plus que l’insonorisation est très soignée. Il n’est pas rare de se surprendre bien au-delà de la limite en dépit des velléités écologiques de la voiture. Le vert, c’est satanique, comme disait Salman Rushdie [ça passe mieux à l’oral, j’en conviens]. La M35h propose différents modes de conduite : Snow, qui vous épargnera les vigoureux départs afin de privilégier la motricité, Eco, qui aura tendance à solliciter autant que faire se peut le moteur électrique, Sport, qui vous permettra de tenir la dragée haute à une Testarossa ainsi qu’un mode Normal… dont la normalitude ne m’a pas attiré [ce n’est pas la première fois] : suffisamment dynamique au quotidien en mode Eco, l’Infiniti pourra être occasionnellement basculée en mode Sport si jamais (souvent) l’envie vous prenait d’humilier vos concurrents en sortie de péage. Les excès de vitesses étant largement encouragés par le tandem que forment l’insonorisation et la motorisation, le régulateur/limiteur de vitesse se révèle alors utile. Je ne saurais trop vous recommander le régulateur de vitesse adaptatif qui équipe la version GT Premium. Au démarrage, la voiture fait en sorte de charger au mieux la batterie et dès que l’on passe sur Drive, les premiers tours de roues se font systématiquement en mode électrique. Un histogramme permet de visualiser la course de la pédale afin de vous permettre d’optimiser le roulage en électrique : en ayant le pied léger (20% maximum de la course), vous pouvez évoluer en tout électrique durant deux kilomètres. Le freinage et la décélération permettent de récupérer de l’énergie tandis que sur autoroute, avec un peu d’habitude, on peut se retrouver à accélérer –doucement- en mode électrique. Voire de rouler à 130 km/h sans solliciter le moteur thermique (à condition d’avoir lancé le véhicule avant, bien entendu). Contrairement à Brian Wilson et ses acolytes, la M35h ne vous gratifiera pas de good vibrations : la mécanique est bien encapsulée et le passage du mode électrique au mode thermique est presque imperceptible.

Une hybride, donc, et elle vous permet de couper le moteur même sur voie rapide… Je vous vois venir avec vos sordides interrogations portant sur la consommation. Eliminons alors ce sujet bassement matérialiste, voici mes réponses : 9 litres sur un parcours majoritairement autoroutier et 12,5 litres en ville… It ain’t easy being green, mon pauvre Kermit. Certes, passée la découverte des performances de l’engin, il y a fort à parier que le mode Eco puisse être mieux exploité, le pied droit devenant plus doué pour optimiser l’utilisation de la batterie.  On reste toutefois assez loin des chiffres annoncés par Infiniti, les données des constructeurs étant ce qu’elles sont. Mais au fait, on a évoqué la batterie et son implantation derrière les dossiers de banquette arrière. Elle pénalise non seulement la masse mais également sa répartition : la M35h pèse 1830 kg contre 1715 pour la M37 (V6 3,7 l). Près de 120 kg de batteries sont ainsi logés à l’arrière, en position relativement haute. On est certes loin des 280 kg de batteries de la Fluence ZE mais ce n’est pas sans conséquences sur le comportement. Bien aidée par le fait qu’elle soit une propulsion, la M35h ne souffre d’aucun problème de motricité. En revanche, et particulièrement en changement d’appuis, elle procure la sensation de rouler « coffre chargé » et dandine très légèrement de l’arrière. Ce n’est pas méchant mais cela nuit un peu au comportement dynamique. Dans l’absolu, cela ne doit pas effrayer la clientèle, plutôt autoroutière de l’engin. Néanmoins, Infiniti n’a pas jugé bon de décliner le train arrière à roues directionnelles sur la version hybride. C’est triste mais c’est ainsi. C’est comme si Citroën n’avait pas prévu de rendre compatibles ses voitures hybrides avec une suspension hydraulique… Mais je m’égare. Côté boîte de vitesse, les sept rapports s’enchaînent en douceur, la direction ne prête pas le flanc à la critique et l’amortissement est très prévenant avec les occupants. La M35h tient son rang et est une vraie routière, ménageant ses passagers et divertissant son conducteur qu’il s’agisse de jouer avec le moteur électrique ou de passer ses nerf sur l’accélérateur. Et ça fait probablement tout le charme de l’engin.

Verdict

Disponible à partir de 55 090 € en version GT, l’Infiniti M35h peut se targuer d’un très bon rapport prix/prestations et d’une dotation en équipements très complète. Une BMW Série 5 équivalente vous sera facturée environ 75 500 € (à partir de 68 100 € hors options) sans pour autant disposer d’un coffre respectable. Inutile de dire que la différence de prix a de quoi faire réfléchir. Sa plus dangereuse rivale est à mon sens la Lexus GS 450h, disponible à 59 900 € mais faute de l’avoir essayée, je ne saurais me prononcer à son égard. Au sein de la gamme Infiniti M, cette version M35h entre en concurrence avec le diesel (M30d) dont les consommations sont théoriquement plus faibles et le coffre, bien plus exploitable. Mais il s’agira d’un bête diesel et non d’une sympathique voiture hybride tandis que la TVS sera un brin plus élevée (l’hybride est donnée pour 159 gr/km contre 199 gr/km au diesel) et l’agrément en retrait face à celui, à la fois sportif et ludique, du tandem essence/électricité. Quoi qu’il en soit, avec 364 chevaux, un mode sport très réactif et une très bonne isolation, ce pousse au crime aura à cœur de dissuader toute velléité de conduite écologique : it ain’t easy being green. Mais cela rendra le défi éco-conduite encore plus intéressant pour peu que vous soyez joueur. La M35h vous en donne pour votre argent, avec un petit zeste d’amusement procuré par son mode de propulsion : il ne lui manque qu’un coffre plus logeable pour la rendre totalement attrayante face aux versions thermiques.

Photos : Ugo Missana / Eric E.

Total
0
Shares
Previous Post
Clio IV Gordini RS

Renault Clio Gordini RS 2014 : La voilà…

Next Post
Todt dans un fauteuil à la FIA

FIA : Pas de réelection dans un fauteuil pour Todt

Related Posts