Essai : Infiniti FX30dS Premium [QX70]

Le pays traverse une crise majeure. C’est un fait. La France est confrontée à un taux de chômage particulièrement élevé, le nombre de sans-emplois dépassant nos tristes records passés. Les prévisions de croissance sont, dans le meilleur des cas, quasi-nulles, tandis que les impôts augmentent parallèlement à la légère diminution du pouvoir d’achat. Les français souffrent. Ainsi, à la rédaction, on a décidé d’annuler nos essais prévus avec Rolls Royce et Ferrari. Inutile de vous faire saliver avec des véhicules que vous ne pourrez pas vous payer, nous préférons redescendre sur Terre et vous présenter des produits nettement plus accessibles. Je vous propose donc de découvrir l’Infiniti FX. Suivez-moi pour un essai en direction des plages ensoleillées… du Nord des Pays-Bas.

Présentation

Dire qu’Infiniti est une marque à la notoriété toute naissante en France est un euphémisme. Je ne compte plus le nombre de personnes à qui j’ai dû présenter la marque de la voiture que j’allais essayer (j’ai compté, ça fait neuf). Je ne vous ferai cependant pas l’affront de vous rappeler les fondamentaux : je sais que vous êtes passionnés et cultivés, d’autant plus que vous me lisez assidûment et que vous n’avez pas manqué cette piqûre de rappel lors des interviews réalisées à Genève. Je me contenterai de vous brosser rapidement l’historique du FX : la première génération, lancée en 2003 en Amérique du Nord exclusivement, a connu un franc succès. Précurseur des crossovers huppés, son esthétique lui a valu une certaine notoriété, au point que plusieurs clients européens ont fait importer et homologuer des exemplaires à titre individuel en dépit des prix dissuasifs pratiqués par les importateurs. Produite à Kanagawa au Japon, la seconde génération apparaît en 2008 et est officiellement importée à la fin de la même année, Infiniti étant désormais présente dans plusieurs pays d’Europe. En 2010, le FX se dote du moteur V6 diesel de l’Alliance Renault-Nissan. Restylé il y a quelques mois, le crossover d’Infiniti arbore notamment d’une face avant à mon goût plus réussie que l’ancienne.

Assumant pleinement son positionnement sportif, le FX repose sur la plateforme du coupé Nissan 370Z, également partagée avec la berline Infiniti M. En Europe, la gamme FX se compose de 3 moteurs : V6 essence 3,7 l (FX37), pareillement transfuge de la Nissan 370Z, dans une version dégonflée à 330 chevaux, un V8 5,0 l essence 390 chevaux (FX50) ainsi que le diesel de notre essai, le V6 3,0 l de 228 chevaux qui équipe, entre autres, les Renault Laguna Coupé, Infiniti M, EX ou Nissan  Pathfinder. Toutes les motorisations sont couplées à une boîte automatique à 7 rapports. Côté équipements, la gamme se compose des niveaux GT, GT Premium (régulateur de vitesse adaptatif, assistance au freinage, pack multimédia), S (suspension pilotée et roues arrière directionnelles) et S Premium combinant les équipements des deux précédents niveaux. La gamme FX démarre à 60 000 € avec le FX37 GT, tandis que notre modèle d’essai, le FX30dS Premium coûte 68 850 €. Son concurrent le plus proche, en termes de concept serait le BMW X6. Bien qu’étant un des rares modèles Infiniti à être connu sous nos latitudes, le FX sera rebaptisé conformément aux nouvelles dénominations de la marque. Il troquera alors son patronyme pour celui, tout aussi poétique de QX70 à compter de l’été (millésime 2014 américain).

Dehors, dedans, sous toutes ses coutures :

L’Infiniti FX, c’est d’abord une sacré gueule : avec ses dimensions assez imposantes pour la vieille Europe (4,85 m de long et 1,93 m de large), ses grosses jantes de 21 pouces, sa face avant prête à en découdre avec le reste du parc automobile, ses projecteurs effilés, sa ligne de pavillon assez fuyante et son capot bombé, le FX en impose et ne passe certainement pas inaperçu. De nombreuses personnes la regardent tandis que la plupart des voitures suscite une certaine indifférence. Parquée à côté d’une petite citadine, le gabarit de l’engin ne fait qu’accentuer l’allure fort affirmée du véhicule. Ce qui transparait ensuite, c’est le fait que le FX n’est pas conçu pour plaire en priorité aux européens : il s’agit d’un véhicule de luxe japonais à destination de l’Amérique du Nord avant tout. Plusieurs détails détonent dans un univers que l’on imaginerait plus raffiné. A l’extérieur, des éléments rapportés à l’image des lave-phares, des radars de stationnement peu intégrés et la tôlerie inférieure aux standards de certaines marques généralistes européennes (PSA ou VW) tandis qu’à bord, la relative déception se poursuit. Le grain des plastiques manque un peu de classe, le cuir ne recouvre que les zones du siège en contact avec le corps, laissant un simili prendre le relai (y compris pour les poches kangourou qui ne laissent planer aucun doute quant à leur absence de passé bovin). Puisque j’en suis à évoquer le cuir, celui du volant semble être voué à un fort mauvais vieillissement à en juger par l’usure de la peau après 25 000 km. D’ailleurs, le volant et sa préhension ne sont pas en rapport avec le prix du véhicule : il semblerait plus à sa place dans une vulgaire Nissan Altima à 24 000 $ que dans un luxueux SUV. Terminons la critique avec quelques interrupteurs vraiment cheaps à l’image de celui de la suspension pilotée alors que la garniture de pavillon reste grise en dépit de la jolie harmonie intérieure beige de notre voiture. A ce niveau de gamme, ça commence à faire pas mal d’erreurs. Mais voilà : d’une part, les gens plus normaux que moi sont probablement moins portés sur ce genre de détails, deuxièmement, il me semble avoir dit que cette voiture est une japonaise destinée avant tout au client américain dont les critères diffèrent de son homologue européen.

Le FX manque un peu de finesse dans le traitement de son habitacle et de sa carrosserie ? Peu importe : on ne mange pas un bon hamburger avec des couverts en argent. Le SUV d’Infiniti assume pleinement sa sauce barbecue, sa French’s Dijon Mustard et ses pickles. Outre la sacrée gueule de l’engin, la voiture fait le plein d’équipements indispensables à la légitimer le long des plages de Long Island plutôt que de passer pour un bête véhicule de red necks. Le cuir m’a déçu ? Peu importe : les sièges avant sont électriques, à mémoire et doté de maintiens latéraux réglables côté conducteur. Les deux assises du rang 1 peuvent s’étendre tandis que les sièges sont chauffants et climatisés. Que demander de plus ? Un appuie-tête mieux conçu, je vous le concède. La suite des équipements est une longue liste s’étendant de mon indispensable toit ouvrant à une excellente installation audio Bose (11 hauts parleurs), en passant par des phares bixénons directionnels, un hayon électrique, l’accès et démarrage mains libres, le régulateur de vitesse adaptatif, la direction active (suivi de voie), la « vision 360° » (4 caméras de manœuvres) et un GPS doté d’un écran tactile souligné d’un désignateur composé de plusieurs touches permettant une navigation très efficace dans les menus. En revanche, la navigation offerte par la carte nous suggérait d’emprunter des sorties d’autoroutes farfelues aux Pays-Bas tandis que les commandes vocales de la connexion Bluetooth sont moins bien conçues que chez Ford. Si le FX est disponible dans des coloris autrement plus originaux que le gris de notre essai, il est à noter que toutes les peintures du catalogue sont dites auto cicatrisantes : l’exposition au soleil permet au vernis de se défaire des micros rayures causées par les stations de lavage ou de (légers) assauts des propriétaires. Inutile d’espérer que la peinture soit invulnérable aux sauvageons français : les japonais ne connaissent pas ce genre d’incivilités et n’ont donc rien prévu pour y parer.

Pour terminer, abordons le sujet des aspects pratiques et de l’habitabilité : en dépit de la taille conséquente du FX, le coffre est pour le moins réduit (410 litres, soit autant qu’une « petite » Citroën C4) tandis que la place centrale de la banquette arrière relève de la punition à infliger à votre passager le moins méritant. Les dossiers arrières sont par ailleurs réglables en inclinaison. L’accoudoir central abrite, outre les prises auxiliaires, un très vaste espace de rangement mais les portes gobelets avant ont le tort… De mériter leur nom. En effet, une bouteille 50 cl ne sera en aucun cas maintenue, l’espace étant dimensionné pour le gobelet géant de 40 fl oz qui accompagnait votre menu Triple Whopper du Roi des Hamburgers. Aucun rangement n’est réfrigéré, étonnant quand on sait l’appétence des américains pour ce genre de gadgets. On se consolera en se disant qu’avec 230 chevaux, 4 roues motrices et directionnelles et une boite auto 7 vitesses, on peut tolérer le fait de boire un Coca à température ambiante tout en ignorant les gémissements du cinquième passager, un peu mal assis : il est grand temps d’aborder les qualités dynamiques de la bête.

Au volant : to Infiniti and beyond

« Avec les 4 caméras et les roues arrières directionnelles, ça se gare comme une Fiat Panda », m’a lancé le monsieur d’Infiniti avant de me confier les clés. On taira le fait que la petite italienne mesure 120 centimètres de moins en longueur et 30 de moins en largeur… Ceci étant posé, on a le plaisir de constater que le FX braque très bien, de manière saisissante : on se surprend à trop tourner le volant par moment, notamment dans les ronds-points. Après quelques minutes d’accoutumance, on fini par assumer pleinement la sophistication de la voiture. On se fait toujours très vite au luxe, vous dis-je. Les manœuvres de stationnement sont agréablement supervisées par les 4 caméras qui restituent une image « vue du ciel » du véhicule, supprimant l’ensemble des -nombreux- angles morts.  Une citadine idéale ? Honnêtement, je la trouve un tantinet large pour certaines artères altoséquanaises… D’ailleurs, aucun stop&start n’est prévu pour diminuer la consommation urbaine. Alors autant filer sur l’autoroute pour profiter du très agréable régulateur de vitesse adaptatif et de la direction active couplée au suivi de voie et à un l’avertissement de franchissement involontaire de ligne, probable ange-gardien face à la somnolence. Pour rester éveillé, vous pouvez aussi faire le plein : avec 90 litres, le réservoir vous gratifiera de dépenses à 3 digits avant la virgule. Durant les 1300 km de notre parcours majoritairement autoroutier en dépit de plusieurs incursions en ville, la consommation moyenne était de 9,5 l/100 km.

Le V6 diesel est doté d’un unique turbo à géométrie variable délivrant son couple maxi (550 Nm) entre 1750 et 2500 tr/m. Fort de 228 chevaux, il s’avère amplement suffisant pour mouvoir ce lourd SUV de 2150 kg, aidé par une boite automatique 7 vitesses permettant de limiter les dégâts sur autoroute, tant en consommation qu’en termes de niveau sonore. Pour autant, la masse non négligeable de la voiture induit une certaine inertie en ville sur le premier rapport qui aurait peut-être gagné à être plus court afin de s’extraire plus vigoureusement à chaque feu vert. Les palettes au volant permettent de changer de rapport, jusqu’à ce que l’effet de la nouveauté s’estompe (deux minutes, environ) et que vous ne laissiez la boîte le faire à votre place. L’insonorisation est assez bonne mais pas exceptionnelle. La faute en incombe aux bruits de roulements générés par les immenses pneumatiques (quatre enveloppes hiver Pirelli Scorpion 265/45) montés sur les jantes de 21 pouces de série sur les finitions S et S Premium. Côté liaisons au sol, la voiture bénéficie d’un train avant à pivots découplés et d’un train arrière multibras, associés à un amortissement piloté, pouvant être affermi en sélectionnant le mode sport. Ce dernier limite quelques ondulations de la caisse, dégrade légèrement le confort sans pour autant transfigurer le comportement du véhicule (pas d’action sur la réponse de la pédale d’accélérateur ou la direction). Globalement, l’amortissement est bon et le fait d’avoir un train arrière directionnel limite les prises de roulis tout en rendant la voiture dynamique et plaisante. Oui, on se surprend à avoir le sourire à son volant : c’est peut-être ça l’essentiel. Et si jamais vos moyens le permettent, la version V8 essence sera le pied-de-nez ultime à la bien-pensance autophobe actuelle, en plus d’être une version sportive crédible.

Conclusion

Bien entendu, l’Infiniti FX n’est pas vraiment conçu pour satisfaire les attentes du français moyen en dépit de son agréable V6 diesel le rendant nettement plus fréquentable sous nos latitudes (sans mauvais jeu de mot). Et c’est justement là sa force : il sort du lot, impressionne par sa présence, suscite la curiosité des passants et ne laisse pas indifférent. Il n’est pas fait pour tout le monde, loin s’en faut mais ses partis pris le rendent attachant. Avec son équipement généreux et son comportement dynamique, c’est aussi une très bonne alternative aux SUV européens. D’ailleurs, un BMW X6 équivalent (xDrive30d 245 ch Luxe) est affiché à 81 400 € une fois doté d’options comparables aux équipements du FX30dS Premium. L’Infiniti affiche un prix catalogue inférieur de 18% à son homologue allemand. On finirait presque par qualifier le FX30d de choix rationnel. Quoi qu’il en soit, en dépit de son gabarit, de son poids, j’ai particulièrement apprécié ses 4 roues directionnelles, ses caméras de stationnement et ses sièges chauffants et climatisés. Et puis, il faut avouer qu’il a de l’allure. Tout japonais qu’il est, l’Infiniti FX est peut-être un des SUV américains les plus sympas du marché.

Cette superbe Peugeot 304 Coupé semble bien petite à côté de l’Infiniti FX…

Photos : Ugo Missana / Eric E.

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